Déclaration de M. François Fillon, conseiller politique du RPR, sur le référendum sur le quinquennat, à Paris le 11 juillet 2000.

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Circonstance : Réunion du comité politique du RPR à Paris le 11 juillet 2000

Texte intégral

Chères Amies et Chers Compagnons.
Le Président de la République a décidé de soumettre aux Français le projet de quinquennat.
Cette initiative, bien que populaire, semble rencontrer un certain scepticisme, quelques-uns s'employant même à se mettre tranquillement aux abris en attendant que les Français tranchent... Telle n'est pas ma conception des choses.
J'aborde ce référendum avec gourmandise et détermination.
Avec gourmandise car je n'ai aucune hésitation sur les avantages escomptés du quinquennat. Je tourne, sans états d'âme, la page du septennat, mais surtout des cohabitations à répétition qu'il induit mécaniquement et qu'il continuera d'induire si nous n'y mettons pas un terme. Pompidou avait initié le projet du quinquennat, Giscard l'avait éludé, Mitterrand l'avait enterré, Jacques Chirac, lui, le ressuscite. L'histoire se souviendra de ceux qui ont calé et de celui qui a tranché.
Je m'engage avec détermination parce que le Président de la République en choisissant la voie référendaire est à la hauteur de la tradition gaulliste. Jacques CHIRAC s'est refusé à entendre les arguments fuyants et élitistes des partisans du Congrès ; il a refusé que le débat se tienne dans le dos des français, à la va-vite, sous les lambris dorés et calfeutrés du Congrès. Parce que l'élection présidentielle est la plus sacrée, le Chef de l'État a courageusement estimé que seuls les citoyens français avalent le pouvoir de décider des modalités de l'élection présidentielle. Sa décision est fondée sur la confiance chaleureuse qu'il accorde aux Français. Elle l'honore et elle nous oblige à tenir notre rang.
Le peuple est saisi. Par principe, nous devons nous investir personnellement et sans circonvolution ! Parce que le référendum doit être réhabilité, le RPR doit mettre toutes ses forces dans cette bataille ; il doit être, aux yeux de l'opinion publique, le parti de la démocratie directe. A l'heure où la crise du politique s'étend, chacun d'entre-nous doit prendre ses responsabilités. Moi j'ai l'intention de prendre les miennes et ne pas ménager ma peine. Je vais faire campagne avec le message suivant :
D'abord, il faut mettre un terme à la pratique de la cohabitation. La cohabitation a les apparences du consensus national, mais à la vérité elle est une tromperie démocratique et républicaine. La cohabitation je l'ai vécue de prés. J'en parle en connaissance de cause. C'est Florence au XVème siècle, les couteaux en moins et les sondages en plus. La cohabitation mine l'efficacité de la Vème République, elle affaiblit le jeu démocratique au profit des palis extrémistes, elle démoralise nos militants, elle paralyse le RPR. Moi, je n'ai qu'une préoccupation dans ma lime de mire : je veux voir réhabiliter la politique, ressusciter la République et renforcer le Rassemblement pour la République qui n'a pas éternellement vocation à être un parti de cohabitation. Je ne me suis pas engagé en politique pour voir fondre mon idéal dans le consensus mou. Le septennat - soyons clairs - entraîne presque mécaniquement la cohabitation et ceci est d'autant plus vrai dans une société ou les disparités idéologiques ont disparu. Nous en avons vécu trois, nous en vivrons d'autres si rien ne change. Le quinquennat permet de réduire ce risque. Je ne dis pas qu'il l'empêche totalement. Je dis qu'il permet de le réduire. Rien que pour cela, je dis "oui au quinquennat" ! Je défends le quinquennat parce que je recherche une clarification politique, au profit d'une République forte et d'un RPR libre et puissant. Les autres avantages escomptés du quinquennat, vous les connaissez. Je n'entre pas dans le détail, si ce n'est pour dire qu'il épouse le rythme rapide des évolutions de notre civilisation contemporaine. Ces évolutions exigent d'être marquées par des rendez-vous électoraux plus fréquents. En passant au quinquennat, en réhabilitant la procédure référendaire, le RPR peut témoigner de sa volonté de traiter la crise du politique. C'est cela qui est important !
Mes Chers Compagnons.
Quels sont les arguments avancés par les partisans du septennat ?
J'en perçois trois.
l/ Le premier est purement affectif : il est lié au souvenir du Général de Gaulle. Cet argument du coeur, que je comprends, ne m'ébranle pas pour autant. Pour le général, rien ne fut jamais définitif et écrit pour toujours. Les institutions sont des outils. Elles doivent être conformes aux objectifs politiques que nous nous fixons et doivent être adaptées à la culture et aux moeurs de la société qu'elles sont censées interpréter et commander.
2/ Le second argument avancé par les "septennalistes" est que le quinquennat bouleversera l'équilibre de nos institutions. Cet argument est plus que discutable. A mon sens, l'équilibre entre l'exécutif et le législatif demeurera comparable à celui qui prévaut actuellement. D'une certaine façon, la fin du cumul des mandats est plus porteuse de changement dans les relations entretenues entre l'Assemblée Nationale et le Gouvernement que le quinquennat...
3/ Le troisième argument avancé, c'est que la quasi concomitance entre les élections présidentielles et législatives "enfermera" le candidat à l'élection suprême dans le " jeu" des partis. L'argument n'est pas à écarter d'un revers de la main, mais il me laisse cependant perplexe. Car, jusqu'à preuve du contraire, le Général de Gaulle fut en son temps le patron désigné ou subliminal de l'UNR puis de l'UDR, Giscard celui de l'UDF, Mitterrand celui du PS et Jacques Chirac celui du RPR... Septennat ou quinquennat, le candidat à la présidence est donc l'homme d'une stratégie partisane, pour ne pas dire d'un parti. Inutile sur ce sujet de nous raconter des histoires !
Ces trois arguments ne résistent pas, à mon sens, à l'épreuve du débat et de la raison.
Mes Chers Compagnons.
Avec Michèle Alliot-Marie, je vous imite donc à vous retrousser les manches. Le référendum pour le quinquennat c'est une affaire pour les gaullistes. Face au scepticisme, face au calcul des responsables de la majorité (mais aussi de l'apposition !), c'est à nous qu'il revient de faire gagner cette initiative. C'est à nous de jouer le rôle de fer de lance.
A neuf mois des municipales, à deux ans des législatives et des présidentielles, nous devons faire la démonstration de notre capacité et de notre volonté de clarifier et de démocratiser la République. Nous devons entraîner dans notre sillage les formations de l'opposition qui, plus que jamais, doivent faire la preuve de leur unité et de leur efficacité sur les grands sujets de société. Pour gagner les prochaines échéances électorales, nous n'avons plus le droit à l'erreur et nous avons surtout un devoir d'audace. Il est hors de question de laisser Jospin s'approprier plus d'une seconde ce sujet. Nul ne doit flancher et nul ne doit choisir la facilité du silence.
Mes Chers Compagnons, je vous invite à vous engager et vous engager à fond !
(source http://www.rpr.org, le 18 décembre 2002)