Déclarations de M. Michel Barnier, ministre des affaires étrangères, à son arrivée à l'aéroport et à la Résidence de France, sur les relations franco-algériennes, la relance de la coopération et du partenariat entre les deux pays, et la contribution des Français résidant en Algérie au rayonnement de la France, Alger le 12 juillet 2004.

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Circonstance : Voyage en Algérie de Michel Barnier, les 12 et 13 juillet 2004

Texte intégral

(Déclaration de Michel Barnier à son arrivée à l'aéroport, à Alger le 12 juillet 2004) :
Je voudrais simplement vous dire, alors que je viens de poser le pied sur la terre d'Algérie, combien je suis heureux de cette première visite comme ministre français des Affaires Etrangères et en même temps ému de cette occasion de venir personnellement à la rencontre des dirigeants et du peuple algérien, heureux de retrouver mon collègue Belkhadem que je connais déjà. Nous nous sommes rencontrés il y a quelques semaines à Dublin pour des réunions importantes entre les ministres des deux rives de la Méditerranée. Je suis à la fois heureux et honoré d'être reçu demain par le président Bouteflika. C'est peu de dire que nos pays ont une histoire partagée, c'est peu de dire qu'ils ont une proximité, des liens définitifs en raison de l'histoire, en raison de la géographie, en raison de la culture, en raison de l'économie aussi et, d'abord et surtout, en raison des hommes et des femmes d'Algérie et de France. Je suis très heureux de venir travailler avec les dirigeants de ce pays, pour mettre en oeuvre ce que nos deux chefs d'Etats ont décidé de faire : un partenariat exceptionnel, durable, une nouvelle étape dans l'histoire de nos deux pays et - comme ministre des Affaires étrangères, et avant que ne viennent dans quelques jours, quelques semaines, le ministre de l'Economie et des Finances et le ministre de la Défense - donner un contenu concret et positif à ce partenariat entre l'Algérie et la France.
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 19 juillet 2004)
(Déclaration de Michel Barnier à la Résidence de France, à Alger le 12 juillet 2004) :
Mesdames, Messieurs,
Chers Amis, Chers Compatriotes,
Je suis très heureux de ce moment particulier entre nous dans cette résidence et de pouvoir vous dire quelques mots. C'est ma première visite en Algérie comme ministre des Affaires Etrangères de la France et j'ai tenu en arrivant, il y a à peine quelques dizaines de minutes, à ce que nous puissions avoir ce moment amical et convivial pour que je vous connaisse mieux et que je vous écoute aussi. Vous me permettrez de saluer en particulier nos délégués au Conseil supérieur des Français à l'étranger, Jean Donet, Radja Rahal, Karim Dendane et Taric Boucebci qui m'expliqueront peut-être un certain nombre de préoccupations qu'ils portent avec beaucoup de ténacité au Conseil supérieur. Je suis heureux également de vous dire que je suis accompagné de deux parlementaires français qui sont ici : Eric Raoult, ancien ministre et Jean-Claude Guibal, tous les deux députés à l'Assemblée nationale et vice-présidents du groupe d'amitié France-Algérie.
Vous me permettrez de dire, à vous qui représentez et qui faites partie de cette communauté française ici, et, peut-être de manière plus particulière à l'équipe de l'ambassade, que nous avons vécu avec vous le drame de la disparition brutale de notre ambassadeur Daniel Bernard. Il y a quelques jours au Quai d'Orsay en recevant, comme c'est la tradition, tous les agents de ce grand ministère que j'ai l'honneur d'animer depuis maintenant à peine trois mois, j'ai tenu à saluer sa mémoire, puisqu'il fut, jusqu'au dernier moment, l'un de nos plus grands ambassadeurs. Je voudrais, en pensant à lui et à tous ceux qui l'ont servi ici, qui ont servi la France à ses côtés en particulier vous-même Monsieur le Chargé d'Affaires, Gilles Bonnaud, vous remercier d'avoir en cette période douloureuse, très particulière et très rare pour une ambassade, animé cette ambassade avec ténacité et beaucoup de disponibilité. Vous savez, je peux vous le confirmer, vous allez retrouver ici, pour représenter notre pays, un homme qui connaît bien l'Algérie et qui l'aime, je crois que vous l'aviez apprécié, Hubert Colin de Verdière est actuellement le Secrétaire général du Quai d'Orsay, mais il va revenir, comme ambassadeur de France, dans quelques jours.
Les relations entre nos deux pays sont très particulières, marquées par une histoire partagée qui fut, pendant de longs moments, douloureuse et aussi par une formidable proximité humaine. Je peux le voir tout simplement parce que, moi-même, je suis un homme politique assez ancien - les cheveux blancs en témoignent - par tous ces échanges et ces souvenirs, encore une fois parfois douloureux entre nos deux peuples, et les citoyens de nos deux pays. Nous avons donc des sentiments très forts dont vous pouvez porter témoignage dans notre histoire comme dans celle de la communauté algérienne en France. Et je sais, beaucoup me l'ont dit, y compris depuis que je suis arrivé, l'attachement des Français pour ce pays, non seulement de la part de ceux qui ont dû le quitter dans le déchirement, mais bien au-delà, la solidarité des Français pendant la très sombre décennie des années 90, au moment de la catastrophe naturelle qui a montré que les drames en Algérie étaient ressentis franchement chez nous, en France, comme ceux qui touchent un pays ami très proche. Nous avons aussi, c'est peu de le dire, l'apport des Algériens à la France dans la littérature, la musique, le cinéma, la politique et le sport naturellement. Voilà qui justifie pour le gouvernement, pour le président de la République, qui est venu deux fois en peu de temps, et sans parler des ministres, de part et d'autre, qui sont nombreux à animer ce partenariat et ces échanges à très haut niveau que nous voulons faire vivre dans la vie quotidienne. Les uns et les autres, vous êtes au premier rang de ce partenariat et de cette volonté d'accroître la coopération dans beaucoup de domaines.
Je voudrais, puisque j'en ai l'occasion, citer quelques exemples concrets de ce que va être ce nouveau partenariat et cette coopération relancée au niveau politique, économique, culturel, humain et naturellement dans le travail des entreprises. Trois nouveaux accords de coopération seront signés demain dans les domaines très concrets : l'eau, le risque sismique, la recherche archéologique. Il y a le projet bien avancé de l'école supérieure des Affaires et celui du Haut Conseil universitaire et de recherche. Je suis accompagné du professeur Girard qui dirige l'Institut de Recherche et de Développement qui travaille sur ces sujets de recherche "systémique", sur l'eau en particulier.
Deuxième exemple, deuxième preuve de cette relance, la réouverture à l'automne 2004 du Centre culturel de Constantine, puis celui de Tlemcen en 2005.
Troisième axe, l'intensification de nos échanges économiques, puisque nous sommes le premier partenaire commercial de l'Algérie. La signature récente de grands contrats pour Airbus et Alstom, sont la preuve de ce dynamisme, je voudrais d'ailleurs avant que Nicolas Sarkozy vienne à nouveau le 27 juillet travailler sur ce sujet, saluer les entrepreneurs français qui ont choisi de s'implanter ici et saluer, à travers le président Caffarelli, la ténacité, y compris dans les moments difficiles, de la chambre française de Commerce et d'Industrie en Algérie. Le partenariat existe dans la vie économique et culturelle, je viens d'en donner quelques exemples, mais aussi dans les moments difficiles que traversent des peuples, il y en a eu beaucoup ici, y compris ceux auxquels je suis sensible, puisque j'ai été ministre de l'Environnement. Il m'est arrivé d'écrire plusieurs livres sur ces sujets de catastrophes naturelles, je pense aux inondations de Bab-el-Oued, au séisme de Boumerdès. Je voudrais, d'ailleurs, rendre hommage à ceux d'entre vous, agents de l'Etat ou représentants du secteur privé et associatif qui, sur le terrain, ont été concrètement solidaires de nos amis Algériens dans ces moments difficiles.
Il faut, dans les axes que je viens de citer, aller plus loin, consolider et faire vivre ce partenariat franco-algérien avec son temps, et c'est sur cette base que les deux chefs d'Etat ont ouvert toutes ces nouvelles perspectives et celles de ce partenariat, d'exception ont-ils dit, au coeur de l'espace euroméditerranéen.
Vous le savez, je viens de passer cinq ans au coeur de l'exécutif européen, comme l'un des commissaires européens, sans cesser d'être patriote, passionnément Français et je vais également tenter d'apporter cette valeur ajoutée au partenariat franco-algérien, puisque mon idée dans un certain nombre de domaines, et notamment dans le dialogue entre les deux rives de la Méditerranée, est de mutualiser une partie de nos politiques nationales pour leur donner un effet de levier plus important et une efficacité plus grande. C'est vrai du dialogue euro-mediterranéen de part et d'autre de la Méditerranée. C'est également vrai, par exemple, pour les défis - et ils sont considérables - du continent africain en général. Mon opinion est que les pays européens auraient tort de continuer à avoir des politiques nationales juxtaposées quand elles ne sont pas concurrentes. Au contraire, il est nécessaire, pour beaucoup de raisons, de les mutualiser. Cela ne veut pas dire les fusionner intégralement. Nous gardons nos liens, singuliers eux aussi, avec beaucoup de pays d'Afrique. Mais je pense que face à l'ampleur de ces défis, beaucoup de raisons militent pour cette forme de mutualisation. Et donc je vais essayer d'aider aussi l'Algérie dans ce dialogue, qui doit être particulier avec l'Union Européenne.
Voilà dans quel esprit je vais travailler demain avec le président Bouteflika ou en rencontrant, ce soir et demain, mon collègue et ami M. Belkhadem, avec tous ses collaborateurs, afin de construire concrètement le contenu du futur traité d'amitié entre nos deux pays.
Je voudrais terminer en vous disant quelques mots de cette communauté français que vous représentez et dont j'ai compris la formidable expansion en quelques années : triplement en trois ans, notamment grâce à la présence importante de double nationaux, qui reviennent contribuer au développement de l'Algérie, à l'action, à la présence de beaucoup d'expatriés du secteur public et privé. Tout cela témoigne de la proximité humaine entre nos deux pays et, probablement avec cette proximité, d'une confiance revenue durablement, je le pense, dans l'avenir de l'Algérie. Voila pourquoi, s'il y a confiance, s'il y a une confiance durable, il faut naturellement traiter dans la durée et sérieusement un certain nombre de problèmes auxquels, permettez-moi de vous le dire, et je le dis aux représentants de cette communauté française au Conseil supérieur des Français à l'étranger, le ministre français des Affaires Etrangères y sera personnellement attentif à la tête du Quai d'Orsay. Il faut traiter dans la durée ces problèmes, comme par exemple faire vivre ce nouveau lycée Alexandre Dumas d'Alger qui accueille près de 550 élèves. J'ai été moi-même parent d'élèves d'un lycée français à l'étranger, si je puis dire, vivant moi aussi à l'étranger mais plus près de Paris pendant les cinq dernières années, et je resterai donc attaché à cette exigence de qualité, partout où nous trouvons de bons établissements. Je visiterai d'ailleurs demain le lycée Alexandre Dumas en même temps que je féliciterai l'équipe pédagogique pour les excellents résultats du baccalauréat. Je suis également le père d'un garçon qui vient de réussir son bac. Il y a des choses qui sont positives, des étapes qui sont franchies, il y a aussi des problèmes.
Nous allons en parler et j'ai compris, que parmi ces problèmes il y a l'inquiétude en particulier de nos 3.800 compatriotes de l'Ouest algérien qui souffrent de l'éloignement de leur représentation consulaire, malgré les audiences mensuelles. Je ne vais pas vous cacher que nous avons eu - j'espère que nous nous en sortirons grâce à la solidarité vigilante du Parlement lors du prochain budget - des difficultés budgétaires qui ont retardé la réouverture du consulat général d'Oran. Nous mettons tout en uvre pour aboutir à régler cette question, à l'horizon de la fin 2005. Et je veillerai à ce que ce délai ne soit pas retardé.
Solidarité aussi, je vais être attentif aux problèmes de nos compatriotes qui vivent des situations personnelles difficiles. Voilà pourquoi nous avons maintenu les moyens de l'assistance sociale consulaire et voilà pourquoi je veux rendre un hommage particulier aux associations qui prennent en charge nos compatriotes les plus isolés ou les plus démunis. L'association de Solidarité d'Alger, l'association de Bienfaisance d'Oran, la société Saint-Vincent de Paul d'Alger d'Oran et les Petites soeurs des pauvres d'Annaba et d'Oran. Sans doute j'en ai oublié, mais je prends le risque de citer celles-ci en les remerciant comme les autres. Un problème que le ministre des Affaires Etrangères suit également personnellement à la demande du président de la République, c'est celui de la sécurité des communautés françaises ici et ailleurs. Beaucoup de nos communautés sont inquiètes et c'est le cas ici, même si les choses vont mieux, c'est le cas au sud, en Côte d'Ivoire en ce moment, c'est le cas en Arabie saoudite. Nous ne négligeons rien pour accroître le degré de sécurité, de protection, de précaution et c'est un dossier que je continuerai de suivre personnellement en recommandant qu'on ne baisse pas la garde, qu'on reste serein, avec le sang froid qui vous a caractérisé, et aussi beaucoup de vigilance comme vous en avez fait la preuve.
Voilà, au-delà de ces projets, au-delà de ces difficultés et préoccupations, il reste aussi, je veux le dire en conclusion, le travail de mémoire qui est engagé avec les autorités algériennes dont je veux d'ailleurs remercier l'engagement et l'implication, avec deux projets importants. D'abord, le plan d'action et de coopération pour les cimetières français en Algérie. Je comprends que le recensement des sépultures a été effectué avec les autorités algériennes, que des propositions de travaux d'entretien, de regroupements leur ont été présentées. Je sais que des collectivités locales françaises, mais aussi des hommes, des femmes, des particuliers ont été invités à porter leur contribution à un fonds de concours, et je veux, à ce sujet, remercier la région Provence-Alpes-Côte d'Azur, la mairie de Bordeaux, qui ont été les premières à répondre à la mise en oeuvre de ce plan. Il y a aussi la numérisation informatique des actes d'état-civil établis en Algérie avant 1962, qui devrait faciliter les démarches pour les Français nés dans ces anciennes colonies.
Je voudrais enfin vous remercier de votre attention, en vous exprimant, Mesdames et Messieurs, chers Amis et chers Compatriotes, ma reconnaissance personnelle pour ce que vous faites, y compris et souvent dans des conditions difficiles ici et dans l'ensemble des régions d'Algérie, pour porter haut et loin l'image, le rayonnement de notre pays. En arrivant au Quai d'Orsay il y a trois mois, lorsque Dominique de Villepin m'a passé le relais, j'ai tenu à dire que c'était une grande chance, un véritable honneur pour un homme politique d'être placé à la tête du ministère des Affaires étrangères, mais qu'au-delà, et avec les fonctionnaires - près de 10.000 qui servent la France dans l'administration de ce ministère à Paris et dans les postes consulaires ou diplomatiques, culturels -, le rayonnement de la France, l'image de notre pays sont également portés par près de deux millions de Français vivant à l'étranger. Vous êtes de ceux-là, et voilà pourquoi je voulais vous remercier et, en conclusion, vous dire, parce qu'il me l'a demandé, le salut personnel, affectueux du président de la République Jacques Chirac et du Premier ministre. Merci de votre attention.
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 19 juillet 2004)