Interview de M. Jean-François Lamour, ministre de la jeunesse, des sports et de la vie associative, à RTL le 27 mai 2004, sur la gestion des clubs de football français et la succession d'Alain Juppé à la tête de l'UMP.

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Média : Emission L'Invité de RTL - RTL

Texte intégral

Q-J.-M. Aphatie-. Bonjour J.-F. Lamour. Vous étiez à Gelsenkirchen hier soir. Nuit courte, défaite, déprime, ce matin ?
R- "Triste, mais aussi fier de ces deux équipes parce que j'y associe aussi Marseille, qui il y a quelques jour a combattu pour ce trophée d'UEFA. On a deux belles équipes du championnat."
Q-Qui ont perdu toutes les deux.
R - "... Qui certes ont perdu en finale, mais qui ont eu un très beau parcours cette année, une très belle saison, qui a redonné, je pense, des couleurs au football français. Un football qu'on critiquait. On disait : il manque de moyens, pas beaucoup de résultats. Eh bien, là, ces deux clubs, et le football français, ont démontré qu'ils étaient capables de tenir les premiers rangs. Alors c'est vrai avec des scores un peu rudes : 2/0 d'un côté, 3/0 de l'autre. On aurait aimé une finale, des finales un peu plus faciles pour nous. Mais je crois encore une fois que cela a démontré que l'esprit d'équipe, surtout à Monaco avec D. Deschamps, avec ce remarquable compétiteur, et maintenant entraîneur, ont démontré que ces équipes étaient capables de donner le meilleur. Souvenons-nous, plutôt que de la finale d'hier soir, de ce que Monaco a fait contre le Real, il y a quelques semaines."
Q-Quand même, J.-F. Lamour, vous, vous avez été compétiteur. Quand on fait de la compétition, c'est pour gagner, c'est pas pour perdre. Deux clubs français en finale, deux défaites. En cinquante ans de coupes d'Europe, on en a gagné deux. C'est pas beaucoup. Quel est le problème du football français, ou des clubs de football
français ?
R - "Ecoutez, ces clubs de football s'appuient sur de très bons centres de formation. Mais par contre, c'est vrai qu'aujourd'hui ils ne sont pas suffisamment attractifs."
Q-Pas assez d'argent. C'est ça "pas assez attractifs". C'est ça que ça veut dire.
R - "Pas assez attractifs, c'est-à-dire que nous ne sommes pas en capacité d'attirer les meilleurs joueurs. Alors ça tient à la fois sur des moyens liés aux activités économiques, liés au football qui ne sont pas suffisants, et puis aussi faire en sorte, par exemple, de trouver les moyens de baisser les charges des clubs sportifs. Je m'y suis engagé au côté de F. Thiriez, mais aussi de l'ensemble du sport professionnel : dans le domaine du rugby, avec S. Blanco, et dans les autres clubs, entre autres le basket. Nous allons trouver des solutions pour rendre ces clubs plus attractifs. A une condition, et j'y suis toujours opposé : je trouve que l'entrée en bourse des clubs n'est pas la solution. D'ailleurs, regardez ce qui se passe en Italie : les clubs sont exsangue. La plupart d'entre eux sont à la limite du dépôt de bilan. J'estime que ce n'est pas la meilleure des solutions."
Q-Ils sont peut-être à la limite du dépôt de bilan, mais par exemple, ils vont nous prendre D. Deschamps, peut-être pour la Juventus de Turin. C'est pas mal pour des gens qui sont en dépôt de bilan hein !
R - "Mais c'est vivre à crédit ! je vous rappelle qu'en France nous avons ce qu'on appelle une DNCG, un organe de contrôle qui permet d'afficher des comptes d'une saison à une autre, ce qui n'existe pas en Italie. Nous le demandons maintenant au niveau européen. L'UEFA est en train de mettre en place cet organe de contrôle au niveau européen ; je crois que ce sera effectivement le moyen de rendre la compétition entre les clubs européens beaucoup plus juste."
Q-Vous le citiez à l'instant, F. Thiriez, président de la Ligue Française de Football, était hier soir avec H. Béroud sur RTL, et il disait : "le Gouvernement est sensible à nos problèmes financiers, il va annoncer prochainement des mesures". Alors ce matin, sur RTL, vous annoncez quelque chose ?
R - "Il y a trois pistes qui sont prioritaires pour nous. D'ailleurs nous allons y travailler avec l'ensemble du secteur professionnel le 1er juin prochain, donc dans moins d'une semaine. La première des choses c'est mettre en place ce qu'on appelle "le droit à l'image collective". En résumé, vous avez un joueur qui est à la fois salarié du club, parce que c'est entre guillemets "son métier" mais également il représente l'image du club. Et il sera payé sous la forme d'honoraires, ce qui permet aux clubs d'abaisser leurs charges, et aux joueurs de gagner un peu plus d'argent. Nous allons travailler sur ce point-là. Le deuxième aspect, vous en conviendrez, qui est un peu normal, c'est faire en sorte de supprimer la taxe de 1 % sur les contrats à durée déterminée. Un joueur de football, par nature, il est en contrat à durée déterminée dans son club. Il est donc anormal effectivement que cette activité soit taxée 1%. Nous travaillons également sur ce qu'on appelle "la mise en place d'une épargne salariale". Ce que nous souhaiterions, c'est que les joueurs puissent épargner pendant leur carrière une partie de leurs revenus, et qu'ils puissent ensuite préparer correctement leur reconversion, ce qui permettrait, là aussi, d'avoir un certain nombre d'outils financiers à mettre à la disposition des joueurs."
Q-Toutes ces mesures compliquées pourraient rendre les clubs français plus attractifs que leurs concurrents européens.
R - "C'est très compliqué à mettre en place, mais ça nous permet effectivement de rendre plus attractifs, mais encore une fois en protégeant la visibilité économique de ces clubs, de les rendre plus attractifs vis-à-vis des clubs européens."
Q-Athènes dans 80 jours. Les Jeux Olympiques. Est-ce que le ministre des Sports que vous êtes ce matin, J.-F. Lamour, est rassuré sur les conditions de sécurité de ces jeux ?
R - "Je suis rassuré à deux niveaux : un, les équipements seront prêts. Je suis allé à Athènes il y a trois semaines, les équipements seront prêts. En matière de sécurité, un milliard d'euros ont été dépensés par les Grecs pour mettre en place un dispositif particulièrement performant, avec beaucoup de modernisation des systèmes de sécurité. Un expert français d'ailleurs faisait partie du tour de table, qui a permis de mettre en place ce dispositif. Alors, vous le savez bien, dans ce domaine, le risque zéro n'existe pas, mais les policiers vont être formés on fera d'ailleurs appel à l'Otan et dans le domaine de la délégation française, nous mettons en place un dispositif complémentaire à celui des Grecs, qui permettra entre autres d'assurer la sécurité des deux ou trois équipes qui seront hébergées en dehors du village olympique, je pense entre autres au judo et à la voile, et à l'équitation, qui ont demandé à être hébergés en dehors du village."
Q-Ce sont des hommes du Raid qui les protégeront ?
R - "Très certainement. Je ne vais pas vous dévoiler les dispositifs. Beaucoup de choses ont été dites. Je crois qu'il faut rester là aussi très prudents sur notre dispositif. Mais, effectivement, nous aurons des hommes qualifiés pour accompagner de façon discrète, mais efficace, nos sportifs à Athènes."
Q-Du sport toujours J.-F. Lamour. Vous êtes un membre de l'UMP. A. Juppé va partir. Pour sa succession, vous êtes plutôt Raffarin ou plutôt Sarkozy ?
- "A. Juppé va partir, mais A. Juppé et j'allais dire F. Baroin, sont toujours à la tête de l'UMP. Et ce sont eux qui sont à la manoeuvre aujourd'hui pour diriger ce parti, ce parti jeune. J'ai entendu tout à l'heure Monsieur Duhamel qui rappelait effectivement les difficultés qui existent. Après les régionales, qu'est-ce qui s'est passé ? C'est vrai qu'il y a eu une ouverture. Les membres de l'UMP ont pu parler. C'est peut-être ce qui manquait effectivement dans le cadre de la constitution de ce parti qui, je vous le rappelle, sous la forme de l'UEM, nous a permis de gagner en 2002 et ça, c'est très certainement une des choses qu'on a tendance à oublier très rapidement."
Q-Pour la suite, vous êtes plutôt Raffarin ou Sarkozy ?
R - "Et pour la suite, j'ai entendu J.-P. Raffarin qui disait : "je serai candidat...."."
Q-"Pour préserver l'union de la majorité".
R - "... Pour préserver l'union de la majorité. Je crois que la priorité, quels que soient celles et ceux qui briguent la présidence de l'UMP, je crois que c'est ça la priorité. C'est celle de maintenir cette unité. Bien sûr que ce n'est pas facile ! Bien sûr qu'effectivement"
Q-Donc vous êtes plutôt Raffarin que Sarkozy...
R - "Je suis encore une fois pour ceux qui souhaitent maintenir l'unité de l'UMP."
Q-On peut le dire comme ça. Il n'y a pas de langue de bois dans le sport, hein
R - "C'est notre seule façon encore une fois de maintenir encore une fois, à la fois une conception moderne de la politique, et de faire en sorte que les uns et les autres puissent s'y exprimer. Mais la priorité..."
Q-Allez... si votre Sarkozy écoute, il a compris...
R- "Ecoutez, je vais vous dire... La priorité, c'est pas ça. C'est de faire en sorte de réformer l'assurance-maladie. Et comme l'a dit J.-P. Raffarin il y a trois jours, c'est de faire en sorte que 300.000 gamins, au travers du relèvement du plafond de la CMU, puissent avoir accès gratuitement aux soins dans notre pays !"
(source http://www.jeunesse-sports.gouv.fr, le 28 mai 2004)