Texte intégral
Q- J.-P. Elkabbach-. Le prix du pétrole qui atteignait près de 42 dollars hier le baril, devrait encore monter. Le discours du président Bush sur l'Irak, hier soir, ne changera probablement rien. Sommes-nous déjà dans un nouveau choc pétrolier ?
R - "D'abord, il y a une forte spéculation sur le pétrole dont les experts estiment qu'elle est de l'ordre de 8 à 10 dollars par baril. Donc, qui pousse à cela. Mais de toute façon, il y a une tendance générale à l'augmentation du prix du pétrole par une augmentation de la demande, et une faible résistance de l'offre."
Q-Cela veut dire : le développement économique de la Chine, de l'Inde, cela veut dire...
R - "Voilà. Les Chinois demandent de plus en plus d'énergie, naturellement. Ils font 9 à 10 % de croissance chaque année ; l'Inde aussi décolle, et les réserves pétrolières sont maintenant un peu connues : elles ne sont pas extensibles à l'infini."
Q-Cela va-t-il durer ?
R - "Le prix élevé, oui cela va durer, de l'ordre sans doute de 30 dollars. Mais la spéculation va quand même, à un moment donné, s'arrêter et je salue le courage de l'Arabie Saoudite qui a annoncé qu'elle allait augmenter ses quotas, ce qui devrait quand même dissuader les spéculateurs."
Q-Pensez-vous que les pays de l'OPEP vont en faire autant, vont imiter l'Arabie Saoudite ?
R - "Le problème c'est qu'ils ont beaucoup moins d'élasticité à l'offre que ne l'a l'Arabie Saoudite. Et donc, c'est difficile. Il faut investir pour pouvoir produire davantage."
Q-Mais vous n'avez pas répondu : définissez-vous ce que l'on vit comme un choc pétrolier, avec toutes sortes de conséquences que l'on va voir d'ailleurs ?
R - "C'est un choc larvé, mais c'est un choc et c'est évidemment une préoccupation grave sur la croissance mondiale."
Q-Parce que, cela veut dire qu'il faudrait s'habituer à des produits pétroliers plus chers, y compris de l'essence ?
R - "Oui, il faut s'habituer à des produits durablement plus chers. C'est pour cela que, de ce point de vue là, la France a deux chances : premièrement, l'euro nous a permis quand même d'amortir en partie la hausse du coût, puisque les 20 % c'est autant de moins, le pétrole est libellé en baril. Et deuxièmement le choix du nucléaire, qui a été fait dans les années 1970, a fait que la France a diminué sa dépendance pétrolière d'un tiers depuis 30 ans."
Q-Et donc maintenant, il faudrait, si je vous écoute bien, développer encore
le nucléaire ?
R - "En tous les cas, les autres énergies, les énergies renouvelables, et le nucléaire, comme énergie alternative au pétrole, qui devraient être seulement réservées aux transports parce qu'on n'a pas trouvé autre chose."
Q-La croissance française repartait, vous le disiez tout à l'heure, on espérait près de 2 % pour cette année. La hausse des matières premières, parce qu'il faut le dire aussi, et du pétrole, remet-elle en cause, pénalise-t-elle la reprise économique française ?
R - "Cela n'aide pas, et c'est pour cela que j'espère que la réunion de l'OPEP qui aura lieu le 3 juin à Beyrouth, donc c'est dans pas longtemps, devrait arriver à quand même faire baisser la spéculation qui sévit aujourd'hui."
Q-Mais un baril autour de 30-33 dollars, cela réduit de combien le rythme de notre économie ?
R - "Pour le moment, on considère que c'est de l'ordre de 0,5 point, ce qui est..."
Q-Enorme ?
R - "...ce qui est beaucoup."
Q-C'est-à-dire, que l'on n'atteindrait pas, si cela continue, les 1,7 ou les 2 % de croissance, avec toute les conséquences économiques et sociales ?
R - "Cela a été pris en considération dans les estimations de l'Insee aujourd'hui. Mais malgré tout, on sera pénalisés."
Q-Les transporteurs routiers ont alerté Matignon, et peut-être vous, à Bercy. Si le choc pétrolier se confirme, comment les aiderez-vous ?
R - "Le problème, là aussi, est européen. Parce que, la directive de Bruxelles prévoit une harmonisation du prix du gasoil pour les transporteurs. Et nous, nous sommes déjà pratiquement au taquet, c'est-à-dire à la base, pour que nous soyons en harmonie avec les autres pays européens. Donc, on ne peut faire cela qu'avec Bruxelles, c'est assez compliqué."
Q-On pourrait aussi vous demander pourquoi la France n'accepte pas des stocks stratégiques à l'échelle de l'Europe ?
R - "C'est une bonne idée, mais, un, cela coûte très cher, il faut des investissements, et deuxièmement, si en ce moment on augmentait nos stocks stratégiques, on augmenterait la demande et on ferait encore monter davantage le pétrole. C'est pourtant ce que font les Américains et c'est assez critique."
Q-En ce moment ils le font ?
R - "En ce moment, ils augmentent leurs stocks stratégiques et ils font augmenter leurs prix."
Q-Alstom, M. Monti vient de vous avertir que la Commission de Bruxelles n'a donné qu'un accord conditionnel à Paris-Bercy. Elle n'a pas encore dit "oui". Alors ?
R - "Oui, non... Simplement, parce que nous en sommes au détail du plan. Nous nous sommes mis d'accord sur les principes et nous en sommes à la réalisation des détails."
Q-Elle vous a demandé des compensations. Lesquelles allez-vous donner avec Alstom, ce matin, parce qu'il faut donner des précisions ?
R - "La Commission nous a demandé de céder sur le marché, à qui nous voulons, une partie du chiffre d'affaires d'Alstom, de l'ordre d'1,5 milliard d'euros."
Q-Que va céder Alstom ?
R - "Voilà, c'est cela qui est en discussion aujourd'hui. Ce que nous voulons céder, c'est ce qui ne porte pas atteinte à la viabilité de l'entreprise. Notre objectif, c'est d'éviter le démantèlement de la société et de lui permettre de refaire ses forces. Pour cela, il faut choisir habilement, dans l'intérêt de l'entreprise, ce que l'on va céder. Et on est en train de faire ce travail qui est un travail délicat."
Q-Et cela concerne des milliers de personnes et d'emplois ?
R - "Bien entendu. Nous avons obtenu justement la préservation de nos emplois. Là, M. Monti a été convenable."
Q-Quand vous dites "le démantèlement d'Alstom", est-ce que l'entrée de Siemens, l'Allemand - il y a une pression sur les Français par les Allemands - serait-ce un début de démantèlement, ou considéré comme un début de démantèlement ?
R - "Cela dépend des accords qui sont passés. Mais de toute façon, cela, c'est la stratégie de l'entreprise. Ce n'est pas à l'Etat de diriger Alstom, nous essayons de le sauver et de permettre à l'entreprise de revenir à une meilleure situation. Mais ce sont les dirigeants de l'entreprise qui choisissent leur stratégie."
Q-L'accord est-il pour bientôt ? Le vrai accord ?
R - "Oui, bien entendu. Mais on a fait l'essentiel, c'est-à-dire, que l'on a défini le périmètre de l'accord."
Q-Oui mais à Paris il y a un langage et à Bruxelles un autre...
- "Mais parce qu'à Bruxelles on est impatient..."
Q-Avec raison....
R - "...de voir apparaître... Oh, on a quand même encore un petit peu de temps, la France respectera ses engagements. Mais nous voulons sauver l'entreprise et donc le diable est dans les détails, comme toujours. Et donc le choix qui sera fait des sites qui seront cédés, des activités qui seront cédées c'est capital pour l'avenir de l'entreprise."
Q-Vous avez lancé un avertissement, apparemment entendu, sur la baisse des tarifs de SMS. Dans quels délais voulez-vous voir baisser ces tarifs ?
R - "Le plus rapidement possible. Mais au moment où j'en ai parlé, j'avais dit trois mois. Je constate d'ailleurs que les choses avancent bien."
Q-Quel est le juste prix ?
R - "C'est le marché qui doit le dire ce n'est pas le ministre, on n'est pas dans un système de prix administrés."
Q-Oui... Comme vous intervenez...
R - "J'ai observé simplement que le prix était très élevé et que quand on a des marges, dont certains reconnaissent qu'elles peuvent être de 100 %, eh bien le consommateur en fait les frais. J'ai souhaité qu'il y ait davantage de concurrence, et je vois que, d'ores et déjà, il y en a davantage. Je pense qu'on va avoir encore des baisses."
Q-A moins de 15 ?
R - "J'en suis convaincu."
Q-Bouygues Télécom porte plainte ce matin - vous avez lu Le Figaro - contre Orange et SFR, pour abus de position dominante, et l'Etat, dit G. Pélisson, fausse le jeu, parce que vous avantagez trop Orange et France Télécom.
R - "Bouygues Télécom est le plus petit opérateur du marché, on ne peut pas l'accuser d'une position dominante. Et ce qui est vrai aussi, c'est que France Télécom est l'ancien opérateur historique, et que de ce fait il y a des avantages naturels qui viennent de l'histoire. Mais l'Etat s'efforce d'être le plus objectif possible, bien qu'il soit actionnaire, et l'ART, l'Autorité de régulation, y veille. Alors certains trouvent qu'elle n'est pas assez sévère, mais enfin les choses se mettent en place progressivement."
Q-J'aurais tort d'oublier que vous êtes un politique et que vous êtes proche de N. Sarkozy. J.-P. Raffarin expliquait l'autre jour que le Premier ministre doit présider l'UMP et que, s'il est, lui, en novembre, Premier ministre, la présidence lui reviendra. C'est une bonne idée ?
R - "Ce que je souhaite en tous les cas, c'est qu'il y ait une vie démocratique très active à l'UMP parce que nous souffrons de son atonie. L'UMP aujourd'hui, ne joue pas son rôle. Elle ne joue pas son rôle, dans la mesure où elle ne sert pas de bouclier au Gouvernement contre l'opposition, qu'elle n'a pas de force de proposition, qu'il n'y a pas de bouillonnement démocratique...."
Q-Et la réponse à ma question ?
R - "La réponse à votre question, c'est que dans tous les pays démocratiques, le chef du parti majoritaire devient Premier ministre. De ce point de vue-là, le Premier ministre a raison. Mais il commence en général par se faire élire président du parti qui devient éventuellement majoritaire. C'est d'ailleurs ce qui se passe sous la cohabitation, et ensuite il devient Premier ministre."
Q-Donc, il faudrait poser le problème à l'envers : prendre le parti pour être Premier ministre ?
R - "Si on prend la référence des grandes démocraties occidentales, cela se passe dans ce sens là ? Et cela donne lieu d'ailleurs à une vie démocratique bouillonnante, et c'est ce qui fait la force de ces partis politiques. Je pense que l'atonie malheureuse de l'UMP, qui nous a valu quelques déboires aux dernières élections, est due à cette insuffisance de compétition."
Q-Cela veut dire que le choix pour N. Sarkozy c'est de se faire élire d'abord par les militants, président de l'UMP ?
- "Je pense qu'il vaut mieux se faire élire président de l'UMP que d'y être nommé."
Q-Donc, il faut que le prochain président soit élu et pas nommé, c'est cela ?
R - "Il faut qu'il y ait une vraie compétition. D'ailleurs je vois qu'elle va avoir lieu, parce que plusieurs personnalités ont déjà annoncé qu'elles étaient intéressées ou laissé entendre qu'elles pourraient y aller. Et je suis convaincu qu'il y aura une vraie compétition et c'est la plus grande chance de l'UMP."
Q-Pourquoi Bercy ressemble aujourd'hui à une forteresse qui a repéré les futures assaillants et qui sera bientôt assiégée ?
R - "Non, il ne faut pas se laisser tromper par les bâtiments qui ont été conçus par un architecte qui voyait cela comme la Bastille. L'état d'esprit de ceux qui y sont en ce moment n'est pas du tout, ni une mentalité d'assiégés, ni une mentalité de conquérants."
Q-Ceux qui sont dedans ?
R - "On nous reproche plutôt d'en sortir trop en général. J'ai remarqué que les reproches étaient envers N. Sarkozy d'être partout, et..."
Aujourd'hui, N. Sarkozy est à Londres avec T. Blair.
R - "Donc, il n'est pas du tout assiégé."
Q-Mais depuis le séminaire du Gouvernement sur le budget, on ne peut pas nier que l'on voit briller, en tout cas dans vos milieux, la lame des épées ? Cela ne peut plus...
R- "Non, ce que je crois, c'est que chacun est dans son rôle. Pour le moment, la vocation du ministre des Finances, c'est de limiter la dépense publique - c'est vital pour notre pays - et chaque ministre défend son pré carré, parce qu'il en a besoin pour faire fonctionner son ministère. C'est un jeu classique. Cette année, cela prend un peu plus d'acuité politique parce qu'il y a des enjeux électoraux à venir, mais c'est quelque chose de normal et puis le Premier ministre fera ses arbitrages. Il est là pour cela."
Q-Vous savez qu'aujourd'hui c'est l'opération "Immeuble en fête" : on fait la fête avec ses voisins. Alors, allez faire la fête avec... je ne sais pas ? D. De Villepin, Borloo, etc., etc., etc...
R- "Mais nous nous entendons beaucoup mieux que certains ne le croient."
Alors, vous allez boire un pot ensemble ce soir. Bonne journée et bon verre.
(Source : premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 26 mai 2004)
R - "D'abord, il y a une forte spéculation sur le pétrole dont les experts estiment qu'elle est de l'ordre de 8 à 10 dollars par baril. Donc, qui pousse à cela. Mais de toute façon, il y a une tendance générale à l'augmentation du prix du pétrole par une augmentation de la demande, et une faible résistance de l'offre."
Q-Cela veut dire : le développement économique de la Chine, de l'Inde, cela veut dire...
R - "Voilà. Les Chinois demandent de plus en plus d'énergie, naturellement. Ils font 9 à 10 % de croissance chaque année ; l'Inde aussi décolle, et les réserves pétrolières sont maintenant un peu connues : elles ne sont pas extensibles à l'infini."
Q-Cela va-t-il durer ?
R - "Le prix élevé, oui cela va durer, de l'ordre sans doute de 30 dollars. Mais la spéculation va quand même, à un moment donné, s'arrêter et je salue le courage de l'Arabie Saoudite qui a annoncé qu'elle allait augmenter ses quotas, ce qui devrait quand même dissuader les spéculateurs."
Q-Pensez-vous que les pays de l'OPEP vont en faire autant, vont imiter l'Arabie Saoudite ?
R - "Le problème c'est qu'ils ont beaucoup moins d'élasticité à l'offre que ne l'a l'Arabie Saoudite. Et donc, c'est difficile. Il faut investir pour pouvoir produire davantage."
Q-Mais vous n'avez pas répondu : définissez-vous ce que l'on vit comme un choc pétrolier, avec toutes sortes de conséquences que l'on va voir d'ailleurs ?
R - "C'est un choc larvé, mais c'est un choc et c'est évidemment une préoccupation grave sur la croissance mondiale."
Q-Parce que, cela veut dire qu'il faudrait s'habituer à des produits pétroliers plus chers, y compris de l'essence ?
R - "Oui, il faut s'habituer à des produits durablement plus chers. C'est pour cela que, de ce point de vue là, la France a deux chances : premièrement, l'euro nous a permis quand même d'amortir en partie la hausse du coût, puisque les 20 % c'est autant de moins, le pétrole est libellé en baril. Et deuxièmement le choix du nucléaire, qui a été fait dans les années 1970, a fait que la France a diminué sa dépendance pétrolière d'un tiers depuis 30 ans."
Q-Et donc maintenant, il faudrait, si je vous écoute bien, développer encore
le nucléaire ?
R - "En tous les cas, les autres énergies, les énergies renouvelables, et le nucléaire, comme énergie alternative au pétrole, qui devraient être seulement réservées aux transports parce qu'on n'a pas trouvé autre chose."
Q-La croissance française repartait, vous le disiez tout à l'heure, on espérait près de 2 % pour cette année. La hausse des matières premières, parce qu'il faut le dire aussi, et du pétrole, remet-elle en cause, pénalise-t-elle la reprise économique française ?
R - "Cela n'aide pas, et c'est pour cela que j'espère que la réunion de l'OPEP qui aura lieu le 3 juin à Beyrouth, donc c'est dans pas longtemps, devrait arriver à quand même faire baisser la spéculation qui sévit aujourd'hui."
Q-Mais un baril autour de 30-33 dollars, cela réduit de combien le rythme de notre économie ?
R - "Pour le moment, on considère que c'est de l'ordre de 0,5 point, ce qui est..."
Q-Enorme ?
R - "...ce qui est beaucoup."
Q-C'est-à-dire, que l'on n'atteindrait pas, si cela continue, les 1,7 ou les 2 % de croissance, avec toute les conséquences économiques et sociales ?
R - "Cela a été pris en considération dans les estimations de l'Insee aujourd'hui. Mais malgré tout, on sera pénalisés."
Q-Les transporteurs routiers ont alerté Matignon, et peut-être vous, à Bercy. Si le choc pétrolier se confirme, comment les aiderez-vous ?
R - "Le problème, là aussi, est européen. Parce que, la directive de Bruxelles prévoit une harmonisation du prix du gasoil pour les transporteurs. Et nous, nous sommes déjà pratiquement au taquet, c'est-à-dire à la base, pour que nous soyons en harmonie avec les autres pays européens. Donc, on ne peut faire cela qu'avec Bruxelles, c'est assez compliqué."
Q-On pourrait aussi vous demander pourquoi la France n'accepte pas des stocks stratégiques à l'échelle de l'Europe ?
R - "C'est une bonne idée, mais, un, cela coûte très cher, il faut des investissements, et deuxièmement, si en ce moment on augmentait nos stocks stratégiques, on augmenterait la demande et on ferait encore monter davantage le pétrole. C'est pourtant ce que font les Américains et c'est assez critique."
Q-En ce moment ils le font ?
R - "En ce moment, ils augmentent leurs stocks stratégiques et ils font augmenter leurs prix."
Q-Alstom, M. Monti vient de vous avertir que la Commission de Bruxelles n'a donné qu'un accord conditionnel à Paris-Bercy. Elle n'a pas encore dit "oui". Alors ?
R - "Oui, non... Simplement, parce que nous en sommes au détail du plan. Nous nous sommes mis d'accord sur les principes et nous en sommes à la réalisation des détails."
Q-Elle vous a demandé des compensations. Lesquelles allez-vous donner avec Alstom, ce matin, parce qu'il faut donner des précisions ?
R - "La Commission nous a demandé de céder sur le marché, à qui nous voulons, une partie du chiffre d'affaires d'Alstom, de l'ordre d'1,5 milliard d'euros."
Q-Que va céder Alstom ?
R - "Voilà, c'est cela qui est en discussion aujourd'hui. Ce que nous voulons céder, c'est ce qui ne porte pas atteinte à la viabilité de l'entreprise. Notre objectif, c'est d'éviter le démantèlement de la société et de lui permettre de refaire ses forces. Pour cela, il faut choisir habilement, dans l'intérêt de l'entreprise, ce que l'on va céder. Et on est en train de faire ce travail qui est un travail délicat."
Q-Et cela concerne des milliers de personnes et d'emplois ?
R - "Bien entendu. Nous avons obtenu justement la préservation de nos emplois. Là, M. Monti a été convenable."
Q-Quand vous dites "le démantèlement d'Alstom", est-ce que l'entrée de Siemens, l'Allemand - il y a une pression sur les Français par les Allemands - serait-ce un début de démantèlement, ou considéré comme un début de démantèlement ?
R - "Cela dépend des accords qui sont passés. Mais de toute façon, cela, c'est la stratégie de l'entreprise. Ce n'est pas à l'Etat de diriger Alstom, nous essayons de le sauver et de permettre à l'entreprise de revenir à une meilleure situation. Mais ce sont les dirigeants de l'entreprise qui choisissent leur stratégie."
Q-L'accord est-il pour bientôt ? Le vrai accord ?
R - "Oui, bien entendu. Mais on a fait l'essentiel, c'est-à-dire, que l'on a défini le périmètre de l'accord."
Q-Oui mais à Paris il y a un langage et à Bruxelles un autre...
- "Mais parce qu'à Bruxelles on est impatient..."
Q-Avec raison....
R - "...de voir apparaître... Oh, on a quand même encore un petit peu de temps, la France respectera ses engagements. Mais nous voulons sauver l'entreprise et donc le diable est dans les détails, comme toujours. Et donc le choix qui sera fait des sites qui seront cédés, des activités qui seront cédées c'est capital pour l'avenir de l'entreprise."
Q-Vous avez lancé un avertissement, apparemment entendu, sur la baisse des tarifs de SMS. Dans quels délais voulez-vous voir baisser ces tarifs ?
R - "Le plus rapidement possible. Mais au moment où j'en ai parlé, j'avais dit trois mois. Je constate d'ailleurs que les choses avancent bien."
Q-Quel est le juste prix ?
R - "C'est le marché qui doit le dire ce n'est pas le ministre, on n'est pas dans un système de prix administrés."
Q-Oui... Comme vous intervenez...
R - "J'ai observé simplement que le prix était très élevé et que quand on a des marges, dont certains reconnaissent qu'elles peuvent être de 100 %, eh bien le consommateur en fait les frais. J'ai souhaité qu'il y ait davantage de concurrence, et je vois que, d'ores et déjà, il y en a davantage. Je pense qu'on va avoir encore des baisses."
Q-A moins de 15 ?
R - "J'en suis convaincu."
Q-Bouygues Télécom porte plainte ce matin - vous avez lu Le Figaro - contre Orange et SFR, pour abus de position dominante, et l'Etat, dit G. Pélisson, fausse le jeu, parce que vous avantagez trop Orange et France Télécom.
R - "Bouygues Télécom est le plus petit opérateur du marché, on ne peut pas l'accuser d'une position dominante. Et ce qui est vrai aussi, c'est que France Télécom est l'ancien opérateur historique, et que de ce fait il y a des avantages naturels qui viennent de l'histoire. Mais l'Etat s'efforce d'être le plus objectif possible, bien qu'il soit actionnaire, et l'ART, l'Autorité de régulation, y veille. Alors certains trouvent qu'elle n'est pas assez sévère, mais enfin les choses se mettent en place progressivement."
Q-J'aurais tort d'oublier que vous êtes un politique et que vous êtes proche de N. Sarkozy. J.-P. Raffarin expliquait l'autre jour que le Premier ministre doit présider l'UMP et que, s'il est, lui, en novembre, Premier ministre, la présidence lui reviendra. C'est une bonne idée ?
R - "Ce que je souhaite en tous les cas, c'est qu'il y ait une vie démocratique très active à l'UMP parce que nous souffrons de son atonie. L'UMP aujourd'hui, ne joue pas son rôle. Elle ne joue pas son rôle, dans la mesure où elle ne sert pas de bouclier au Gouvernement contre l'opposition, qu'elle n'a pas de force de proposition, qu'il n'y a pas de bouillonnement démocratique...."
Q-Et la réponse à ma question ?
R - "La réponse à votre question, c'est que dans tous les pays démocratiques, le chef du parti majoritaire devient Premier ministre. De ce point de vue-là, le Premier ministre a raison. Mais il commence en général par se faire élire président du parti qui devient éventuellement majoritaire. C'est d'ailleurs ce qui se passe sous la cohabitation, et ensuite il devient Premier ministre."
Q-Donc, il faudrait poser le problème à l'envers : prendre le parti pour être Premier ministre ?
R - "Si on prend la référence des grandes démocraties occidentales, cela se passe dans ce sens là ? Et cela donne lieu d'ailleurs à une vie démocratique bouillonnante, et c'est ce qui fait la force de ces partis politiques. Je pense que l'atonie malheureuse de l'UMP, qui nous a valu quelques déboires aux dernières élections, est due à cette insuffisance de compétition."
Q-Cela veut dire que le choix pour N. Sarkozy c'est de se faire élire d'abord par les militants, président de l'UMP ?
- "Je pense qu'il vaut mieux se faire élire président de l'UMP que d'y être nommé."
Q-Donc, il faut que le prochain président soit élu et pas nommé, c'est cela ?
R - "Il faut qu'il y ait une vraie compétition. D'ailleurs je vois qu'elle va avoir lieu, parce que plusieurs personnalités ont déjà annoncé qu'elles étaient intéressées ou laissé entendre qu'elles pourraient y aller. Et je suis convaincu qu'il y aura une vraie compétition et c'est la plus grande chance de l'UMP."
Q-Pourquoi Bercy ressemble aujourd'hui à une forteresse qui a repéré les futures assaillants et qui sera bientôt assiégée ?
R - "Non, il ne faut pas se laisser tromper par les bâtiments qui ont été conçus par un architecte qui voyait cela comme la Bastille. L'état d'esprit de ceux qui y sont en ce moment n'est pas du tout, ni une mentalité d'assiégés, ni une mentalité de conquérants."
Q-Ceux qui sont dedans ?
R - "On nous reproche plutôt d'en sortir trop en général. J'ai remarqué que les reproches étaient envers N. Sarkozy d'être partout, et..."
Aujourd'hui, N. Sarkozy est à Londres avec T. Blair.
R - "Donc, il n'est pas du tout assiégé."
Q-Mais depuis le séminaire du Gouvernement sur le budget, on ne peut pas nier que l'on voit briller, en tout cas dans vos milieux, la lame des épées ? Cela ne peut plus...
R- "Non, ce que je crois, c'est que chacun est dans son rôle. Pour le moment, la vocation du ministre des Finances, c'est de limiter la dépense publique - c'est vital pour notre pays - et chaque ministre défend son pré carré, parce qu'il en a besoin pour faire fonctionner son ministère. C'est un jeu classique. Cette année, cela prend un peu plus d'acuité politique parce qu'il y a des enjeux électoraux à venir, mais c'est quelque chose de normal et puis le Premier ministre fera ses arbitrages. Il est là pour cela."
Q-Vous savez qu'aujourd'hui c'est l'opération "Immeuble en fête" : on fait la fête avec ses voisins. Alors, allez faire la fête avec... je ne sais pas ? D. De Villepin, Borloo, etc., etc., etc...
R- "Mais nous nous entendons beaucoup mieux que certains ne le croient."
Alors, vous allez boire un pot ensemble ce soir. Bonne journée et bon verre.
(Source : premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 26 mai 2004)