Tribune de M. Michel Barnier, ministre des affaires étrangères, dans "Le Figaro" du 5 juin 2004, sur le rôle de la France dans le réglement du conflit soudanais et l'aide humanitaire au Darfour, intitulée "Soudan : nous agissons !".

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Je veux rassurer Emma Bonino, et les personnalités françaises qui, ensemble, ont lancé jeudi, dans ces colonnes, un appel salutaire à la solidarité pour les populations du Darfour. Si nous sommes loin encore de répondre collectivement à l'ampleur du drame qui s'y noue depuis quelque temps, voilà un moment déjà que les autorités françaises se sont mobilisées.
La crise qui s'aggrave depuis plusieurs mois dans ces confins soudanais aux marges du Tchad est, longtemps passée inaperçue - ou sous silence - tant l'essentiel des regards était tourné vers la conclusion mainte fois annoncée, maintes fois retardée, d'un accord "historique" avec le sud du pays, après quelque quarante années de guerre quasi ininterrompue qui ont fait des milliers de victimes disparues "à bas bruit".
C'est ce triple risque, désastre humanitaire, obstacle à la conclusion de l'accord de paix avec le Sud, menace pour les États frontaliers - Tchad, Centrafrique -, qui a conduit mon prédécesseur Dominique de Villepin, dès février dernier, à se rendre au Tchad puis au Soudan, et à faire part de sa constante préoccupation à Colin Powell comme à nos partenaires européens. Aux autorités soudanaises, nous avons fait valoir, comme nous continuons de le faire, dans le cadre d'un dialogue qui demeure à nos yeux indispensable, leur intérêt immédiat à mettre un terme aux bombardements aériens et aux exactions des milices, et à favoriser l'accès humanitaire. Aux autorités tchadiennes, nous avons apporté notre appui dans la reprise de leur effort de médiation entre le gouvernement de Khartoum et les mouvements rebelles.
Ainsi, l'engagement du président Déby, avec l'appui concret de la diplomatie française, a abouti le 8 avril dernier à la conclusion d'un cessez-le-feu appuyé par le déploiement d'observateurs de la communauté internationale.
Ce déploiement sera salutaire, espérons-le de toutes nos forces. Présents sur le terrain, les observateurs pourront contribuer à stabiliser la situation dans le Darfour, à empêcher les violations du cessez-le-feu et les actions des milices, à faciliter l'action des opérateurs humanitaires et à encourager les populations à rentrer chez elles.
Grâce à l'action déterminée et à la réaction immédiate de l'Union africaine, ce déploiement est déjà effectif. Depuis hier, des observateurs africains se trouvent dans le Darfour. Ils seront suivis sous peu par des observateurs européens et américains. Je me suis récemment entretenu avec le président de l'Union africaine, Joachim Chissano, pour lui confirmer que nous allions appuyer ce déploiement.
Au nom du gouvernement français, Renaud Muselier était avant-hier à Genève pour participer à la réunion de donateurs sur le Darfour, coprésidée par le BCAH, l'Union européenne et l'USAID. Il se rendra très prochainement sur le terrain à ma demande. Depuis fin 2003 déjà, nous soutenons les programmes du CICR, du HCR et de nombreuses ONG françaises, qui font d'ores et déjà un travail de terrain difficile et exemplaire. Notre aide s'élève à 900 000 euros. J'ai décidé, en outre, d'apporter 1,4 millions d'euros supplémentaires au Programme alimentaire mondial pour aider cette région. Autant de signes tangibles d'une mobilisation que notre pays entend poursuivre avec ténacité.
Oui nous restons vigilants et solidaires, oui nous agissons avec nos partenaires européens.
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 8 juin 2004)