Intervention de M. Patrick Devedjian, ministre délégué à l'industrie, sur la politique industrielle du gouvernement : soutenir l'innovation et la recherche, assurer la compétitivité des entreprises et lutter contre la contrefaçon, Paris le 16 juin 2004.

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Circonstance : Assemblée générale de la Fédération des industries mécaniques à Paris le 16 juin 2004

Texte intégral


Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs,
Je suis particulièrement heureux de me trouver ici, chez vous, à la maison de la mécanique, et je vous remercie, Monsieur le Président, de votre invitation à venir évoquer à votre assemblée générale la politique que nous entendons mettre en oeuvre, Nicolas SARKOZY et moi, pour et avec l'industrie.
C'est bien là le premier élément que je souhaite souligner ici : il peut et il doit y avoir une politique industrielle, c'est-à-dire une stratégie de l'Etat pour ses entreprises industrielles, qui se traduise ensuite en cadre d'actions et en mesures concrètes.
Certes, le temps des grands programmes et des entreprises nationales est largement révolu. Mais ce serait un contresens de dire que l'action de l'Etat dans le domaine industriel en a perdu son sens : au contraire, dans un contexte aujourd'hui mondialisé, dans lequel la concurrence est toujours plus vive, les entreprises ont plus que jamais besoin que l'Etat ait une vision et la traduise sur le terrain. Chaque jour nous en apporte de nouveaux exemples.
Sans parler de désindustrialisation, le constat est là, et vous le savez, vous qui le vivez chaque jour : il y a des mutations fortes, profondes, des changements de métiers, de nouvelles fonctions à développer, de la valeur ajoutée à créer.
Avec Nicolas SARKOZY, notre volonté est de faire en sorte que ces mutations nécessaires se fassent avec le maximum de préparation et d'anticipation possible, qu'on sorte des débats académiques et qu'ensemble nous agissions.
Il est bien évident pour moi que cette politique industrielle ne peut pas s'inspirer de l'image réductrice qu'on donne trop souvent de l'industrie, qui comprendrait schématiquement d'un côté les " hautes technologies " et de l'autre les entreprises en difficulté. Certes, l'action de l'Etat est plus évidente dans ces domaines, parce qu'elle est simple et se concentre sur un seul objectif : faire émerger une innovation d'un côté, ou préserver l'emploi de l'autre.
Mais adhérer à cette présentation bipolaire, ce serait négliger à tort les secteurs, les entreprises comme les vôtres, dont on parle peu alors qu'elles jouent un rôle de premier plan dans bon nombre de territoires, qu'elles sont présentes à l'exportation, et qu'elles sont un maillon essentiel de nos grandes filières, comme l'automobile ou l'aéronautique.
Si j'ai souhaité être présent ici aujourd'hui comme je l'ai été à l'assemblée générale de l'union des industries textiles il y a quelques semaines, c'est pour vous délivrer ce message, qui est en fait double : oui, vos entreprises ont de l'avenir, et oui, l'Etat souhaite donner aux termes de politique industrielle un sens concret pour votre secteur de la mécanique.
Quel peut être ce sens concret ? Il s'organise à mon sens autour de plusieurs objectifs distincts, que l'Etat doit poursuivre conjointement : préparer l'avenir, défendre la compétitivité, protéger l'emploi.
1/ Préparer l'avenir tout d'abord.
C'est là ma première priorité, car elle correspond à une vision de long terme que vos entreprises ont parfois du mal à totalement prendre en compte seules, quand elles sont par ailleurs confrontées à l'urgence du quotidien.
Or, vous le savez mieux que moi, votre avenir à quelques années dépend de l'innovation que vous pourrez susciter, de l'investissement que vous pourrez dégager, des rapprochements capitalistiques que vous pourrez organiser pour vous renforcer. Dans ces trois domaines, l'Etat a l'ambition de vous appuyer.
L'innovation tout d'abord est une des richesses essentielles de nos entreprises industrielles. C'est aussi une obligation, car c'est en grande partie par l'innovation, par la création et, de manière générale, par l'augmentation de la valeur ajoutée dans les produits que les entreprises peuvent aujourd'hui acquérir un avantage concurrentiel face aux pays à faible coût de main d'uvre, et conserver des emplois sur notre territoire. En disant cela, je vise l'innovation de produits, certes, mais aussi l'innovation de process et d'organisation, et l'innovation dans les domaines des services.
Les dispositifs de soutien à la recherche et à l'innovation dont nous disposons aujourd'hui sont satisfaisants, mais ils peuvent être encore améliorés.
Le crédit d'impôt recherche a ainsi été réformé cette année pour le rendre plus incitatif pour les entreprises.
Nous avons aussi pris la décision, vous le savez, de rapprocher l'ANVAR de la BDPME, afin de mettre en place un outil plus efficace encore, capable de répondre avec un spectre plus large aux besoins des PMI, particulièrement nombreuses dans votre industrie, et qui en sont une des forces.
L'investissement ensuite. Dans ce domaine, le grand débat du moment est bien sûr celui de la réforme de la taxe professionnelle, dans lequel votre Président est particulièrement impliqué. C'est une réforme complexe, car elle met en jeu des intérêts nombreux, dont ceux des collectivités locales. Mais le constat est bien celui d'une fiscalité pénalisante pour l'investissement, qu'il convient de faire évoluer. Le Gouvernement s'y est engagé et y travaille avec la commission Fouquet.
Les restructurations capitalistiques enfin. Loin de nous l'ambition de jouer le rôle des chefs d'entreprise à leur place. Ce serait une confusion des genres dommageable pour tous. Mais il est évident, dans de nombreux cas, que la résistance à la concurrence internationale et la croissance passent par une certaine taille critique, et donc par des rapprochements, en France, en Europe, ou dans le Monde. L'Etat peut jouer dans ce domaine le rôle de facilitateur, comme il l'a fait pour Sanofi et Aventis.
Il peut aussi intervenir plus directement, comme nous l'avons fait pour Alstom, car nous étions intimement persuadés que ce groupe, qui emploie 80 000 personnes en France et constitue un donneur d'ordre pour des dizaines de milliers d'autres, notamment dans la mécanique, que cette société clé du paysage industriel français avait un avenir industriel, et que cet avenir passait d'abord par une intégrité préservée et un bilan financier redressé. Le temps de l'économie dirigée n'est pas revenu pour autant. Simplement, nous pensons que l'Etat a dans ce domaine des mouvements capitalistiques une partition à jouer, modeste, pragmatique, mais sans aucun doute utile.
2/ Deuxième grand champ d'intervention, celui de la compétitivité
Nous parlons là de votre présent, de votre quotidien, de ce qui fait que vous tenez ou non la comparaison avec tel ou tel concurrent international. J'entends dans ce domaine travailler activement à développer un environnement de compétitivité favorable aux entreprises françaises, notamment industrielles.
Cet environnement doit d'abord être un environnement qui minimise vos charges. Je ne reviendrai pas sur la question des charges sociales, qui mériterait à elle seule de longs développements. Par contre, je voudrais donner deux exemples très concrets de ce que nous pouvons faire.
L'énergie tout d'abord, constitue pour nombre de vos entreprises un poste de dépense important. Notre pays à la chance de disposer de coûts de production d'électricité faibles, grâce à notre parc nucléaire installé. Nous devons renforcer cet avantage en nous dotant d'une vision de long terme de la politique énergétique, et en donnant à EDF les moyens d'affronter efficacement la concurrence. C'est ce que nous faisons actuellement, à travers d'une part de la loi d'orientation sur les énergies, d'autre part de la modification du statut d'EDF.
Les matières premières ensuite. Dès notre arrivée, nous avons pris Nicolas SARKOZY et moi-même à bras le corps le problème de l'acier, dont je sais qu'il préoccupe fortement votre profession, car nous avons eu l'occasion d'en parler à plusieurs reprises avec Yvon JACOB. Nicolas SARKOZY a écrit à deux reprises à Pascal LAMY pour lui proposer des mesures relatives au commerce international, et certaines d'entre elles sont en cours de mise en place. Nous surveillons aussi très attentivement le fonctionnement de notre marché national, afin d'éviter que cette hausse soit l'occasion d'ententes illicites. J'ai donné instruction aux DRIRE d'accorder une écoute maximum aux entreprises pénalisées par cette hausse. Enfin, dans le domaine des marchés publics, la clause de l'imprévision s'applique. Elle nécessite des conditions précises, et notamment un bouleversement notable du contrat, dépassant au moins les 10% du montant total. Elle doit donc être appréciée au cas par cas, mais constitue pour les plus touchées de vos entreprises une possibilité à explorer avec mes services.
La hausse de l'acier est fondamentalement une évolution de marché, liée à la croissance de la demande de la Chine. Il serait illusoire d'imaginer qu'elle puisse être totalement enrayée. Par contre, le rôle de l'Etat est de faire en sorte que tous les moyens soient mis en oeuvre pour faciliter la vie d'entreprises dont je sais que certaines sont très durement touchées. C'est ce à quoi nous nous employons.
Minimiser les charges, c'est aussi créer un environnement réglementaire favorable, ou du moins compréhensif des enjeux industriels. Je sais que l'accumulation de textes vous irrite parfois. Il faut pourtant réglementer, notamment pour prendre en compte des aspirations nouvelles de la société relatives à l'environnement, à la sécurité, à la santé. Mais l'édifice réglementaire, j'emploie ce terme à dessein tant on peut parfois être frappé par la sédimentation juridique, doit rester lisible, applicable, marqué par la recherche de la cohérence. Et, surtout, l'élaboration d'un texte doit veiller à éclairer l'ensemble des enjeux, y compris de politique industrielle. C'est là clairement le rôle du ministère de l'industrie, et j'ai demandé à mes services de veiller à ce que ces pratiques de bon sens soient systématiquement mises en oeuvre.
La compétitivité passe certes par la minimisation des charges, mais n'importe quel comptable vous dira qu'elle peut aussi emprunter la voie de la maximisation des produits. On l'oublie trop souvent.
Dans ce domaine, l'objectif est clair, il vous faut gagner la bataille de la valeur ajoutée, car c'est en augmentant constamment la valeur de ses produits que l'industrie française peut espérer conserver une place importante dans la compétition mondiale.
Je veux souligner le rôle de premier plan que jouent à cet égard les Centres techniques industriels.
Je sais votre attachement à ces organismes et je salue ici l'esprit de responsabilité dont vous avez su faire preuve en vous engageant dans la prise en charge du financement de leurs actions. J'y vois la preuve de leur qualité, et de leur capacité à répondre aux besoins des entreprises.
J'y vois également la garantie du maintien d'une implication forte des professions et des entreprises, qui me paraît indispensable pour conforter l'adéquation entre besoins et actions.
Ces organismes sont à mes yeux de vrais outils de politique industrielle. J'entends bien assurer leur pérennité en leur donnant la ressource indispensable à l'exercice de leurs missions.
Je souhaite également que les Contrats d'objectifs et de moyens, qui sont le moyen de définir ensemble, avec les professions, leurs missions, soient conclus et signés au plus vite. J'ai demandé aux services du ministère de faire en sorte que leur signature puisse intervenir avant la fin du mois de juillet.
Ce rôle d'outil de politique industrielle assumé par les centres techniques devrait trouver une concrétisation très forte dans le projet ACAMAS, dont vous avez pris l'initiative, Monsieur JACOB. Ce projet doit permettre d'accompagner les PME de la mécanique dans leurs évolutions à moyen terme, en leur fournissant un ensemble d'outils destinés à les aider à préparer leur avenir.
C'est bien là une des missions des centres techniques, et notamment du CETIM, qui dispose pour cela des compétences indispensables. J'ai demandé à la Direction Générale de l'Industrie, des Technologies de l'Information et des Postes, la DiGITIP que vous connaissez bien, de s'investir dans cette action ACAMAS et de veiller à faciliter son déploiement sur le terrain, avec l'aide des Directions Régionales de l'Industrie, de la Recherche et de l'Environnement, les DRIRE.
L'organisation collective par profession, qui est le principe fondateur des centres techniques, trouve son complément naturel dans les pôles de compétitivité, qui correspondent davantage à une logique territoriale, et que le Gouvernement entend développer.
Je fonde des espoirs importants dans ces pôles, qui doivent permettre de dégager des synergies locales entre des entreprises, des centres de recherche, et des universités. Toutes les analyses soulignent à quel point cette logique a un sens. Nous travaillons actuellement à définir plus avant ce que peuvent être ces pôles et les moyens de favoriser leur développement et leur capacité d'attraction, qui seront annoncés très prochainement. Je souhaite naturellement que la mécanique prenne sa place dans le dispositif qui est mis en place. Elle en a les moyens.
Enfin, dernier facteur de compétitivité, celui de la propriété intellectuelle et de la lutte contre la contrefaçon, qui protège la valeur de vos produits, et qui constitue pour moi une action prioritaire. Je vous remercie, Monsieur JACOB, d'avoir accepté de prendre la Présidence du Conseil d'administration de l'Institut National de la Propriété Industrielle et de nous apporter votre dynamisme et votre expérience sur un sujet qui revêt une grande importance.
En effet, c'était déjà vrai, cela l'est encore plus aujourd'hui, une richesse forte de nos entreprises est leur capacité à innover, à créer. Nous ne pouvons accepter que les savoirs, les idées de nos entreprises soient pillées.
Dans ce domaine, la réglementation, bien sûr internationale, est indispensable et j'entends qu'elle soit appliquée. Les services du ministère sont, vous le savez, très impliqués dans cette action et poursuivront ce travail.
Conclusion
Je vais m'arrêter là, Monsieur le Président, sans avoir abordé le troisième pied de la politique industriel, celui de la protection de l'emploi. Je vous propose si vous le souhaitez, de l'aborder au cours des questions.
J'espère vous avoir donné, à travers ces quelques coups de projecteur sur les réformes que nous entreprenons, une image plus concrète de la politique industrielle que nous mettons en oeuvre. A l'évidence, cette politique ne portera ses fruits que si elle suscite la confiance de ceux à qui elle est destinée. J'attends donc de vos professions, et, bien sûr, de votre fédération, qu'elles nourrissent abondamment nos réflexions et nos actions.
Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, je vous remercie de votre attention.

(source http://www.industrie.gouv.fr, le 18 juin 2004)