Déclaration de M. Lionel Jospin, Premier ministre, sur les relations entre la France et l'Arabie saoudite, la coopération militaire, culturelle scientifique et technique entre les deux pays et sur leur position commune favorable à une reprise du plan de paix au Moyen orient, Paris le 17 septembre 1998.

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Circonstance : Visite en France de M. Abdallah Ibn Abdul Aziz Al Saoud, prince héritier du royaume d'Arabie saoudite du 16 au 18 septembre 1998

Texte intégral

Altesse,
C'est un honneur et un grand plaisir de vous recevoir ici ce soir et de saluer en votre personne un grand pays ami, acteur important de la vie internationale, pôle de stabilité et de référence dans une région souvent troublée.
Votre visite, très souhaitée et attendue, s'inscrit dans une longue suite de contacts entre les responsables de nos deux pays, unis de longue date par des relations privilégiées. Il y a un peu plus de deux ans le Président de la République était chaleureusement reçu à Djeddah par sa Majesté le Roi Fahd et par vous même, Altesse. L'année 1997 a été marquée par la venue à Paris de vos frères, les Princes Sultan et Salman. Le ministre des affaires étrangères, M. Védrine, le ministre de la défense, M. Richard et le secrétaire d'Etat au commerce extérieur, M. Dondoux, se sont rendus cette année dans le Royaume pour rencontrer leurs homologues. Je suis heureux que certains d'entre eux soient parmi nous ce soir.
Votre présence à Paris, Altesse, est l'occasion, pour l'Arabie Saoudite et la France, de poursuivre au plus haut niveau une concertation d'autant plus nécessaire que le Moyen-Orient connaît actuellement une situation urgente et grave. Vous avez pu vérifier, au cours de vos entretiens, la large convergence de vues entre nos deux pays sur les problèmes de votre région. La France et l'Arabie Saoudite attachent le même prix à l'instauration au Moyen-Orient d'une paix juste et durable, qui permette à tous les Etats de vivre dans des frontières sûres et reconnues et aux Palestiniens d'exercer leurs droits légitimes, y compris celui de disposer d'un Etat. Vous et nous appelons de nos voeux la reprise du processus de paix, dans toutes ses composantes, y compris les volets syrien et libanais, sur la base des principes posés par la conférence de Madrid. C'est dans cet esprit qu'en mai dernier les Présidents Chirac et Moubarak avaient lancé l'idée d'une conférence internationale réunissant des pays -dont le vôtre- éminemment intéressés à sauver la paix.
Permettez-moi à présent, Altesse, d'évoquer le souvenir de la fraternité d'armes qui lie nos deux pays. En effet, au moment de l'invasion du Koweït, l'Arabie Saoudite et la France ont pris une part active à la coalition internationale qui a libéré ce pays. Le dispositif Daguet avait été, avec votre accord, déployé dans le Royaume. Aujourd'hui, la France y est encore présente, dans un cadre multinational, pour assurer la sécurité du Golfe.
S'agissant de l'Iraq nos échanges ont été, je le crois, très utiles et là encore, nos deux pays se rejoignent. Comme vous le savez, la France n'a cessé d'affirmer que seuls le respect des résolutions du Conseil de sécurité et la coopération sans réserve de Bagdad avec l'ONU sont susceptibles d'ouvrir la voie à la levée des sanctions et à la réintégration au sein de la communauté internationale d'un Iraq qui ne serait plus une menace pour ses voisins et pour la paix dans la région.
Vis-à-vis de l'Iran, nous avons fait, à Riyad comme à Paris, le choix de répondre aux nouvelles ouvertures manifestées par les autorités iraniennes depuis l'élection du Président Khatami. Rétablir un dialogue normal ne pourra que favoriser la réinsertion, souhaitable à tous égards, de ce grand pays dans une zone à la stabilité de laquelle il désire contribuer. C'est à quoi se sont attachées tant la diplomatie saoudienne que la diplomatie française et c'est dans cette perspective que s'est placé le récent voyage de M. Védrine à Téhéran.
Dans le domaine économique, la conjoncture internationale, Vous le savez Altesse, est lourde d'incertitudes. Le Royaume a donné l'exemple en consentant d'importants sacrifices pour enrayer une chute incontrôlée des cours du pétrole, tout aussi préjudiciable aux pays producteurs qu'aux pays consommateurs. Nous avons confiance dans l'avenir du Royaume, dont le gouvernement gère avec sagesse la situation, sans compromettre les projets qui vous tiennent personnellement à coeur, afin d'assurer à vos compatriotes et particulièrement à la jeune génération, éducation, formation, travail et prospérité. Dans cette perspective, les entreprises françaises sont prêtes à mettre à votre disposition leur capacité, leur savoir faire et leur imagination.
Au plan de la sécurité, la France continue de se tenir aux côtés du Royaume, comme elle l'a fait en 1991, à l'heure des périls. La tradition ancienne de coopération entre nos deux pays peut s'épanouir encore davantage à la faveur d'un partenariat stratégique, dont les bases ont été jetées à Djeddah en 1996, et dont nous vous avons exposé notre vision. Il s'agit d'inscrire notre dialogue dans la durée, en lui donnant un caractère exhaustif et cohérent.
Notre désir commun de mieux nous connaître et nous apprécier, que votre visite reflète avec éclat, doit aussi se manifester à travers une coopération culturelle, scientifique et technique à laquelle la récente commission mixte a donné un second souffle. En juin dernier, l'exposition "découverte de l'Arabie Saoudite" organisée à l'Institut du Monde Arabe a connu un plein succès, malgré la rude concurrence de la coupe du monde. Aujourd'hui les Parisiens découvrent la jeunesse du Golfe et, parmi elle, la jeunesse saoudienne, à l'occasion du festival culturel du CCEAG organisé dans cette même institution prestigieuse que vous visiterez demain. De telles initiatives sont à encourager.
Il y a bientôt cent ans, et je sais que vous vous préparez à célébrer cet anniversaire, le grand Roi Abdulaziz Ibn Saoud Al Saoud, entrait dans Ryad et fondait par ce geste l'Arabie moderne. Je souhaite profiter de votre passage pour saluer la mémoire de votre père qui a su faire de votre pays façonné par la lumière et le vent un grand royaume écouté et puissant.
Puisse donc l'amitié entre nos deux pays se poursuivre et se développer pour le plus grand bien de nos peuples mais aussi au service de la paix, de la sécurité et de la prospérité internationales.
C'est le souhait que je formule en levant mon verre en l'honneur de votre Altesse et de la délégation qui l'accompagne, tout en formant des voeux pour la santé de votre frère, Sa Majesté le Roi Fahd Ibn Abdelaziz, Gardien des Deux Saintes Mosquées, et pour la poursuite d'un rétablissement que je souhaite rapide et complet.

(source http://www.premier-ministre.gouv.fr, le 31 mai 2001)