Texte intégral
Mesdames et Messieurs les Parlementaires,
Mesdames et Messieurs les Élus,
Mesdames et Messieurs les Présidents,
Mesdames et messieurs
Je voudrais d'abord vous dire l'immense plaisir qui est le mien d'être parmi vous aujourd'hui. Malgré le calendrier très chargé de la réforme en cours, j'ai souhaité profiter de l'occasion que vous me donnez aujourd'hui de venir dialoguer avec vous. En effet, comme tous les acteurs du système de santé, vous en êtes aussi les témoins avisés et constructifs. Je sais que vous souhaitez être impliqués dans ce projet. Vous l'avez déjà particulièrement illustré dans le passé en vous engageant vigoureusement dans la politique du générique, puissant vecteur d'économies pour l'assurance maladie : pour l'année 2003 les génériques ont progressé de plus de 30% en nombre de boîtes délivrées. Aussi était-il important qu'après avoir reçu vos représentants, nous ayons aussi, ici, ensemble, un moment d'échanges sur la réforme qui s'engage.
Nous ne le redirons jamais assez : la santé est notre bien le plus précieux. Le système de santé français a ses spécificités auquel je suis, comme vous tous et l'ensemble des Français, particulièrement attaché, car ils sont au coeur du Pacte Républicain et Social de 1945.
Rénover notre système de santé, voilà un des défis majeurs que notre gouvernement est prêt à relever. Il s'agit de redonner à notre système de santé les moyens durables de continuer à se développer et à assurer à tous les Français des soins de qualité partout sur le territoire. Car la pire des choses serait de ne rien faire. Selon le Haut Conseil, si rien n'était fait, il faudrait doubler la CSG ou bien diminuer le taux de remboursement de 76% à 51% d'ici 2020. C'est bien sûr inacceptable. Voilà pourquoi, il nous faut engager sans délai la modernisation de notre système d'assurance maladie.
Le temps presse. Chaque minute supplémentaire signifie un accroissement de notre déficit de 23 000 euros. Ce déficit est excessif et nous a conduit, Philippe Douste-Blazy et moi-même, à entreprendre dès notre prise de fonction toutes les consultations nécessaires afin que les acteurs du système puissent exprimer leurs propositions et leurs attentes.
Le calendrier de la réforme est désormais connu. Nous transmettrons d'ici la fin du mois de mai un projet de texte au Conseil d'État pour être ensuite présenté au conseil des Ministres à la mi-juin, avec une discussion au Parlement durant la session extraordinaire de juillet.
Le Constat
Aujourd'hui, vous le savez, notre système de santé est malade. Il souffre non seulement d'une mauvaise organisation mais il est aussi dans une impasse financière.
Ce constat, le rapport du Haut Conseil pour l'assurance-maladie l'a dressé avec courage et lucidité, et tous le monde en est d'accord.
1. Le problème de gouvernance
Aujourd'hui, notre système de santé n'est plus maîtrisé . Il n'y a, en quelque sorte, plus de pilote dans l'avion. L'enchevêtrement des acteurs concernés et des compétences entraîne une déresponsabilisation aux conséquences néfastes.
Plus personne ne sait plus qui fait quoi, qui est responsable de quoi et devant qui. Plus dangereux encore peut-être est la démotivation de chacun.
Dans ce domaine, il nous faut donc réorganiser en profondeur notre système en clarifiant les responsabilités de chacun des acteurs.
2. Le problème financier
Philippe Douste-Blazy l'a rappelé il y a peu. En 2004, le déficit de l'assurance-maladie devrait atteindre 12,9 Mds d'euros. La dette serait quant à elle proche de 33 Mds d'euros. Dans le même temps, nous laissons augmenter nos dépenses de santé sans toujours savoir si celles-ci sont vraiment justifiées.
Face à ce constat, l'heure est désormais à l'action. Il est de notre devoir de garantir la pérennité de notre système de santé en lui donnant les moyens de se développer durablement, en rénovant en profondeur son organisation tout en mettant fin à la dérive financière. Il est essentiel que nous ne fassions pas peser sur les générations futures le poids d'indécisions lourdes de conséquences.
Ce chantier, nous l'avons saisi à bras le corps avec Philippe Douste-Blazy et l'ensemble du gouvernement dès les premiers jours d'avril, en rencontrant dans un esprit de dialogue, d'écoute et de concertation l'ensemble des acteurs du monde de la santé, dont les représentants de votre profession.
La concertation continue. Après une semaine de rencontres bilatérales et multilatérales entre le ministère de la santé et les partenaires sociaux sur l'avenir de l'assurance maladie, Philippe Douste-Blazy et moi-même, recevrons cette semaine les responsables des organisations syndicales et patronales, ainsi que le président de la mutualité à l'occasion d'entretiens bilatéraux.
Je souhaite aujourd'hui vous donner la philosophie de notre projet et son impact sur certaines des préoccupations de votre profession.
Notre projet repose sur deux leviers complémentaires et indissociables :
La Gouvernance tout d'abord et le redressement des comptes ensuite.
La réforme et son impact sur la filière du médicament
La gouvernance
Le premier levier concerne le pilotage, l'architecture de notre système de santé.
Il s'agit de responsabiliser l'ensemble des acteurs de notre système de santé. Tous seraient appelés à jouer un rôle dans le nouveau système.
Il nous faut revoir en profondeur l'organisation actuelle de notre système de santé, tant au niveau du pilotage général que de son fonctionnement, afin d'assurer une organisation plus efficace des soins.
Le maître mot de notre démarche est "dépenser mieux pour soigner mieux".
A grands traits, l'État serait ainsi le garant des principes fondamentaux de notre système de soins et fixerait les grandes orientations en termes d'objectifs de santé publique, tout en édictant les conditions de l'équilibre pluriannuel des régimes sociaux. Il fixerait aussi les conditions d'un accès égal de tous à des soins de qualité sur l'ensemble du territoire.
Une Haute Autorité de santé qui serait une autorité administrative indépendante se verrait confier l'évaluation scientifique des produits de santé, des pratiques médicales et des processus diagnostiques et thérapeutiques. La Haute Autorité de santé permettrait d'objectiver, en accord avec les professionnels, les conditions de remboursement des soins par l'assurance maladie et les organismes de protection complémentaire.
Elle guiderait par ses avis les gestionnaires de l'assurance-maladie, qui recevraient ainsi les outils et les compétences nécessaires pour assumer leur pleine responsabilité dans le cadre d'une délégation de gestion renforcée.
Le Gouvernement souhaite donner aux gestionnaires de l'assurance maladie les compétences et les outils leur permettant d'assumer leur responsabilité.
Les relations entre l'État et l'assurance maladie devront reposer sur une base contractuelle pluriannuelle, permettant la définition d'un "cahier des charges" et les engagements réciproques des deux parties. C'est dans le cadre d'une délégation de gestion renforcée que la responsabilité de l'assurance maladie pourra mieux s'exprimer.
Pour assurer cette délégation de gestion élargie, les régimes d'assurance maladie devront s'appuyer sur un partenariat tant avec les organismes de couverture complémentaire qu'avec les professionnels de santé. Les enjeux du partenariat sont majeurs : gestion cohérente des domaines remboursables, relation avec les professionnels de santé, partage des données de santé.
Production et suivi des données : le rôle essentiel du pharmacien
Le partage d'informations doit être au coeur du partenariat entre caisses d'assurance maladie, organismes de couverture complémentaire et professionnels de santé. L'implication des partenaires dans un institut des données de santé doit y contribuer fortement. Cet institut sera en charge d'assurer le partage de l'ensemble des données disponibles sur les pathologies et les soins.
Vous avez raison de souligner que sur ce point, la participation des professionnels de santé que vous êtes est essentielle à la réussite d'un tel institut de données de santé.
Vous avez largement contribué à la réussite de la carte sésame vitale en participant massivement à la télétransmission. Ces informations ne doivent pas être de simples fichiers "clients" ou de simples dossiers de liquidation de soins pour l'assurance maladie. Elles doivent être valorisées dans l'ensemble de la chaîne des soins, pour éviter les interactions médicamenteuses, les prescriptions redondantes et inutiles.
Le rôle de votre profession sera alors déterminant car, au bout de la chaîne de notre système de soins, vous êtes ceux qui pourraient éviter les prescriptions redondantes, adapter les traitements aux conditionnements afin d'éviter que les armoires à pharmacie se remplissent inutilement et dangereusement.
Cette information doit aussi permettre la réflexion des acteurs sur leurs pratiques et constituer ainsi la base des actions de progrès que constitue l'évaluation des pratiques.
Le générique et le TFR dans la réforme de l'assurance maladie
Comment ne pas vous parler d'une des grandes réussites des officinaux, de l'État et de l'assurance maladie dans le contrôle des coûts du médicament ? Je veux parler bien évidemment de la politique du générique. Ce marché quasiment inexistant en 1997 représente aujourd'hui 10% des 3 milliards de boîtes de médicaments vendues en France annuellement. Et il a progressé de plus de 30% entre 2002 et 2003.
Cette politique doit être poursuivie et amplifiée. Si le médicament générique a permis d'économiser 320M en 2003 pour l'assurance maladie, son potentiel pour 2004 approche le milliard d'euros, avec notamment l'entrée dans le répertoire des génériques de molécules très consommées et encore assez onéreuses. Ces arrivées seront le moteur de ce marché qui s'installe en France : avec 6% actuellement du marché du médicament remboursable en valeur, nous espérons qu'à terme, il représente bien d'avantage, car nous sommes loin des performances de nos voisins européens, Allemagne ou Royaume-Uni, chez qui le générique représente 30% et 40% du marché des médicaments.
La substitution doit se poursuivre à un rythme élevé et en particulier lors de l'entrée au répertoire d'une nouvelle molécule afin que celle-ci trouve sa place auprès des patients. A ce moment là, votre rôle de professionnel de santé est indispensable et doit continuer à être encouragé.
Pour autant, lorsque le médicament générique a trouvé sa place auprès des patients, et qu'un petit nombre continuent à vouloir des marques, l'assurance maladie n'a plus vocation à s'engager de la même façon. La responsabilisation de tous les acteurs implique de prendre des mesures comme le Tarif Forfaitaire de Responsabilité.
Cet outil doit toutefois être piloté avec prudence afin de permettre que la concurrence entre les fabricants de génériques et de princeps débouche sur des baisses de prix suffisantes. En effet, cet instrument ne doit pas être ressenti comme une sanction contre ceux qui s'engagent, en substituant, pleinement à nos côtés dans leur rôle de prescripteur.
Je suis persuadé que vous aurez à coeur de travailler avec nos services et nos collaborateurs afin de trouver des aménagements à ces mesures qui nous permettent d'avancer pleinement dans l'objectif commun qui nous anime : permettre au générique de continuer à jouer son rôle de modérateur des dépenses d'assurance maladie.
L'adaptation des conditionnements
L'adaptation des conditionnements au plus près des besoins des patients est également une piste de réforme qui me tient particulièrement à coeur. Elle comporte deux volets.
Le premier est de permettre aux pharmaciens de délivrer un conditionnement adapté pour des traitements plus longs. Ces conditionnements seront particulièrement adaptés pour les malades souffrant de pathologies chroniques, qui ont pour beaucoup d'entre eux à suivre des traitements médicamenteux toute l'année. Votre rôle sera là encore primordial, afin de continuer à vous assurer de donner le conditionnement adapté à chaque cas.
Le second volet de cette réforme consistera à adapter les conditionnements pour les traitements de plus courte durée. Aujourd'hui, c'est la Commission de la Transparence qui donne un avis sur la taille des conditionnements, sans avoir le pouvoir de l'imposer aux industriels. Nous veillerons à ce que cette carence soit supprimée. Il ne faut pas oublier que plus de 130 000 hospitalisations par an sont dues à des interactions médicamenteuses. Car un conditionnement plus adapté saura générer à la fois des économies d'échelle d'importance mais surtout permettra de limiter le recours à une auto-médication porteuse de vrais risques pour la santé des patients.
Les Pharmacies en zones rurales et le médicament dans les établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes.
A l'heure où le gouvernement se penche sur le délicat problème de la répartition de l'offre de soins sur le territoire, il est tout à fait juste de souligner que l'offre officinale est plus homogène que le reste de l'offre de soins. Pour autant, afin que chaque pharmacie puisse continuer à fonctionner correctement, il ne faut pas trop multiplier les autorisations d'ouverture d'officines. C'est ce délicat équilibre que j'ai réussi à maintenir lors de la récente discussion au Sénat du projet de loi de développement des territoires ruraux en faisant maintenir le seuil de population qui permet l'ouverture d'une officine, et ce malgré les nombreux amendements qui proposaient de le diminuer (pour info, ce seuil varie de 2500 à 3000 habitants, selon la taille des communes).
Dans le même temps, et afin de revaloriser encore davantage votre rôle d'acteurs du système de soins, je souhaite que l'évolution de la gestion des établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EPHAD) se fasse en concertation avec vous sur le volet médicament. Je sais combien les pharmacies rurales représentent un service de proximité essentiel dans les zones de faible densité de population. Un groupe de travail sur le médicament dans les EPHAD sera très prochainement mis en place, auquel vous serez conviés à participer activement. Je ne doute pas que sur ces points également, vous aurez des propositions à formuler.
La sortie de la réserve hospitalière
La revalorisation de votre place au sein du système de soins sera également renforcée par la prochaine publication de la liste des produits que l'hôpital pourra rétrocéder, c'est-à-dire dispenser pour des patients non hospitalisés et être ainsi remboursés par l'assurance-maladie. Cette liste restreindra les produits qui n'étaient jusqu'alors dispensés qu'à l'hôpital. Il s'agit de médicaments innovants, pour des pathologies lourdes, qui vous permettront d'exercer votre rôle de professionnels de santé afin de répondre aux attentes de ces patients. Vous attendiez cette mesure depuis fort longtemps, elle arrive enfin.
Contrôle de la dispensation des produits de substitution pour les toxicomanes
Enfin, sur l'épineux problème de la gestion des produits de substitution aux toxicomanes, mes services préparent actuellement un décret afin de sécuriser la filière de prescription de ces produits. Je sais que ce problème pèse sur l'ensemble des professionnels. Votre rôle en tant que professionnels référents se trouvera alors renforcé.
Conclusion
Nous sommes donc, vous le voyez, déterminés à engager une réforme globale, en dépensant mieux pour soigner mieux. Nous voulons aussi garantir la pérennité de l'assurance maladie grâce au développement d'une véritable maîtrise médicalisée des dépenses en partenariat avec tous les professionnels de santé. Ne nous y trompons pas : dans un pays développé comme le nôtre, les dépenses de santé continueront de croître : l'espérance de vie continue d'augmenter de 3 mois par an et les progrès de la médecine continuent et c'est une bonne nouvelle, mais cela ne va pas sans coût supplémentaire. Il s'agit aujourd'hui de mieux maîtriser nos dépenses de santé afin qu'elles évoluent selon un rythme plus compatible avec celui de l'évolution naturelle des recettes.
La gouvernance et le redressement sont ainsi les deux leviers indispensables et indissociables de notre projet. Notre devoir est aujourd'hui à l'action, dans un calendrier relativement serré car rappelons le, chaque mois gagné, c'est un milliard d'euros économisé.
Pour réussir notre pari, et il est osé : cela fait maintenant plus de 20 ans que nous voyons les plans de la sécurité sociale se succéder. Il faut que chacun et chacune d'entre nous s'implique, accepte de faire évoluer ses comportements vis-à-vis de l'assurance-maladie. Chacun doit prendre conscience que rien n'est dû, ni durable sans évolution des comportements. Notre système de santé appartient à tous, donc à chacun et chacune d'entre nous. Nous en sommes donc responsables collectivement.
Je suis convaincu que la méthode de concertation permanente adoptée par le gouvernement permettra de réussir une réforme structurelle et ambitieuse de l'assurance maladie et que vous nous apporterez votre soutien. Un exemple : nous avons su entendre vos arguments contre l'instauration d'un forfait par boîte de médicament à la charge des patients. Cette mesure ne fera donc pas partie de notre projet. Mesdames et Messieurs, j'ai lu que vous vouliez être impliqués. Vous le serez.
Si j'en juge par les premiers contacts placés sous le signe d'un dialogue franc, direct et constructif, mais il ne saurait en être autrement avec le Président Capdeville, je sens et je sais que nous réussirons ensemble.
(Source http://www.sante.gouv.fr, le 19 mai 2004)
Mesdames et Messieurs les Élus,
Mesdames et Messieurs les Présidents,
Mesdames et messieurs
Je voudrais d'abord vous dire l'immense plaisir qui est le mien d'être parmi vous aujourd'hui. Malgré le calendrier très chargé de la réforme en cours, j'ai souhaité profiter de l'occasion que vous me donnez aujourd'hui de venir dialoguer avec vous. En effet, comme tous les acteurs du système de santé, vous en êtes aussi les témoins avisés et constructifs. Je sais que vous souhaitez être impliqués dans ce projet. Vous l'avez déjà particulièrement illustré dans le passé en vous engageant vigoureusement dans la politique du générique, puissant vecteur d'économies pour l'assurance maladie : pour l'année 2003 les génériques ont progressé de plus de 30% en nombre de boîtes délivrées. Aussi était-il important qu'après avoir reçu vos représentants, nous ayons aussi, ici, ensemble, un moment d'échanges sur la réforme qui s'engage.
Nous ne le redirons jamais assez : la santé est notre bien le plus précieux. Le système de santé français a ses spécificités auquel je suis, comme vous tous et l'ensemble des Français, particulièrement attaché, car ils sont au coeur du Pacte Républicain et Social de 1945.
Rénover notre système de santé, voilà un des défis majeurs que notre gouvernement est prêt à relever. Il s'agit de redonner à notre système de santé les moyens durables de continuer à se développer et à assurer à tous les Français des soins de qualité partout sur le territoire. Car la pire des choses serait de ne rien faire. Selon le Haut Conseil, si rien n'était fait, il faudrait doubler la CSG ou bien diminuer le taux de remboursement de 76% à 51% d'ici 2020. C'est bien sûr inacceptable. Voilà pourquoi, il nous faut engager sans délai la modernisation de notre système d'assurance maladie.
Le temps presse. Chaque minute supplémentaire signifie un accroissement de notre déficit de 23 000 euros. Ce déficit est excessif et nous a conduit, Philippe Douste-Blazy et moi-même, à entreprendre dès notre prise de fonction toutes les consultations nécessaires afin que les acteurs du système puissent exprimer leurs propositions et leurs attentes.
Le calendrier de la réforme est désormais connu. Nous transmettrons d'ici la fin du mois de mai un projet de texte au Conseil d'État pour être ensuite présenté au conseil des Ministres à la mi-juin, avec une discussion au Parlement durant la session extraordinaire de juillet.
Le Constat
Aujourd'hui, vous le savez, notre système de santé est malade. Il souffre non seulement d'une mauvaise organisation mais il est aussi dans une impasse financière.
Ce constat, le rapport du Haut Conseil pour l'assurance-maladie l'a dressé avec courage et lucidité, et tous le monde en est d'accord.
1. Le problème de gouvernance
Aujourd'hui, notre système de santé n'est plus maîtrisé . Il n'y a, en quelque sorte, plus de pilote dans l'avion. L'enchevêtrement des acteurs concernés et des compétences entraîne une déresponsabilisation aux conséquences néfastes.
Plus personne ne sait plus qui fait quoi, qui est responsable de quoi et devant qui. Plus dangereux encore peut-être est la démotivation de chacun.
Dans ce domaine, il nous faut donc réorganiser en profondeur notre système en clarifiant les responsabilités de chacun des acteurs.
2. Le problème financier
Philippe Douste-Blazy l'a rappelé il y a peu. En 2004, le déficit de l'assurance-maladie devrait atteindre 12,9 Mds d'euros. La dette serait quant à elle proche de 33 Mds d'euros. Dans le même temps, nous laissons augmenter nos dépenses de santé sans toujours savoir si celles-ci sont vraiment justifiées.
Face à ce constat, l'heure est désormais à l'action. Il est de notre devoir de garantir la pérennité de notre système de santé en lui donnant les moyens de se développer durablement, en rénovant en profondeur son organisation tout en mettant fin à la dérive financière. Il est essentiel que nous ne fassions pas peser sur les générations futures le poids d'indécisions lourdes de conséquences.
Ce chantier, nous l'avons saisi à bras le corps avec Philippe Douste-Blazy et l'ensemble du gouvernement dès les premiers jours d'avril, en rencontrant dans un esprit de dialogue, d'écoute et de concertation l'ensemble des acteurs du monde de la santé, dont les représentants de votre profession.
La concertation continue. Après une semaine de rencontres bilatérales et multilatérales entre le ministère de la santé et les partenaires sociaux sur l'avenir de l'assurance maladie, Philippe Douste-Blazy et moi-même, recevrons cette semaine les responsables des organisations syndicales et patronales, ainsi que le président de la mutualité à l'occasion d'entretiens bilatéraux.
Je souhaite aujourd'hui vous donner la philosophie de notre projet et son impact sur certaines des préoccupations de votre profession.
Notre projet repose sur deux leviers complémentaires et indissociables :
La Gouvernance tout d'abord et le redressement des comptes ensuite.
La réforme et son impact sur la filière du médicament
La gouvernance
Le premier levier concerne le pilotage, l'architecture de notre système de santé.
Il s'agit de responsabiliser l'ensemble des acteurs de notre système de santé. Tous seraient appelés à jouer un rôle dans le nouveau système.
Il nous faut revoir en profondeur l'organisation actuelle de notre système de santé, tant au niveau du pilotage général que de son fonctionnement, afin d'assurer une organisation plus efficace des soins.
Le maître mot de notre démarche est "dépenser mieux pour soigner mieux".
A grands traits, l'État serait ainsi le garant des principes fondamentaux de notre système de soins et fixerait les grandes orientations en termes d'objectifs de santé publique, tout en édictant les conditions de l'équilibre pluriannuel des régimes sociaux. Il fixerait aussi les conditions d'un accès égal de tous à des soins de qualité sur l'ensemble du territoire.
Une Haute Autorité de santé qui serait une autorité administrative indépendante se verrait confier l'évaluation scientifique des produits de santé, des pratiques médicales et des processus diagnostiques et thérapeutiques. La Haute Autorité de santé permettrait d'objectiver, en accord avec les professionnels, les conditions de remboursement des soins par l'assurance maladie et les organismes de protection complémentaire.
Elle guiderait par ses avis les gestionnaires de l'assurance-maladie, qui recevraient ainsi les outils et les compétences nécessaires pour assumer leur pleine responsabilité dans le cadre d'une délégation de gestion renforcée.
Le Gouvernement souhaite donner aux gestionnaires de l'assurance maladie les compétences et les outils leur permettant d'assumer leur responsabilité.
Les relations entre l'État et l'assurance maladie devront reposer sur une base contractuelle pluriannuelle, permettant la définition d'un "cahier des charges" et les engagements réciproques des deux parties. C'est dans le cadre d'une délégation de gestion renforcée que la responsabilité de l'assurance maladie pourra mieux s'exprimer.
Pour assurer cette délégation de gestion élargie, les régimes d'assurance maladie devront s'appuyer sur un partenariat tant avec les organismes de couverture complémentaire qu'avec les professionnels de santé. Les enjeux du partenariat sont majeurs : gestion cohérente des domaines remboursables, relation avec les professionnels de santé, partage des données de santé.
Production et suivi des données : le rôle essentiel du pharmacien
Le partage d'informations doit être au coeur du partenariat entre caisses d'assurance maladie, organismes de couverture complémentaire et professionnels de santé. L'implication des partenaires dans un institut des données de santé doit y contribuer fortement. Cet institut sera en charge d'assurer le partage de l'ensemble des données disponibles sur les pathologies et les soins.
Vous avez raison de souligner que sur ce point, la participation des professionnels de santé que vous êtes est essentielle à la réussite d'un tel institut de données de santé.
Vous avez largement contribué à la réussite de la carte sésame vitale en participant massivement à la télétransmission. Ces informations ne doivent pas être de simples fichiers "clients" ou de simples dossiers de liquidation de soins pour l'assurance maladie. Elles doivent être valorisées dans l'ensemble de la chaîne des soins, pour éviter les interactions médicamenteuses, les prescriptions redondantes et inutiles.
Le rôle de votre profession sera alors déterminant car, au bout de la chaîne de notre système de soins, vous êtes ceux qui pourraient éviter les prescriptions redondantes, adapter les traitements aux conditionnements afin d'éviter que les armoires à pharmacie se remplissent inutilement et dangereusement.
Cette information doit aussi permettre la réflexion des acteurs sur leurs pratiques et constituer ainsi la base des actions de progrès que constitue l'évaluation des pratiques.
Le générique et le TFR dans la réforme de l'assurance maladie
Comment ne pas vous parler d'une des grandes réussites des officinaux, de l'État et de l'assurance maladie dans le contrôle des coûts du médicament ? Je veux parler bien évidemment de la politique du générique. Ce marché quasiment inexistant en 1997 représente aujourd'hui 10% des 3 milliards de boîtes de médicaments vendues en France annuellement. Et il a progressé de plus de 30% entre 2002 et 2003.
Cette politique doit être poursuivie et amplifiée. Si le médicament générique a permis d'économiser 320M en 2003 pour l'assurance maladie, son potentiel pour 2004 approche le milliard d'euros, avec notamment l'entrée dans le répertoire des génériques de molécules très consommées et encore assez onéreuses. Ces arrivées seront le moteur de ce marché qui s'installe en France : avec 6% actuellement du marché du médicament remboursable en valeur, nous espérons qu'à terme, il représente bien d'avantage, car nous sommes loin des performances de nos voisins européens, Allemagne ou Royaume-Uni, chez qui le générique représente 30% et 40% du marché des médicaments.
La substitution doit se poursuivre à un rythme élevé et en particulier lors de l'entrée au répertoire d'une nouvelle molécule afin que celle-ci trouve sa place auprès des patients. A ce moment là, votre rôle de professionnel de santé est indispensable et doit continuer à être encouragé.
Pour autant, lorsque le médicament générique a trouvé sa place auprès des patients, et qu'un petit nombre continuent à vouloir des marques, l'assurance maladie n'a plus vocation à s'engager de la même façon. La responsabilisation de tous les acteurs implique de prendre des mesures comme le Tarif Forfaitaire de Responsabilité.
Cet outil doit toutefois être piloté avec prudence afin de permettre que la concurrence entre les fabricants de génériques et de princeps débouche sur des baisses de prix suffisantes. En effet, cet instrument ne doit pas être ressenti comme une sanction contre ceux qui s'engagent, en substituant, pleinement à nos côtés dans leur rôle de prescripteur.
Je suis persuadé que vous aurez à coeur de travailler avec nos services et nos collaborateurs afin de trouver des aménagements à ces mesures qui nous permettent d'avancer pleinement dans l'objectif commun qui nous anime : permettre au générique de continuer à jouer son rôle de modérateur des dépenses d'assurance maladie.
L'adaptation des conditionnements
L'adaptation des conditionnements au plus près des besoins des patients est également une piste de réforme qui me tient particulièrement à coeur. Elle comporte deux volets.
Le premier est de permettre aux pharmaciens de délivrer un conditionnement adapté pour des traitements plus longs. Ces conditionnements seront particulièrement adaptés pour les malades souffrant de pathologies chroniques, qui ont pour beaucoup d'entre eux à suivre des traitements médicamenteux toute l'année. Votre rôle sera là encore primordial, afin de continuer à vous assurer de donner le conditionnement adapté à chaque cas.
Le second volet de cette réforme consistera à adapter les conditionnements pour les traitements de plus courte durée. Aujourd'hui, c'est la Commission de la Transparence qui donne un avis sur la taille des conditionnements, sans avoir le pouvoir de l'imposer aux industriels. Nous veillerons à ce que cette carence soit supprimée. Il ne faut pas oublier que plus de 130 000 hospitalisations par an sont dues à des interactions médicamenteuses. Car un conditionnement plus adapté saura générer à la fois des économies d'échelle d'importance mais surtout permettra de limiter le recours à une auto-médication porteuse de vrais risques pour la santé des patients.
Les Pharmacies en zones rurales et le médicament dans les établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes.
A l'heure où le gouvernement se penche sur le délicat problème de la répartition de l'offre de soins sur le territoire, il est tout à fait juste de souligner que l'offre officinale est plus homogène que le reste de l'offre de soins. Pour autant, afin que chaque pharmacie puisse continuer à fonctionner correctement, il ne faut pas trop multiplier les autorisations d'ouverture d'officines. C'est ce délicat équilibre que j'ai réussi à maintenir lors de la récente discussion au Sénat du projet de loi de développement des territoires ruraux en faisant maintenir le seuil de population qui permet l'ouverture d'une officine, et ce malgré les nombreux amendements qui proposaient de le diminuer (pour info, ce seuil varie de 2500 à 3000 habitants, selon la taille des communes).
Dans le même temps, et afin de revaloriser encore davantage votre rôle d'acteurs du système de soins, je souhaite que l'évolution de la gestion des établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EPHAD) se fasse en concertation avec vous sur le volet médicament. Je sais combien les pharmacies rurales représentent un service de proximité essentiel dans les zones de faible densité de population. Un groupe de travail sur le médicament dans les EPHAD sera très prochainement mis en place, auquel vous serez conviés à participer activement. Je ne doute pas que sur ces points également, vous aurez des propositions à formuler.
La sortie de la réserve hospitalière
La revalorisation de votre place au sein du système de soins sera également renforcée par la prochaine publication de la liste des produits que l'hôpital pourra rétrocéder, c'est-à-dire dispenser pour des patients non hospitalisés et être ainsi remboursés par l'assurance-maladie. Cette liste restreindra les produits qui n'étaient jusqu'alors dispensés qu'à l'hôpital. Il s'agit de médicaments innovants, pour des pathologies lourdes, qui vous permettront d'exercer votre rôle de professionnels de santé afin de répondre aux attentes de ces patients. Vous attendiez cette mesure depuis fort longtemps, elle arrive enfin.
Contrôle de la dispensation des produits de substitution pour les toxicomanes
Enfin, sur l'épineux problème de la gestion des produits de substitution aux toxicomanes, mes services préparent actuellement un décret afin de sécuriser la filière de prescription de ces produits. Je sais que ce problème pèse sur l'ensemble des professionnels. Votre rôle en tant que professionnels référents se trouvera alors renforcé.
Conclusion
Nous sommes donc, vous le voyez, déterminés à engager une réforme globale, en dépensant mieux pour soigner mieux. Nous voulons aussi garantir la pérennité de l'assurance maladie grâce au développement d'une véritable maîtrise médicalisée des dépenses en partenariat avec tous les professionnels de santé. Ne nous y trompons pas : dans un pays développé comme le nôtre, les dépenses de santé continueront de croître : l'espérance de vie continue d'augmenter de 3 mois par an et les progrès de la médecine continuent et c'est une bonne nouvelle, mais cela ne va pas sans coût supplémentaire. Il s'agit aujourd'hui de mieux maîtriser nos dépenses de santé afin qu'elles évoluent selon un rythme plus compatible avec celui de l'évolution naturelle des recettes.
La gouvernance et le redressement sont ainsi les deux leviers indispensables et indissociables de notre projet. Notre devoir est aujourd'hui à l'action, dans un calendrier relativement serré car rappelons le, chaque mois gagné, c'est un milliard d'euros économisé.
Pour réussir notre pari, et il est osé : cela fait maintenant plus de 20 ans que nous voyons les plans de la sécurité sociale se succéder. Il faut que chacun et chacune d'entre nous s'implique, accepte de faire évoluer ses comportements vis-à-vis de l'assurance-maladie. Chacun doit prendre conscience que rien n'est dû, ni durable sans évolution des comportements. Notre système de santé appartient à tous, donc à chacun et chacune d'entre nous. Nous en sommes donc responsables collectivement.
Je suis convaincu que la méthode de concertation permanente adoptée par le gouvernement permettra de réussir une réforme structurelle et ambitieuse de l'assurance maladie et que vous nous apporterez votre soutien. Un exemple : nous avons su entendre vos arguments contre l'instauration d'un forfait par boîte de médicament à la charge des patients. Cette mesure ne fera donc pas partie de notre projet. Mesdames et Messieurs, j'ai lu que vous vouliez être impliqués. Vous le serez.
Si j'en juge par les premiers contacts placés sous le signe d'un dialogue franc, direct et constructif, mais il ne saurait en être autrement avec le Président Capdeville, je sens et je sais que nous réussirons ensemble.
(Source http://www.sante.gouv.fr, le 19 mai 2004)