Interview de M. Bernard Accoyer, président du groupe parlementaire UMP à l'Assemblée nationale, à La Chaîne info le 5 octobre 2004, sur la polémique sur l'action du député D. Julia entreprise pour négocier la libération des otages français en Irak et sur l'ouverture du débat budgétaire.

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Média : La Chaîne Info - Télévision

Texte intégral

Q- Hier, sur une autre antenne, vous avez dit que D. Julia n'a jamais informé personne, ni le président de son groupe, ni quiconque de son geste. Apparemment, beaucoup de gens étaient informés. Avez-vous dit cela, voire menti, par ignorance, ou sciemment ?
R- Personnellement, je n'ai jamais été informé de son initiative. J'ai appris, depuis, qu'il avait fait part de ses intentions ; chacun connaît D. Julia, c'est un parlementaire qui a une liberté totale et personne n'a jamais pu l'empêcher de faire ce qu'il souhaite faire ou ce qu'il a pu souhaiter faire.
Q-Les dénégations, et de l'Elysée et du Quai d'Orsay sur le fait qu'ils n'étaient au courant, maintenant que l'on sait qu'ils étaient au courant, est-ce que cela ne relève pas - pardonnez-moi - du mensonge d'Etat, donc de l'affaire d'Etat ?
R- Je voudrais d'abord revenir sur l'essentiel. L'essentiel, ce n'est pas toute cette mousse qui se fait actuellement. L'essentiel, c'est la sécurité et l'avenir de nos deux compatriotes, C. Chesnot et G. Malbrunot. Et leur famille, hier, l'ont rappelé : responsabilité et discrétion...
Q-Mais n'est-ce pas un peu facile de s'abriter derrière cette nécessaire discrétion ?
R-...Et il est tout à fait vrai que si D. Julia a commis une erreur, c'est sur le plan de la discrétion. D'autre part, son initiative est une initiative strictement personnelle...
Q-... Que l'Etat n'a pas découragé...
R- Chacun le sait. D. Julia sait que personne n'approuve ses initiatives personnelles. Mais il n'est pas, comme on dit, réceptif à tout conseil de modération.
Q-Pardonnez-moi, mais quand vous dites "personne n'approuve", quand il semble que la diplomatie française, à travers ses représentations, a fourni des visas à D. Julia, l'a reçu, l'a aidé, est-ce que vous pouvez dire que personne n'approuve l'initiative de D. Julia ?
R- Si en cet instant, monsieur Julia était en train d'expliquer qu'il était à quelques centaines de kilomètres - en tout cas, à quelques heures - d'obtenir une prétendue libération de nos otages, et qu'il ajoute : "je n'ai pas pu le faire parce qu'une représentation française ne m'a pas aidé à obtenir un visa", vous seriez en train, à juste titre, de me questionner dans l'autre sens. Encore une fois, responsabilité et discrétion doivent prévaloir pour la sécurité et l'avenir de nos otages.
Q-Vous êtes responsable du groupe UMP à l'Assemblée nationale, vous en êtes le président. Vous avez tout loisir de convoquer l'intéressé. Allez-vous le faire ?
R- Je l'ai déjà fait, par écrit, et même par oral. Je verrai D. Julia dans la
journée. C'est la première étape d'une procédure qui est tout à fait
prévue dans nos statuts et qui prévoit que...
Q-C'est l'article 12 si je ne me trompe ?
R- Oui, c'est cela.
Q-Vous allez le déférer devant le bureau ?
R- Certainement. Il aura à s'expliquer devant le bureau. Le bureau dispose, après avoir entendu l'intéressé - parce qu'il est indispensable d'abord de connaître exactement les faits et chacun convient qu'il y a la plus grande confusion - après avoir entendu l'intéressé, le bureau décidera en tout souveraineté. Il y a toute une gamme de sanctions...
Q-Il y a trois sanctions possibles : le rappel à l'ordre, la privation d'une délégation de mandat, l'exclusion temporaire ou définitive.
R- Oui. Nous verrons lorsque les faits seront connus, lorsque l'intéressé se sera exprimé. Le bureau est souverain pour se prononcer.
Q-Cela peut aller jusqu'à souhaiter que D. Julia ne siège plus qu'au rang des non-inscrits ?
R- C'est une des possibilités, oui.
Q-Est-ce que vous souhaitez, puisqu'un certain nombre de choses ne semblent pas claires dans cette affaire, peut-être pas aujourd'hui, mais qu'après, il y ait une commission d'enquête parlementaire pour faire la lumière ?
R- Après, on fera tout ce que l'on voudra, mais aujourd'hui, sauvegardons un consensus national indispensable, mettons-nous à la place des otages, de leur famille, de l'entourage...
Q-Promettre cette enquête parlementaire, ce n'est pas une manière de sauvegarder le consensus national ?
R- Mais toute la lumière sera faite, il n'y a strictement rien à cacher, bien entendu. Mais d'abord, encore une fois, responsabilité et discrétion, restons sur l'essentiel et sauvons le consensus national. Pas de polémique !
Q-Vous allez sans doute avoir une séance difficile à l'Assemblée nationale...
R- J'espère que chacun mesure l'importance et également la hiérarchie des priorités. Monsieur le Premier ministre reçoit ce matin les responsables des partis politiques des groupes politiques représentés au Parlement. Nous aurons, à cette occasion, un supplément certainement important d'information. Je veux croire, parce que c'est l'essentiel, que tout le monde gardera les deux priorités encore une fois rappelées hier par la famille et qui s'impose à tout le monde.
Q-Dans cette situation un peu trouble, où on ne sait pas qui a menti, qui a dit la vérité, est-ce que vous souhaiteriez, vous, pour restaurer ce consensus, que le chef de l'Etat s'exprime publiquement ?
R- Ce n'est pas le problème. Par contre, il y a quelques instants, vous disiez "souhaitez-vous qu'après toute la lumière soit faite" ? Oui, bien sûr. Après, il faudra que les choses soient dites. Il n'y a rien, encore une fois, à cacher. Mais chaque chose en son temps, chaque priorité, et ensuite, les conséquences, les analyses.
Q-Rentrée parlementaire : le groupe UMP a un certain nombre de propositions. Je voudrais savoir, comme président du groupe UMP, quelle bataille allez-vous mener en ce qui concerne l'impôt sur la fortune ? Volontairement, le ministre de l'Economie et des finances vous a laissé la latitude pour modifier ou non. Etes-vous partisan d'une réévaluation du barème, par rapport à 1997 ou d'une simple actualisation par rapport à l'inflation de 2004 ?
R- D'abord, ce budget est un bon budget, il est juste. Et pour la première fois, il maintient le contrôle des dépenses pendant plusieurs années et il s'attaque à notre dette et à nos déficits. Deuxièmement, sur le point précis que vous avancez, il y a quelques questions : le prêt à taux zéro, les aides fiscales pour les emplois familiaux et l'impôt sur le patrimoine. La commission des finances, qui est une commission extrêmement technique, a déjà fait un certain nombre de déclarations et de propositions. L'ensemble des députés du groupe qui souhaitent, en débattront...
Q-Ceux qui vous écoutent veulent savoir, si oui ou non, vous allez souhaiter la réévaluation du barème par rapport à 1997 ou par rapport à l'inflation de 2004.
R- Je vais y arriver. Nous débattrons demain après-midi de ces trois questions. Et sur l'impôt sur le patrimoine, l'impôt sur la fortune, l'ISF, il y aura certainement un débat. Les positions sont très diverses dans le groupe.
Q-Quelle est votre position ?
R- Personnellement, je pense qu'il serait bon que tous les impôts, en France, aient une règle du jeu, si l'on peut dire, qui soit comparable, notamment qu'il y ait une indexation annuelle sur l'inflation. C'est le cas de tous les impôts.
Q-Donc, si je comprends bien, votre position à vous, c'est actualisation de l'impôt sur la fortune par rapport à 2004, en fonction de l'inflation, et introduction d'une indexation systématique ?
R- Cette solution me parait tout à fait recevable. Nous en débattrons, elle est tout à fait recevable.
Q-N. Sarkozy va bientôt, probablement, être le président de l'UMP. Comment voyez vous les relations entre le président de l'UMP et le président du groupe UMP à l'Assemblée nationale ? Verriez-vous d'un bon ou d'un mauvais il le retour de N. Sarkozy à l'Assemblée nationale, si d'aventure, son suppléant qui n'a pas été élu au Sénat, veut bien se retirer ?
R- Sa suppléante. D'abord, j'ai toujours eu d'excellentes relations avec N. Sarkozy à titre personnel. Deuxièmement, il sera, j'en suis certain, réélu probablement, au tout début de l'année prochaine, et viendra siéger à l'Assemblée. Ce qui ne change pas grand-chose, parce que le président du mouvement siège au bureau et aux réunions du groupe. C'est une chance d'avoir des talents, d'avoir l'énergie qui est celle de N. Sarkozy au service de notre mouvement. Je suis persuadé que tout cela se passera extrêmement bien, N. Sarkozy aura beaucoup de travail au mouvement. Moi-même, je suis très occupé au groupe. Nous avons l'habitude de travailler ensemble, et cela, j'en suis sûr, se passera de très bonne façon.
(Source : premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 6 octobre 2004)