Texte intégral
QUESTION.- Jean-Pierre Raffarin promet une session parlementaire plus calme et sans grandes réformes. Vous vous en réjouissez ?
H. MORIN.- Que le Parlement bavarde moins et légifère moins serait une bonne chose. Aujourd'hui, on change trop souvent les textes, sans jamais en supprimer, alors que nos concitoyens ont besoin de stabilité juridique.
Quant aux grandes réformes, il y en a eu très peu depuis deux ans. La seule réforme réelle concernait les retraites, et on a fait seulement la moitié du chemin. Les autres réformes, l'assurance maladie, par exemple, sont des réformes Canada dry.
Beaucoup de questions sont devant nous : réforme de l'Etat et des systèmes publics, de l'Education, etc. Elles ne connaîtront pas de réponses, au moins sous ce gouvernement, compte tenu de la faiblesse de sa légitimité politique.
QUESTION.- Au Parlement, vous avez fait entendre la différence UDF, allant même jusqu'à ne pas voter les budgets. Continuerez-vous sur cette voie ?
H. MORIN.- Notre attitude à l'égard du gouvernement correspond à celle que doit avoir un parlementaire. En deux mots : indépendance d'esprit. Dire que c'est bien lorsque ça l'est. Dire que c'est mal quand c'est la cas. Et proposer au gouvernement des modifications et des améliorations à ses projets.
Aujourd'hui, il n'y a pas d'équilibre entre l'exécutif et le législatif. L'instauration du quinquennat et sa conséquence : la concomitance entre l'élection présidentielle et les législatives, ont pour effet que le Parlement est encore un peu plus que par le passé un théâtre d'ombres.
QUESTION.- Quel regard portez-vous sur le projet de budget 2005 ?
H. MORIN.- Ce projet a un parfum : il favorise ceux qui sont déjà favorisés. La politique étant faite de symboles, c'est le sentiment qu'en retiendront les Français. Or, notre société n'acceptera les évolutions et les transformations nécessaires que si le progrès économique est associé à la justice.
Dans ce budget, il y a des mesures qui, en tant que telles, ne sont pas mauvaises : la suppression de la surtaxe Juppé sur l'impôt sur les sociétés, ou l'exonération des droits de succession jusqu'à 100 000 euros. A l'inverse, d'autres mesures du projet de budget posent problème : la réduction d'impôt sur les emplois familiaux ou la réforme du prêt à taux zéro. Le gouvernement annonce des corrections. Nous les examinerons.
QUESTION.- L'heure a-t-elle sonné, selon vous, d'une participation plus étoffée de l'UDF au gouvernement ?
H. MORIN.- Premièrement, l'idée n'a pas de sens, puisqu'on ne nous a rien proposé. Deuxièmement, comment rentrer dans un gouvernement Raffarin dont on voit bien qu'à court ou moyen terme, il est sur sa fin ? Les Français ne comprendraient pas pour quelles raisons l'UDF, qui s'est opposée au gouvernement Raffarin sur un certain nombre de sujets, y entrerait tout à coup.
Enfin, avec un nouveau Premier ministre, cela ne pourrait se faire que sur la base d'un contrat, d'une politique clairement déterminée et correspondant à ce que l'UDF en attend. Si tel n'était pas le cas, nos concitoyens seraient en droit de se dire : ils sont comme les autres, ils vont à la gamelle.
QUESTION.- Le futur président de l'UMP veut normaliser les relations avec l'UDF. Vous y croyez ?
H. MORIN.- L'UMP est par définition un parti hégémonique, qui estime avoir vocation à incarner la moitié du spectre de la politique française. Donc, ne nous berçons pas trop d'illusions. J'ajoute que la politique du gouvernement n'est pas déterminée au sein de l'UMP, mais sur les orientations du président de la République. Le problème pour l'UDF est moins d'avoir de meilleures relations avec l'UMP que d'être entendue du gouvernement.
QUESTION.- On a parfois l'impression que l'UDF n'existe que pour porter la candidature de son président à l'Elysée
H. MORIN.- Un parti politique qui n'a pas de candidat à l'élection présidentielle n'a plus vocation à exister. Il nous faut donc un candidat qui incarne une attitude et un discours différents de ceux du PS et de l'UMP. Ce candidat naturel, c'est François Bayrou.
L'UDF a aussi vocation à dégager une majorité, au moins relative, à l'Assemblée nationale et donc à avoir des candidats aux législatives dans toutes les circonscriptions.
QUESTION.- Craignez-vous un impact négatif du problème de l'adhésion de la Turquie sur le referendum sur la Constitution européenne ?
H. MORIN.- Si on veut tuer le referendum sur la Constitution, il suffit de s'y prendre comme le gouvernement. C'est-à-dire en n'ayant pas le courage d'affronter clairement le problème sur la Turquie.
Nous demandons un débat parlementaire et un vote avant la réunion du Conseil européen qui doit décider de l'ouverture des négociations d'adhésion. Si le gouvernement continue de dire aux Français : vous vous prononcerez par referendum dans dix ou quinze ans, il ne faudra pas s'étonner que nos concitoyens estiment qu'on leur raconte des histoires. Et ils lieront le referendum sur la Constitution et celui sur la Turquie. Et, à n'en pas douter, la réponse sera un " non " clair et net.
Propos recueillis par Daniel Llobregat
(Source http://www.udf.org, le 13 octobre 2004)
H. MORIN.- Que le Parlement bavarde moins et légifère moins serait une bonne chose. Aujourd'hui, on change trop souvent les textes, sans jamais en supprimer, alors que nos concitoyens ont besoin de stabilité juridique.
Quant aux grandes réformes, il y en a eu très peu depuis deux ans. La seule réforme réelle concernait les retraites, et on a fait seulement la moitié du chemin. Les autres réformes, l'assurance maladie, par exemple, sont des réformes Canada dry.
Beaucoup de questions sont devant nous : réforme de l'Etat et des systèmes publics, de l'Education, etc. Elles ne connaîtront pas de réponses, au moins sous ce gouvernement, compte tenu de la faiblesse de sa légitimité politique.
QUESTION.- Au Parlement, vous avez fait entendre la différence UDF, allant même jusqu'à ne pas voter les budgets. Continuerez-vous sur cette voie ?
H. MORIN.- Notre attitude à l'égard du gouvernement correspond à celle que doit avoir un parlementaire. En deux mots : indépendance d'esprit. Dire que c'est bien lorsque ça l'est. Dire que c'est mal quand c'est la cas. Et proposer au gouvernement des modifications et des améliorations à ses projets.
Aujourd'hui, il n'y a pas d'équilibre entre l'exécutif et le législatif. L'instauration du quinquennat et sa conséquence : la concomitance entre l'élection présidentielle et les législatives, ont pour effet que le Parlement est encore un peu plus que par le passé un théâtre d'ombres.
QUESTION.- Quel regard portez-vous sur le projet de budget 2005 ?
H. MORIN.- Ce projet a un parfum : il favorise ceux qui sont déjà favorisés. La politique étant faite de symboles, c'est le sentiment qu'en retiendront les Français. Or, notre société n'acceptera les évolutions et les transformations nécessaires que si le progrès économique est associé à la justice.
Dans ce budget, il y a des mesures qui, en tant que telles, ne sont pas mauvaises : la suppression de la surtaxe Juppé sur l'impôt sur les sociétés, ou l'exonération des droits de succession jusqu'à 100 000 euros. A l'inverse, d'autres mesures du projet de budget posent problème : la réduction d'impôt sur les emplois familiaux ou la réforme du prêt à taux zéro. Le gouvernement annonce des corrections. Nous les examinerons.
QUESTION.- L'heure a-t-elle sonné, selon vous, d'une participation plus étoffée de l'UDF au gouvernement ?
H. MORIN.- Premièrement, l'idée n'a pas de sens, puisqu'on ne nous a rien proposé. Deuxièmement, comment rentrer dans un gouvernement Raffarin dont on voit bien qu'à court ou moyen terme, il est sur sa fin ? Les Français ne comprendraient pas pour quelles raisons l'UDF, qui s'est opposée au gouvernement Raffarin sur un certain nombre de sujets, y entrerait tout à coup.
Enfin, avec un nouveau Premier ministre, cela ne pourrait se faire que sur la base d'un contrat, d'une politique clairement déterminée et correspondant à ce que l'UDF en attend. Si tel n'était pas le cas, nos concitoyens seraient en droit de se dire : ils sont comme les autres, ils vont à la gamelle.
QUESTION.- Le futur président de l'UMP veut normaliser les relations avec l'UDF. Vous y croyez ?
H. MORIN.- L'UMP est par définition un parti hégémonique, qui estime avoir vocation à incarner la moitié du spectre de la politique française. Donc, ne nous berçons pas trop d'illusions. J'ajoute que la politique du gouvernement n'est pas déterminée au sein de l'UMP, mais sur les orientations du président de la République. Le problème pour l'UDF est moins d'avoir de meilleures relations avec l'UMP que d'être entendue du gouvernement.
QUESTION.- On a parfois l'impression que l'UDF n'existe que pour porter la candidature de son président à l'Elysée
H. MORIN.- Un parti politique qui n'a pas de candidat à l'élection présidentielle n'a plus vocation à exister. Il nous faut donc un candidat qui incarne une attitude et un discours différents de ceux du PS et de l'UMP. Ce candidat naturel, c'est François Bayrou.
L'UDF a aussi vocation à dégager une majorité, au moins relative, à l'Assemblée nationale et donc à avoir des candidats aux législatives dans toutes les circonscriptions.
QUESTION.- Craignez-vous un impact négatif du problème de l'adhésion de la Turquie sur le referendum sur la Constitution européenne ?
H. MORIN.- Si on veut tuer le referendum sur la Constitution, il suffit de s'y prendre comme le gouvernement. C'est-à-dire en n'ayant pas le courage d'affronter clairement le problème sur la Turquie.
Nous demandons un débat parlementaire et un vote avant la réunion du Conseil européen qui doit décider de l'ouverture des négociations d'adhésion. Si le gouvernement continue de dire aux Français : vous vous prononcerez par referendum dans dix ou quinze ans, il ne faudra pas s'étonner que nos concitoyens estiment qu'on leur raconte des histoires. Et ils lieront le referendum sur la Constitution et celui sur la Turquie. Et, à n'en pas douter, la réponse sera un " non " clair et net.
Propos recueillis par Daniel Llobregat
(Source http://www.udf.org, le 13 octobre 2004)