Déclaration de M. Bernard Thibault, secrétaire général de la CGT, sur la rencontre entre le MEDEF et les organisations syndicales et la proposition du patronat de construire un nouveau système de relations sociales et la réforme du fonctionnement des institutions paritaires de protection sociale, Paris le 3 février 2000.

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Circonstance : Rencontre MEDEF organisations syndicales à Paris le 3 février 2000

Texte intégral



Le MEDEF et la CGPME nous ont convoqués à cette réunion.
Nous avons fait le choix d'être présents, bien que la forme ne nous y incitait guère.
Pour vous dire de vive voix notre sentiment sur les délibérations issues de votre Assemblée Générale, elles ont toutes pour caractéristique de dégager une curieuse conception de dialogue social, en tout cas fort éloignée de ce que nous attendons pour répondre aux besoins des salariés, des chômeurs, des retraités.
Vous nous proposez, d'après votre courrier, " d'ouvrir les discussions qui auront pour objectif la construction d'un nouveau système de relations sociales ainsi que l'élaboration de nouvelles modalités d'organisation et de fonctionnement des institutions paritaires de protection sociale ".
Vaste sujet, vaste chantier dont beaucoup dépend déjà des objectifs que l'on recherche avant même d'avoir donné le premier coup de pioche. Vous avez souhaité un mandat de votre Assemblée Générale qui justifie une refondation sociale à partir d'un postulat : " la loi et le règlement prennent une place croissante (sous entendu trop importante) au détriment du contrat collectif ".
Chacun sait bien, ici, que ce postulat se trouve renforcé dans le contexte politique du moment, après que les parlementaires aient décidé de légiférer sur les 35 heures ce qui, soit dit en passant, était inévitable face à votre refus de négocier par branche le processus de réduction du temps de travail.
Nous ne partageons pas votre vision des choses !
En ce domaine nous considérons même que, sur de trop nombreux aspects, des dérogations à la loi sont déjà largement consenties, au point d'affaiblir la norme valable et applicable au plan interprofessionnel.
Sans tout attendre du législateur, il est évident qu'en limitant son pouvoir d'intervention sur les questions sociales cela reviendrait, de fait, à priver des centaines de milliers de salariés du dernier filet de protection à leur disposition.
Il est tout aussi évident qu'en face du refus réitéré de conclure des négociations adaptées aux besoins actuels, nous pouvons être amenés à demander au législateur de combler l'absence de discussion.
S'agissant du paritarisme.
Nous prenons acte de la décision de votre Assemblée Générale - je cite - " de mettre un terme, au plus tard le 31 décembre 2000, à la participation du MEDEF dans l'ensemble des institutions paritaires de protection sociale, telles qu'elles sont actuellement organisées ".
Nous nous en tiendrons à deux remarques à ce propos : ·
L'interventionnisme de l'Etat, que vous dénoncez, ne date pas d'aujourd'hui.
Les limites du système, que vous réfutez aujourd'hui, sont celles auxquelles vous avez largement contribué par votre présence stratégique au sein de ces organismes.
L'actualité ne cesse en fait de souligner, selon nous, l'urgence de repenser les objectifs, les moyens, les structures de la protection sociale pour mieux répondre aux besoins d'aujourd'hui pour le retour à une réelle démocratie sociale dans laquelle les représentants des salariés auront un rôle majeur.
Vous avez mandat pour ouvrir des discussions sur une série de sujets, mais vous anticipez déjà sur leurs conclusions. C'est un des points soulevés par la déclaration des 5 confédérations syndicales
Il s'agit notamment : ·
" de recentrer l'assurance-chômage, maîtriser les coûts et renforcer l'incitation à la recherche effective d'un emploi ".. ·
" d'une nouvelle architecture de l'assurance maladie qui responsabilise et améliore le rapport coût/efficacité ".. ·
" d'un nouveau système de retraites intégrant la capitalisation ".. ·
" d'un régime autonome d'accidents du travail "Sans doute en vue de leur privatisation, comme cela a été retenu lors des Universités du MEDEF de septembre dernier !
Est-il utile de vous préciser que ce ne sont pas là des objectifs auxquels nous nous associerons ?
Nous remarquons, au passage, qu'un grand nombre de points ne peuvent être utilement traités sans que les pouvoirs publics aient, pour le moins, une opinion à émettre ; ce qui ajoute à la confusion sur le véritable statut de la rencontre d'aujourd'hui.
Vous comprendrez dans ces conditions qu'il y a, à nos yeux, une incompatibilité entre les mandats dont vous vous êtes dotés, lors de votre Assemblée générale autour de la notion de refondation sociale, et les mandats que nous détenons nous-mêmes de nos congrès.
Ils découlent tout simplement de l'urgence de répondre aux problèmes sociaux rencontrés par les salariés, les chômeurs, les retraités par un renforcement de leurs garanties collectives et l'amélioration de leur pouvoir d'achat.
Nous vous rappelons, pour conclure, les thèmes sur lesquels nous réitérons l'ouverture de réelles négociations dans lesquelles nous tiendrons toute notre place dès lors qu'il s'agira d'améliorer la situation de ceux que nous représentons : ·
L'indemnisation du chômage. ·
Le recul de la précarité dans les emplois. ·
Les retraites complémentaires, notamment AGIRC-ARRCO ·
La prévention des risques professionnels. ·
L'égalité professionnelle entre les hommes et les femmes. ·
Le statut de l'encadrement. ·
La formation professionnelle. ·
Le droit syndical et le développement de la représentation collective dans les PME.
Les sujets de négociation potentiels ne manquent pas, ce sont ceux qui sont présents dans les conflits actuels.
(Source http://www.cgt.fr, le 03 février 2000)