Texte intégral
Le patronat a décidé de quitter les organismes de gestion sociale au 31 décembre prochain si d'ici-là une remise à plat n'est pas intervenue, mais il ne l'a pas fait hier, comme il l'avait envisagé. S'agit-il d'une reculade ou de l'affirmation d'une détermination ?
- "Il y a là une attitude un peu tacticienne. J'avais pour ma part annoncé que le patronat avait déjà pris sa position de principe de quitter les organismes. Le tout était de savoir s'il allait mettre sa décision à exécution à telle ou telle période de l'année. Il laisse encore entretenir le suspense pour utiliser une espèce de chantage à l'égard des organisations syndicales. Autrement dit pour leur dire : "Je veux discuter de ces thèmes-là, de cette manière-là, selon ce calendrier et si vous n'acceptez pas, je casse la baraque." "
Vous êtes impressionné par le caractère massif des votes recueillis par les différentes résolutions ?
- " Il y a manifestement un décalage entre ce qu'on entend de l'opinion des chefs d'entreprise de terrain et le résultat du vote qui ne correspond même plus à ce qu'on est capable d'afficher dans les pays avec des régimes politiques les plus fermés : des 95, des 98 %, en démocratie, cela ne se voit pratiquement jamais."
Vous estimez que le Medef n'est pas représentatif ?
- "Ce que je sais, c'est qu'il y a pratiquement une partie du patronat, que j'ai l'occasion de rencontrer, qui représente les artisans, l'Union des professionnels de l'artisanat, qui n'est pas du tout dans la position développée par le Medef. Le Medef ne représente pas tout le patronat français même si, malheureusement, c'est lui qui, institutionnellement, est la voix la plus importante qui compte dans les discussions. Il faudrait d'ailleurs que les petites entreprises, les artisans, regardent comment s'exprimer avec des représentants qui sont vraiment représentatifs de leur opinion."
E.-A. Seillière vous a invité, vous comme les autres organisations syndicales, à le rencontrer le 3 février prochain. Irez-vous le voir ?
- "Nous ne ferons pas le cadeau de pratiquer la politique de la chaise vide à chaque fois que les enjeux concernant l'avenir des salariés sont en cause. La priorité, c'est de se concerter au plan syndical. Et dans les prochains jours, il sera enfin possible de se retrouver entre confédérations syndicales pour croiser nos analyses, partager ensemble l'analyse sur les intentions du Medef."
Vous, N. Notat, M. Blondel ?
- "Il devrait être possible, dans les prochains jours, que les cinq confédérations se réunissent et analysent la position du Medef, que nous disions les uns et les autres, en voyant la stratégie patronale, si tout cela est principalement porteur d'énormes risques et de dangers pour les salariés."
Entre secrétaires généraux ?
- "Pourquoi pas ? Ce serait naturel."
Un sommet des syndicats ?
- "Ce serait naturel que dans une période pareille nous puissions nous rencontrer."
Est-ce qu'il n'y a pas aussi pour les syndicats, à travers cette remise à plat demandée par le Medef, l'occasion de renforcer leur représentativité ?
- "Bien sûr, et vous avez vu les déclarations et les résolutions qui ont été adoptées par cette assemblée du Medef, il y a déjà un sens donné aux discussions qui sont proposées. Il s'agit, par exemple, de discuter du chômage, certes, de l'indemnisation du chômage, mais pour un système nous dit-on qui incite davantage les chômeurs à rechercher un emploi. Comme si, aujourd'hui, les chômeurs s'installaient dans la perte d'emploi, alors que nous avons un système d'indemnisation qui ne couvre que 4 chômeurs sur dix. 60% des chômeurs n'ont aucune indemnisation. On nous dit qu'il faut discuter de la retraite mais pour y intégrer une part de capitalisation, à l'avenir. On nous dit qu'il faut discuter de la protection sociale mais pour améliorer le rapport coût-qualité. De ce point de vue-là, il faut discuter de la protection sociale. Mais la Sécurité sociale n'appartient pas au Medef, elle appartient aux assurés sociaux. Et si des débats doivent avoir lieu, c'est sans doute plus largement avec les intéressés, sur la manière dont les assurés sociaux, les salariés, se ré-approprient la Sécurité sociale."
Ne croyez-vous pas que le ras-le-bol des chefs d'entreprise n'a pas été pris suffisamment au sérieux ? Ils avaient prévenu qu'avec les 35 heures, cela ne resterait pas sans conséquences.
- "Oui, mais ils doivent aussi accepter le fait que ce ne sont pas les seuls décideurs, dans le pays, sur la marche du pays, le sens de évolutions, des rapports sociaux, de la législation sociale. Et de ce point de vue, nous sommes toujours très attachés à ce que les parlementaires puissent avoir un droit de décision en la matière. Or, ce que nous propose par exemple le Medef, c'est de rénover les relations sociales pour faire en sorte qu'un maximum de sujets soient abordés plutôt à l'échelle de l'entreprise, indépendamment d'une approche interprofessionnelle."
Du côté de chez M. Aubry, on faisait savoir hier soir que, finalement, la décision du patronat était raisonnable parce qu'il vaut mieux renforcer le dialogue social.
- "Ce n'est pas, pour moi, le qualificatif adapté à la situation."
C'est lequel ?
- "C'est un chantage, une pression qui s'exerce de façon plus importante sur les salariés, au point que nous allons devoir réfléchir, pour ce qui nous concerne, à la manière de mieux les informer sur les enjeux. Parce que, ce qui est d'ores et déjà acquis, c'est le principe selon lequel, si les salariés ne s'en mêlent pas davantage dans les semaines et dans les mois à venir, c'est l'ensemble des garanties sociales de notre pays qui risque d'être bouleversé, remis en cause, et non pas pour des avancées. Si je lis bien la lettre de convocation - parce que le patronat nous convoque en quelque sorte le 3 février - l'intention n'est pas d'améliorer la situation sociale faite aux salariés, mais, au contraire, de justifier une approche beaucouPplus libérale des rapports sociaux."
Qu'attendez-vous du Gouvernement ? Un rôle d'arbitrage ?
- "A un moment donné, il va bien y avoir un parti pris à développer, à préciser de la part du Gouvernement, de la part des partis politiques. Je ne pense pas qu'on puisse laisser un rapport de forces s'installer dans les entreprises qui est, en quelque sorte, largement à l'avantage de la partie patronale. Compte tenu de l'implantation syndicale dans notre pays, défendre, comme le fait le Medef, des accords qui prévaudraient à l'échelle des entreprises, c'est défendre la politique du pot de terre contre le pot de fer, dans la mesure où, dans bon nombre d'entreprises, c'est lui qui a l'avantage."
Les rapports sociaux sont pris dans une bagarre politique gauche-droite. Récemment, le Président de la République a dit qu'il fallait faire prévaloir la négociation et même peut-être inscrire ce rôle prévalent de la négociation dans la Constitution.
- "C'est d'ailleurs sans doute ce qui a incité le Medef à temporiser encore sur son attitude définitive en prenant acte du support qu'avait exprimé le Président de la République à sa démarche. Dans la mesure où le Président laisse entendre qu'il pourrait être mis à l'ordre du jour une réforme de la Constitution, à savoir, inverser la hiérarchie des textes pour substituer par exemple un accord d'entreprise qui s'imposerait à toute décision relevant du législateur, à la loi, alors que notre Constitution prévoit qu'aujourd'hui la loi s'impose à tous et est le socle interprofessionnel des garanties sociales sur de multiples aspects, dans les conditions actuelles, c'est quelque chose de très dangereux et qui nécessitera inévitablement un positionnement politique, donc des partis, mais aussi des citoyens et des salariés. C'est en ce sens que nous allons les informer de manière plus importante encore sur les enjeux."
Après les 35 heures, le sens du vent n'a pas changé hier ?
- "Il n'a pas fondamentalement changé dans la mesure où sur toute une série de sujets, entre l'approche patronale et les revendications syndicales, il y a des antagonismes qui apparaissent sans cesse et nous avons confirmation que, pour se faire entendre, il va falloir retrousser les manches dans la prochaine période
(Source http://sig,premier-ministre,gouv,fr, le 20 janvier 2000)
- "Il y a là une attitude un peu tacticienne. J'avais pour ma part annoncé que le patronat avait déjà pris sa position de principe de quitter les organismes. Le tout était de savoir s'il allait mettre sa décision à exécution à telle ou telle période de l'année. Il laisse encore entretenir le suspense pour utiliser une espèce de chantage à l'égard des organisations syndicales. Autrement dit pour leur dire : "Je veux discuter de ces thèmes-là, de cette manière-là, selon ce calendrier et si vous n'acceptez pas, je casse la baraque." "
Vous êtes impressionné par le caractère massif des votes recueillis par les différentes résolutions ?
- " Il y a manifestement un décalage entre ce qu'on entend de l'opinion des chefs d'entreprise de terrain et le résultat du vote qui ne correspond même plus à ce qu'on est capable d'afficher dans les pays avec des régimes politiques les plus fermés : des 95, des 98 %, en démocratie, cela ne se voit pratiquement jamais."
Vous estimez que le Medef n'est pas représentatif ?
- "Ce que je sais, c'est qu'il y a pratiquement une partie du patronat, que j'ai l'occasion de rencontrer, qui représente les artisans, l'Union des professionnels de l'artisanat, qui n'est pas du tout dans la position développée par le Medef. Le Medef ne représente pas tout le patronat français même si, malheureusement, c'est lui qui, institutionnellement, est la voix la plus importante qui compte dans les discussions. Il faudrait d'ailleurs que les petites entreprises, les artisans, regardent comment s'exprimer avec des représentants qui sont vraiment représentatifs de leur opinion."
E.-A. Seillière vous a invité, vous comme les autres organisations syndicales, à le rencontrer le 3 février prochain. Irez-vous le voir ?
- "Nous ne ferons pas le cadeau de pratiquer la politique de la chaise vide à chaque fois que les enjeux concernant l'avenir des salariés sont en cause. La priorité, c'est de se concerter au plan syndical. Et dans les prochains jours, il sera enfin possible de se retrouver entre confédérations syndicales pour croiser nos analyses, partager ensemble l'analyse sur les intentions du Medef."
Vous, N. Notat, M. Blondel ?
- "Il devrait être possible, dans les prochains jours, que les cinq confédérations se réunissent et analysent la position du Medef, que nous disions les uns et les autres, en voyant la stratégie patronale, si tout cela est principalement porteur d'énormes risques et de dangers pour les salariés."
Entre secrétaires généraux ?
- "Pourquoi pas ? Ce serait naturel."
Un sommet des syndicats ?
- "Ce serait naturel que dans une période pareille nous puissions nous rencontrer."
Est-ce qu'il n'y a pas aussi pour les syndicats, à travers cette remise à plat demandée par le Medef, l'occasion de renforcer leur représentativité ?
- "Bien sûr, et vous avez vu les déclarations et les résolutions qui ont été adoptées par cette assemblée du Medef, il y a déjà un sens donné aux discussions qui sont proposées. Il s'agit, par exemple, de discuter du chômage, certes, de l'indemnisation du chômage, mais pour un système nous dit-on qui incite davantage les chômeurs à rechercher un emploi. Comme si, aujourd'hui, les chômeurs s'installaient dans la perte d'emploi, alors que nous avons un système d'indemnisation qui ne couvre que 4 chômeurs sur dix. 60% des chômeurs n'ont aucune indemnisation. On nous dit qu'il faut discuter de la retraite mais pour y intégrer une part de capitalisation, à l'avenir. On nous dit qu'il faut discuter de la protection sociale mais pour améliorer le rapport coût-qualité. De ce point de vue-là, il faut discuter de la protection sociale. Mais la Sécurité sociale n'appartient pas au Medef, elle appartient aux assurés sociaux. Et si des débats doivent avoir lieu, c'est sans doute plus largement avec les intéressés, sur la manière dont les assurés sociaux, les salariés, se ré-approprient la Sécurité sociale."
Ne croyez-vous pas que le ras-le-bol des chefs d'entreprise n'a pas été pris suffisamment au sérieux ? Ils avaient prévenu qu'avec les 35 heures, cela ne resterait pas sans conséquences.
- "Oui, mais ils doivent aussi accepter le fait que ce ne sont pas les seuls décideurs, dans le pays, sur la marche du pays, le sens de évolutions, des rapports sociaux, de la législation sociale. Et de ce point de vue, nous sommes toujours très attachés à ce que les parlementaires puissent avoir un droit de décision en la matière. Or, ce que nous propose par exemple le Medef, c'est de rénover les relations sociales pour faire en sorte qu'un maximum de sujets soient abordés plutôt à l'échelle de l'entreprise, indépendamment d'une approche interprofessionnelle."
Du côté de chez M. Aubry, on faisait savoir hier soir que, finalement, la décision du patronat était raisonnable parce qu'il vaut mieux renforcer le dialogue social.
- "Ce n'est pas, pour moi, le qualificatif adapté à la situation."
C'est lequel ?
- "C'est un chantage, une pression qui s'exerce de façon plus importante sur les salariés, au point que nous allons devoir réfléchir, pour ce qui nous concerne, à la manière de mieux les informer sur les enjeux. Parce que, ce qui est d'ores et déjà acquis, c'est le principe selon lequel, si les salariés ne s'en mêlent pas davantage dans les semaines et dans les mois à venir, c'est l'ensemble des garanties sociales de notre pays qui risque d'être bouleversé, remis en cause, et non pas pour des avancées. Si je lis bien la lettre de convocation - parce que le patronat nous convoque en quelque sorte le 3 février - l'intention n'est pas d'améliorer la situation sociale faite aux salariés, mais, au contraire, de justifier une approche beaucouPplus libérale des rapports sociaux."
Qu'attendez-vous du Gouvernement ? Un rôle d'arbitrage ?
- "A un moment donné, il va bien y avoir un parti pris à développer, à préciser de la part du Gouvernement, de la part des partis politiques. Je ne pense pas qu'on puisse laisser un rapport de forces s'installer dans les entreprises qui est, en quelque sorte, largement à l'avantage de la partie patronale. Compte tenu de l'implantation syndicale dans notre pays, défendre, comme le fait le Medef, des accords qui prévaudraient à l'échelle des entreprises, c'est défendre la politique du pot de terre contre le pot de fer, dans la mesure où, dans bon nombre d'entreprises, c'est lui qui a l'avantage."
Les rapports sociaux sont pris dans une bagarre politique gauche-droite. Récemment, le Président de la République a dit qu'il fallait faire prévaloir la négociation et même peut-être inscrire ce rôle prévalent de la négociation dans la Constitution.
- "C'est d'ailleurs sans doute ce qui a incité le Medef à temporiser encore sur son attitude définitive en prenant acte du support qu'avait exprimé le Président de la République à sa démarche. Dans la mesure où le Président laisse entendre qu'il pourrait être mis à l'ordre du jour une réforme de la Constitution, à savoir, inverser la hiérarchie des textes pour substituer par exemple un accord d'entreprise qui s'imposerait à toute décision relevant du législateur, à la loi, alors que notre Constitution prévoit qu'aujourd'hui la loi s'impose à tous et est le socle interprofessionnel des garanties sociales sur de multiples aspects, dans les conditions actuelles, c'est quelque chose de très dangereux et qui nécessitera inévitablement un positionnement politique, donc des partis, mais aussi des citoyens et des salariés. C'est en ce sens que nous allons les informer de manière plus importante encore sur les enjeux."
Après les 35 heures, le sens du vent n'a pas changé hier ?
- "Il n'a pas fondamentalement changé dans la mesure où sur toute une série de sujets, entre l'approche patronale et les revendications syndicales, il y a des antagonismes qui apparaissent sans cesse et nous avons confirmation que, pour se faire entendre, il va falloir retrousser les manches dans la prochaine période
(Source http://sig,premier-ministre,gouv,fr, le 20 janvier 2000)