Interview de M. Bruno Gollnisch, délégué général du Front national, à "RTL le 21 septembre 2004, sur les querelles de personnes au sein du Front national, et sa position sur la "corsisation des emplois".

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Média : Emission L'Invité de RTL - RTL

Texte intégral

Q- Bonjour B. Gollnisch. On pensait que le bureau politique du Front National, qui était réuni hier après-midi, évoquerait des sanctions contre J. Bompard et M.-F. Stirbois, qui ont beaucoup critiqué J.- M. Le Pen et M. Le Pen durant ces dernières semaines. Et puis une dépêche de l'AFP hier soir, 19 h 47, dit : "J.-M. Le Pen esquive l'épreuve de force". C'est vrai ?
R- Non, J.-M. Le Pen a décidé de saisir une formation beaucoup restreinte, qui est le bureau exécutif, qui s'est réuni il y a une semaine à peu près, qui a entendu nos deux camarades, et qui a décidé de mettre l'affaire en délibéré dans l'attente d'informations complémentaires. Et la décision finale devrait intervenir je pense la semaine prochaine. Voilà.
Q- Ils seront sanctionnés Jacques Bompard et Marie-France Stirbois ?
R- Ecoutez je ne peux pas préjuger de ce que sera la décision. Ce qui est certain c'est qu'il y a eu des propos malheureux, qu'on doit aussi prendre en compte évidemment le travail qu'ils ont fait, leur ancienneté dans nos rangs. Moi je fais confiance au président. Je crois que le Front National doit rester indiscutablement une structure hiérarchique, c'est la condition de sa survie. A mon modeste niveau, je m'efforce de contribuer autant que faire ce peut à l'apaisement.
Q- C'est J.-M. Le Pen qui prendra la décision la semaine prochaine ?
R- on, enfin pas tout seul en tout cas, il a décidé encore une fois de réunir le bureau exécutif qui comprend neuf personnes.
Q- Et c'est donc la semaine prochaine qu'on saura, selon votre voeu... quoi ? Que J. Bompard et M.-F. Stirbois soient suspendus du bureau politique ? Exclus du bureau politique ? Vous êtes un dirigeant politique. Qu'est-ce que vous souhaitez, vous,
B. Gollnisch ?
R- C'est la semaine prochaine que l'on saura. Je souhaite que l'autorité du président soit confirmée. Je souhaite que le Front National reste une formation hiérarchique.
Q- Vous l'avez déjà dit.
R- Et je souhaite que nos amis soient traités malgré tout avec mansuétude, de façon à ce que nous puissions parler, non plus des questions de personnes, mais des questions politiques, car je crois que ce sont celles-là qui intéressent les Français.
Q- On va encore reparler des questions de personnes : si tous ces problèmes se produisent, c'est l'ascension de M. Le Pen qui les a provoqués ? Quels rapports vous entretenez, vous, B. Gollnisch avec M. Le Pen ?
R- J'entretiens de bons rapports avec M. Le Pen. Je n'ai jamais participé à aucune critique contre elle, ni elle, que je sache, à des critiques à mon égard. Par conséquent, je désavoue tout à fait les critiques qui pourraient lui être adressées, et je crois que le problème n'est pas celui de M. Le Pen et celui de B. Gollnisch. Le problème qui est posé c'est celui de M.-F. Stirbois et de J. Bompard. Voilà.
Q- Est-ce que le problème de la succession de J.-M. Le Pen est posé ? L'Express d'hier - vous voyez il y a tous les jours des informations dans les journaux - dit : "J.-M. Le Pen vieillit, il a 76 ans, il souffre", alors je ne sais pas ce que c'est, "d'une cruralgie à la cuisse".
R- Oh c'est un peu une sciatique ça. Ca arrive à des gens très jeunes. Je crois que J.-M. Le Pen est dans une forme absolument exceptionnelle. Si vous l'avez approché je crois Monsieur Aphatie, vous avez pu...
Q- Il est venu ici le 7 septembre.
R- Voilà. Vous avez pu en juger. Quant au fait qu'il vieillisse, je crois que ça nous arrive aussi. Ca vous arrive à vous, ça m'arrive à moi, un petit peu tous les jours. Il sait très bien qu'il n'est pas éternel et le problème de sa succession n'est pas posé.
Q- Il est posé et vous êtes en compétition avec M. Le Pen pour sa succession.
R- Non. Quant à moi, je ne suis pas comme Monsieur Sarkozy. Je ne me rase pas tous les matins - il nous l'a révélé - en me demandant quand je vais remplacer mon patron. Ce que je voudrais quand même signaler, c'est qu'il s'agit de deux camarades qui ont eu des positions tout à fait éminentes évidemment dans notre mouvement, mais enfin quand même, les problèmes du Front National ne sont pas de même va sans doute entrer en rivalité avec le président de la République actuel lors des prochaines présidentielles. Je vous signale également que le Parti socialiste est en train d'exploser sur la question européenne, alors que nous, nous sommes parfaitement unis pour le maintien de l'indépendance et de la souveraineté françaises. Et la conférence de presse de J.-M. Le Pen le 29 septembre prochain, va lancer véritablement cette campagne pour la survie de l'indépendance française. Ca me paraît très important.
Q- On va parler d'autre chose B. Gollnisch...
R- Volontiers.
Q- Par exemple de la "corsisation des emplois". A. Duhamel en a fait sa chronique. La Une du Figaro : "Emploi, le scandale de la préférence corse".
R- Eh bien je pense que ce phénomène est la conséquence de la dégradation de l'Etat et de la disparition de la préférence nationale. La préférence nationale, quoi qu'on en ait dit, est un concept parfaitement légitime. C'est pratiqué par tous les Etats du monde. Sauf en France, en particulier...
Q- Mais vous voulez dire quoi ? Que les Corses ont raison de réclamer la préférence corse ?
R- Eh bien, quand il n'y a plus...
Q- Attendez... Soyons clair, B. Gollnish... La préférence corse, c'est une notion que vous approuvez, ou que vous contestez ?
R- Je vais vous répondre très précisément...
Q- Merci.
R- Quand il n'y a plus de préférence nationale, il y a mécaniquement un repli sur les petites identités, et ça c'est la conséquence de la dégradation de l'Etat. Alors moi je ne suis pas pour la préférence corse, je suis pour la préférence française. Partout, y compris en Corse. Naturellement.
Q- Mais la préférence française, c'est une manière de légitimer la préférence corse. Les nationalistes corses disent : appliquons en Corse quelque chose qui relève d'un particularisme local.
R- Mais c'est ce que je vous dis. Quand l'Etat ne protège plus préférentiellement ses nationaux, ne leur réserve plus l'emploi, laisse partir les usines dans le cadre par exemple des délocalisations, laisse entrer l'immigration massive, les gens se replient sur leurs identités particulières : régionales et autres. Et ça c'est un effet mécanique. Et ça, ça s'appelle "le détricotage et la décomposition de la France". Et quand en plus on veut brader l'indépendance et la souveraineté françaises, ou plus exactement ce qu'il en reste, au profit d'un super "Etat eurocratique" que nous prépare la Constitution européenne, et contre lequel nous allons nous battre, et nous battre avec beaucoup d'ardeur, eh bien il est naturel, il est inévitable - il est très regrettable, mais c'est inévitable - que les gens se replient sur leurs identités particulières.
Q- C'est amusant parce que moi je pensais que la préférence corse ça sonnait agréablement à vos oreilles, que ça ressemblait beaucoup à la préférence nationale.
R- Je vous ai dit ce que j'en pensais : c'est la conséquence inéluctable de la décadence de l'Etat français, qui ne fait plus son travail ! Et ça va s'aggraver avec la Constitution européenne avec l'entrée de la Turquie en Europe. On va avoir la fin de l'indépendance française. On va avoir de nouveaux impôts européens. On va avoir la poursuite du processus d'ouverture des frontières, les délocalisations et les gens vont se replier, ils vont se replier sur leurs régions, ils vont se replier sur leurs ghettos, ils vont se raccrocher à ce à quoi ils peuvent se raccrocher.
Q- Ca c'est la campagne du "non" au référendum. Elle a commencé, vous avez L. Fabius à vos côtés. Un commentaire ?
R- Eh bien je pense que ceci prouve que le "non" peut l'emporter. On sait bien à quelles motivations Monsieur Fabius obéit. Nous, nous lions les deux choses parce qu'elles sont...
Q- Pourquoi vous dites ça ? Il n'est pas sincère d'après vous ?
R- Je crois quand même peut-être que la volonté de se distinguer...
Q- Vous, vous êtes sincère, et lui ne l'est pas !
R- Je crois que la volonté de se distinguer dans la compétition présidentielle avec les autres leaders socialistes joue un rôle. Et en tout cas notre "non" à nous, il n'est pas simplement un "non" à la Constitution européenne, mais aussi à l'adhésion de la Turquie, qui reste un problème considérable sur lequel il faudrait aussi que les autres
leaders politiques s'expriment.
Q- B. Gollnisch, qui n'aime pas la préférence corse, qui préfère la préférence nationale, était l'invité d'RTL ce matin. Bonne journée.
R- Tout à fait. Merci beaucoup, Monsieur Aphatie.
(Source : premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 21 septembre 2004)