Texte intégral
LE PARISIEN du 26 août 2004
Le Parisien - Les 35 heures peuvent-elles encore être assouplies comme le souhaitent le gouvernement et certaines entreprises ?
François Chérèque - Non ! En matière d'assouplissement des 35 heures, la loi Fillon a déjà été au maximum des marges de manuvres acceptables pour la CFDT. Il n'est pas question pour nous de revenir sur ce que le président Chirac a lui même qualifié d'acquis social.
Le Parisien - " On ne touche à rien ", pensez-vous que cette position est tenable, à terme, compte tenu du caractère mondialisé de notre économie ?
François Chérèque - Notre position ne signifie pas qu'on ne touche à rien, comme vous dites. Nous ne sommes pas opposés au principe de négociations du temps de travail au niveau des branches et des entreprises à condition toutefois que l'on puisse le faire aussi dans les entreprises de moins de 20 salariés, ce qui n'est pas le cas actuellement. Chez Bosch à Vénissieux, par exemple, la CFDT a négocié un accord garantissant quatorze jours de RTT et qui permet à l'entreprise de faire face à certaines difficultés. Cela démontre que des adaptations sont parfaitement possibles avec les dispositifs existants.
Le Parisien - Que répondez-vous aux salariés qui, selon les sondages, souhaiteraient pouvoir travailler plus tout en gagnant plus ?
François Chérèque - Je leur réponds que les chefs d'entreprise n'ont qu'une idée en tête: les faire travailler plus au même salaire. On le voit d'ailleurs notamment à travers les récentes menaces de délocalisation. Ce chantage exercé par certains patrons extrémistes est inacceptable ! Je demande aux responsables du Medef et au gouvernement de faire respecter la loi.
Le Parisien - Et si, évoquant le retour de la croissance, le gouvernement passait outre malgré tout et revenait vraiment sur les 35 heures ?
François Chérèque - Malgré la reprise économique, le chômage continue d'augmenter en France. On a donc absolument besoin de créer des emplois si l'on veut que les fruits de la croissance puissent être redistribués. Or, on l'a vu pendant leur création en période de forte expansion économique, les 35 heures ont permis de créer plusieurs centaines de milliers d'emplois, elles ne constituent donc pas un frein à la croissance. Par ailleurs, nous n'avons pas oublié qu'en échange des 35 heures, les salariés ont consenti des efforts au moment de la réorganisation du travail et du gel salarial qui a suivi. En cas de marche arrière, il faudra leur restituer tout cela...
Le Parisien - Pensez-vous que les reculs salariaux et l'augmentation de la durée imposée en Allemagne puisse faire tâche d'huile en France ?
François Chérèque - Le temps où l'Allemagne donnait le " la " en matière sociale est révolu. En France, il y a eu une loi sur les 35 heures, pas en Allemagne. La situation n'est donc ni comparable, ni exportable.
Le Parisien - Aujourd'hui, la question du temps de travail semble devoir être une des plus délicates de la rentrée. Existe-t-il, selon vous, des risques de tensions sociales à son sujet ?
François Chérèque - Elle peut effectivement être source de conflits. Pour nous, s'attaquer à la réduction du temps de travail c'est s'attaquer à l'emploi, nous ne laisserons pas faire. La CFDT a voulu les 35 heures, elle saura les défendre.
(Source http://www.cfdt.fr, le 27 août 2004)
RMC le 26 août 2004
Q- Le Gouvernement envisage d'assouplir les 35 heures. Les syndicats s'opposent à toutes modifications de la loi. Certains salariés bénéficiaires de RTT sont heureux, les RTT ont changé leur vie. D'autres veulent travailler plus pour gagner plus. Est-ce que les attaques sur les 35 heures masquent le vrai débat qui doit avoir lieu sur les délocalisations ?
R- "Oui, effectivement, le vrai débat sur les délocalisations n'est pas le débat des 35 heures, parce que l'on a vu que lorsqu'on a mis en place ces 35 heures, on était dans une démarche économique forte. On a créé 300.000 emplois. Les 35 heures n'ont pas empêché la création d'emplois et, au contraire, l'ont favorisée. Aujourd'hui, on est dans un nouveau cycle de redémarrage de l'économie et on ne crée pas d'emplois dans notre pays. Or on a un débat sur les délocalisations. Quel est il ? Dans certains pays, le coût du travail est beaucoup plus faible qu'en France et certaines entreprises, qui font des profits au niveau mondial, ont tendance à délocaliser leurs entreprises. Mais le coût du travail est parfois 4 fois moins important qu'en France - et plus encore, mais en moyenne 4 fois moins important. Si l'on veut concurrencer ces pays, on ne va pas diviser le salaire des travailleurs français par 4. Le coût des 35 heures par rapport à l'enjeu des délocalisations, ce n'est pas ça. La réflexion que l'on doit donc avoir en France - et c'est cette réflexion que l'on n'a pas -, c'est comment lutter contre les délocalisations, c'est-à-dire comment créer des emplois dans notre pays qui ne soient pas, je dirais "exportables"."
Q- Vous parlez d'emplois, de comment créer des emplois. En fait, il s'agit d'un choix de société. Si la croissance revient, si il y a donc un peu plus d'argent à distribuer, il y a deux solutions. Soit on permet aux exclus du travail d'accéder au travail, à l'emploi ; soit on donne d'avantage aux salariés qui sont en place, on augmente les salaires.
R - "Notre priorité est dans votre question ou dans ce que vous dites : c'est d'utiliser les fruits de la croissance pour faire travailler plus les Français, mais surtout faire travailler plus les gens qui sont au chômage. On a 4 millions de personnes au chômage, c'est là qu'il faut passer notre effort. Ce qui n'empêche pas, dans les entreprises, de travailler sur le pouvoir d'achat des salariés. On l'a vu, le débat du Smic était pour nous quelque chose d'important."
Q- C'est pour cela que vous avez pris la position qu'on connaît chez Bosch ?
R - "Chez BOSCH, on a un cas d'école mais cela fait un an que la section CFDT chez Bosch discutait avec l'entreprise sur l'évolution économique de l'entreprise, Bosch faisant des produits qui étaient obsolètes. Il y avait un risque et l'entreprise voulait faire construire des nouveaux produits dans une usine qui était déjà créée en Tchéquie. Bosch était une entreprise qui avait un des meilleurs accord de réduction du temps de travail. Il y avait 20 jours de réduction du temps de travail. Ils ont donc discuté, dans le cadre de la loi - ce qui montre bien qu'il est pas nécessaire de changer la loi -, un assouplissement. Aujourd'hui, ils ont encore 14 jours de réduction du temps de travail, ils ont les salaires les plus élevés du bassin d'emplois, 15 % supérieurs. Donc il y a beaucoup de salariés dans notre pays qui aimeraient bien avoir 14 jours de RTT, il y en a beaucoup qui les ont pas. Il y a beaucoup de salariés qui voudraient que le salaire minimum soit 15 % au dessus du Smic. Et dans le bassin de l'emploi de Vénissieux, il vaut mieux toujours travailler chez Bosch que chez l'artisan du coin. Donc on voit bien qu'on a pu avoir un aménagement qui sauve 190 emplois, donc un aménagement de l'organisation, tout en ayant un niveau social supérieur aux autres."
Q- Question de Christian, 35 ans, Haute-Garonne : Je suis technico-commercial. Donc les 35 heures sont juste sur mon bulletin de salaire en fait, puisque pas applicables - c'est plutôt 10 à 14 heures par jour. Pourquoi empêcher un salarié de travailler plus, s'il le souhaite ? J'ai du mal a comprendre. Quand je demande une augmentation de salaire, on me dit de faire plus de clients et donc, j'ai cette possibilité en quelque sorte. Pourquoi empêcher un salarié finalement de gagner plus s'il le souhaite, en travaillant plus ?
R - "Effectivement, vous avez raison et je vous remercie de me poser cette question. Arrêtons d'avoir de faux débats entre nous. La CFDT n'est pas sur une position empêchons les salariés de travailler plus pour gagner plus. Pourquoi ? Parce que, simplement, dans une entreprise, ce n'est pas le syndicat qui a la maîtrise du temps de travail, c'est l'employeur. Or on le voit bien dans le débat qu'on a aujourd'hui sur la réduction de temps de travail, on a d'un côté des politiques, pour des raisons électorales - et on sait très bien que pour des raisons électorales ils savent le dire -, disent que l'on va permettre aux gens de travailler plus pour gagner plus. C'est le discours de M. Sarkozy. Et on a les employeurs - on voit les déclarations de la CGPME, le syndicat des patrons des petites entreprises - qui disent qu'ils veulent que les salariés travaillent plus mais qu'ils ne soient pas payés plus."
Q- J.-J. Bourdin : La CGPME dit que les petites entreprises de moins de 20 salariés devraient pouvoir négocier directement avec les salariés sans nécessairement passer par les syndicats...
R - "S'ils veulent discuter directement avec les salariés sans passer avec les syndicats, c'est qu'ils veulent profiter d'un rapport de force pour faire travailler les salariés plus sans gagner plus. Donc si on ne fait pas attention, qu'on dit que ce que dit M. Sarkozy c'est quand même bien, que l'on va travailler plus pour gagner plus, en réalité, on va travailler plus pour gagner la même chose. Et c'est ce qui se passe dans les entreprises de moins de 20 salariés aujourd'hui, où les entreprises - et c'est ce que demande M. Roubaud, de la CGPME - peuvent faire faire des heures supplémentaires à leurs salariés, avec des heures supplémentaires mal payées, beaucoup moins payées que les autres entreprises, ce qui fait que c'est un marché de dupe pour eux."
Q- Si je suis salarié dans une entreprise, je veux travailler plus, pour gagner plus, est-ce que je le peux aujourd'hui ?
R - "Non."
Q- C'est dommage, non ?
R - "Je ne peux pas, parce que le système de l'organisation du travail aujourd'hui, dans notre pays, ce n'est pas le salarié qui décide, c'est le patron. Et c'est là la logique du conflit : nous sommes bien évidemment dans une démarche de donnant-donnant. Et là, on a des patrons en face de nous qui sont pas d'accord."
Q- Et vous accepteriez, si par exemple le patronat vous disait que l'on passe à 38 heures mais qu'en contrepartie, on augmente les salaires de 5 % ?
R - "C'est un cas virtuel, mais la loi actuelle permet dans les branches professionnelles et dans les entreprises, d'avoir ce type de négociations et ce type de débats. La plupart des accords de branche permettent aux entreprises de faire entre 80 et 180 heures supplémentaires par an - c'est le principe de travailler plus pour gagner plus. Or la moyenne des heures supplémentaires dans notre pays aujourd'hui, est moins de 50 heures. Donc on voit bien que la possibilité d'aller dans ce sens-là, qui est permis par les accords de branche ou la loi, n'est pas utilisée dans les entreprises, parce que les entreprises ne sont pas demandeuses de faire des heures supplémentaires, donc de payer plus leurs salariés."
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Q- Nous allons regarder avec vous les pistes du Gouvernement en matière de réforme du temps de travail On a compris ce que vous alliez dire au ministre, c'est clair ! Franchement, est-ce que vous croyez qu'il y a une vraie volonté gouvernementale de revenir sur les 35 heures ? Il y a Sarkozy d'un côté et il y a J.-P. Raffarin et J. Chirac de l'autre ?
R- "Je crois que l'on est dans un débat idéologique entre différentes tendances de la majorité et en règle générale - et je commence à avoir un petit peu l'habitude, quelles que soient les majorités -, quand il y a des débats à l'intérieur d'une majorité, c'est toujours le social qui trinque. Le vrai débat aujourd'hui, c'est quels sont les moyens que l'on met dans ce pays pour relancer l'emploi, alors que l'économie repart ? On a parlé des délocalisations. Si l'on veut créer de nouveaux emplois dans notre pays, il faut plus de recherche, on est un des pays en Europe qui investissons le moins dans la formation supérieure, donc on a besoin de formation de recherche, pour créer des emplois avec des gens qualifiés pour y répondre. On a besoin d'emplois dans les emplois de service, par exemple hôtels, cafés, restaurants, hôpitaux ; ces emplois ne vont pas être délocalisés à l'étranger. Or on voit bien que l'on manque de personnel dans ces milieux-là, parce que l'on a d'un côté des emplois pas assez valorisés et de l'autre côté du personnel pas qualifié. Il y a donc des emplois à créer dans notre pays qui ne risquent pas de partir à l'étranger. C'est le vrai débat, sauf que l'on ne veut pas donner ces moyens, donc on préfère parler autre chose."
(Source : premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 30 août 2004)
Le Parisien - Les 35 heures peuvent-elles encore être assouplies comme le souhaitent le gouvernement et certaines entreprises ?
François Chérèque - Non ! En matière d'assouplissement des 35 heures, la loi Fillon a déjà été au maximum des marges de manuvres acceptables pour la CFDT. Il n'est pas question pour nous de revenir sur ce que le président Chirac a lui même qualifié d'acquis social.
Le Parisien - " On ne touche à rien ", pensez-vous que cette position est tenable, à terme, compte tenu du caractère mondialisé de notre économie ?
François Chérèque - Notre position ne signifie pas qu'on ne touche à rien, comme vous dites. Nous ne sommes pas opposés au principe de négociations du temps de travail au niveau des branches et des entreprises à condition toutefois que l'on puisse le faire aussi dans les entreprises de moins de 20 salariés, ce qui n'est pas le cas actuellement. Chez Bosch à Vénissieux, par exemple, la CFDT a négocié un accord garantissant quatorze jours de RTT et qui permet à l'entreprise de faire face à certaines difficultés. Cela démontre que des adaptations sont parfaitement possibles avec les dispositifs existants.
Le Parisien - Que répondez-vous aux salariés qui, selon les sondages, souhaiteraient pouvoir travailler plus tout en gagnant plus ?
François Chérèque - Je leur réponds que les chefs d'entreprise n'ont qu'une idée en tête: les faire travailler plus au même salaire. On le voit d'ailleurs notamment à travers les récentes menaces de délocalisation. Ce chantage exercé par certains patrons extrémistes est inacceptable ! Je demande aux responsables du Medef et au gouvernement de faire respecter la loi.
Le Parisien - Et si, évoquant le retour de la croissance, le gouvernement passait outre malgré tout et revenait vraiment sur les 35 heures ?
François Chérèque - Malgré la reprise économique, le chômage continue d'augmenter en France. On a donc absolument besoin de créer des emplois si l'on veut que les fruits de la croissance puissent être redistribués. Or, on l'a vu pendant leur création en période de forte expansion économique, les 35 heures ont permis de créer plusieurs centaines de milliers d'emplois, elles ne constituent donc pas un frein à la croissance. Par ailleurs, nous n'avons pas oublié qu'en échange des 35 heures, les salariés ont consenti des efforts au moment de la réorganisation du travail et du gel salarial qui a suivi. En cas de marche arrière, il faudra leur restituer tout cela...
Le Parisien - Pensez-vous que les reculs salariaux et l'augmentation de la durée imposée en Allemagne puisse faire tâche d'huile en France ?
François Chérèque - Le temps où l'Allemagne donnait le " la " en matière sociale est révolu. En France, il y a eu une loi sur les 35 heures, pas en Allemagne. La situation n'est donc ni comparable, ni exportable.
Le Parisien - Aujourd'hui, la question du temps de travail semble devoir être une des plus délicates de la rentrée. Existe-t-il, selon vous, des risques de tensions sociales à son sujet ?
François Chérèque - Elle peut effectivement être source de conflits. Pour nous, s'attaquer à la réduction du temps de travail c'est s'attaquer à l'emploi, nous ne laisserons pas faire. La CFDT a voulu les 35 heures, elle saura les défendre.
(Source http://www.cfdt.fr, le 27 août 2004)
RMC le 26 août 2004
Q- Le Gouvernement envisage d'assouplir les 35 heures. Les syndicats s'opposent à toutes modifications de la loi. Certains salariés bénéficiaires de RTT sont heureux, les RTT ont changé leur vie. D'autres veulent travailler plus pour gagner plus. Est-ce que les attaques sur les 35 heures masquent le vrai débat qui doit avoir lieu sur les délocalisations ?
R- "Oui, effectivement, le vrai débat sur les délocalisations n'est pas le débat des 35 heures, parce que l'on a vu que lorsqu'on a mis en place ces 35 heures, on était dans une démarche économique forte. On a créé 300.000 emplois. Les 35 heures n'ont pas empêché la création d'emplois et, au contraire, l'ont favorisée. Aujourd'hui, on est dans un nouveau cycle de redémarrage de l'économie et on ne crée pas d'emplois dans notre pays. Or on a un débat sur les délocalisations. Quel est il ? Dans certains pays, le coût du travail est beaucoup plus faible qu'en France et certaines entreprises, qui font des profits au niveau mondial, ont tendance à délocaliser leurs entreprises. Mais le coût du travail est parfois 4 fois moins important qu'en France - et plus encore, mais en moyenne 4 fois moins important. Si l'on veut concurrencer ces pays, on ne va pas diviser le salaire des travailleurs français par 4. Le coût des 35 heures par rapport à l'enjeu des délocalisations, ce n'est pas ça. La réflexion que l'on doit donc avoir en France - et c'est cette réflexion que l'on n'a pas -, c'est comment lutter contre les délocalisations, c'est-à-dire comment créer des emplois dans notre pays qui ne soient pas, je dirais "exportables"."
Q- Vous parlez d'emplois, de comment créer des emplois. En fait, il s'agit d'un choix de société. Si la croissance revient, si il y a donc un peu plus d'argent à distribuer, il y a deux solutions. Soit on permet aux exclus du travail d'accéder au travail, à l'emploi ; soit on donne d'avantage aux salariés qui sont en place, on augmente les salaires.
R - "Notre priorité est dans votre question ou dans ce que vous dites : c'est d'utiliser les fruits de la croissance pour faire travailler plus les Français, mais surtout faire travailler plus les gens qui sont au chômage. On a 4 millions de personnes au chômage, c'est là qu'il faut passer notre effort. Ce qui n'empêche pas, dans les entreprises, de travailler sur le pouvoir d'achat des salariés. On l'a vu, le débat du Smic était pour nous quelque chose d'important."
Q- C'est pour cela que vous avez pris la position qu'on connaît chez Bosch ?
R - "Chez BOSCH, on a un cas d'école mais cela fait un an que la section CFDT chez Bosch discutait avec l'entreprise sur l'évolution économique de l'entreprise, Bosch faisant des produits qui étaient obsolètes. Il y avait un risque et l'entreprise voulait faire construire des nouveaux produits dans une usine qui était déjà créée en Tchéquie. Bosch était une entreprise qui avait un des meilleurs accord de réduction du temps de travail. Il y avait 20 jours de réduction du temps de travail. Ils ont donc discuté, dans le cadre de la loi - ce qui montre bien qu'il est pas nécessaire de changer la loi -, un assouplissement. Aujourd'hui, ils ont encore 14 jours de réduction du temps de travail, ils ont les salaires les plus élevés du bassin d'emplois, 15 % supérieurs. Donc il y a beaucoup de salariés dans notre pays qui aimeraient bien avoir 14 jours de RTT, il y en a beaucoup qui les ont pas. Il y a beaucoup de salariés qui voudraient que le salaire minimum soit 15 % au dessus du Smic. Et dans le bassin de l'emploi de Vénissieux, il vaut mieux toujours travailler chez Bosch que chez l'artisan du coin. Donc on voit bien qu'on a pu avoir un aménagement qui sauve 190 emplois, donc un aménagement de l'organisation, tout en ayant un niveau social supérieur aux autres."
Q- Question de Christian, 35 ans, Haute-Garonne : Je suis technico-commercial. Donc les 35 heures sont juste sur mon bulletin de salaire en fait, puisque pas applicables - c'est plutôt 10 à 14 heures par jour. Pourquoi empêcher un salarié de travailler plus, s'il le souhaite ? J'ai du mal a comprendre. Quand je demande une augmentation de salaire, on me dit de faire plus de clients et donc, j'ai cette possibilité en quelque sorte. Pourquoi empêcher un salarié finalement de gagner plus s'il le souhaite, en travaillant plus ?
R - "Effectivement, vous avez raison et je vous remercie de me poser cette question. Arrêtons d'avoir de faux débats entre nous. La CFDT n'est pas sur une position empêchons les salariés de travailler plus pour gagner plus. Pourquoi ? Parce que, simplement, dans une entreprise, ce n'est pas le syndicat qui a la maîtrise du temps de travail, c'est l'employeur. Or on le voit bien dans le débat qu'on a aujourd'hui sur la réduction de temps de travail, on a d'un côté des politiques, pour des raisons électorales - et on sait très bien que pour des raisons électorales ils savent le dire -, disent que l'on va permettre aux gens de travailler plus pour gagner plus. C'est le discours de M. Sarkozy. Et on a les employeurs - on voit les déclarations de la CGPME, le syndicat des patrons des petites entreprises - qui disent qu'ils veulent que les salariés travaillent plus mais qu'ils ne soient pas payés plus."
Q- J.-J. Bourdin : La CGPME dit que les petites entreprises de moins de 20 salariés devraient pouvoir négocier directement avec les salariés sans nécessairement passer par les syndicats...
R - "S'ils veulent discuter directement avec les salariés sans passer avec les syndicats, c'est qu'ils veulent profiter d'un rapport de force pour faire travailler les salariés plus sans gagner plus. Donc si on ne fait pas attention, qu'on dit que ce que dit M. Sarkozy c'est quand même bien, que l'on va travailler plus pour gagner plus, en réalité, on va travailler plus pour gagner la même chose. Et c'est ce qui se passe dans les entreprises de moins de 20 salariés aujourd'hui, où les entreprises - et c'est ce que demande M. Roubaud, de la CGPME - peuvent faire faire des heures supplémentaires à leurs salariés, avec des heures supplémentaires mal payées, beaucoup moins payées que les autres entreprises, ce qui fait que c'est un marché de dupe pour eux."
Q- Si je suis salarié dans une entreprise, je veux travailler plus, pour gagner plus, est-ce que je le peux aujourd'hui ?
R - "Non."
Q- C'est dommage, non ?
R - "Je ne peux pas, parce que le système de l'organisation du travail aujourd'hui, dans notre pays, ce n'est pas le salarié qui décide, c'est le patron. Et c'est là la logique du conflit : nous sommes bien évidemment dans une démarche de donnant-donnant. Et là, on a des patrons en face de nous qui sont pas d'accord."
Q- Et vous accepteriez, si par exemple le patronat vous disait que l'on passe à 38 heures mais qu'en contrepartie, on augmente les salaires de 5 % ?
R - "C'est un cas virtuel, mais la loi actuelle permet dans les branches professionnelles et dans les entreprises, d'avoir ce type de négociations et ce type de débats. La plupart des accords de branche permettent aux entreprises de faire entre 80 et 180 heures supplémentaires par an - c'est le principe de travailler plus pour gagner plus. Or la moyenne des heures supplémentaires dans notre pays aujourd'hui, est moins de 50 heures. Donc on voit bien que la possibilité d'aller dans ce sens-là, qui est permis par les accords de branche ou la loi, n'est pas utilisée dans les entreprises, parce que les entreprises ne sont pas demandeuses de faire des heures supplémentaires, donc de payer plus leurs salariés."
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Q- Nous allons regarder avec vous les pistes du Gouvernement en matière de réforme du temps de travail On a compris ce que vous alliez dire au ministre, c'est clair ! Franchement, est-ce que vous croyez qu'il y a une vraie volonté gouvernementale de revenir sur les 35 heures ? Il y a Sarkozy d'un côté et il y a J.-P. Raffarin et J. Chirac de l'autre ?
R- "Je crois que l'on est dans un débat idéologique entre différentes tendances de la majorité et en règle générale - et je commence à avoir un petit peu l'habitude, quelles que soient les majorités -, quand il y a des débats à l'intérieur d'une majorité, c'est toujours le social qui trinque. Le vrai débat aujourd'hui, c'est quels sont les moyens que l'on met dans ce pays pour relancer l'emploi, alors que l'économie repart ? On a parlé des délocalisations. Si l'on veut créer de nouveaux emplois dans notre pays, il faut plus de recherche, on est un des pays en Europe qui investissons le moins dans la formation supérieure, donc on a besoin de formation de recherche, pour créer des emplois avec des gens qualifiés pour y répondre. On a besoin d'emplois dans les emplois de service, par exemple hôtels, cafés, restaurants, hôpitaux ; ces emplois ne vont pas être délocalisés à l'étranger. Or on voit bien que l'on manque de personnel dans ces milieux-là, parce que l'on a d'un côté des emplois pas assez valorisés et de l'autre côté du personnel pas qualifié. Il y a donc des emplois à créer dans notre pays qui ne risquent pas de partir à l'étranger. C'est le vrai débat, sauf que l'on ne veut pas donner ces moyens, donc on préfère parler autre chose."
(Source : premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 30 août 2004)