Texte intégral
J.-P. Elkabbach-. Toute la presse a remarqué l'énergie et l'autorité nouvelle de J.-P. Raffarin, lors de ses voeux à Matignon. Chef de la majorité, il a réclamé un accord majoritaire UMP-UDF, l'union. Et deux heures plus tard, à Bordeaux, vous annonciez votre candidature autonome en Gironde ; n'est-ce pas pas une réponse de provocateur ?
F. BAYROU.- "D'abord, mon annonce de candidature était prévue depuis suffisamment longtemps pour qu'il n'y ait aucun lien de cause à effet entre les deux. Mais, puisque l'on parle de ce sujet, les élections régionales qui viennent, sont une élections à deux tours. Autrefois, c'était une élection à un tour, et dans ces conditions...
J.-P. Elkabbach-. Mais vos amis répètent que c'est une élection à un tour et que l'union est donc nécessaire dès le premier tour.
F. BAYROU.- - "Ce que vous n'entendez pas, mais vous venez de le dire vous même : ce n'est pas une élection à un tour, c'est une élection à deux tours. L'élection à deux tours est faite pour qu'au premier tour, on choisisse pour que les électeurs aient la possibilité d'envoyer un message avant qu'au deuxième tour, les rassemblements se fassent. Parce que si l'on abandonne en France, la liberté d'envoyer un message au premier tour, alors notre démocratie s'appauvrit et quand la démocratie s'appauvrit, ce sont les extrêmes qui gagnent."
J.-P. Elkabbach-. Mais vous entendez : "L'autonomie c'est la division, c'est la sécession", vient de nous dire X. Darcos.
F. BAYROU.- - "Tous ces mots ne n'intéressent pas. Je ne suis d'ailleurs pas sûr que les Français s'intéressent à ces finesses sémantiques..."
J.-P. Elkabbach-. Vous croyez que les Aquitains s'intéressent de savoir si...
F. BAYROU.- - "Les Aquitains s'intéressent à une chose : quelle est leur liberté ? Quelle est, comme citoyens, leur possibilité de s'exprimer à l'avenir ? Vous voyez bien que l'on est en train de vouloir fermer tous les robinets, de vouloir tout verrouiller pour qu'il n'y ait plus de possibilités d'expression. Vous voyez bien ce parti unique : à l'intérieur de ce parti, il n'y pas de débat. les débats, ils sont dans les querelles que nous avons entre prétendants. Ce n'est pas le sujet qui intéresse les Français mais leur liberté d'expression, leur possibilité de faire entendre leur différence ; cela, pour eux, c'est vital. Cela se défend, comme le pluralisme, au premier tour d'une élection. Et ne je transigerait en rien sur cette liberté, parce que ce n'est pas la liberté de l'UDF que je défends, c'est la liberté de ceux qui vont voter, d'avoir sur la table un bulletin différent."
J.-P. Elkabbach-. C'est pour cette raison que le président de l'UDF défie, sur place, dans son territoire, le président de l'UMP ?
F. BAYROU.- "L'Aquitaine est ma région. J'y suis né, j'y ai grandi, j'ai fait mes études à Bordeaux, j'y ai vécu, j'y vis aujourd'hui et je suis député. Cette région a un département-clé pour une élection qui est la Gironde, qui est le département le plus peuplé et le plus grand, là où il y a le plus grand nombre d'électeurs ; à elle seule, la Gironde pèse presque autant que tous les autres départements ensemble. Quand on mène une bataille et qu'on en est responsable, on va en première ligne pour s'exposer, pour prendre le risque de la bataille et donner à l'élection tout son sens."
J.-P. Elkabbach-. A. Juppé, beau joueur, dit qu'il est paisible et qu'il dit estime que ce que vous faites n'est pas une déclaration de guerre. Mais est-ce que vous voulez sa défaite à lui ?
F. BAYROU.- "Je vais défendre, dans cette élection, la liberté des Français, des Aquitains et des Français dans les autres régions. Je vais la défendre au premier tour de cette élection et j'espère, dans beaucoup de régions, au second."
J.-P. Elkabbach-. Elle est menacée ?
F. BAYROU.- "Mais oui, vous voyez bien le double verrouillage auquel on assiste, l'idée qu'il faudrait que plus rien ne dépasse, que tout le monde s'aligne de manière à ce qu'une seule voix puisse être entendue, alors à ce moment-là, tous ces Français qui ont des problèmes - on voit les chercheurs aujourd'hui - n'ont plus de possibilité de se faire entendre."
J.-P. Elkabbach-. Il y aura des listes autonomes UDF ; alors prenons rapidement les régions : en PACA, il y en aura une ?
F. BAYROU.- "En PACA, il m'a semblé ces dernières heures que les pas se faisaient les uns vers les autres pour que, dans cette région particulière et en raison des candidatures que vous savez, les choses aillent dans le sens."
J.-P. Elkabbach-. Là non ?
F. BAYROU.- "Je ne dis pas "là, non", ne simplifiez pas.
J.-P. Elkabbach-. Je vais trop vite - cela ce négocie. Dans le Nord ?
F. BAYROU.- "Dans le Nord et le Pas-de-Calais, vous savez bien qu'il y a eu un certain nombre de manoeuvres ces dernières heures. Je réunirai ce soir les responsables de ma famille politique en France et dans cette région et je m'adresserai aux militants de l'UDF dans le Nord et le Pas-de-Calais."
J.-P. Elkabbach-. J.-P. Raffarin expliquait hier, qu'avec le quinquennat, il y a une lecture présidentielle des institutions. Il a dit que le Premier ministre est numéro 2 de l'exécutif, numéro 1 du Gouvernement et de la majorité ; "Sa force, ce n'est pas l'indépendance, c'est l'influence". Qu'en pensez-vous ?
F. BAYROU.- "D'abord, c'est assez juste ce qu'il dit : numéro 2 de l'exécutif, numéro 1 de la majorité parlementaire et du Gouvernement. Donc, sur ce point il n'y a pas de reproches à faire. Le point sur lequel je me sépare de J.-P. Raffarin, c'est une idée qu'il a souvent exprimée..."
J.-P. Elkabbach-. Il n'y a pas d'espace dans la majorité contre le président de la République...
F. BAYROU.- "Oui. Eh bien pour moi, cette déclaration d'inconditionnalité n'est pas la mienne, parce que cela veut dire "je donne raison au président de la République, quoi qu'il dise". Ce n'est pas ma vision de la démocratie et de la République. Ma vision, c'est, que l'on soit dans la majorité comme principale force ou comme force de moindre poids, on soutient quand c'est juste et on se sépare quand la décision prise n'est pas bonne. Autrement dit, il y a un devoir d'esprit critique, pas une liberté seulement..."
J.-P. Elkabbach-. Même avec le président de la République qui vous aurez choisi ?
F. BAYROU.- "Bien entendu ! Avec le président de la République, le Premier ministre n'est pas seulement un exécutant, il est là pour être un responsable libre et s'exprimant en pleine force et en pleine liberté, et pas seulement ne cherchant la référence que dans les propos présidentiels. Le Président a une responsabilité éminente ; il a été élu par tous les Français, il est donc normal et légitime - je l'ai demandé si souvent - qu'il soit lui-même en première ligne devant les Français. Et d'ailleurs, pas que pour les promesses, mais pour des orientations. Pas seulement la somme de promesses et d'annonces que nous avons eues dans la période précédente."
J.-P. Elkabbach-. J.-P. Raffarin est aujourd'hui "le chef de l'union majoritaire qu'est l'UMP" - c'est lui qui utilise cette formule - ; est-ce que c'est avec lui, face à face, que vous voulez discuter désormais ?
F. BAYROU.- "Je veux discuter face à face avec les Français en ce moment. Il y a une interprétation de ce qui s'est passé en 2002 qui n'est pas juste. Les Français n'ont pas voulu le verrouillage de tous les pouvoirs, ils ont voulu la cohérence et qu'on agisse..."
J.-P. Elkabbach-. Le Pen, c'est une menace, c'est un alibi, c'est un épouvantail ?
F. BAYROU.- "Le Pen se nourrit de tout cela. L'extrême droite se nourrit de l'incapacité de la majorité à avoir des lignes claires, à débattre et à avancer."
J.-P. Elkabbach-. Mais est-ce qu'il n'est pas pénible d'avoir un allié comme vous, qui dit toujours "non", qui n'approuve rien ?
F. BAYROU.- "J'approuve quand c'est bien et je dis "non" quand ce n'est pas bien."
J.-P. Elkabbach-. Exemple ?
F. BAYROU.- "Une décision très récente : le Premier ministre a décidé ne ne pas privatiser les autoroutes en France, au terme d'un débat où G. de Robien, le ministre de l'équipement a joué un rôle important. Je trouve que c'est une bonne décision. Je l'ai dit et je le redis. Les chiffres de la sécurité routière montre que la politique suivie est bonne. En matière d'insécurité et de lutte contre la délinquance, la politique est bonne. Donc, il n'y aucune raison..."
J.-P. Elkabbach-. Et qu'est-ce qui ne va pas ?
F. BAYROU.- "Il y a beaucoup de choses qui ne vont pas. Ce qui va le moins, c'est la distance croissante entre les promesses et les réalités, le gouffre qui est en train de se creuser entre les mots et les choses, comme aurait dit l'autre."
J.-P. Elkabbach-. Pourquoi avez-vous parlé des chercheurs, tout à l'heure ?
F. BAYROU.- "Parce que l'on est dans une crise profonde de la recherche en France, avec un mouvement, une lame de fond des chercheurs comme il n'y en a pas eue depuis longtemps. Pour moi, la principale cause de cette révolte, c'est que l'on n'arrête pas de dire que la recherche est une priorité nationale - une grande priorité nationale - et après, on s'aperçoit, dans la réalité, que c'est le contraire qui se fait. Il faut une voie libre pour affirmer que la recherche, première priorité nationale, si c'était fondé, ce serait une bonne orientation mais que, dans la réalité, en effet, ce n'est pas cela, c'est la grande misère des chercheurs."
J.-P. Elkabbach-. Pour la droite, qui est l'ennemi public numéro 1 ? F. Bayrou ou N. Sarkozy ?
F. BAYROU.- "Je pense que chacun a sa saison."
J.-P. Elkabbach-. Beaucoup pensent que vous avez partie liée, l'un et l'autre.
F. BAYROU.- "Non. N. Sarkozy est dans une situation particulière qui n'est pas du tout la mienne. D'abord, je trouve qu'il agit bien en matière de sécurité - et puis, il faut le dire aussi et ne pas se laisser égarer -, mais il est ministre et membre de l'UMP. J'ai choisi, pour ma part, d'être dans une liberté différente, avec une UDF qui s'affirme et se fait entendre, pour que le pluralisme trouve toute sa place en France."
J.-P. Elkabbach-. Une question est souvent posée : est-ce que N. Sarkozy n'en fait pas trop ?
F. BAYROU.- "C'est son choix. Moi, je ne veux pas alimenter les querelles et les petites phrases."
J.-P. Elkabbach-. C'est un bon climat ?
F. BAYROU.- "Non, ce n'est pas un très bon climat. La manière dont tout cela est vécu, organisé, avec des pièges et une tentative pour abattre des hommes qui font leur travail, ce n'est pas un très bon climat. Il y a un climat délétère ; en tout cas nuisible."
J.-P. Elkabbach-. Et pendant ce temps, l'Amérique veut conquérir Mars, l'Inde et la Chine flirtent avec 9 % de croissance...
F. BAYROU.- "Et l'Europe ne se fait pas, alors qu'elle serait la seule réponse possible à cette espèce de prise de contrôle du monde par de très grandes puissances."
(Source : premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 13 janvier 2004)
F. BAYROU.- "D'abord, mon annonce de candidature était prévue depuis suffisamment longtemps pour qu'il n'y ait aucun lien de cause à effet entre les deux. Mais, puisque l'on parle de ce sujet, les élections régionales qui viennent, sont une élections à deux tours. Autrefois, c'était une élection à un tour, et dans ces conditions...
J.-P. Elkabbach-. Mais vos amis répètent que c'est une élection à un tour et que l'union est donc nécessaire dès le premier tour.
F. BAYROU.- - "Ce que vous n'entendez pas, mais vous venez de le dire vous même : ce n'est pas une élection à un tour, c'est une élection à deux tours. L'élection à deux tours est faite pour qu'au premier tour, on choisisse pour que les électeurs aient la possibilité d'envoyer un message avant qu'au deuxième tour, les rassemblements se fassent. Parce que si l'on abandonne en France, la liberté d'envoyer un message au premier tour, alors notre démocratie s'appauvrit et quand la démocratie s'appauvrit, ce sont les extrêmes qui gagnent."
J.-P. Elkabbach-. Mais vous entendez : "L'autonomie c'est la division, c'est la sécession", vient de nous dire X. Darcos.
F. BAYROU.- - "Tous ces mots ne n'intéressent pas. Je ne suis d'ailleurs pas sûr que les Français s'intéressent à ces finesses sémantiques..."
J.-P. Elkabbach-. Vous croyez que les Aquitains s'intéressent de savoir si...
F. BAYROU.- - "Les Aquitains s'intéressent à une chose : quelle est leur liberté ? Quelle est, comme citoyens, leur possibilité de s'exprimer à l'avenir ? Vous voyez bien que l'on est en train de vouloir fermer tous les robinets, de vouloir tout verrouiller pour qu'il n'y ait plus de possibilités d'expression. Vous voyez bien ce parti unique : à l'intérieur de ce parti, il n'y pas de débat. les débats, ils sont dans les querelles que nous avons entre prétendants. Ce n'est pas le sujet qui intéresse les Français mais leur liberté d'expression, leur possibilité de faire entendre leur différence ; cela, pour eux, c'est vital. Cela se défend, comme le pluralisme, au premier tour d'une élection. Et ne je transigerait en rien sur cette liberté, parce que ce n'est pas la liberté de l'UDF que je défends, c'est la liberté de ceux qui vont voter, d'avoir sur la table un bulletin différent."
J.-P. Elkabbach-. C'est pour cette raison que le président de l'UDF défie, sur place, dans son territoire, le président de l'UMP ?
F. BAYROU.- "L'Aquitaine est ma région. J'y suis né, j'y ai grandi, j'ai fait mes études à Bordeaux, j'y ai vécu, j'y vis aujourd'hui et je suis député. Cette région a un département-clé pour une élection qui est la Gironde, qui est le département le plus peuplé et le plus grand, là où il y a le plus grand nombre d'électeurs ; à elle seule, la Gironde pèse presque autant que tous les autres départements ensemble. Quand on mène une bataille et qu'on en est responsable, on va en première ligne pour s'exposer, pour prendre le risque de la bataille et donner à l'élection tout son sens."
J.-P. Elkabbach-. A. Juppé, beau joueur, dit qu'il est paisible et qu'il dit estime que ce que vous faites n'est pas une déclaration de guerre. Mais est-ce que vous voulez sa défaite à lui ?
F. BAYROU.- "Je vais défendre, dans cette élection, la liberté des Français, des Aquitains et des Français dans les autres régions. Je vais la défendre au premier tour de cette élection et j'espère, dans beaucoup de régions, au second."
J.-P. Elkabbach-. Elle est menacée ?
F. BAYROU.- "Mais oui, vous voyez bien le double verrouillage auquel on assiste, l'idée qu'il faudrait que plus rien ne dépasse, que tout le monde s'aligne de manière à ce qu'une seule voix puisse être entendue, alors à ce moment-là, tous ces Français qui ont des problèmes - on voit les chercheurs aujourd'hui - n'ont plus de possibilité de se faire entendre."
J.-P. Elkabbach-. Il y aura des listes autonomes UDF ; alors prenons rapidement les régions : en PACA, il y en aura une ?
F. BAYROU.- "En PACA, il m'a semblé ces dernières heures que les pas se faisaient les uns vers les autres pour que, dans cette région particulière et en raison des candidatures que vous savez, les choses aillent dans le sens."
J.-P. Elkabbach-. Là non ?
F. BAYROU.- "Je ne dis pas "là, non", ne simplifiez pas.
J.-P. Elkabbach-. Je vais trop vite - cela ce négocie. Dans le Nord ?
F. BAYROU.- "Dans le Nord et le Pas-de-Calais, vous savez bien qu'il y a eu un certain nombre de manoeuvres ces dernières heures. Je réunirai ce soir les responsables de ma famille politique en France et dans cette région et je m'adresserai aux militants de l'UDF dans le Nord et le Pas-de-Calais."
J.-P. Elkabbach-. J.-P. Raffarin expliquait hier, qu'avec le quinquennat, il y a une lecture présidentielle des institutions. Il a dit que le Premier ministre est numéro 2 de l'exécutif, numéro 1 du Gouvernement et de la majorité ; "Sa force, ce n'est pas l'indépendance, c'est l'influence". Qu'en pensez-vous ?
F. BAYROU.- "D'abord, c'est assez juste ce qu'il dit : numéro 2 de l'exécutif, numéro 1 de la majorité parlementaire et du Gouvernement. Donc, sur ce point il n'y a pas de reproches à faire. Le point sur lequel je me sépare de J.-P. Raffarin, c'est une idée qu'il a souvent exprimée..."
J.-P. Elkabbach-. Il n'y a pas d'espace dans la majorité contre le président de la République...
F. BAYROU.- "Oui. Eh bien pour moi, cette déclaration d'inconditionnalité n'est pas la mienne, parce que cela veut dire "je donne raison au président de la République, quoi qu'il dise". Ce n'est pas ma vision de la démocratie et de la République. Ma vision, c'est, que l'on soit dans la majorité comme principale force ou comme force de moindre poids, on soutient quand c'est juste et on se sépare quand la décision prise n'est pas bonne. Autrement dit, il y a un devoir d'esprit critique, pas une liberté seulement..."
J.-P. Elkabbach-. Même avec le président de la République qui vous aurez choisi ?
F. BAYROU.- "Bien entendu ! Avec le président de la République, le Premier ministre n'est pas seulement un exécutant, il est là pour être un responsable libre et s'exprimant en pleine force et en pleine liberté, et pas seulement ne cherchant la référence que dans les propos présidentiels. Le Président a une responsabilité éminente ; il a été élu par tous les Français, il est donc normal et légitime - je l'ai demandé si souvent - qu'il soit lui-même en première ligne devant les Français. Et d'ailleurs, pas que pour les promesses, mais pour des orientations. Pas seulement la somme de promesses et d'annonces que nous avons eues dans la période précédente."
J.-P. Elkabbach-. J.-P. Raffarin est aujourd'hui "le chef de l'union majoritaire qu'est l'UMP" - c'est lui qui utilise cette formule - ; est-ce que c'est avec lui, face à face, que vous voulez discuter désormais ?
F. BAYROU.- "Je veux discuter face à face avec les Français en ce moment. Il y a une interprétation de ce qui s'est passé en 2002 qui n'est pas juste. Les Français n'ont pas voulu le verrouillage de tous les pouvoirs, ils ont voulu la cohérence et qu'on agisse..."
J.-P. Elkabbach-. Le Pen, c'est une menace, c'est un alibi, c'est un épouvantail ?
F. BAYROU.- "Le Pen se nourrit de tout cela. L'extrême droite se nourrit de l'incapacité de la majorité à avoir des lignes claires, à débattre et à avancer."
J.-P. Elkabbach-. Mais est-ce qu'il n'est pas pénible d'avoir un allié comme vous, qui dit toujours "non", qui n'approuve rien ?
F. BAYROU.- "J'approuve quand c'est bien et je dis "non" quand ce n'est pas bien."
J.-P. Elkabbach-. Exemple ?
F. BAYROU.- "Une décision très récente : le Premier ministre a décidé ne ne pas privatiser les autoroutes en France, au terme d'un débat où G. de Robien, le ministre de l'équipement a joué un rôle important. Je trouve que c'est une bonne décision. Je l'ai dit et je le redis. Les chiffres de la sécurité routière montre que la politique suivie est bonne. En matière d'insécurité et de lutte contre la délinquance, la politique est bonne. Donc, il n'y aucune raison..."
J.-P. Elkabbach-. Et qu'est-ce qui ne va pas ?
F. BAYROU.- "Il y a beaucoup de choses qui ne vont pas. Ce qui va le moins, c'est la distance croissante entre les promesses et les réalités, le gouffre qui est en train de se creuser entre les mots et les choses, comme aurait dit l'autre."
J.-P. Elkabbach-. Pourquoi avez-vous parlé des chercheurs, tout à l'heure ?
F. BAYROU.- "Parce que l'on est dans une crise profonde de la recherche en France, avec un mouvement, une lame de fond des chercheurs comme il n'y en a pas eue depuis longtemps. Pour moi, la principale cause de cette révolte, c'est que l'on n'arrête pas de dire que la recherche est une priorité nationale - une grande priorité nationale - et après, on s'aperçoit, dans la réalité, que c'est le contraire qui se fait. Il faut une voie libre pour affirmer que la recherche, première priorité nationale, si c'était fondé, ce serait une bonne orientation mais que, dans la réalité, en effet, ce n'est pas cela, c'est la grande misère des chercheurs."
J.-P. Elkabbach-. Pour la droite, qui est l'ennemi public numéro 1 ? F. Bayrou ou N. Sarkozy ?
F. BAYROU.- "Je pense que chacun a sa saison."
J.-P. Elkabbach-. Beaucoup pensent que vous avez partie liée, l'un et l'autre.
F. BAYROU.- "Non. N. Sarkozy est dans une situation particulière qui n'est pas du tout la mienne. D'abord, je trouve qu'il agit bien en matière de sécurité - et puis, il faut le dire aussi et ne pas se laisser égarer -, mais il est ministre et membre de l'UMP. J'ai choisi, pour ma part, d'être dans une liberté différente, avec une UDF qui s'affirme et se fait entendre, pour que le pluralisme trouve toute sa place en France."
J.-P. Elkabbach-. Une question est souvent posée : est-ce que N. Sarkozy n'en fait pas trop ?
F. BAYROU.- "C'est son choix. Moi, je ne veux pas alimenter les querelles et les petites phrases."
J.-P. Elkabbach-. C'est un bon climat ?
F. BAYROU.- "Non, ce n'est pas un très bon climat. La manière dont tout cela est vécu, organisé, avec des pièges et une tentative pour abattre des hommes qui font leur travail, ce n'est pas un très bon climat. Il y a un climat délétère ; en tout cas nuisible."
J.-P. Elkabbach-. Et pendant ce temps, l'Amérique veut conquérir Mars, l'Inde et la Chine flirtent avec 9 % de croissance...
F. BAYROU.- "Et l'Europe ne se fait pas, alors qu'elle serait la seule réponse possible à cette espèce de prise de contrôle du monde par de très grandes puissances."
(Source : premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 13 janvier 2004)