Texte intégral
Chers Amis, Chers Camarades,
Je suis aujourd'hui à Dijon, étape maintenant incontournable du socialisme français ; 2001 : victoire aux élections municipales ; 2003 : notre Congrès, congrès de redressement, de rassemblement, congrès qui a -c'est vrai- scellé le retour des socialistes dans la vie publique d'abord, marqué leur volonté de penser toutes les leçons à tirer de notre échec mais déjà de nous tourner vers l'avenir et d'emmener la gauche vers les scrutins qui se dessinaient à ce moment-là. Et c'est à Dijon que la gauche a trouvé le rebond nécessaire ; 2004 : ce fut une année de victoire.
Il nous faut maintenant relever le défi des élections européennes. Je suis venu à Dijon pour lancer un appel : un appel au vote, un appel à la citoyenneté, un appel à la mobilisation parce que tout est fait dans cette " non campagne " pour créer l'indifférence, l'abstention et le désintérêt. Et le gouvernement en est le premier responsable. Aucune campagne officielle n'a été engagée sur l'élection européenne et sur le mode de scrutin ; rien n'a été accordé dans les grands médias au temps d'antenne nécessaire pour l'explication civique. Parce que le gouvernement fait le calcul, comme il le faisait au moment des élections régionales et cantonales, de l'abstention, du désintérêt, de l'oubli même du scrutin. Le Premier ministre en a fait même l'aveu un soir à la télévision en déclarant que les élections européennes ne figuraient pas dans son calendrier, qu'il en avait même occulté les conséquences politiques. Et le mode de scrutin n'arrange rien avec des circonscriptions taillées au crayon, découpant le territoire à l'aune des seuls intérêts de la droite ou supposés tels. Et puis ces listes qu'on laisse se multiplier -20 dans chacune des grandes circonscriptions- comme pour rendre encore plus confus l'enjeu. Dans ce moment, dans ce contexte, il nous faut appeler à la conscience civique. Il nous faut aller vers les électeurs pour leur donner le sens du vote, pour leur rappeler que c'est le suffrage universel qui donne la force aux démocraties, qu'on ne peut pas remplacer le vote pour exprimer la voix du peuple et que les grands changements de notre Histoire l'ont toujours été à travers l'utilisation du suffrage universel et du bulletin de vote. Oui, il nous faut ici en appeler à notre propre électorat, celui de la gauche, qui pourrait considérer -par lassitude mais aussi par sentiment du devoir accompli- qu'il n'est pas utile de voter pour les élections européennes quand on s'est autant mobilisé pour les élections régionales et cantonales.
Il faut pourtant de nouveau retrouver le chemin des urnes parce que l'enjeu des élections européennes est essentiel. Il s'agit rien de moins que d'organiser notre espace économique, il s'agit de maîtriser notre propre législation quand on sait que la moitié des textes votés par le Parlement français provient de décisions européennes. Il nous faut faire ce choix pour l'Europe parce que c'est le choix pour la paix, parce que c'est notre Histoire, parce que c'est notre avenir.
Quand on regard ce qu'est le monde à travers cette guerre en Irak, à travers ces images de malheur, de populations civiles frappées, de torture, de soldats blessés, tués pour une cause qu'ils ne défendent peut-être même plus, quand on y ajoute cette désolation au Proche-Orient, cette misère dans les territoires palestiniens et cette peur en Israël pour sa propre sécurité, nous devons dire où est l'Europe ? Oui, il nous faut une Europe forte. Oui, il nous faut une Europe politique. Oui, il nous faut une Europe puissance, une Europe de la défense. Non pas pour imposer nos orientations, mais pour équilibrer le monde. Nous avons notre propre responsabilité dans le destin de la planète. Et c'est pour l'avoir oublié que trop de Nations se sont détournées finalement de ce qu'était leur devoir, leur devoir d'assurer la paix aux Nations-Unies et de la construire en Europe.
Et, quand on regarde ce qu'est l'instabilité économique de ce globe, le nôtre, quand on regarde ces puissances qui se créent (la Chine, l'Inde) qui pratiquent aussi le dumping, la concurrence des bas salaires, quand on regard ces déficits qui se creusent -notamment aux États-Unis d'Amérique qui, peut-être connaissent une reprise mais au détriment du reste du monde, quand on regarde ce qu'est aujourd'hui la volatilité du prix des matières premières -et notamment celui du pétrole- on se dit là aussi : où est l'Europe ?
L'Europe doit aussi être une organisation qui stabilise, qui organise, qui régule. C'est de l'Europe que viendra la maîtrise de la mondialisation.
Voilà pourquoi l'enjeu de ces élections est d'abord européen. L'Europe a besoin des socialistes. Parce que, comme le rappelait Jacques Delors, le combat des socialistes a toujours été un combat européen. Jean Jaurès, le premier, qui se réunissait avec d'autres socialistes en Europe, notamment au Congrès d'Amsterdam, avec l'espoir que l'Internationale socialiste serait la source de la création d'un espace commun en Europe. Et puis Léon Blum, François Mitterrand qui a pu, par sa présidence, agir pour l'Europe et qui nous a permis aujourd'hui d'avoir une monnaie unique qui nous protège de toutes les spéculations. Et puis, Jacques Delors, pendant douze ans Président de la Commission européenne, a donné un coup d'accélérateur considérable à l'espace économique qui est aujourd'hui le nôtre. Et enfin, Lionel Jospin qui, pendant cinq ans, a fait l'Europe comme il a pu dans la contrainte qui était celle de la cohabitation mais qui a tout de même permis de réaliser l'élargissement.
Nous devons aujourd'hui ouvrir un nouvel espace : celui de l'Europe sociale. L'Europe sociale parce que nous avons aujourd'hui, en Europe, une situation de chômage inacceptable, parce que nous avons, en Europe, des créations d'emplois qui manquent pour donner à chaque jeune qui vient sur le marché du travail l'emploi qu'il attend. Le premier devoir des socialistes est de dire oui à l'Europe sociale, parce que nous voulons l'Europe du plein emploi, parce que nous voulons un pacte de croissance qui se substitue au pacte de stabilité aussi exigeant que mal respecté. Oui, nous avons besoin d'une harmonisation fiscale qui évite le dumping, les délocalisations dont vous avez, ici, des exemples -et François Rebsamen me rappelait la situation d'IFF à Longwy. Et nous avons ce devoir, là encore, de fixer des règles pour que partout en Europe -y compris avec l'élargissement- nous puissions être sûrs que les entreprises n'utilisent pas les défaillances des uns, les attractivités des autres pour supprimer des emplois sans forcément les créer ailleurs.
Oui, nous avons besoin d'une relance à travers une politique de grands travaux, celle que proposait déjà Jacques Delors à la fin des années 80. Oui, nous avons besoin d'une Europe sociale à travers un nouveau traité, un traité social, qui puisse fixer les règles de convergence. On aurait, nous, été capable de faire la monnaie unique et on serait frileux, timides, couards face à cette exigence de convergence de critères sociaux à travers le salaire, à travers le droit du travail, à travers les règles de la protection sociale ! Oui, nous avons besoin de syndicats européens forts, capables de faire une grande négociation à l'échelle du territoire continental. Oui, nous avons besoin d'une grande loi sur les services publics en Europe.
Et puis, l'Europe sociale, à nos yeux, c'est aussi l'Europe de l'environnement. Parce que nous savons bien que c'est à cette échelle-là que nous arriverons à lutter contre toutes les formes de pollution, que nous arriverons à avoir des politiques de transports publics, collectifs, que nous arriverons à lutter contre ce qui nous menace maintenant, à savoir le réchauffement de la planète.
Oui, nous avons besoin d'une Europe de la solidarité. Oui, en conséquence, nous avons besoin au Parlement européen d'une majorité de gauche. Parce qu'en définitive, les progrès sociaux se sont toujours construits ainsi. Ils n'ont jamais été simplement limités à une seule nation. Nous avons, comme socialistes, toujours compris que c'était à l'échelle globale que nous devons agir et qu'il fallait porter maintenant ce progrès au niveau de l'ensemble de l'Europe. Et ces pays qui nous rejoignent ont à la fois ce besoin d'Europe, cet espoir aussi de solidarité et nous ne devons pas les décevoir.
L'Europe a besoin de nous et nous, nous avons besoin de l'Europe pour faire ce que nous pensons être le socialisme. Il n'y aura pas de socialisme s'il n'y a pas une puissance politique européenne. Il n'y aura pas de socialisme s'il n'y a pas une volonté d'organiser non seulement l'Europe, mais la planète. Il n'y aura pas d'Europe démocratique s'il n'y a pas une Europe politique avec, c'est vrai, une Constitution fixant clairement les responsabilités des uns et des autres et donnant au Parlement européen la fonction principale, celle de faire la loi pour l'Europe. Oui, il n'y aura pas l'Europe des peuples s'il n'y a pas un référendum pour cette future Constitution. Et à entendre le Président de la République hésiter encore sur le mode de ratification, c'est comprendre qu'il n'est même pas sûr de sa conviction pour emporter l'adhésion des Français. Il n'a peut-être pas tort. Mais, tout de même ! Nous pourrions attendre du Chef de l'État, alors qu'au lendemain des élections européennes va se tenir un Conseil européen essentiel pour l'élaboration -la conclusion peut-être- de cette future Constitution, qu'il consulte les forces politiques de notre pays. A aucun moment il n'a expliqué le mandat qui pouvait être celui de la France dans cette grande négociation. Nous connaissons les exigences des Espagnols, des Polonais et maintenant celles des Nations qui voudraient inscrire l'héritage chrétien dans la future Constitution. Nous connaissons les demandes des Britanniques qui demandent toujours l'unanimité plutôt que la majorité. Nous ne connaissons même pas la position de la France ! C'est pourquoi, nous devons revendiquer une Constitution claire, fixant les responsabilités du Parlement européen, de la Commission, du Conseil, fixant aussi les droits des citoyens et écartant les autres aspects politiques, parce qu'une Constitution c'est d'abord une architecture institutionnelle. Et nous en demandons l'approbation par le peuple.
Nous avons besoin de l'Europe, parce que nous savons qu'elle doit être un instrument de solidarité. De solidarité entre les pays membres : elle a toujours été finalement une Europe généreuse, permettant aux pays qui avaient connu les dictatures de nous rejoindre (l'Espagne, le Portugal, la Grèce) et de connaître un niveau de développement comparable aux pays fondateurs. Et maintenant, nous avons ce besoin de solidarité à exprimer, à exercer auprès des pays anciennement dits de l'Est ne connaissant plus la dictature et les privations et qui, là aussi, exigent de nous de les faire converger non pas vers le libéralisme, mais vers la solidarité et le partage des richesses que nous sommes capables, ensemble, de créer. Et puis, il y a tous ceux qui, en dehors de cette Europe, nous regardent avec envie et demandent que l'Europe soit en pointe pour une véritable politique agricole respectueuse des modes de culture des pays les plus pauvres, et notamment d'Afrique. Ces pays qui nous regardent et qui nous demandent aussi, en matière de santé, de lutte contre les fléaux, les maladies, le SIDA, d'avoir un peu de générosité et pas simplement en paroles. Il y a aussi ces pays d'Amérique Latine qui nous demandent d'avoir avec eux des relations de commerce équitables. Ces pays d'Asie qui ne veulent pas simplement être des lieux de travail au rabais ou de tourisme parfois détourné. Tous ces pays demandent à l'Europe de la solidarité, du partage, de la force, de la démocratie.
Voilà l'enjeu de ces élections. Et ce que nous devons prononcer une fois encore, c'est une affirmation de volonté. OUI, il est possible de faire cette Europe sociale. Ceux qui nous disent le contraire sont soit des frileux -et il y en a beaucoup et pas simplement dans le camp des conservateurs, soit des révolutionnaires en chambre, en pacotille, qui ne veulent rien changer pour tout espérer au petit matin. Et puis, il y a ces conservateurs qui nous expliquent que finalement, il faut laisser le marché, qu'il n'y a que le marché et qu'il n'y a pas d'autre avenir que le marché.
Face à ce fatalisme, face à cette résignation, face à ce destin que nous refusons, il nous faut nous battre pour cette Europe à laquelle nous croyons depuis toujours. C'est pourquoi, une fois encore, la bataille qu'il faut mener, c'est la bataille historique du socialisme contre le libéralisme. Alors, il est vrai, il y a dans le socialisme européen toutes les nuances et, quelques fois, elles touchent même au libéralisme d'en face. Raison de plus pour envoyer beaucoup de socialistes Français au Parlement européen, en ne désespérant pas les autres, en ne pensant pas que nous avons raison, parce qu'il faut aussi apprendre du socialisme partout, et que je ne suis pas de ceux qui pensent que c'est ici qu'il y aurait les lois éternelles e que nous n'aurions rien à apprendre de l'Europe du Nord ou de l'Europe social-démocrate qui, en matière de formation professionnelle, en matière d'Éducation, en matière d'égalité homme/femme ont fait finalement depuis longtemps les textes que nous attendons encore d'écrire.
Il faut croire à ce Parti Socialiste Européen. Nous avons porté à sa tête Poul Rasmussen qui est en accord avec cette volonté commune de faire un grand parti socialiste européen, sans lequel nous ne pourrons pas agir communément à l'échelle de notre continent.
Le combat contre le libéralisme nous ramène nécessairement à l'enjeu national. Pas plus que Jacques Chirac n'a de projet pour l'Europe, il n'a de direction pour notre pays. La politique qu'il mène avec Jean-Pierre Raffarin est une politique injuste d'abord, incohérente surtout, immorale sûrement.
Injuste, parce que c'est toujours aux mêmes que l'on accorde des avantages à travers les baisses d'impôts ; c'est toujours aux mêmes catégories que l'on donne de nouveaux privilèges et à d'autres que l'on impose des choix budgétaires douloureux en matière d'emploi, de santé, de logement, d'Éducation. Et il y a maintenant cette illustration, à travers ce plan Douste-Blazy, qui finalement s'apparente à la méthode Couet : on fait semblant de changer en demandant toujours aux mêmes les efforts et les sacrifices. C'est un euro par acte médical, c'est la hausse du forfait hospitalier de trois euros, c'est l'augmentation de la CSG pour les retraités, puis on découvre que c'est pour tous les salariés. C'est un ensemble de contraintes pour dérembourser les médicaments sans rien demander ni aux revenus du capital ni aux entreprises et pas davantage à certaines professions de santé. C'est cette politique injuste qui considère que le progrès, c'est forcément de tout privatiser. On a même entendu que certains voulaient privatiser les gares ! Tout doit être privatisé, rien ne doit appartenir à l'État. Tout doit être vendu. D'ailleurs, ils s'y emploient. Ils vendent tout ; ils bradent tout, jusqu'à EDF qui bientôt sera soumise aux règles du capital privé.
Cette politique est injuste, cette politique est dangereuse, cette politique est incohérente. Et c'est là qu'elle devient immorale : on nous parle de la création d'un Ministère de la cohésion sociale et on le prive immédiatement des crédits correspondants. Il y a ce jour de la solidarité, maintenant celui de la pentecôte, et en même temps, on apprend que les crédits pour les maisons de retraite n'ont pas été débloqués et qu'il n'y aura pas les équipements nécessaires pour affronter une possible canicule. Il y a cette Charte de l'environnement qu'on nous demande de voter et, dans le même temps, on apprend qu'on autorise l'importation des OGM, qu'on élargit le champ des expérimentations et qu'on va bientôt créer un nouveau réacteur nucléaire. Et il y a cette image dédoublée de Jacques Chirac. Il y a le " Jacques Chirac de l'extérieur " et le " Jacques Chirac de l'intérieur ". " Jacques Chirac de l'extérieur ", c'est celui qui, au Guatemala et au Mexique, demande le partage des richesses, appelle à la redistribution générale, à une autre politique agricole et demande même -pour les pays les plus pauvres- une augmentation des impôts. L'augmentation des impôts est nécessaire, mais là-bas, pas ici. Et le " Jacques Chirac de l'intérieur " qui fait tout le contraire. C'est une réputation que l'on peut se faire dans les pays qui n'entendent que les discours. Mais, les Français, eux, savent que la politique de Jacques Chirac, c'est peut-être les grands principes, mais c'est toujours les mêmes sentiments à l'égard du Medef, à l'égard des plus favorisés, à l'égard des clientèles.
C'est là aussi que nous devons, au moment de cette élection européenne, retrouver l'utilité du vote. Oui, le vote est utile pour l'Europe, pour la faire avancer. Il est utile aussi pour la France. Pour mieux la représenter au Parlement européen ? Sûrement. Mais aussi pour utiliser le vote pour faire reculer le gouvernement.
Si l'on y songe, le vote des élections régionales et cantonales a été très utile. D'abord, il nous a permis de conquérir 20 régions et une majorité de départements. Rien que pour cela, ça valait la peine, comme je le disais, de voter. Mais, le vote a été aussi utile, parce que si les Français n'avaient pas voté comme ils ont voté, est-ce que les recalculés de l'Unedic seraient réintégrés dans leur droit ? Si les Français n'avaient pas voté comme ils ont voté, est-ce que les chercheurs auraient trouvé enfin les moyens de faire fonctionner pour quelques mois encore leurs laboratoires ? Si les Français n'avaient pas voté aussi clairement, les intermittents du spectacle auraient-ils pu enfin trouver un interlocuteur à défaut des crédits correspondants ? Oui, si les Français n'avaient pas voté comme ils ont voté, le plan sur la Sécurité sociale serait aujourd'hui passé par ordonnance.
Voilà pourquoi, il faut dire à nos concitoyens que s'ils veulent faire reculer le pouvoir -et il faut le faire reculer- sur la Sécurité Sociale -certes une manifestation est indispensable, certes il faut de grands mouvements sociaux, rien ne remplace le vote. C'est gratuit, pas encore obligatoire, mais c'est le chemin que l'on peut toujours emprunter quand on veut délivrer un message.
J'appelle donc au vote pour faire reculer le gouvernement sur la Sécurité Sociale, pour l'empêcher de privatiser EDF et pour en terminer aussi avec cette réforme qui consiste à transférer sur les régions et les départements les charges que l'État ne veut plus assumer, les personnels qu'il juge excessifs et dont il veut confier la charge aux collectivités non pas pour rendre au mieux le service, mais là encore, pour le privatiser.
Le moment est important. Il y a des temps où il faut prendre conscience de la liberté qui nous est donnée, du droit qui nous est accordé : voter. Il n'y aura pas d'autre élection avant 2007. Trois ans pendant lesquels le gouvernement, selon le résultat du 13 juin, pourra agir en toute liberté ou sous la contrainte. Trois ans, pendant lesquels l'opposition, celle que nous représentons avec nos amis de la gauche, pourra se faire entendre ou, au contraire, sera traitée comme elle est traitée depuis deux ans, comme si elle n'était pas légitime, comme si elle n'était pas en droit d'être fière de la manière dont nous avons gouverné le pays pendant 5 ans avec Lionel Jospin. Nous avons des leçons à tirer chaque fois que nous gouvernons, mais à chaque fois que nous gouvernons, nous faisons avancer le progrès social, nous faisons avancer la démocratie et nous donnons à notre pays les moyens d'être encore plus libre qu'il ne l'est aujourd'hui.
C'est cette fierté-là qu'il faut continuer à exprimer. Je vous appelle donc à voter. C'est vrai que la gauche est de retour en Europe. Elle l'est en Espagne avec le formidable succès du Parti Socialiste Ouvrier Espagnol et de Zapatero ; elle l'est en Autriche, où un Président socialiste a été élu ; elle l'est en France, avec notre formidable victoire du mois de mars, qui n'a pas surpris que la droite. J'ai la chance de rencontrer des représentants socialistes en Europe, voire même des Chefs de gouvernement, et ils m'ont tous demandé comment nous avions fait pour remporter une si belle victoire. Je leur ai dit, d'abord, que nous avons été socialistes -ce qui est nécessaire-, nous avons ensuite rassemblé la gauche -c'est indispensable-, et nous avons porté un projet. Mais nous savons bien qu'il nous reste beaucoup à faire et que nous devons ce succès au rejet de la droite, à ce refus du mensonge, du cynisme et de l'oubli des engagements.
Cette gauche est de retour en Europe et il faut que cela se voit pour les élections au Parlement européen. Notre objectif est simple, clair : nous revendiquons d'avoir la majorité au Parlement européen pour la gauche, toute la gauche. Et puis, nous avons un objectif en France, c'est vrai : arriver en tête de toutes les familles politiques pour ces élections européennes. Si nous arrivons en tête, cela veut dire que les socialistes constituent la première formation politique du pays. Si nous arrivons en tête, cela veut dire que le parti du gouvernement, le seul parti qui soutient le gouvernement, fait moins que nous. Il y aura donc des leçons à tirer de ce résultat. Faut-il encore l'obtenir. Notre troisième objectif est d'envoyer le plus de députés socialistes européens au Parlement de Strasbourg. Car si nous le plus de députés européens au sein du groupe socialiste européen, nous pourrons prendre le plus de responsabilités possibles pour notre parti et pour la France.
Au lendemain, des élections européennes que je veux heureuses, nous aurons beaucoup à faire. Il nous faudra, pendant le temps qui nous sépare des échéances décisives de 2007, préparer un projet. Comme nous avons su redresser le Parti socialiste, comme nous sommes parvenus à rassembler la gauche pour les élections régionales, il nous faudra construire un projet collectif. Nous devons le faire avec le souci de la vérité, sans lequel il n'y a pas d'engagement possible. Tout ne sera pas réalisable ; nous ne devons pas tout promettre au prétexte qu'ils n'ont rien tenu. Nous devons à chaque fois être capables de donner des objectifs clairs aux Français, de leur dire ce que nous pouvons transformer et ce que nous ne pourrons pas changer. Nous n'avons pas le droit de les tromper. Et c'est pourquoi la vérité, comme le disait Pierre Mendès France, devra guider nos pas dans ces prochains mois. Nous devons faire ce projet avec une volonté farouche de montrer qu'il est possible d'agir en politique, que nous avons des perspectives et que nous pouvons les tenir, qu'il y a des domaines -l'Éducation, le logement, la Recherche, l'emploi, où nous devons nous mettre complètement au service des besoins de nos concitoyens et que nous devons être implacables dans la réalisation de nos objectifs.
Vérité, volonté, unité. Rien ne sera possible pour les socialistes s'ils ne sont pas ensemble pour la préparation de ce projet. Une fois que nous l'aurons réalisé ensemble, nous aurons à rassembler toute la gauche parce que c'est ainsi que nous pourrons convaincre les Français, non seulement d'une victoire possible mais d'une durée de transformation longue, d'une équipe capable de porter un projet et d'une majorité capable de le soutenir.
Voilà ce qui nous attend avec l'exemplarité en plus. Il n'y aura pas de projet socialiste s'il n'y a pas une participation non seulement des sympathisants, des militants, mais des Français eux-mêmes à sa construction, à son élaboration. Il nous faudra être originaux, imaginatifs pour savoir comment les consulter et c'est donc, là-dessus, une véritable campagne qu'il faudra faire au lendemain des élections européennes, la campagne pour la crédibilité des socialistes.
Il nous reste 10 jours à peine avant les élections européennes, trois ans avant les échéances de 2007. Pour beaucoup, vous avez fait l'effort essentiel, mais il vous reste tout à faire. Nous avons 10 jours pour gagner l'ultime bataille avant 2007, et je vous promets que, si nous respectons ces trois principes de vérité, d'unité et de volonté, rien ne sera impossible pour la gauche. Et, au moment où il nous faut parler de la suite, j'ai confiance dans la capacité qui est la nôtre aujourd'hui de redonner espoir. Je sais que si nous portons ce projet nous aurons, le moment venu, le meilleur ou la meilleure candidate pour le porter.
(Source http://www.parti-socialiste.fr, le 4 juin 2004)
Je suis aujourd'hui à Dijon, étape maintenant incontournable du socialisme français ; 2001 : victoire aux élections municipales ; 2003 : notre Congrès, congrès de redressement, de rassemblement, congrès qui a -c'est vrai- scellé le retour des socialistes dans la vie publique d'abord, marqué leur volonté de penser toutes les leçons à tirer de notre échec mais déjà de nous tourner vers l'avenir et d'emmener la gauche vers les scrutins qui se dessinaient à ce moment-là. Et c'est à Dijon que la gauche a trouvé le rebond nécessaire ; 2004 : ce fut une année de victoire.
Il nous faut maintenant relever le défi des élections européennes. Je suis venu à Dijon pour lancer un appel : un appel au vote, un appel à la citoyenneté, un appel à la mobilisation parce que tout est fait dans cette " non campagne " pour créer l'indifférence, l'abstention et le désintérêt. Et le gouvernement en est le premier responsable. Aucune campagne officielle n'a été engagée sur l'élection européenne et sur le mode de scrutin ; rien n'a été accordé dans les grands médias au temps d'antenne nécessaire pour l'explication civique. Parce que le gouvernement fait le calcul, comme il le faisait au moment des élections régionales et cantonales, de l'abstention, du désintérêt, de l'oubli même du scrutin. Le Premier ministre en a fait même l'aveu un soir à la télévision en déclarant que les élections européennes ne figuraient pas dans son calendrier, qu'il en avait même occulté les conséquences politiques. Et le mode de scrutin n'arrange rien avec des circonscriptions taillées au crayon, découpant le territoire à l'aune des seuls intérêts de la droite ou supposés tels. Et puis ces listes qu'on laisse se multiplier -20 dans chacune des grandes circonscriptions- comme pour rendre encore plus confus l'enjeu. Dans ce moment, dans ce contexte, il nous faut appeler à la conscience civique. Il nous faut aller vers les électeurs pour leur donner le sens du vote, pour leur rappeler que c'est le suffrage universel qui donne la force aux démocraties, qu'on ne peut pas remplacer le vote pour exprimer la voix du peuple et que les grands changements de notre Histoire l'ont toujours été à travers l'utilisation du suffrage universel et du bulletin de vote. Oui, il nous faut ici en appeler à notre propre électorat, celui de la gauche, qui pourrait considérer -par lassitude mais aussi par sentiment du devoir accompli- qu'il n'est pas utile de voter pour les élections européennes quand on s'est autant mobilisé pour les élections régionales et cantonales.
Il faut pourtant de nouveau retrouver le chemin des urnes parce que l'enjeu des élections européennes est essentiel. Il s'agit rien de moins que d'organiser notre espace économique, il s'agit de maîtriser notre propre législation quand on sait que la moitié des textes votés par le Parlement français provient de décisions européennes. Il nous faut faire ce choix pour l'Europe parce que c'est le choix pour la paix, parce que c'est notre Histoire, parce que c'est notre avenir.
Quand on regard ce qu'est le monde à travers cette guerre en Irak, à travers ces images de malheur, de populations civiles frappées, de torture, de soldats blessés, tués pour une cause qu'ils ne défendent peut-être même plus, quand on y ajoute cette désolation au Proche-Orient, cette misère dans les territoires palestiniens et cette peur en Israël pour sa propre sécurité, nous devons dire où est l'Europe ? Oui, il nous faut une Europe forte. Oui, il nous faut une Europe politique. Oui, il nous faut une Europe puissance, une Europe de la défense. Non pas pour imposer nos orientations, mais pour équilibrer le monde. Nous avons notre propre responsabilité dans le destin de la planète. Et c'est pour l'avoir oublié que trop de Nations se sont détournées finalement de ce qu'était leur devoir, leur devoir d'assurer la paix aux Nations-Unies et de la construire en Europe.
Et, quand on regarde ce qu'est l'instabilité économique de ce globe, le nôtre, quand on regarde ces puissances qui se créent (la Chine, l'Inde) qui pratiquent aussi le dumping, la concurrence des bas salaires, quand on regard ces déficits qui se creusent -notamment aux États-Unis d'Amérique qui, peut-être connaissent une reprise mais au détriment du reste du monde, quand on regarde ce qu'est aujourd'hui la volatilité du prix des matières premières -et notamment celui du pétrole- on se dit là aussi : où est l'Europe ?
L'Europe doit aussi être une organisation qui stabilise, qui organise, qui régule. C'est de l'Europe que viendra la maîtrise de la mondialisation.
Voilà pourquoi l'enjeu de ces élections est d'abord européen. L'Europe a besoin des socialistes. Parce que, comme le rappelait Jacques Delors, le combat des socialistes a toujours été un combat européen. Jean Jaurès, le premier, qui se réunissait avec d'autres socialistes en Europe, notamment au Congrès d'Amsterdam, avec l'espoir que l'Internationale socialiste serait la source de la création d'un espace commun en Europe. Et puis Léon Blum, François Mitterrand qui a pu, par sa présidence, agir pour l'Europe et qui nous a permis aujourd'hui d'avoir une monnaie unique qui nous protège de toutes les spéculations. Et puis, Jacques Delors, pendant douze ans Président de la Commission européenne, a donné un coup d'accélérateur considérable à l'espace économique qui est aujourd'hui le nôtre. Et enfin, Lionel Jospin qui, pendant cinq ans, a fait l'Europe comme il a pu dans la contrainte qui était celle de la cohabitation mais qui a tout de même permis de réaliser l'élargissement.
Nous devons aujourd'hui ouvrir un nouvel espace : celui de l'Europe sociale. L'Europe sociale parce que nous avons aujourd'hui, en Europe, une situation de chômage inacceptable, parce que nous avons, en Europe, des créations d'emplois qui manquent pour donner à chaque jeune qui vient sur le marché du travail l'emploi qu'il attend. Le premier devoir des socialistes est de dire oui à l'Europe sociale, parce que nous voulons l'Europe du plein emploi, parce que nous voulons un pacte de croissance qui se substitue au pacte de stabilité aussi exigeant que mal respecté. Oui, nous avons besoin d'une harmonisation fiscale qui évite le dumping, les délocalisations dont vous avez, ici, des exemples -et François Rebsamen me rappelait la situation d'IFF à Longwy. Et nous avons ce devoir, là encore, de fixer des règles pour que partout en Europe -y compris avec l'élargissement- nous puissions être sûrs que les entreprises n'utilisent pas les défaillances des uns, les attractivités des autres pour supprimer des emplois sans forcément les créer ailleurs.
Oui, nous avons besoin d'une relance à travers une politique de grands travaux, celle que proposait déjà Jacques Delors à la fin des années 80. Oui, nous avons besoin d'une Europe sociale à travers un nouveau traité, un traité social, qui puisse fixer les règles de convergence. On aurait, nous, été capable de faire la monnaie unique et on serait frileux, timides, couards face à cette exigence de convergence de critères sociaux à travers le salaire, à travers le droit du travail, à travers les règles de la protection sociale ! Oui, nous avons besoin de syndicats européens forts, capables de faire une grande négociation à l'échelle du territoire continental. Oui, nous avons besoin d'une grande loi sur les services publics en Europe.
Et puis, l'Europe sociale, à nos yeux, c'est aussi l'Europe de l'environnement. Parce que nous savons bien que c'est à cette échelle-là que nous arriverons à lutter contre toutes les formes de pollution, que nous arriverons à avoir des politiques de transports publics, collectifs, que nous arriverons à lutter contre ce qui nous menace maintenant, à savoir le réchauffement de la planète.
Oui, nous avons besoin d'une Europe de la solidarité. Oui, en conséquence, nous avons besoin au Parlement européen d'une majorité de gauche. Parce qu'en définitive, les progrès sociaux se sont toujours construits ainsi. Ils n'ont jamais été simplement limités à une seule nation. Nous avons, comme socialistes, toujours compris que c'était à l'échelle globale que nous devons agir et qu'il fallait porter maintenant ce progrès au niveau de l'ensemble de l'Europe. Et ces pays qui nous rejoignent ont à la fois ce besoin d'Europe, cet espoir aussi de solidarité et nous ne devons pas les décevoir.
L'Europe a besoin de nous et nous, nous avons besoin de l'Europe pour faire ce que nous pensons être le socialisme. Il n'y aura pas de socialisme s'il n'y a pas une puissance politique européenne. Il n'y aura pas de socialisme s'il n'y a pas une volonté d'organiser non seulement l'Europe, mais la planète. Il n'y aura pas d'Europe démocratique s'il n'y a pas une Europe politique avec, c'est vrai, une Constitution fixant clairement les responsabilités des uns et des autres et donnant au Parlement européen la fonction principale, celle de faire la loi pour l'Europe. Oui, il n'y aura pas l'Europe des peuples s'il n'y a pas un référendum pour cette future Constitution. Et à entendre le Président de la République hésiter encore sur le mode de ratification, c'est comprendre qu'il n'est même pas sûr de sa conviction pour emporter l'adhésion des Français. Il n'a peut-être pas tort. Mais, tout de même ! Nous pourrions attendre du Chef de l'État, alors qu'au lendemain des élections européennes va se tenir un Conseil européen essentiel pour l'élaboration -la conclusion peut-être- de cette future Constitution, qu'il consulte les forces politiques de notre pays. A aucun moment il n'a expliqué le mandat qui pouvait être celui de la France dans cette grande négociation. Nous connaissons les exigences des Espagnols, des Polonais et maintenant celles des Nations qui voudraient inscrire l'héritage chrétien dans la future Constitution. Nous connaissons les demandes des Britanniques qui demandent toujours l'unanimité plutôt que la majorité. Nous ne connaissons même pas la position de la France ! C'est pourquoi, nous devons revendiquer une Constitution claire, fixant les responsabilités du Parlement européen, de la Commission, du Conseil, fixant aussi les droits des citoyens et écartant les autres aspects politiques, parce qu'une Constitution c'est d'abord une architecture institutionnelle. Et nous en demandons l'approbation par le peuple.
Nous avons besoin de l'Europe, parce que nous savons qu'elle doit être un instrument de solidarité. De solidarité entre les pays membres : elle a toujours été finalement une Europe généreuse, permettant aux pays qui avaient connu les dictatures de nous rejoindre (l'Espagne, le Portugal, la Grèce) et de connaître un niveau de développement comparable aux pays fondateurs. Et maintenant, nous avons ce besoin de solidarité à exprimer, à exercer auprès des pays anciennement dits de l'Est ne connaissant plus la dictature et les privations et qui, là aussi, exigent de nous de les faire converger non pas vers le libéralisme, mais vers la solidarité et le partage des richesses que nous sommes capables, ensemble, de créer. Et puis, il y a tous ceux qui, en dehors de cette Europe, nous regardent avec envie et demandent que l'Europe soit en pointe pour une véritable politique agricole respectueuse des modes de culture des pays les plus pauvres, et notamment d'Afrique. Ces pays qui nous regardent et qui nous demandent aussi, en matière de santé, de lutte contre les fléaux, les maladies, le SIDA, d'avoir un peu de générosité et pas simplement en paroles. Il y a aussi ces pays d'Amérique Latine qui nous demandent d'avoir avec eux des relations de commerce équitables. Ces pays d'Asie qui ne veulent pas simplement être des lieux de travail au rabais ou de tourisme parfois détourné. Tous ces pays demandent à l'Europe de la solidarité, du partage, de la force, de la démocratie.
Voilà l'enjeu de ces élections. Et ce que nous devons prononcer une fois encore, c'est une affirmation de volonté. OUI, il est possible de faire cette Europe sociale. Ceux qui nous disent le contraire sont soit des frileux -et il y en a beaucoup et pas simplement dans le camp des conservateurs, soit des révolutionnaires en chambre, en pacotille, qui ne veulent rien changer pour tout espérer au petit matin. Et puis, il y a ces conservateurs qui nous expliquent que finalement, il faut laisser le marché, qu'il n'y a que le marché et qu'il n'y a pas d'autre avenir que le marché.
Face à ce fatalisme, face à cette résignation, face à ce destin que nous refusons, il nous faut nous battre pour cette Europe à laquelle nous croyons depuis toujours. C'est pourquoi, une fois encore, la bataille qu'il faut mener, c'est la bataille historique du socialisme contre le libéralisme. Alors, il est vrai, il y a dans le socialisme européen toutes les nuances et, quelques fois, elles touchent même au libéralisme d'en face. Raison de plus pour envoyer beaucoup de socialistes Français au Parlement européen, en ne désespérant pas les autres, en ne pensant pas que nous avons raison, parce qu'il faut aussi apprendre du socialisme partout, et que je ne suis pas de ceux qui pensent que c'est ici qu'il y aurait les lois éternelles e que nous n'aurions rien à apprendre de l'Europe du Nord ou de l'Europe social-démocrate qui, en matière de formation professionnelle, en matière d'Éducation, en matière d'égalité homme/femme ont fait finalement depuis longtemps les textes que nous attendons encore d'écrire.
Il faut croire à ce Parti Socialiste Européen. Nous avons porté à sa tête Poul Rasmussen qui est en accord avec cette volonté commune de faire un grand parti socialiste européen, sans lequel nous ne pourrons pas agir communément à l'échelle de notre continent.
Le combat contre le libéralisme nous ramène nécessairement à l'enjeu national. Pas plus que Jacques Chirac n'a de projet pour l'Europe, il n'a de direction pour notre pays. La politique qu'il mène avec Jean-Pierre Raffarin est une politique injuste d'abord, incohérente surtout, immorale sûrement.
Injuste, parce que c'est toujours aux mêmes que l'on accorde des avantages à travers les baisses d'impôts ; c'est toujours aux mêmes catégories que l'on donne de nouveaux privilèges et à d'autres que l'on impose des choix budgétaires douloureux en matière d'emploi, de santé, de logement, d'Éducation. Et il y a maintenant cette illustration, à travers ce plan Douste-Blazy, qui finalement s'apparente à la méthode Couet : on fait semblant de changer en demandant toujours aux mêmes les efforts et les sacrifices. C'est un euro par acte médical, c'est la hausse du forfait hospitalier de trois euros, c'est l'augmentation de la CSG pour les retraités, puis on découvre que c'est pour tous les salariés. C'est un ensemble de contraintes pour dérembourser les médicaments sans rien demander ni aux revenus du capital ni aux entreprises et pas davantage à certaines professions de santé. C'est cette politique injuste qui considère que le progrès, c'est forcément de tout privatiser. On a même entendu que certains voulaient privatiser les gares ! Tout doit être privatisé, rien ne doit appartenir à l'État. Tout doit être vendu. D'ailleurs, ils s'y emploient. Ils vendent tout ; ils bradent tout, jusqu'à EDF qui bientôt sera soumise aux règles du capital privé.
Cette politique est injuste, cette politique est dangereuse, cette politique est incohérente. Et c'est là qu'elle devient immorale : on nous parle de la création d'un Ministère de la cohésion sociale et on le prive immédiatement des crédits correspondants. Il y a ce jour de la solidarité, maintenant celui de la pentecôte, et en même temps, on apprend que les crédits pour les maisons de retraite n'ont pas été débloqués et qu'il n'y aura pas les équipements nécessaires pour affronter une possible canicule. Il y a cette Charte de l'environnement qu'on nous demande de voter et, dans le même temps, on apprend qu'on autorise l'importation des OGM, qu'on élargit le champ des expérimentations et qu'on va bientôt créer un nouveau réacteur nucléaire. Et il y a cette image dédoublée de Jacques Chirac. Il y a le " Jacques Chirac de l'extérieur " et le " Jacques Chirac de l'intérieur ". " Jacques Chirac de l'extérieur ", c'est celui qui, au Guatemala et au Mexique, demande le partage des richesses, appelle à la redistribution générale, à une autre politique agricole et demande même -pour les pays les plus pauvres- une augmentation des impôts. L'augmentation des impôts est nécessaire, mais là-bas, pas ici. Et le " Jacques Chirac de l'intérieur " qui fait tout le contraire. C'est une réputation que l'on peut se faire dans les pays qui n'entendent que les discours. Mais, les Français, eux, savent que la politique de Jacques Chirac, c'est peut-être les grands principes, mais c'est toujours les mêmes sentiments à l'égard du Medef, à l'égard des plus favorisés, à l'égard des clientèles.
C'est là aussi que nous devons, au moment de cette élection européenne, retrouver l'utilité du vote. Oui, le vote est utile pour l'Europe, pour la faire avancer. Il est utile aussi pour la France. Pour mieux la représenter au Parlement européen ? Sûrement. Mais aussi pour utiliser le vote pour faire reculer le gouvernement.
Si l'on y songe, le vote des élections régionales et cantonales a été très utile. D'abord, il nous a permis de conquérir 20 régions et une majorité de départements. Rien que pour cela, ça valait la peine, comme je le disais, de voter. Mais, le vote a été aussi utile, parce que si les Français n'avaient pas voté comme ils ont voté, est-ce que les recalculés de l'Unedic seraient réintégrés dans leur droit ? Si les Français n'avaient pas voté comme ils ont voté, est-ce que les chercheurs auraient trouvé enfin les moyens de faire fonctionner pour quelques mois encore leurs laboratoires ? Si les Français n'avaient pas voté aussi clairement, les intermittents du spectacle auraient-ils pu enfin trouver un interlocuteur à défaut des crédits correspondants ? Oui, si les Français n'avaient pas voté comme ils ont voté, le plan sur la Sécurité sociale serait aujourd'hui passé par ordonnance.
Voilà pourquoi, il faut dire à nos concitoyens que s'ils veulent faire reculer le pouvoir -et il faut le faire reculer- sur la Sécurité Sociale -certes une manifestation est indispensable, certes il faut de grands mouvements sociaux, rien ne remplace le vote. C'est gratuit, pas encore obligatoire, mais c'est le chemin que l'on peut toujours emprunter quand on veut délivrer un message.
J'appelle donc au vote pour faire reculer le gouvernement sur la Sécurité Sociale, pour l'empêcher de privatiser EDF et pour en terminer aussi avec cette réforme qui consiste à transférer sur les régions et les départements les charges que l'État ne veut plus assumer, les personnels qu'il juge excessifs et dont il veut confier la charge aux collectivités non pas pour rendre au mieux le service, mais là encore, pour le privatiser.
Le moment est important. Il y a des temps où il faut prendre conscience de la liberté qui nous est donnée, du droit qui nous est accordé : voter. Il n'y aura pas d'autre élection avant 2007. Trois ans pendant lesquels le gouvernement, selon le résultat du 13 juin, pourra agir en toute liberté ou sous la contrainte. Trois ans, pendant lesquels l'opposition, celle que nous représentons avec nos amis de la gauche, pourra se faire entendre ou, au contraire, sera traitée comme elle est traitée depuis deux ans, comme si elle n'était pas légitime, comme si elle n'était pas en droit d'être fière de la manière dont nous avons gouverné le pays pendant 5 ans avec Lionel Jospin. Nous avons des leçons à tirer chaque fois que nous gouvernons, mais à chaque fois que nous gouvernons, nous faisons avancer le progrès social, nous faisons avancer la démocratie et nous donnons à notre pays les moyens d'être encore plus libre qu'il ne l'est aujourd'hui.
C'est cette fierté-là qu'il faut continuer à exprimer. Je vous appelle donc à voter. C'est vrai que la gauche est de retour en Europe. Elle l'est en Espagne avec le formidable succès du Parti Socialiste Ouvrier Espagnol et de Zapatero ; elle l'est en Autriche, où un Président socialiste a été élu ; elle l'est en France, avec notre formidable victoire du mois de mars, qui n'a pas surpris que la droite. J'ai la chance de rencontrer des représentants socialistes en Europe, voire même des Chefs de gouvernement, et ils m'ont tous demandé comment nous avions fait pour remporter une si belle victoire. Je leur ai dit, d'abord, que nous avons été socialistes -ce qui est nécessaire-, nous avons ensuite rassemblé la gauche -c'est indispensable-, et nous avons porté un projet. Mais nous savons bien qu'il nous reste beaucoup à faire et que nous devons ce succès au rejet de la droite, à ce refus du mensonge, du cynisme et de l'oubli des engagements.
Cette gauche est de retour en Europe et il faut que cela se voit pour les élections au Parlement européen. Notre objectif est simple, clair : nous revendiquons d'avoir la majorité au Parlement européen pour la gauche, toute la gauche. Et puis, nous avons un objectif en France, c'est vrai : arriver en tête de toutes les familles politiques pour ces élections européennes. Si nous arrivons en tête, cela veut dire que les socialistes constituent la première formation politique du pays. Si nous arrivons en tête, cela veut dire que le parti du gouvernement, le seul parti qui soutient le gouvernement, fait moins que nous. Il y aura donc des leçons à tirer de ce résultat. Faut-il encore l'obtenir. Notre troisième objectif est d'envoyer le plus de députés socialistes européens au Parlement de Strasbourg. Car si nous le plus de députés européens au sein du groupe socialiste européen, nous pourrons prendre le plus de responsabilités possibles pour notre parti et pour la France.
Au lendemain, des élections européennes que je veux heureuses, nous aurons beaucoup à faire. Il nous faudra, pendant le temps qui nous sépare des échéances décisives de 2007, préparer un projet. Comme nous avons su redresser le Parti socialiste, comme nous sommes parvenus à rassembler la gauche pour les élections régionales, il nous faudra construire un projet collectif. Nous devons le faire avec le souci de la vérité, sans lequel il n'y a pas d'engagement possible. Tout ne sera pas réalisable ; nous ne devons pas tout promettre au prétexte qu'ils n'ont rien tenu. Nous devons à chaque fois être capables de donner des objectifs clairs aux Français, de leur dire ce que nous pouvons transformer et ce que nous ne pourrons pas changer. Nous n'avons pas le droit de les tromper. Et c'est pourquoi la vérité, comme le disait Pierre Mendès France, devra guider nos pas dans ces prochains mois. Nous devons faire ce projet avec une volonté farouche de montrer qu'il est possible d'agir en politique, que nous avons des perspectives et que nous pouvons les tenir, qu'il y a des domaines -l'Éducation, le logement, la Recherche, l'emploi, où nous devons nous mettre complètement au service des besoins de nos concitoyens et que nous devons être implacables dans la réalisation de nos objectifs.
Vérité, volonté, unité. Rien ne sera possible pour les socialistes s'ils ne sont pas ensemble pour la préparation de ce projet. Une fois que nous l'aurons réalisé ensemble, nous aurons à rassembler toute la gauche parce que c'est ainsi que nous pourrons convaincre les Français, non seulement d'une victoire possible mais d'une durée de transformation longue, d'une équipe capable de porter un projet et d'une majorité capable de le soutenir.
Voilà ce qui nous attend avec l'exemplarité en plus. Il n'y aura pas de projet socialiste s'il n'y a pas une participation non seulement des sympathisants, des militants, mais des Français eux-mêmes à sa construction, à son élaboration. Il nous faudra être originaux, imaginatifs pour savoir comment les consulter et c'est donc, là-dessus, une véritable campagne qu'il faudra faire au lendemain des élections européennes, la campagne pour la crédibilité des socialistes.
Il nous reste 10 jours à peine avant les élections européennes, trois ans avant les échéances de 2007. Pour beaucoup, vous avez fait l'effort essentiel, mais il vous reste tout à faire. Nous avons 10 jours pour gagner l'ultime bataille avant 2007, et je vous promets que, si nous respectons ces trois principes de vérité, d'unité et de volonté, rien ne sera impossible pour la gauche. Et, au moment où il nous faut parler de la suite, j'ai confiance dans la capacité qui est la nôtre aujourd'hui de redonner espoir. Je sais que si nous portons ce projet nous aurons, le moment venu, le meilleur ou la meilleure candidate pour le porter.
(Source http://www.parti-socialiste.fr, le 4 juin 2004)