Déclaration de M. Charles Josselin, ministre délégué à la coopération et à la francophonie, sur l'ouverture du site IZF.net (Investir en Zone Franc), les politiques d'ajustement structurels en Afrique et l'instauration d'une parité fixe entre l'euro et le franc CFA, Paris le 12 octobre 1998.

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Circonstance : Réunion des ministres de l'économie et des finances de la zone franc, sur le thème "Investir en zone franc", à Paris les 12 et 13 octobre 1998

Texte intégral

INVESTIR EN ZONE FRANC DISCOURS D'OUVERTURE DU MINISTRE DELEGUE A LA COOPERATION ET A LA FRANCOPHONIE, M. CHARLES JOSSELIN
Paris - 12.10.1998
Messieurs les Ministres,
Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs,
Mesdames et Messieurs,
Il y a un an, les quatorze ministres de l'Economie et des Finances de la Zone franc, réunis dans cette même salle, estimaient nécessaire de diffuser largement et de façon aussi précise et actualisée que possible, un maximum d'informations sur les conditions de l'investissement dans la zone de leurs compétences. L'environnement était en effet particulièrement favorable et cela ne se savait pas suffisamment.
Aujourd'hui, j'ai le plaisir et la fierté de vous voir aussi nombreux pour faire le point sur les instruments que nous avons mis en oeuvre afin de répondre à ce besoin. Si vous êtes aussi nombreux, c'est bien aussi le signe que l'intérêt des entreprises pour L'Afrique en général, la Zone franc en particulier, n'a pas faibli, et, par voie de conséquence, que vous attendez de nous un travail de qualité qui vous aidera dans vos projets.
Aujourd'hui, l'Union économique et monétaire ouest-africaine et la Commission économique et monétaire d'Afrique centrale ouvrent en partenariat un site Internet : IZF.net. IZF, vous l'avez compris, ça veut dire " Investir en Zone franc " et ce site est le premier des instruments que nous mettons à votre disposition.
IZF.net constitue dès le jour de son lancement dans le public, c'est-à-dire aujourd'hui, la plus importante centrale d'informations du monde sur l'investissement en Zone franc. Près d'un millier de pages-écran, la surveillance quotidienne d'une centaine d'autres sites, notamment anglo-saxons, et d'autant de périodiques et bases de données spécialisées. Les habitués, les spécialistes apprécieront.
L'Afrique de la Zone franc entre ainsi de plain pied dans l'univers de la communication mondiale, là où l'information joue un rôle essentiel dans vos décisions d'échanger, de commercer, d'investir.
C'est un bond en avant dans la transparence et la liberté d'entreprendre en Afrique à quinze mois de l'entrée dans le XXIème siècle. C'est une image différente de celle de l'Afrique du Sida, des génocides et de l'argent sale. C'est la preuve qu'il y a en Afrique aussi un autre horizon.
C'est bien. Mais ce n'est pas pour cela, ou seulement pour cela, que mon collègue Dominique Strauss-Kahn et moi-même vous avons conviés, vous les opérateurs privés et institutionnels, de l'industrie, du négoce et de la finance.
Il y a eu dans l'année qui vient de s'écouler plusieurs évolutions et changements qui méritent réflexions et échanges de vues entre nous.
Nous sommes à moins de cent jours de la naissance de l'euro. Certains ont cru que cet avènement pouvait mettre à mal les accords régissant le franc CFA et sa parité avec le franc français. Il n'en est rien, mais cette crainte devait être dissipée non seulement aux yeux des acteurs de l'économie que vous êtes, mais aussi à ceux de l'opinion publique.
J'aurai l'occasion d'y revenir dans le courant de la matinée.
Dans l'année qui vient de s'écouler, s'est produit au niveau mondial un retournement de conjoncture, certes cyclique, mais grave. La crise a eu son origine dans les pays en développement d'Asie du Sud-Est, ceux qui étaient généralement considérés comme les plus performants.
En tant que Ministre chargé de l'aide au développement, je ferai à ce sujet deux observations simples.
La première est d'évidence : la Zone franc, dans ses résultats et perspectives, a été relativement préservée de cette turbulence, un peu, et ce n'est pas un hasard, comme la zone de l'euro l'est en Europe. J'en veux pour preuve qu'on attend sur la zone du franc CFA des taux de croissance de 4 % à 5 % pour 1999, les plus élevés du monde selon les pronostics généralement admis. Je vous invite à méditer cela, l'Afrique sera le continent de tête .. Quelle nouveauté, quelle responsabilité aussi, pour tous les africains.
La deuxième observation est plus réfléchie et d'analyse. Pourquoi les pays d'Asie du Sud-Est, ces fameux dragons, ont-ils craqué les premiers ? Au moins en partie, je crois, parce que d'une part les processus d'intégration régionale et d'autre part, les mécanismes régulateurs, d'origine publique ou privée, y ont été inefficaces et n'ont en aucune manière protégé les marchés contre les surenchères boursières et les spéculations monétaires.
Or c'est au processus exactement inverse auquel nous assistons dans la Zone franc, et cela pour la cinquième année consécutive en 1998.
L'intégration régionale y avance à une cadence que nous pourrions envier alors que, dans quelques semaines, nous entrons nous mêmes dans une zone monétaire unique. Le franc CFA a 50 ans d'existence et n'a connu qu'une seule réestimation des conditions de l'échange en termes monétaires, la dévaluation de 1994. Celle-ci est apparue à certains comme un cataclysme, elle a été une réussite ! On le sait aujourd'hui.
Les Banques centrales d'Afrique de l'Ouest et d'Afrique centrale ont su maîtriser l'inflation induite par la dévaluation. Les gouvernements de la Zone franc ont poursuivi ou engagé à cette occasion des politiques d'ajustement structurel douloureuses mais que l'on peut désormais juger: elles ont été efficaces. Grâce à des mesures importantes d'annulation des dettes passées, ils ont pu reconstituer des marges au profit de l'investissement public d'autant plus attrayantes que la privatisation des services à caractère marchand est devenue, pour la zone, économiquement irréversible et socialement indispensable.
L'environnement des transactions et la sécurité des marchés se sont dans le même temps considérablement améliorés. Le traité de l'OHADA, l'organisation pour l'harmonisation en Afrique du droit des affaires, permet depuis le premier janvier 1998, à une grande partie des Etats de la zone d'offrir des règles de droit communes et un processus d'arbitrage international. Ce n'est pas une mince transformation quant aux pratiques et au calcul des risques.
Autre exemple. Les banques, premiers intervenants dans le circuit primaire de l'investissement, mais aussi les compagnies d'assurance et les systèmes de prévoyance sociale sont, dans la Zone franc, désormais l'objet de protections, de contrôles et de règles prudentielles qu'ils se sont imposés, et qui fonctionnent d'ores et déjà.
La Zone franc n'attrapera pas la grippe asiatique cet hiver, je vous l'assure sans risque.
Nous nous sommes interrogés sur la meilleure façon de faire passer ce message dans votre direction. Depuis plus de dix ans, mes prédécesseurs, tout comme les responsables de l'Union européenne, ont multiplié le type de rencontres que nous avons aujourd'hui ; entre gens du Nord, supposés riches et vouloir gagner de l'argent et gens du Sud, partageant les mêmes objectifs mais en plus, désireux de faire un peu mieux pour le développement de leur pays.
C'est, je crois, un exercice imposé. Vous qui êtes présents, vous vous convaincrez vous mêmes de la santé et des perspectives de la Zone franc en utilisant les instruments dont nous allons parler. Mais, pour que cette conviction s'étende au plus grand nombre d'entreprises, il nous faut des relais, la presse, la télévision et voilà le pourquoi de cette manifestation.
Nous avons organisé les choses le plus simplement possible : nous sommes partis de vos questions, de vos remarques, telles que le CNPF international a pu les recenser au travers d'une large enquête, et telles que le président Michel Roussin va les rappeler dans un instant.
A partir de là, nous aurons des exposés sur l'état réel d'avancement des deux marchés communs qui se constituent à l'intérieur de la Zone franc (Code unifié de l'investissement en Afrique de l'Ouest, état d'avancement de la réforme fiscalo-douanière au sein des états de l'Afrique centrale). Les représentants des autorités et des chefs d'entreprises se succéderont dans cet exercice.
Nous avons demandé d'autre part à un haut responsable de l'Union européenne de vous informer lui même, à la veille des nouvelles négociations sur la Convention de Lomé, des instruments et moyens que l'Europe consacre à l'appui aux initiatives privées.
L'après-midi a été réservée à trois ateliers : l'un est consacré aux outils de financement, l'autre à l'assurance-crédit et le troisième, bien entendu, aux conséquences de l'adossement du franc CFA sur l'euro.
Je termine mon propos en souhaitant que cette rencontre soit une occasion particulière d'échanges entre vous et d'élargissement du dialogue à l'Europe. J'ai voulu qu'elle soit aussi pratique et utile que possible, et c'est dans cet esprit que l'ensemble de l'équipe de coordination à travaillé pour vous proposer des entretiens personnalisés, des stands et des démonstrations des instruments nouveaux mis à votre disposition. D'ici à demain midi, je fais le voeu que nous ayons su répondre à toutes vos sollicitations.
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INVESTIR EN ZONE FRANC INTERVENTION DU MINISTRE DELEGUE A LA COOPERATION ET A LA FRANCOPHONIE, M. CHARLES JOSSELIN
Paris - 12.10.1998
Vers une nouvelle zone de stabilité monétaire euro-CFA :
Perspectives et opportunités pour les entreprises
Messieurs les Ministres,
Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs,
Mesdames et Messieurs,
Dans onze semaines, l'euro sera né et le franc français n'en sera plus qu'une dénomination nationale, dont la parité aura été irrévocablement arrêtée. Tel est le calendrier.
Dominique Strauss-Kahn aurait pris plaisir à vous en parler. Il est précisément pris par une des réunions mensuelles des ministres des Finances des Quinze et travaille avec ses collègues à la réussite de cette échéance fondamentale. Sans doute serais-je moins technique que lui, mais mes collaborateurs et les siens veillent et pourront répondre à vos interrogations, le cas échéant, d'ici à demain midi.
Il y a eu d'importantes polémiques autour de la naissance de l'euro dont l'une sur le maintien de la parité du franc CFA. Les gazettes s'en sont généreusement fait l'écho durant le premier semestre de cette année. Témoignages d'inquiétude ou calculs de spéculateurs, tout était bon pour alimenter la rumeur. Et à la rumeur, il faut opposer des faits objectifs !
C'est dans cet esprit, qui est aussi celui du site IZF.net et de notre journée d'aujourd'hui, que je voudrais rappeler deux données et faire une suggestion pour vos entreprises et vos affaires.
Premièrement, les accords de coopération conclus antérieurement par la France avec les Unions monétaires de la zone du franc CFA et les Comores ne sont pas concernés par la décision de faire du franc français une dénomination nationale de l'euro au 1er janvier 1999.
Cette dénomination (le franc français) disparaîtra le 1er janvier 2002, alors que les appellations franc CFA et franc comorien n'ont pas à être modifiées ni à la première ni à la seconde de ses échéances.
J'ajoute que la parité eurofranc CFA et franc comorien sera automatiquement déterminée - arithmétiquement, devrais-je dire - par la valeur de l'euro en franc français établie au 1er janvier 1999, exprimée avec six chiffres significatifs, aucun arrondi n'étant nécessaire pour déterminer la valeur de l'euro en CFA ou en franc comorien.
J'ajoute encore que le passage à l'euro n'aura pas d'incidence sur la monnaie de libellé des transactions et des règlements dans les pays hors de la zone euro.
Deuxième donnée, d'ordre institutionnel, celle-là. Tous les accords se rapportant au régime monétaire ou de change conclus entre des Etats membres de l'Union européenne et des pays extérieurs à celle-ci, sont en cours d'examen par les instances communautaires pour déterminer leur régime futur.
La base juridique retenue est l'article 109.3 du Traité, aux termes duquel ces accords sont conclus par décision du Conseil statuant à la majorité qualifiée, sur recommandation de la Commission et après consultation de la Banque centrale européenne.
La relation franc français/franc CFA a suivi cette procédure : recommandation la Commission le 3 juillet, accord politique du conseil Ecofin le 6 juillet et avis de la Banque centrale européenne le 22 septembre. Le projet de décision "concernant les questions de change relatives au franc CFA et au franc comorien" est en état d'adoption définitive par l'un des prochains Conseils Ecofin.
Une considération de nature politique à présent. Il y a dix jours, dans cette salle, le président du Conseil des ministres des Finances de l'Union européenne en exercice, M. Edlinger, ministre des Finances d'Autriche, est venu confirmer l'accord politique existant entre les Quinze, sur la pérennité de la relation entre notre nouvelle unité de compte et le franc CFA. La France conserve ses solidarités, l'Europe vient les conforter, voilà le sens du discours de M. Edlinger.
Finalement, on en revient aux intangibles, qu'est ce qui fait la qualité de la monnaie sinon la force de l'économie qu'elle irrigue ! Et de ce point de vue encore, pas de changement de parité à l'horizon, n'en déplaise aux afro-pessimistes !
L'ancrage du CFA au franc français a incontestablement stimulé le développement des pays de la zone franc et des échanges depuis presque un demi-siècle, y compris au moment de la dévaluation ordonnée, accompagnée et concertée de janvier 1994. Implicitement, l'ancrage au franc a aussi induit la définition de politiques macro-économiques cohérentes avec les nôtres qui vont permettre aux pays de la zone franc d'entrer sans heurts dans la zone euro avec une sécurité plus grande.
La comparaison avec les pays d'Asie du Sud-Est dont les monnaies plus ou moins arrimées au dollar ont perdu l'essentiel de leur valeur, les pays l'essentiel de leur richesse et les citoyens, l'essentiel de leur pouvoir d'achat, en quelques mois est éclairante. L'absence de lien, ou de mécanisme de rappel, entre économie financière et économie réelle est la cause de cette débandade, dont nous devons limiter les effets induits sur nos économies.
C'est là, pour moi, qu'est la clé. Les économies de la zone franc vont bien et l'euro augmente incontestablement leur potentiel dans la période de turbulences actuelle. Les effets stabilisateurs de la parité fixe seront d'autant plus puissants qu'ils seront fondés sur une assise monétaire plus large.
Je vous remercie.
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 3 octobre 2001)