Texte intégral
Q- J.-P. Elkabbach-. L'homme qui n'a peur de rien, sauf de l'été, Frère Courage sur le front de la culture ! Vos premières décisions n'ont pas convaincu les intermittents les plus durs. Ils menacent les festivals, ils s'organisent en commandos pour Cannes, les marches du Palais, le bunker, les grands hôtels etc. La ville de Cannes sera-t-elle protégée pour le festival ?
R - "Je suis dans l'urgence, c'est-à-dire qu'il y a des mesures à prendre. Je suis en train de les prendre, j'en ai annoncées un certain nombre hier. Maintenant, il faut qu'elles produisent des effets. Et il faut peut-être les préciser parce que, pour qu'elles produisent leurs effets, il ne faut pas qu'elles soient caricaturées."
Q-D'abord, il faut dire ce que c'est : vous proposez 50 millions d'euros pour deux fonds : 30 millions en faveur du spectacle vivant et 20 millions pour aider les intermittents en situation précaire. Et vous dites que c'est un fonds d'urgence géré par l'Unedic et provisoire. Qu'est-ce que cela veut dire "provisoire" ?
R - "Ce que je propose, concrètement, dans l'urgence, ce sont trois choses. La première, c'est que celles et ceux qui sont les exclus de l'accord qui a été conclu l'année dernière soient réintégrés dans leurs droits et qu'ils puissent disposer des sommes dont ils ont été privés. J'ai chargé une personnalité indépendante, l'ancien directeur de la Sécurité sociale, reconnu par tous, d'ouvrir sans délai, sur ce sujet, la négociation avec les partenaires sociaux, pour définir les conditions d'attribution les plus claires et précises. J'ai prononcé, contrairement à ce que certains ne veulent pas entendre, les mots "sacrilèges" entre guillemets, c'est-à-dire 507 heures et 12 mois. J'indique, sur les conditions d'attribution - et c'est la feuille de route que j'ai donnée à M. Lagrave, que je viens donc de désigner hier -, qu'il peut y avoir des clauses de plafonnement. Pourquoi ?
Q-Qu'est-ce que cela veut dire, "plafonnement" ?
R - " Parce ce que je considère qu'il y a des gens qui sont dans des situations de détresse absolue et qu'ils ont des droits, et des droits prioritaires. Je ne suis pas en train d'instituer le "bureau des pauvres", pour les plus pauvres, ce n'est pas ce que je dis. Je dis qu'il y a des gens qui ont des droits, à partir du moment où l'on calcule les choses sur la base de 507 heures et 12 mois, et que, évidemment, je ne veux pas aider les gens qui disposent des moyens les plus considérables, parce que je trouve qu'à ce moment-là, ils n'y ont pas droit..."
Q-C'est-à-dire ? Vous avez découvert énormément d'abus. Tout le monde parle des abus, des frondes, etc.
R - "Attendez ! Premier point donc, c'est la réintroduction de droits à ceux qui en ont été privés. Deuxième point d'urgence : ce sont les abus. Les abus, ce sont des gens qui devraient avoir un emploi permanent et qui, aujourd'hui, ont un emploi précaire. Cela veut dire qu'ils ont un contrat de travail alors qu'ils travaillent pendant douze mois, qu'ils ont uniquement un contrat officiel de trois mois et qu'ils sont ensuite indemnisés par l'Unedic. Cela doit stopper. C'est ce que l'on appelle la professionnalisation, le parcours d'emploi, c'est-à-dire que c'est la réintégration dans l'emploi permanent d'un certain nombre de gens. Je serai intraitable. Vis-à-vis de tous les organismes qui dépendent de moi et que je subventionne, cela va être la nouvelle feuille de route. Le troisième point, c'est que j'attends des partenaires sociaux, parce c'est leur compétence, dans l'urgence absolue - ce n'est pas une question financière, c'est une question humaine -, que les questions de l'assurance maladie et du congé maternité soient réglés dans les meilleurs délais..."
Q-Mais vous ne m'avez pas répondu: qu'est-ce que c'est "provisoire" ? C'est-à-dire que ça, c'est pour 2004 ?
R - "Ca, c'est l'urgence..."
Q-Vous allez recevoir un à un les syndicats, ce matin. Est-ce que vous allez ajouter des efforts, est-ce que vous allez ajouter de l'argent, est-ce que vous allez ajouter une perspective ?
R - "Bien sûr. Je me situe dans l'urgence et je me situe dans la préparation d'un système nouveau, en mobilisant l'énergie et la conjugaison des efforts bien sûr des partenaires sociaux, de l'Unedic, de la solidarité interprofessionnelle, mais d'autres responsables également, c'est-à-dire forcément l'Etat, les employeurs, les collectivités territoriales et le [service public ? inaud]. Pourquoi est-ce que je reçois tout à l'heure les partenaires sociaux ?"
Q-C'est la méthode complètement inversée, parce que l'on a l'impression que vous décidez et que le lendemain seulement, vous recevez les syndicats ?
R - "Mais pas du tout. J'ai reçu chacun avant, j'annonce un certain nombre de propositions, je vais les confronter à leur point de vue..."
Q-Vous voulez que dans votre bureau, ils vous disent "non" ?
R - "Ce n'est pas cela. Je vais leur répondre aussi, parce que je ne veux pas non plus qu'il y ait de décalage entre ce que l'on m'a dit avant et ce que l'on critique après..."
Q-Mais quand vous dites qu'il y a un système provisoire, d'urgence, pour régler les cas les plus difficiles, et qu'ensuite, il y aura quelque chose de nouveau, est-ce que vous voulez dire que vous aurez plus de moyens que les 20 millions d'euros ?
R - "Les 20 millions, que l'on arrête là aussi de caricaturer ! Est-ce que j'ai dit, à un seul moment, que les 20 millions étaient la seule somme mise à disposition pour l'indemnisation de ceux qui sont exclus du système ? Je n'ai jamais dit cela. J'ai dit que c'était un fonds de concours, que nous étions prêts à verser à l'Unedic. Je n'ai jamais dit qu'il fallait que ce soit la base de calcul pour l'indemnisation des gens qui étaient exclus du système. Donc la méthode : écouter, annoncer des décisions, réécouter, se situer d'autre part dans un parcours positif. La parcours positif, c'est quoi ? C'est la défense de l'emploi culturel, c'est le soutien aux activités artistiques. C'est pour cela que, pour ne pas m'éloigner de votre première question sur Cannes, je pense deux choses : un, l'activité culturelle et artistique est compatible avec le débat, c'est-à-dire que je suis prêt à tout moment à participer à tous les débats nécessaires..."
Q-Je sais que vous dites que vous allez jouer le rôle de "force d'interposition" !
R - "Non, ce n'est pas la même chose. Cela s'est passé à Bourges, cela peut se passer à Cannes, cela peut se passer dans tous les festivals de l'été, pour préparer le débat national que j'ai annoncé à l'automne et le débat parlementaire. La deuxième chose - je le dis avec gravité et calme, et je demande que cela ne soit pas perçu comme un ultimatum et comme une menace -, j'en appelle à la responsabilité des artistes, du public, de notre activité économique dans le domaine du cinéma et du rayonnement mondial de notre pays. Cannes est un rendez-vous très important pour l'activité culturelle et artistique de notre pays. Je pense compatible, encore une fois, le débat et l'activité culturelle. Et d'ailleurs, j'ai entendu sur ce sujet des propos très responsables..."
Q-Comme ceux de P. Chéreau, tout à l'heure, dans le journal d'Europe.
R - "... Même ceux qui me critiquent sauvagement - et ils ont le droit de le faire -, je pense qu'ils seront suffisamment responsables pour qu'il n'y ait pas de paralysie, parce qu'à ce moment-là, cela serait tout simplement une catastrophe pour l'emploi culturel, que les uns et les autres nous voulons défendre. Ce n'est pas une menace, c'est tout simplement la volonté de ne pas franchir inutilement des lignes jaunes. J'ai sur mes épaules une obligation de résultats..."
Q-Cannes, Aix, Avignon, Montpellier, Orange, des festivals attendus, par seulement par les festivaliers, mais par les régions, s'ils n'ont pas lieu, est-ce que c'est une mauvaise action contre la culture ? Ou est-ce simplement, pour vous, le début d'un débat national sur la culture ?
R - "D'ici là, les premières mesures auront produit des résultats. C'est-à-dire que d'ici le festival d'Avignon et d'ici l'été, j'espère que les partenaires sociaux - et j'y compte - auront réglé le problème de l'indemnisation concrète de ceux qui sont aujourd'hui exclus. Les mesures de traque des abus, elles seront d'ici là engendrées."
Q-N'aurait-il pas été plus simple d'abroger la réforme de l'intermittence, voulue et signée par la CFDT, le Medef, la CFTC, qui était faite pour réduire des abus et un déficit aujourd'hui de près d'un milliard ? Pourquoi ne pas l'abroger, comme on va vous le dire ce matin ?
R - "Parce que je veux créer un nouveau système et parce que je veux des réponses concrètes. Abroger ? Et comment fait-on ? Il fallait bien décider ensuite ce que l'on faisait pour les gens..."
Q-On renégocie, on met tout à plat...
R - "J'ai chargé quelqu'un d'une discussion avec les partenaires sociaux..."
Q-Non, vous ne me répondez pas... On ne renégocie pas ?
R - "Je ne suis pas dans l'ordre du slogan, je suis dans l'obligation de résultats. Je veux des résultats concrets."
Q-Regardez les nouveaux ministres, vos collègues du gouvernement Raffarin III : ils ont cédé sur la recherche, sur l'ASS, sur les recalculés... Et vous, vous vous arrêtez en route ? Faites comme les autres !
R - "Je veux tout simplement qu'au terme de ce processus, de cette démarche que j'initie, que les gens se disent : on peut lui faire confiance, et on a eu raison de lui faire confiance, parce que, un, nos problèmes immédiats ont été réglés ; deux, on a maintenant un système solide d'indemnisation du chômage, et permettez-moi de vous dire que je préfère qu'au lieu que l'on parle d'indemnisation du chômage, qui est une nécessité sociale absolue, eh bien que l'on ait défendu l'emploi culturel dans ce pays et que chacun se mette autour de la table, non pas pour faire de la politique politicienne mais pour conjuguer les moyens financiers et les énergies."
Q-Comme Mao, vous lancez le débat national sur la culture, à travers les festivals, si on arrive à développer le festival de Cannes. Vous avez prévu de recevoir les 25 ministres de la Culture de l'Europe élargie. D'abord, vont-ils pouvoir arriver
à Cannes ?
R - "Mais bien sûr, attendez, ça va !"
Q-Je caricature, j'exagère volontairement.
R - "... Personne ne va porter atteinte, j'espère, à la liberté de circulation dans notre pays. En même temps, on la fera garantir..."
Q-Et pourquoi les faites-vous venir, les 25 ?
R - "Parce qu'il faut mettre un plan d'action d'urgence sur la lutte contre la piraterie, qui menace l'industrie musicale et l'industrie du cinéma. Et là aussi, j'en appelle au respect. Il faut que les plus jeunes de nos concitoyens, qui considèrent - et je les comprends - qu'aller sur Internet pour écouter de la musique ou avoir accès à tous les films de la planète, mesurent qu'il faut le faire sous certaines conditions, parce que sinon, cela menace gravement l'industrie musicale, cela menace le cinéma et, à termes, cela menace la pluralité de l'offre culturelle. Donc ce sont des sujets très importants."
Q-On reviendra sur tous ces problèmes, parce qu'ils sont importants... Vous êtes ministre de la Culture depuis peu. Qui est votre maître, votre modèle en tant que ministre de la Culture ?
R - "Conjoncturellement, c'est J. Vilar, parce qu'il a voulu faire d'Avignon un lieu où le spectacle était compatible avec le débat..."
Q-Rappelez-vous ce qui est arrivé à J. Vilar en 1968. Mais c'était la fin...
R - "Oui, oui, oui... Mais les gens ont compris que j'étais prêt à toutes les rencontres, même quand elles sont électriques."
Q-Aujourd'hui, vous recevez donc les syndicats. Vous allez leur réexpliquer. S'ils bloquent, qu'est-ce que vous faites ?
R - "Vous savez, je suis dans une équipe gouvernementale. On est là pour se confronter à la réalité, pour faire des propositions, pour ne jamais être obtus dans nos crânes, pour essayer d'avancer..."
Q-C'est-à-dire que ou M. Raffarin ou M. Sarkozy - M. Raffarin dès ce soir - devront aller plus loin et lâcher plus d'argent ?
R-- "J'attends, dans les heures ou dans les jours qui viennent, par exemple sur le congé maternité et sur le congé maladie, une décision des partenaires sociaux. Chacun aussi doit faire un geste. Je veux bien me mettre dans la peau de tout le monde, mais j'attends aussi que chacun fasse un geste. Je respecte les partenaires sociaux, je leur demande aussi de respecter le Gouvernement."
(Source : premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 7 mai 2004)
R - "Je suis dans l'urgence, c'est-à-dire qu'il y a des mesures à prendre. Je suis en train de les prendre, j'en ai annoncées un certain nombre hier. Maintenant, il faut qu'elles produisent des effets. Et il faut peut-être les préciser parce que, pour qu'elles produisent leurs effets, il ne faut pas qu'elles soient caricaturées."
Q-D'abord, il faut dire ce que c'est : vous proposez 50 millions d'euros pour deux fonds : 30 millions en faveur du spectacle vivant et 20 millions pour aider les intermittents en situation précaire. Et vous dites que c'est un fonds d'urgence géré par l'Unedic et provisoire. Qu'est-ce que cela veut dire "provisoire" ?
R - "Ce que je propose, concrètement, dans l'urgence, ce sont trois choses. La première, c'est que celles et ceux qui sont les exclus de l'accord qui a été conclu l'année dernière soient réintégrés dans leurs droits et qu'ils puissent disposer des sommes dont ils ont été privés. J'ai chargé une personnalité indépendante, l'ancien directeur de la Sécurité sociale, reconnu par tous, d'ouvrir sans délai, sur ce sujet, la négociation avec les partenaires sociaux, pour définir les conditions d'attribution les plus claires et précises. J'ai prononcé, contrairement à ce que certains ne veulent pas entendre, les mots "sacrilèges" entre guillemets, c'est-à-dire 507 heures et 12 mois. J'indique, sur les conditions d'attribution - et c'est la feuille de route que j'ai donnée à M. Lagrave, que je viens donc de désigner hier -, qu'il peut y avoir des clauses de plafonnement. Pourquoi ?
Q-Qu'est-ce que cela veut dire, "plafonnement" ?
R - " Parce ce que je considère qu'il y a des gens qui sont dans des situations de détresse absolue et qu'ils ont des droits, et des droits prioritaires. Je ne suis pas en train d'instituer le "bureau des pauvres", pour les plus pauvres, ce n'est pas ce que je dis. Je dis qu'il y a des gens qui ont des droits, à partir du moment où l'on calcule les choses sur la base de 507 heures et 12 mois, et que, évidemment, je ne veux pas aider les gens qui disposent des moyens les plus considérables, parce que je trouve qu'à ce moment-là, ils n'y ont pas droit..."
Q-C'est-à-dire ? Vous avez découvert énormément d'abus. Tout le monde parle des abus, des frondes, etc.
R - "Attendez ! Premier point donc, c'est la réintroduction de droits à ceux qui en ont été privés. Deuxième point d'urgence : ce sont les abus. Les abus, ce sont des gens qui devraient avoir un emploi permanent et qui, aujourd'hui, ont un emploi précaire. Cela veut dire qu'ils ont un contrat de travail alors qu'ils travaillent pendant douze mois, qu'ils ont uniquement un contrat officiel de trois mois et qu'ils sont ensuite indemnisés par l'Unedic. Cela doit stopper. C'est ce que l'on appelle la professionnalisation, le parcours d'emploi, c'est-à-dire que c'est la réintégration dans l'emploi permanent d'un certain nombre de gens. Je serai intraitable. Vis-à-vis de tous les organismes qui dépendent de moi et que je subventionne, cela va être la nouvelle feuille de route. Le troisième point, c'est que j'attends des partenaires sociaux, parce c'est leur compétence, dans l'urgence absolue - ce n'est pas une question financière, c'est une question humaine -, que les questions de l'assurance maladie et du congé maternité soient réglés dans les meilleurs délais..."
Q-Mais vous ne m'avez pas répondu: qu'est-ce que c'est "provisoire" ? C'est-à-dire que ça, c'est pour 2004 ?
R - "Ca, c'est l'urgence..."
Q-Vous allez recevoir un à un les syndicats, ce matin. Est-ce que vous allez ajouter des efforts, est-ce que vous allez ajouter de l'argent, est-ce que vous allez ajouter une perspective ?
R - "Bien sûr. Je me situe dans l'urgence et je me situe dans la préparation d'un système nouveau, en mobilisant l'énergie et la conjugaison des efforts bien sûr des partenaires sociaux, de l'Unedic, de la solidarité interprofessionnelle, mais d'autres responsables également, c'est-à-dire forcément l'Etat, les employeurs, les collectivités territoriales et le [service public ? inaud]. Pourquoi est-ce que je reçois tout à l'heure les partenaires sociaux ?"
Q-C'est la méthode complètement inversée, parce que l'on a l'impression que vous décidez et que le lendemain seulement, vous recevez les syndicats ?
R - "Mais pas du tout. J'ai reçu chacun avant, j'annonce un certain nombre de propositions, je vais les confronter à leur point de vue..."
Q-Vous voulez que dans votre bureau, ils vous disent "non" ?
R - "Ce n'est pas cela. Je vais leur répondre aussi, parce que je ne veux pas non plus qu'il y ait de décalage entre ce que l'on m'a dit avant et ce que l'on critique après..."
Q-Mais quand vous dites qu'il y a un système provisoire, d'urgence, pour régler les cas les plus difficiles, et qu'ensuite, il y aura quelque chose de nouveau, est-ce que vous voulez dire que vous aurez plus de moyens que les 20 millions d'euros ?
R - "Les 20 millions, que l'on arrête là aussi de caricaturer ! Est-ce que j'ai dit, à un seul moment, que les 20 millions étaient la seule somme mise à disposition pour l'indemnisation de ceux qui sont exclus du système ? Je n'ai jamais dit cela. J'ai dit que c'était un fonds de concours, que nous étions prêts à verser à l'Unedic. Je n'ai jamais dit qu'il fallait que ce soit la base de calcul pour l'indemnisation des gens qui étaient exclus du système. Donc la méthode : écouter, annoncer des décisions, réécouter, se situer d'autre part dans un parcours positif. La parcours positif, c'est quoi ? C'est la défense de l'emploi culturel, c'est le soutien aux activités artistiques. C'est pour cela que, pour ne pas m'éloigner de votre première question sur Cannes, je pense deux choses : un, l'activité culturelle et artistique est compatible avec le débat, c'est-à-dire que je suis prêt à tout moment à participer à tous les débats nécessaires..."
Q-Je sais que vous dites que vous allez jouer le rôle de "force d'interposition" !
R - "Non, ce n'est pas la même chose. Cela s'est passé à Bourges, cela peut se passer à Cannes, cela peut se passer dans tous les festivals de l'été, pour préparer le débat national que j'ai annoncé à l'automne et le débat parlementaire. La deuxième chose - je le dis avec gravité et calme, et je demande que cela ne soit pas perçu comme un ultimatum et comme une menace -, j'en appelle à la responsabilité des artistes, du public, de notre activité économique dans le domaine du cinéma et du rayonnement mondial de notre pays. Cannes est un rendez-vous très important pour l'activité culturelle et artistique de notre pays. Je pense compatible, encore une fois, le débat et l'activité culturelle. Et d'ailleurs, j'ai entendu sur ce sujet des propos très responsables..."
Q-Comme ceux de P. Chéreau, tout à l'heure, dans le journal d'Europe.
R - "... Même ceux qui me critiquent sauvagement - et ils ont le droit de le faire -, je pense qu'ils seront suffisamment responsables pour qu'il n'y ait pas de paralysie, parce qu'à ce moment-là, cela serait tout simplement une catastrophe pour l'emploi culturel, que les uns et les autres nous voulons défendre. Ce n'est pas une menace, c'est tout simplement la volonté de ne pas franchir inutilement des lignes jaunes. J'ai sur mes épaules une obligation de résultats..."
Q-Cannes, Aix, Avignon, Montpellier, Orange, des festivals attendus, par seulement par les festivaliers, mais par les régions, s'ils n'ont pas lieu, est-ce que c'est une mauvaise action contre la culture ? Ou est-ce simplement, pour vous, le début d'un débat national sur la culture ?
R - "D'ici là, les premières mesures auront produit des résultats. C'est-à-dire que d'ici le festival d'Avignon et d'ici l'été, j'espère que les partenaires sociaux - et j'y compte - auront réglé le problème de l'indemnisation concrète de ceux qui sont aujourd'hui exclus. Les mesures de traque des abus, elles seront d'ici là engendrées."
Q-N'aurait-il pas été plus simple d'abroger la réforme de l'intermittence, voulue et signée par la CFDT, le Medef, la CFTC, qui était faite pour réduire des abus et un déficit aujourd'hui de près d'un milliard ? Pourquoi ne pas l'abroger, comme on va vous le dire ce matin ?
R - "Parce que je veux créer un nouveau système et parce que je veux des réponses concrètes. Abroger ? Et comment fait-on ? Il fallait bien décider ensuite ce que l'on faisait pour les gens..."
Q-On renégocie, on met tout à plat...
R - "J'ai chargé quelqu'un d'une discussion avec les partenaires sociaux..."
Q-Non, vous ne me répondez pas... On ne renégocie pas ?
R - "Je ne suis pas dans l'ordre du slogan, je suis dans l'obligation de résultats. Je veux des résultats concrets."
Q-Regardez les nouveaux ministres, vos collègues du gouvernement Raffarin III : ils ont cédé sur la recherche, sur l'ASS, sur les recalculés... Et vous, vous vous arrêtez en route ? Faites comme les autres !
R - "Je veux tout simplement qu'au terme de ce processus, de cette démarche que j'initie, que les gens se disent : on peut lui faire confiance, et on a eu raison de lui faire confiance, parce que, un, nos problèmes immédiats ont été réglés ; deux, on a maintenant un système solide d'indemnisation du chômage, et permettez-moi de vous dire que je préfère qu'au lieu que l'on parle d'indemnisation du chômage, qui est une nécessité sociale absolue, eh bien que l'on ait défendu l'emploi culturel dans ce pays et que chacun se mette autour de la table, non pas pour faire de la politique politicienne mais pour conjuguer les moyens financiers et les énergies."
Q-Comme Mao, vous lancez le débat national sur la culture, à travers les festivals, si on arrive à développer le festival de Cannes. Vous avez prévu de recevoir les 25 ministres de la Culture de l'Europe élargie. D'abord, vont-ils pouvoir arriver
à Cannes ?
R - "Mais bien sûr, attendez, ça va !"
Q-Je caricature, j'exagère volontairement.
R - "... Personne ne va porter atteinte, j'espère, à la liberté de circulation dans notre pays. En même temps, on la fera garantir..."
Q-Et pourquoi les faites-vous venir, les 25 ?
R - "Parce qu'il faut mettre un plan d'action d'urgence sur la lutte contre la piraterie, qui menace l'industrie musicale et l'industrie du cinéma. Et là aussi, j'en appelle au respect. Il faut que les plus jeunes de nos concitoyens, qui considèrent - et je les comprends - qu'aller sur Internet pour écouter de la musique ou avoir accès à tous les films de la planète, mesurent qu'il faut le faire sous certaines conditions, parce que sinon, cela menace gravement l'industrie musicale, cela menace le cinéma et, à termes, cela menace la pluralité de l'offre culturelle. Donc ce sont des sujets très importants."
Q-On reviendra sur tous ces problèmes, parce qu'ils sont importants... Vous êtes ministre de la Culture depuis peu. Qui est votre maître, votre modèle en tant que ministre de la Culture ?
R - "Conjoncturellement, c'est J. Vilar, parce qu'il a voulu faire d'Avignon un lieu où le spectacle était compatible avec le débat..."
Q-Rappelez-vous ce qui est arrivé à J. Vilar en 1968. Mais c'était la fin...
R - "Oui, oui, oui... Mais les gens ont compris que j'étais prêt à toutes les rencontres, même quand elles sont électriques."
Q-Aujourd'hui, vous recevez donc les syndicats. Vous allez leur réexpliquer. S'ils bloquent, qu'est-ce que vous faites ?
R - "Vous savez, je suis dans une équipe gouvernementale. On est là pour se confronter à la réalité, pour faire des propositions, pour ne jamais être obtus dans nos crânes, pour essayer d'avancer..."
Q-C'est-à-dire que ou M. Raffarin ou M. Sarkozy - M. Raffarin dès ce soir - devront aller plus loin et lâcher plus d'argent ?
R-- "J'attends, dans les heures ou dans les jours qui viennent, par exemple sur le congé maternité et sur le congé maladie, une décision des partenaires sociaux. Chacun aussi doit faire un geste. Je veux bien me mettre dans la peau de tout le monde, mais j'attends aussi que chacun fasse un geste. Je respecte les partenaires sociaux, je leur demande aussi de respecter le Gouvernement."
(Source : premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 7 mai 2004)