Interview de M. Hervé Gaymard, ministre de l'agriculture, de la pêche et des affaires rurales, à "Europe 1" le 14 septembre 2004, sur le débat sur la campagne de vaccination massive contre la rage.

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Média : Europe 1

Texte intégral

Q- S. Soumier Vous ne voulez pas d'une campagne de vaccination massive contre la rage. Pourquoi ?
R- Parce que ce serait une mesure qui serait disproportionnée par rapport à la réalité des risques. Notre pays est indemne de rage depuis maintenant trois ans, depuis 2001, selon l'Office international des épizooties, qui est un peu l'Organisation mondiale de la santé animale. Et les cas que nous connaissons, comme celui que nous déplorons en ce moment, c'est une importation accidentelle et illégale d'une jeune chiot marocain qui a été importé en fraude via l'Espagne. On a eu de la rage dans les années 90, notamment transmise par le renard, et à cette époque-là, au maximum de cette épidémie, nous avons eu 36 départements concernés, donc il n'y a pas eu non plus de mesure généralisée.
Q- On a l'impression qu'il y a un décalage entre les animaux et les hommes... W. Dab, le directeur général de la santé, disait tout à l'heure qu'il trouvait la situation inquiétante. Votre collègue, Douste-Blazy, qui s'occupe de nous et pas des chiens et des chats, serait plutôt favorable à cette mesure. Vous vous êtes expliqués
là-dessus ?
R- Il n'y a pas de polémique. Philippe a dit avant-hier que cela lui semblerait une bonne idée. Depuis, il y a eu un travail interministériel au niveau des autorités sanitaires. Tous les plus grands spécialistes, comme le Pr Thomas de l'école vétérinaire de Maisons-Alfort, conviennent bien qu'une mesure de vaccination généralisée serait d'abord complètement disproportionnée par rapport à la réalité du risque, et ensuite, compte tenu de la période d'incubation de la maladie, serait ineffective par rapport à la situation que nous vivons.
Q- J'ai lu une estimation selon laquelle 20 à 30 % des chiens ne voient en fait jamais de vétérinaires. Même si vous décidez d'une campagne de vaccination massive, cela laisserait de côté énormément de chiens et de chats...
R- Les chiens et chats qui vivent en ville voient assez régulièrement le vétérinaire - et encore, pas tous -, tandis qu'en milieu rural, et sans parler des chiens et des chats errants, il est bien évident qu'il n'y a aucun suivi médical. Et nous avons environ 8,5 millions de chiens en France et 9 millions de chats.
Q- Cela va relancer la polémique avec les chasseurs. Ce n'est pas là votre domaine d'activité essentiel, mais les chasseurs attaquent en justice le préfet qui leur interdit de chasser avec leurs chiens. Et c'est vrai que ce que vous venez de dire là, va sans doute relancer la polémique...
R- Cela ne va pas relancer la polémique. Je crois que dans les trois départements concernés - Gironde, Dordogne et Lot-et-Garonne -, il faut prendre des mesures de sécurité maximale ; c'est ce qu'on fait. Je rajoute, en passant, que nous suivons ce dossier depuis le début. Dès le mois de juin, nous avons fait une information pour sensibiliser nos compatriotes sur les risques de l'importation illégale d'animaux. Dès que nous avons connu le cas au mois d'août, nous avons tout de suite mis en place les mesures avec la préfecture de la région Aquitaine, interdit les rassemblements de chiens, décrété la vaccination obligatoire dans ces trois départements, et recherché activement toutes les personnes et les animaux qui auraient pu être en contact avec le chien atteint de rage. Dans les trois départements de la région Aquitaine, il faut effectivement avoir une approche de précaution très grande, parce que la rage, c'est quelque chose de sérieux et d'important. Mais la lutte déterminée que nous menons contre la rage ne doit pas être considérée...
Q- On n'abuse pas du principe de précaution ?
R- Je crois que sur ce sujet, toutes les autorités sanitaires, les bons spécialistes de la prophylaxie... Croyez bien que je n'ai pas dit ce que j'ai dit hier à la légère ; j'ai été également, il n'y a pas si longtemps, secrétaire d'Etat à la Santé, donc je connais bien aussi ces questions, et je crois que nous avons là une application proportionnée du principe de précaution.
(Source : premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 14 septembre 2004)