Texte intégral
A. Chabot -. J.-F. Mattei auprès des malades souffrant de la légionellose avec J.-P. Delevoye, son collègue ; M. Alliot-Marie avec les militaires en Côte d'Ivoire ; G. de Robien sur les routes ; N. Sarkozy avec les policiers, les pompiers ; le Premier ministre lui-même était à l'hôpital Bichat. Bref, le mot d'ordre du Gouvernement en ce début d'année, c'est compassion, solidarité, proximité...
- "Le Gouvernement fait son boulot. Le travail d'une équipe gouvernementale, c'est d'être là où il y a des soucis. Il y a un souci très grave, vous l'avez beaucoup évoqué sur votre antenne ce matin, de légionellose. Il est normal que le ministre de la Santé, J.-F. Mattei, aille sur place. Sur les routes, on avait eu beaucoup de soucis l'année dernière. Donc, avec G. de Robien, on a fait en sorte cette année de les traiter avant, aussi bien pour les aéroports que pour les routes, mais c'était aussi important d'aller sur place. Et puis je crois que la présence de la ministre de la Défense, là où il y a le plus fort contingent militaire français, là où nous avons eu également des pertes humaines cette année, dans un contexte politique difficile, était normale. Donc le gouvernement est sur le terrain, c'est son rôle. Ce n'est ni nouveau ni à marquer d'une pierre blanche. Nous continuerons d'être sur le terrain tout au long de l'année 2004."
Franchement, on a l'impression que vous n'arrêtez pas de finir de payer les fautes de la canicule...
- "Je crois qu'on a beaucoup exagéré l'affaire de la canicule. C'est vrai que dans l'opinion publique, il y a eu le sentiment d'abandon, mais d'abandon parce que c'était inéluctable. On se levait le matin et ça reprenait comme la veille. On avait le sentiment que rien ne pouvait y faire. C'était aussi pour les maires la même chose, qui étaient demandés dans les maisons de retraite, sur le terrain. On n'a pas reproché au maire de Paris d'être en vacances, on l'a reproché au Gouvernement. C'est la vie. En tout cas, cela a bien montré que dans des circonstances difficiles, la présence de celles et ceux qui sont investis de responsabilités est importante. Et nous sommes présents là où il y a difficulté. Aujourd'hui, par exemple, N. Sarkozy se rendra dans les aéroports, puisque nous avons en ce moment une politique très axée sur la sécurité, la protection."
C'est le modèle, N. Sarkozy. Tout le monde fait du Sarkozy, on a l'impression aujourd'hui.
- "Je crois que N. Sarkozy est particulièrement présent auprès de ses troupes et que c'était dans ce domaine nécessaire, puisque les forces de police et de sécurité, dans l'équipe précédente, avaient le sentiment d'être délaissées et de ne pas avoir un soutien politique important. Donc la présence du ministre de l'Intérieur auprès des policiers, des gendarmes sur le terrain, est importante, mais je crois que c'est le rôle de chacun des ministres. C'est le rôle du Premier ministre également qui est allé aux Restaurants du Cur, qui est allé dans des hôpitaux. Le Président de la République est également très présent et est présent sur le terrain. Je crois que c'est notre travail, c'est notre boulot - parce que c'est l'expression qu'on utilise tous les jours dans la vie - mais je crois qu'il n'y a rien d'extraordinaire. C'est plutôt l'inverse qui serait à remarquer."
On a l'impression quand même qu'avec 2003 se termine l'annus horribilis de J.-P. Raffarin avec une cote de popularité en chute, les rumeurs de départ, une autorité parfois contestée même par certains ministres ou paraissant contestée par certains ministres. Cela ira mieux pour lui en 2004 ? Je vous pose la question parce que vous êtes très proche de lui, on le sait, vous êtes son ami...
- "Quand on fait des réformes, on est critiqué. Si le Premier ministre avait continué comme un peu le faisait l'équipe précédente, d'aller sur le long chemin tranquille, de faire plaisir à tout le monde, il n'aurait pas été critiqué. J'ai toujours pensé, quand J.-P. Raffarin est arrivé - nous en avons parfois parlé ensemble -, que tous ceux qui disaient : "C'est formidable, on a quelqu'un qui n'est pas énarque, on a quelqu'un qui vient du monde plutôt de l'entreprise, quelqu'un qui n'est pas parisien, qui n'est pas connu dans les milieux les plus connus de Paris." Tout ça, c'est bien... J'étais persuadé qu'un jour, les gens diraient la même chose, ils diraient : "On l'avait bien dit, ce type n'est pas énarque, il a pourtant fait une grande école de commerce, mais il n'a pas fait Polytechnique ou l'ENA, il n'est pas Parisien donc il ne connaît rien, il ne sait pas commander." On a vu un moment l'opinion parisienne, l'opinion du microcosme, comme disait R. Barre, changer. Mais qu'est-ce qu'on a observé en réalité ? C'est qu'il a fait ce qu'il avait dit qu'il ferait. Il a mené la politique souhaitée par le Président de la République. Les réformes sont faites. On est au 1er janvier. Les réformes des retraites s'appliquent, la réforme des intermittents s'applique, l'ensemble des réformes que nous avons décidées se font. Et que fait l'opinion ? Elle commence à se retourner avec les remontées dans les sondages du Premier ministre, et ces critiques vont bientôt être oubliées. Et les gens diront : voilà quelqu'un qui a fait son travail, qui a été courageux et qui a répondu aux aspirations des Français et aux demandes du Président de la République. C'est le rôle du Premier ministre dans la Vème République. Je trouve que J.-P. Raffarin l'assume pleinement, avec modestie, sans chercher à en tirer un profit personnel. Il est là pour faire le travail que le Président de la République et les Français lui ont confié."
Le Président de la République l'a peut-être rassuré. Il lui a dit : "Jean-Pierre, ne vous inquiétez pas, après les régionales, quel que soit le résultat, vous serez encore là." ...
- "C'est une question qu'il faut poser au Président de la République."
Il ne vous l'a pas dit comme ça entre deux portes en cette fin d'année ?
- "C'est le genre de choses qui ne se disent pas, même entre personnes ayant des liens d'amitié. Ce que j'observe parmi mes collègues ministres, en observant les travaux du Conseil des ministres, c'est le climat de confiance entre le Président de la République et le Premier ministre. C'est comme ça que ça doit marcher dans la Vème République et c'est pour ça d'ailleurs que nos institutions fonctionnent actuellement normalement. Le Président de la République fixe les orientations, il l'a fait avant-hier soir à la télévision et à la radio. Le Premier ministre détermine et conduit la politique de la Nation, c'est l'article 20 de notre Constitution. Le gouvernement travaille autour de lui. Nous avons une majorité importante à l'Assemblée nationale et au Sénat. Nous sommes dans les conditions normales dans lesquelles on peut réformer notre pays. C'est ce que souhaitent les Français et c'est ce que nous allons continuer à faire en 2004."
Justement, lors de ses vux, le Président de la République vous a donné une feuille de route, à tout le Gouvernement. La priorité, c'est effectivement l'emploi avec une grande loi qui sera sans doute présentée au début de l'année prochaine. Vous avez le sentiment que vous n'aviez pas fait assez en matière de lutte contre le chômage ?
- "L'absence de croissance, c'est naturellement plus de chômage. Un point de croissance, c'est 150.000 emplois dans notre pays. Donc, si l'année prochaine, comme les experts de toute sensibilité semblent l'indiquer, nous allons vers un taux de croissance proche de 2 %, on voit tout de suite les conséquences positives que ça a pour l'emploi. "
Mais on va dire que vous n'avez pas de mérite parce que si c'est grâce à la croissance que vous recréez des emplois, franchement, c'est plus facile...
- "C'est aussi parce que le climat a changé pour les entreprises. Nous avons continué de baisser les charges, en particulier celles sur les bas salaires. Nous avons continué de baisser l'impôt. 17 millions de ménages dans notre pays ont bénéficié de la baisse de l'impôt. Nous créons les contrats jeunes en entreprise. Donc nous avons pris toute une série de dispositions. En réalité, ce qui a changé c'est que, pour nous, c'est la valeur travail qui est la première. Quand on dit que les 35 heures, il faut les modifier, ce qu'a rappelé le Président de la République à la télévision avant-hier soir, ça ne veut pas dire que nous remettons en cause le principe même de la réduction du temps de travail mais nous remettons en cause le principe de la réduction généralisée et je dirais "bête" du temps de travail. Nous sommes pour la valeur travail. Donc nous avons organisé notre politique autour de cela, et naturellement, la priorité 2004, c'est de faire baisser le taux de chômage. N. Beytout disait tout à l'heure excellemment sur votre antenne que même, quand on était en pleine croissance, il y avait encore 8,6 % de chômage en France il y a trois ou quatre ans, ce qui veut dire que nous avons des phénomènes structurels qui sont contraires à l'emploi, et c'est par des réformes de structures que nous devons y remédier."
Je reviens à vos dossiers. Le quotidien américain The Washington Post annonçait qu'un certain nombre de vols Air France en direction de Los Angeles avaient été escortés par des avions militaires, des F16 américains. Est-ce que vous pouvez nous confirmer cette information ?
- "Dans ces périodes où tous les vols sensibles sont soumis à des mesures de sécurité, les mesures de sécurité sont de trois natures, celles qui sont prises dans les aéroports - fouille de bagages, bagages à main, bagages à soute - ; nous sommes dans un état de sûreté maximale actuellement dans les aéroports parisiens et français pour les vols vers les Etats-Unis. Présence quand cela est nécessaire et sur certains vols de personnels spécialisés dans les avions et accompagnement sur certains trajets des vols par des avions militaires. Cela a été le cas aux Etats-Unis."
Donc c'est vrai ?
- "Actuellement, dans ces périodes-là, les bases aériennes des pays concernés sont dans un état d'alerte important. Et donc il n'est pas inenvisageable que des avions soient suivis à distance par des avions militaires. Cela participe également des mesures d'entraînement normales des pilotes, mais ça fait partie aussi des mesures de sécurité qui peuvent être prises à tout moment, sans qu'il y ait d'ailleurs un danger spécifique sur le vol, mais ça fait partie d'une politique d'ensemble de sécurité."
Donc, il y a des avions américains qui ont escorté des vols Air France, c'est ça ?
- "La réponse est oui. Les autorités américaines ne nous communiquent pas ce genre d'informations parce qu'elles sont du domaine intérieur. Mais si le Washington Post, qui est un quotidien sérieux, l'écrit, on peut penser que c'est exact."
L'inverse peut être vrai aussi, c'est-à-dire qu'il peut y avoir des Mirage français par exemple qui escortent des avions américains, sur lesquels il peut y avoir des risques éventuels ?
- "Il peut y avoir des avions français qui sont à distance de proximité d'avions de ligne. Cela arrive en tout temps, y compris dans les périodes qui ne sont pas des périodes de crise. Et dans les périodes de sûreté, sans entrer dans la psychose, nous sommes actuellement dans une période où la sûreté est au maximal. Ce type de procédure est un type de procédure habituelle."
Certains vols ont donc été annulés la semaine dernière...
- "Oui, trois vols, les 24 et 25 décembre, trois vols, 068 et 070, deux fois l'un d'entre eux, à destination de Los Angeles."
Ce qu'on n'arrive pas à comprendre, c'est : qui décide ? On a l'impression que ce sont les Américains au fond qui disent aux Français : on a des doutes, soyez gentils, il faut supprimer ces vols...
- "Tout cela est coordonné par le Premier ministre, puisque la décision est prise par le Premier ministre qui est en charge des questions de sécurité liées aux problèmes internationaux. Autour de lui sont les différents ministres ou les représentants en charge du secteur, le ministre de l'Intérieur, la Défense, le ministère des Transports naturellement, les services de renseignements divers et variés. Et il y a des échanges d'informations avec les autorités américaines, et en fonction de ces échanges d'informations, la décision est prise. Et là, nous avions des échanges d'informations avec les autorités américaines la semaine dernière qui nous apportaient un certain nombre d'éléments vérifiables ou pas vérifiables, en tout cas des éléments de doute. Et comme en matière de sûreté, il n'y a pas la place pour le doute, le Premier ministre a pris la décision de demander à la compagnie Air France d'annuler trois de ses vols."
Mais du coup, à chaque fois que cela se produira, que les Américains demanderont, vous ne pourrez pas dire non...
- "Nous apprécions. Par exemple, il y a eu un vol qui a eu lieu il y a quelques jours, que les Etats-Unis ne souhaitaient pas particulièrement. Nous avons pensé et estimé que toutes les mesures de sûreté avaient été prises, que les vérifications faites sur les passagers étaient de telle nature que ce vol avait toute raison de circuler, de voler. Il est parti en retard, parce que naturellement, ça prend du temps et les passagers aériens en souffrent et nous leur présentons nos excuses naturellement. Mais il est parti même si les autorités américaines n'étaient pas tout à fait de cet avis."
La sécurité routière, il semble que vous ayez gagné un peu votre pari cette année. Il y aura combien de morts en moins sur les routes françaises quand on finira totalement le bilan de l'année 2003 ?
- "C'est difficile à dire parce que l'année n'est [pas terminée]."
Elle est terminée mais vous n'avez pas tous les chiffres...
- "Disons de l'ordre de 25 %, ce qui est énorme. Et surtout ce qui est formidable, c'est le changement de comportement. J'écoutais hier sur votre radio ou à la télévision les gens qui parlaient après le réveillon, et c'était sympa d'entendre des gens plutôt jeunes dire : avant, je rentrais en voiture quand même, maintenant je prends le taxi, je dors à l'hôtel, je prends les transports en commun. On avait fait en sorte à Paris que la RATP soit gratuite, etc. Donc, il y a un changement de comportement vis-à-vis de l'alcool et sur les routes. Moi, je suis élu d'un département très long, la Charente-Maritime, au bord de l'océan. Je fais beaucoup de kilomètres. Je vois les changements dans la vie quotidienne, sur les routes, on n'est plus dépassé par des cinglés. Je crois que les choses sont en train de changer. Mais tant que le nombre de morts restera ce qu'il est ce qui est encore élevé - 25 %, c'est beaucoup mais ce n'est pas assez -, il faut continuer cette politique à la fois d'information et puis parfois de répression. On voit que les radars, c'est désagréable pour ceux qui sont flashés mais ça marche; et ça donne des résultats."
Cela veut dire qu'il y en aura plus...
- "Cela veut dire qu'il y en aura plus. Mais quand on sera au maximum, on en aura encore cinq à six fois moins qu'en ont aujourd'hui nos voisins britanniques. Vous voyez que nous ne sommes pas encore dans le système aussi "policé", expression anglo-saxonne, qu'en Grande-Bretagne."
Dernier petit conseil du secrétaire d'Etat aux Transports. Le plan neige, ça marche. Et pour les retours là des vacances, vous dites ?
- "Pour les retours des vacances, prudence. Mêmes règles de sécurité que le 31 décembre. Et si les conditions météo sont difficiles ce qui est le cas, il faut lever le pied, écouter tranquillement la radio et ne pas s'énerver."
(Source : premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 5 janvier 2004)