Interview de M. Gérard Larcher, ministre délégué aux relations du travail, à BFM le 10 mai 2004, sur les intermittents du spectacle, les "recalculés" et la réinsertion professionnelle des rmistes et des chômeurs en fin de droit

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Média : BFM

Texte intégral

Q- V. Lecasble-. "L'Unedic doit faire un geste" : vous avez entendu les déclarations de votre collègue R. Donnedieu de Vabres, pour débloquer le conflit des intermittents du spectacle. Vous pensez qu'il a raison ?
R - "D'abord, mon collègue mène un travail très approfondi pour que cette crise des intermittents puisse trouver une solution. Une solution qui soit juste, et une solution qui, en même temps, ne doit pas conduire à la poursuite du déséquilibre de l'Unedic. L'Unedic, ce sont les partenaires sociaux ; il appartient donc aux partenaires sociaux, à la lumière des débats qui sont conduits, des rencontres qui sont conduites, de prendre un certain nombre d'initiatives. Mais c'est de la responsabilité des partenaires sociaux et je respecte trop les partenaires sociaux pour prendre des décisions en leurs lieu et place, même s'il est naturel que le Gouvernement s'implique dans la sortie de crise."
Q- Donc, voilà, c'est à l'Unedic de décider. Il espère que ce sera réglé d'ici à mercredi, c'est la date qui a été fixée. Je ne sais pas pourquoi cette date. Mercredi, c'est aussi le jour où doit se prononcer le Conseil d'Etat sur la réintégration des "recalculés", du chômage, après l'avis en fin de semaine dernière, du commissaire du Gouvernement qui a annulé - c'est un peu compliqué - l'agrément des partenaires sociaux de janvier dernier, à partir de juillet prochain. Que va faire ce Conseil d'Etat ?
R - "Le commissaire du Gouvernement - qui d'ailleurs ne représente pas le Gouvernement - est suivi dans ses conclusions, pour des raisons de forme qui datent de 1990 et portant sur les listes de désignation des membres de la commission consultée avant l'agrément, eh bien, l'ensemble des conventions sera annulé. Il est à remarquer que la décision du Conseil d'Etat ne prendra effet qu'au 1er juillet 2004..."
Q- Ce qui vous donne le temps de régler...
R - " [inaud] ... tout simplement à ce que nous réagréons, j'allais dire, la convention, en excluant, comme J.-L. Borloo l'a annoncé lundi dernier, l'article 10, donc en permettant la réintégration de ceux qui avaient vu leurs droits réduits de 30 à 23 mois pendant la période transitoire."
Q- En fait, il y a une petite bagarre sur les sous, puisque J.-L. Borloo a annoncé cela et apparemment, N. Sarkozy ne veut pas financer davantage. Allez-vous trouver l'argent pour réintégrer ces "recalculés" ?
R - "Le financement, comme l'a annoncé J.-L. Borloo, est sur une créance de l'Etat. Le coût estimé se situe entre 800 millions et 1,5 milliard et demi ; avec le 1,2 milliard, nous devrions faire face. En tous les cas, nous avons déjà travaillé avec les gestionnaires de l'Unedic pour faire face à cet engagement."
Q- Mais tout cela va se passer à l'intérieur de votre ministère, cela ne va pas demander des crédits supplémentaires particuliers ?
R - "Tout ceci se passe à l'intérieur du ministère naturellement, en pleine coordination avec le Premier ministre."
Q- C'est à la fin du mois de mai que J.-L. Borloo doit présenter son plan de cohésion sociale. Vous-même, pour le ministre délégué aux Relations du travail, vous réfléchissez à "un contrat civique" qui associerait un revenu, une activité et une formation ?
R - "Si vous voulez, tout le volet emploi du plan de cohésion sociale repose sur un certain nombre de facteurs. D'abord, l'activation maximale du service public de l'emploi, donc un travail en commun entre nos directions départementales du travail, l'ANPE, les Assedic. La deuxième chose, c'est l'activation de l'emploi en lui-même. D'où la reprise d'une proposition du président de la République, qui s'appelle "les agences de développement locales". Enfin, pour les publics, et notamment les publics les plus exclus, les préparer à "réentrer" dans l'emploi et dans l'activité, notamment au travers d'un contrat civique qui serait un contrat, à la fois, de qualification et d'activité. Ce ne serait pas en quelque sorte simplement un revenu d'assistance. Toute notre logique est d'aller vers la qualification, vers l'activité et de quitter l'assistanat. D'autant plus que nous souhaitons toucher celles et ceux qui sont exclus totalement de toutes les statistiques et de tous les accompagnements sociaux."
Q- Donc, vous mettez ensemble les RMIstes, les allocations de chômeurs en fin de droits, les allocations de parents isolés et, en échange, vous proposez une activité à ceux qui en bénéficieraient à deux tiers de temps, le tiers restant étant de la formation ?
R - "Oui, cela peut être deux tiers ou trois-quarts, tout dépend du besoin de qualification. Nous sommes en train de travailler et la formule n'est pas arrêtée. Simplement, ce qui nous apparaît tout à fait important, c'est de trouver une formule qui soit, à la fois, simple, compréhensible et qui en même temps mette en tension sur l'emploi. C'est tout un travail que nous conduisons sous l'autorité de J.-L. Borloo qui, au travers d'un certain nombre d'expériences - d'ailleurs qu'il a personnellement, je pense à l'expérience "Jéricho"..."
Q- "Jéricho", c'est à Valenciennes... L'autre sujet, c'est le suivi personnalisé des demandeurs d'emploi : ils auraient des droits et des devoirs. Les droits, ce serait une "Maison de l'emploi et des ressources humaines", c'est-à-dire une seule personne responsable du suivi, une sorte de guichet unique de renseignement ?
R - "Oui, une espèce de guichet qui apporterait au travers de ce qui pourrait être la "Maison de l'emploi et des ressources humaines" - mais les noms de ne sont pas arrêtés -, et puis surtout, un référent unique : quelqu'un qui accompagnerait celui qui a le contrat, le contrat aussi qui pourrait s'appliquer à des mamans qui sont seules, avec de nombreux enfants, qui irait, à la fois, vers la qualification et en même temps vers un soutien, notamment dans leur activité familiale, auprès des enfants ou des activités scolaires. Donc, l'idée, c'est le référent qui accompagne et qui met en tension vers l'activité, vers l'emploi, vers l'insertion."
Q- Mais en même temps, il y a des devoirs, un contrôle plus rigoureux de la recherche d'emploi ?
R - "Mais naturellement, tout contrat suppose des devoirs. Le premier des devoirs, c'est aussi un devoir d'activité. Et c'est autour de cela que nous allons entamer la discussion avec les partenaires sociaux. Car je voudrais dire qu'il y a le programme de cohésion sociale qu'annoncera J.-L. Borloo, qui ne comporte pas que le volet emploi mais aussi un volet logement, un volet toute-petite enfance, un volet lutte contre la pauvreté et la précarité, un volet de soutien aux collectivités locales les plus pauvres. Et c'est tout ce projet de cohésion qu'ont voulu le président de la République et le Premier ministre, qui sera ainsi affirmé par J.-L. Borloo et son équipe. Mais en même temps, nous souhaitons que ce programme et ce projet soient enrichis par le Conseil économique et social, par les partenaires sociaux. Voilà pourquoi, fin mai, tout cela sera en débat et, en même temps, nous allons travailler avec les députés et les sénateurs, pour que le texte final qui sera présenté, soit enrichi par tous ces débats."
Q- Donc ce ne sera présenté au Parlement qu'à l'automne prochain, après l'été ?
R - "Sans aucun doute, une présentation en cours de l'été, pour un débat au Parlement à l'automne."
Q- Pour terminer, le report des négociations sur les restructurations devait se conclure demain. Cela traîne singulièrement. Pourquoi ?
R - "Cela traîne, parce que, d'abord, il y avait un certain nombre de nuages sur la situation sociale - je pense notamment au nuage de l'Unedic, nuages qui, aujourd'hui, s'éloignent, notamment pour ce qui concerne ce dossier appelé des "recalculés". La deuxième des choses, c'est qu'il faut donner du temps. Voilà pourquoi nous envisageons de redonner du temps aux partenaires sociaux pour que, sur un dossier aussi important que les restructurations, ils puissent nous faire des propositions. Naturellement, ce délai sera limité à la fin de l'automne. Mais nous souhaitons vraiment que le dialogue social, les partenaires sociaux débattent entre eux de ce qui leur apparaît comme la voie la plus équilibrée pour dynamiser positivement les restructurations dans notre pays et lutter contre la délocalisation."
Q- Tout à l'heure, je recevrai X. Bertrand, le secrétaire d'Etat à l'Assurance maladie. Avez-vous une question à lui poser ?
R- "Surtout, d'abord, l'encourager dans le travail très courageux qu'il conduit. Et en même temps, je sais qu'il va venir dans un département dont j'ai été le président, en plus du secteur sanitaire. Et ce que j'aurais envie de lui dire c'est : quel bilan et quelles perspectives donne-t-il aux réseaux de
santé, entre hôpital, Samu, Amu, médecine libérale, maintien à domicile ? Tout ceci fait partie des enjeux et des enjeux naturellement de l'assurance maladie, mais comme l'a dit le Premier ministre hier matin, c'est aussi l'enjeu d'une meilleure santé dans notre pays."
(Source : premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 11 mai 2004)