Déclaration de M. Philippe Douste-Blazy, secrétaire général de l'UMP, sur le débat dans l'UMP, les relations au sein de la majorité et la contribution de l'UMP à l'action gouvernementale, Villepinte le 28 novembre 2003.

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Circonstance : Conseil national de l'UMP à Villepinte (Seine-Saint-Denis), le 28 novembre 2003

Texte intégral


Mes chers amis,
Je voudrais vous dire combien je suis, bien sûr, très heureux de vous voir si nombreux venu des quatre coins de France, pour ce Conseil national. Alain, je voulais d'abord m'adresser à toi.
L'UMP a un an, c'est peu pour un parti politique mais c'est beaucoup pour une période d'essai, et cet essai est réussi. Nous avons beaucoup travaillé ensemble, avec Jean-claude, pendant cette période, plus dans l'ombre que dans la lumière il est vrai. Nous savons tous que pour y parvenir il fallait faire un effort sur nous-mêmes.
Cet effort nous l'avons accompli et pourquoi ne pas le dire aujourd'hui, nous en sommes fiers. Gaullistes, libéraux, centristes, radicaux, indépendants, nous avons appris depuis un an à réfléchir, à travailler, à militer ensemble. Nous avons fait l'union non seulement dans les cartes mais aussi dans les têtes, sans qu'aucun d'entre nous je croie n'ait le sentiment d'y avoir perdu son âme ou ses convictions. Qu'il me soit permis d'exprimer ici au nom des 160 000 adhérents de l'UMP ma gratitude à tous ceux qui ont consacré toute leur énergie et tout leur cur. Sans eux, sans ses milliers d'élus, de cadres de permanents, de bénévoles, qui se sont dépensés sans compter, rien n'eut été possible.
Ce que je sais aussi, c'est que sans toi, sans ta ténacité, sans tes qualités, nous n'y serions pas parvenus et je voudrais que collectivement nous t'en remercions ce soir.
Nous devons me semble-t-il cet après-midi, aujourd'hui, au bout d'un an, nous poser trois questions.
Première question : L'UMP est-elle, après tout, la bonne réponse à l'organisation de la majorité ?
J'entends parfois à l'intérieur, rarement mais quand même, et souvent à l'extérieur de l'UMP, des voix s'interroger sur l'existence et la reconnaissance d'un deuxième pôle au sein de la majorité.
À nos partenaires de la majorité, aux amis de François BAYROU, qui n'ont pas osé tenter l'aventure de l'Union, parce qu'ils avaient peur d'y perdre leur identité, et c'est respectable, je veux leur dire qu'ils ont eu tort d'avoir peur et que leur combat est d'après moi sincèrement dépassé.
Leur dire que nous n'avons pas l'intention de nous laisser entraîner dans des querelles de personnes parfaitement dérisoires, parce que nous voulons travailler pour les Français et non pour satisfaire des ambitions personnelles.
Leur dire combien la division est dangereuse et pas seulement parce qu'elle fait le jeu de la gauche mais aussi parce qu'elle fait le jeu des extrêmes.
Leur dire aussi qu'à vouloir être une fois dans la Majorité et une fois dans l'opposition, à vouloir être partout on se retrouve parfois nulle part.
Leur dire enfin que si nous ne demandons pas mieux que de travailler avec eux, nous n'imaginons pas un instant que cela puisse se faire autrement que dans la confiance et la loyauté réciproques vis-à-vis du Président de la République et du Premier ministre.
Deuxième question : L'UMP est-elle cette forteresse hégémonique, hermétique à tout débat ou à toute idée, comme certains voudraient le laisser penser ?
C'est exactement le contraire.
Ce matin, avant que certains n'arrivent, il y a eu une discussion ici sur les statuts. Les militants se sont levés parfois pour dire : " Nous ne voulons pas d'un vote bloqué ", " Nous voulons un Congrès avant, un Congrès après ". Pendant les tables rondes sur l'école et la laïcité, sur la place du travail dans la société, il y a eu débat et amendements.
Ce qui nous intéresse ici à l'UMP, c'est le débat, c'est la démocratie. Xavier BERTRAND l'a dit, le débat existe sur tous les sujets, y compris les plus tabous. La preuve est que nous nous sommes réunis aujourd'hui non pas pour nous congratuler. Nous sentons bien ce que l'autosatisfaction aurait de déplacée, quand tant de Français restent aux prises avec la précarité, le chômage, la violence économique, avec l'insécurité, car la globalisation entraîne tant d'inquiétude, tant d'exclusion et tant d'angoisse.
Pour nous l'urgence c'est le débat. Il n'y aurait pas de plus grand danger pour un parti politique que de se couper du pays, de se replier sur lui-même. Aucun parti digne de ce nom n'est au service de lui-même. Aucune politique n'est sa propre fin, c'est la raison pour laquelle, comme Alain l'a dit ce matin, vous allez organiser dans tout le pays les 100 meetings d'ici au 15 décembre pour écouter, comprendre et aussi faire vivre nos idées.
Nous avons d'autant plus intérêt à débattre que ce siècle commence par la certitude qu'il en est terminé de la politique dans laquelle avants garde et élites prétendraient faire le bonheur des gens, sans demander l'avis de personnes. Comprenons bien que la montée en puissance des ONG, des Coordinations ou encore le succès de la protestation altermondialiste, préfigurent ce qui nous attend si nous échouons à prendre réellement en compte les aspirations des gens.
La crise structurelle de la politique que nous vivons ne vient pas du fait que les hommes politiques auraient perdu le sens de l'intérêt général (fin de la face A)
De là ce sentiment d'impuissance qui nous étreint parfois.
Troisième question : Comment l'UMP peut-elle contribuer à l'action gouvernementale, à faire des propositions au Gouvernement ?
Il faut ici commencer par souligner que c'est l'honneur du Gouvernement de Jean-Pierre Raffarin d'avoir eu le courage de réformer la France, et c'est également l'honneur de notre majorité de soutenir le Gouvernement dans sa capacité de réforme.
A ne rien faire on préserve mieux sa popularité. On prend toujours des risques à s'attaquer aux corporatismes, aux féodalités. Rester immobile dans un monde qui change serait mortel pour la France. Vous avez débattu tout au long de cette journée, échangé et construit des propositions sur les thèmes du travail, de l'école et de la laïcité.
Concernant la valeur " travail ", nous savons tous ici que dans le monde tel qu'il est, nous avons l'obligation de donner davantage de liberté à ceux qui veulent entreprendre, créer et risquer en fait. Nous savons également que nous ne pourrons pas indéfiniment alourdir les contraintes, la bureaucratie, la législation, la réglementation et les prélèvements, tout en creusant les déficits et en léguant à nos enfants toujours plus de dettes. Nous voulons bâtir une société de projets qui valorise l'initiative au lieu de la condamner, une société qui respecte la réussite au lieu de la mépriser, une société qui préfère l'esprit d'initiative à l'esprit d'assistance.
Nous sommes tous d'accord pour plus de libéralisme dans l'économie de marché, mais ne nous y trompons pas, nous ne ferons jamais aimer la liberté si nous lui sacrifions la justice sociale. Nous ne ferons jamais aimer la liberté si elle est synonyme de fracture, d'insécurité et d'injustice ; si elle rime avec le démantèlement des acquis sociaux et la loi de la jungle ; si elle a pour corollaire la marchandisation de la santé, de l'éducation et de la culture. Personne ne peut accepter le sacrifice pour le sacrifice, la réforme pour la réforme. Il n'y a de légitimité du sacrifice que dans la promesse de jours meilleurs.
La restructuration réussie d'une entreprise a pour corollaire l'adhésion à un projet industriel. La réforme réussie de l'Etat et de la société a pour corollaire l'adhésion à un projet de société. La réforme réussie du système éducatif a pour corollaire l'adhésion à un projet éducatif.
Concernant l'école, je souhaiterais dire à quel point l'Education nationale a eu tort de relayer la demande sociale en multipliant de façon irréfléchie ses attentes vis-à-vis des maîtres. Il y a là une raison fondamentale au malaise des professeurs.
J'ai un enfant au CM2, permettez-moi de vous faire une seule proposition. Tous les Ministres de l'Education nationale depuis plus de vingt ans nous disent que 15, 20, 25 % d'une classe d'âge, en sixième, ne sait ou pas lire ou pas écrire ou pas compter. Le constat est partagé.
Une proposition que vous avez votée tout à l'heure mais vous n'avez pas dit quand. En CE2, pourquoi ne pas faire un examen pour savoir qui sait lire écrire et compter. Pour ceux qui ne sauraient pas, en CM1, pendant les trois mois, qu'on leur apprenne de manière individualisée, à lire, écrire et compter, avant de demander aux maîtres d'aller à la Mairie, s'occuper de prévention routière, d'écologie, de sexualité ou de santé publique, tout simplement.
Concernant la laïcité, sur la question de la laïcité de l'enseignement public, qui doit répondre ? Est-ce au chef d'Etablissement de se déterminer au plus près du terrain ou bien est-ce à l'Etat, d'apporter une solution générale valable pour tous et partout ?
Alain Juppé a été le premier à oser soutenir qu'adapter le principe de laïcité aux circonstances, c'est accepter en réalité le risque d'une certaine dose de communautarisme. Il faut donner aux Français une règle générale d'application aisée, écartant le soupçon d'arbitraire. L'école de la République n'est pas un théâtre où les élèves seraient en droit de proclamer leurs convictions ou de paraître avec ostentation. Elle n'est pas un espace d'expression des identités. Un professeur n'a pas à savoir s'il a devant lui un Juif, un Musulman, un Catholique ou un Protestant, surtout s'il fait des cours d'Histoire.
Vous l'avez voté, un Code des valeurs de la République, un Code de la laïcité, et, s'il le faut, le Parlement devra donc prendre ses responsabilités.
Voilà, je termine avant de laisser la parole à Jean-Claude Gaudin. Nous avons peut-être trop dit que le temps des projets de société était passé. Ce qui est passé, c'est le temps des grandes utopies et des grandes idéologies. Ce qui est d'actualité, ce sont les projets partagés, collectifs, dont chacun se sent partie prenante.
Je ne crois pas que la politique doive rêver le monde et faire rêver les gens mais je crois que la politique est faite pour donner l'espérance. Nous ne pouvons pas nous contenter de dire comme Monsieur Jospin, il nous faut humaniser sans jamais expliquer ce que cela signifie. Nous ne pouvons pas nous contenter de dire, il nous faut faire l'Europe sans jamais expliquer quelle Europe nous voulons. Nous ne pouvons pas nous contenter d'invoquer sans cesse la République sans jamais expliquer quelle République nous voulons. Nous ne pouvons pas continuer de nous référer à une certaine idée de l'Homme sans dire de quelle idée il s'agit et quelles conséquences nous en tirons dans notre politique.
Quand le Général de Gaulle parlait d'une certaine idée de la France, tout le monde savait ce que cela voulait dire. Quand Robert Schumann et Jean Monnet parlaient de leur vision de la construction européenne, tout le monde savait de quelle Europe ils parlaient.
Quand de nouveau nous pourrons parler d'une certaine idée de la France et de l'Europe et que chacun comprendra de quoi nous parlons, nous aurons rendu à la politique sa dignité.
Voilà mes chers amis, la tâche immense mais exaltante qui est la nôtre. Quand je vous vois réunis ici, quand je vois votre ardeur, votre courage dans la difficulté, votre dévouement à la cause qui nous rassemble, autour d'Alain Juppé, je sais, oui je sais, que nous réussirons.



(source http://www.u-m-p.org, le 10 décembre 2003)