Allocution de M. Georges Sarre, porte-parole du MRC, sur les raisons de s'opposer à l'Europe telle qu'elle se construit aujourd'hui, à Paris le 8 décembre 2003.

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Circonstance : Assises nationales du Mouvement républicain et citoyen à Paris le 8 décembre 2003

Texte intégral

Chers camarades,
Depuis vingt ans, nous nous battons contre une parenthèse libérale jamais refermée, corollaire d'une " construction européenne " toujours plus poussée, avec son cortège de licenciements, de délocalisations, d'absorptions d'entreprises comme Péchiney par un groupe canadien.
Chacun se souvient des étapes de cette " construction européenne " : cette succession d'événements pseudo historiques et leurs cortèges de promesses mirobolantes. Le Système monétaire européen (qui nous amena à la politique du franc fort). L'Acte Unique et son aspiration au marché unique. Le traité de Maastricht et la monnaie unique. Les traités d'Amsterdam et Nice et, maintenant la dite " constitution ".
Que de promesses ! Nous allions voir ce que nous allions voir : des millions d'emplois, des économies pour les voyageurs et consommateurs, la croissance, plus de pouvoir d'achat, bref le bonheur ! Le temps de l'âge d'or était arrivé !
Mais quel bilan ? Une incapacité complète à stimuler la croissance. Une soumission complète au libre-échange. La récession, le chômage, la déliquescence du tissu social, la violence économique, sociale et parfois physique... Autrement dit, une Europe qui bafoue systématiquement les aspirations des peuples.
Et pourquoi ? Parce que cette Europe est a-démocratique et a été conçue pour l'être. Les gouvernants ont trouvé le moyen de contourner le peuple en fuyant leurs responsabilités dans les méandres de la " gouvernance " européenne.
Pourtant, ça et là, une forme de lassitude et une certaine accoutumance semblent gagner nos rangs : proposer pour proposer et retoucher aux marges. Il faudrait mettre de l'eau dans notre vin. Allons donc ! L'Europe communautaire serait-elle devenue acceptable ? Le libéralisme total qu'elle porte serait-il devenu moins intolérable ? L'oligarchie qui la gouverne plus admissible ?
Au contraire les raisons de s'opposer à l'Europe de Maastricht sont plus évidentes et plus fortes que jamais.
Regardez : l'Euro à 2,10 dollars qui handicape nos exportations, regardez les taux d'intérêts élevés qui brident nos investissements, regardez la politique des ayatollahs de la concurrence qui empêchent de sauver nos industries !
Alors nous devons décider d'aller aux élections. C'est logique, nécessaire, espéré. Mais nous devons décider d'y tenir un discours clair, sans ambiguïté et sans tergiversation pour redonner confiance aux couches populaires et les mobiliser.
Il faut d'abord nous battre pour obtenir un référendum et expliquer nos justes et claires raisons de préconiser le " non ". La déclaration commune avec le PCF nous permet de travailler sous le signe MRC tout en engageant des débats et actions en commun. C'est nouveau et positif.
Le grand débat que nous devons imposer doit faire tomber les masques. Ouvrons les yeux : l'Europe qu'on nous vend est un mythe. Regardez ces éditorialistes et ces hommes politiques européistes, tous ces naufragés de l'intelligence politique, qui s'adressent à nous en nous disant : " hommes de peu de foi, vous n'êtes pas des européens fervents ". Non, nous ne sommes pas des européens fervents ! Nous ne sommes pas animés par la foi ou la croyance en l'Europe ni aveuglés par les dogmes libéraux de la pensée unique.
Nous sommes des Républicains, rationnels. Et qui plus est nous n'avons pas renoncé à nos idéaux sociaux. Nous ne sommes donc pas prêts à avaler à n'importe quel prix le mythe de substitution qu'est devenue l'Europe en cette ère de crise des idéologies.
Nous regardons cette fausse " Constitution " pour ce qu'elle est : une suite de prescriptions économiques et sociales particulièrement néfastes et une consécration du vide démocratique qui n'a cessé de croître au fil des décennies.
La jet-set européiste se passionne pour des enjeux de pouvoirs dérisoires et pour le perfectionnement d'une machinerie aussi complexe qu'appliquée à contourner les citoyens.
Le drame serait, paraît-il, que la Pologne soit un grand parmi les petits et non un petit parmi les grands ou vice versa suivant les points de vue. Franchement, la Seine comme la Vistule ne s'arrêteront pas de couler et, de toutes façons, les Polonais continueront d'acheter des avions américains.
Le nombre de Commissaires européens passionne les foules, n'en doutons pas : 15 ? 25 ? 31 ? Combien ? 31 ! Tel sera le nombre après l'offre publique d'échange. La querelle sur le nombre des commissaires me fait rire. Franchement un, deux commissaires, est-ce que cela a une grande importance ? Un Lamy, deux Lamy, trois Lamy, ça fait trois fois plus d'européisme et de libéralisme ! On se demande finalement si l'on ne ferait pas mieux de faire don de nos sièges de Commissaires aux Lituaniens ou aux Maltais, nous ne serions pas plus mal servis ! Peut-être aiment-ils la France ?
Tout ce petit monde travaille pour une caste : c'est l'oligarchie. Et ces débats institutionnels sont le rideau de fumée sensés cacher l'essentiel.
L'article III consacre le libéralisme le plus absolu. Qui peut penser un instant que la " concurrence libre et non faussée " laissera une quelconque chance aux services publics à la française, tels que l'Hôpital public ? Quelle sera la capacité d'action de l'Etat dans les domaines économiques et sociaux ? Nulle ! C'est la société de marché à perpétuité !
Quant à l'intégration de la Charte des prétendus droits fondamentaux, elle consacre la disparition de la laïcité. Il suffira à n'importe quel intégriste de faire un recours devant la Cour de Luxembourg pour qu'il en soit fini de la laïcité française.
Ceux qui font de ce texte un passage obligé pour créer une Europe politique ou sociale sont plongés dans l'onirique. C'est Cohn-Bendit au pays des merveilles !
Rien ne sera changé dans la prise de décision. La majorité qualifiée au Conseil ne fait qu'étendre la capacité des gouvernants nationaux à se défausser devant leurs responsabilités. Les lobbies économiques gagneront en influence.
La Commission, boulimique de pouvoirs, n'a plus que pour seul but d'infliger des sanctions ou de proférer des menaces envers ceux des gouvernements nationaux qui seraient tentés par une saine émancipation. Regardons ce qui s'est passé pour le " Pacte de stabilité " : il y a un progrès dans l'attitude des gouvernements français et allemands... Mais on nous explique que le Pacte reprendra ses droits dès 2005 !
Alors ne soyons pas dupes. Les gardiens de la croyance européïstes vont nous combattre, nous, " anti-européens " diront-ils, hérétiques des temps modernes ! Qu'à cela ne tienne !
Nous ferons facilement la démonstration que leur Europe n'est pas un espace public de débat et qu'elle n'est pas le cadre de la démocratie. Elle n'est en effet pas un contenant mais un tout, où contenu, le libéralisme, et contenant, la machinerie communautaire, sont en symbiose.
La réponse à la mondialisation libérale ne passera que par une nouvelle définition de ce que doit être l'action politique avec nos partenaires. Construire de véritables projets politiques nécessite de s'émanciper du cadre bruxellois.
Nous convaincrons de nouveaux électeurs de nous rallier à nous d'autant plus aisément que notre analyse sera sans concession et notre projet réellement alternatif.
Ce discours n'a qu'un but : inviter tous ceux qui feront campagne à ne pas lâcher la proie pour l'ombre : on attend de nous un cap clair, une rupture avec le discours ambiant. Avec Jaurès, nous disons : " c'est en allant vers la mer que le fleuve est fidèle à sa source ".
(Source http://www.mdc-France.org, le 10 décembre 2003)