Message de M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre, sur le rôle des chambres d'agriculture et sur les mutations de l'agriculture, Paris le 12 décembre 2003.

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Circonstance : Séminaire de l'Assemblée permanente des Chambres d'agriculture au Futuroscope de Poitiers le 12 décembre 2003

Texte intégral

Messieurs les Présidents, Mon Cher Luc, Mesdames, Messieurs,
Avant de répondre à votre question, je dois d'abord vous adresser des excuses pour ne pas être, aujourd'hui, avec vous chez moi, au Futuroscope, à Chasseneuil, mais je suis retenu toute la journée à l'Hôtel Matignon. J'ai bien entendu vos interpellations, vos interrogations. Je voudrais d'abord vous rassurer sur un point : le rôle des chambres d'agriculture, le rôle, d'une manière générale, du fait consulaire dans notre organisation d'une République décentralisée, décentralisée sur ses territoires, mais aussi décentralisée avec la société civile. Personne n'a le monopole de l'intérêt général. L'État n'a pas le monopole de l'intérêt général ; les établissements publics que vous représentez, sont aussi porteurs d'intérêt général. Et cette double légitimité que vous avez, celle de l'élection d'une part, parce que vous êtes les représentants des agriculteurs, mais aussi parce qu'avec les formes de collèges qui sont organisés, l'ensemble de l'agriculture peut se sentir représentée dans les Chambres d'agriculture, vous êtes aussi établissement public, c'est-à-dire porteur d'une part de la puissance publique. Et je pense vraiment que le fait consulaire doit être un élément dynamique, qui doit avoir davantage de responsabilités dans l'organisation économique et sociale de notre pays. Je comprends bien que vous ayez des interrogations pour l'avenir de l'agriculture. D'abord, je voudrais donner un message simple "n'ayez pas peur". Vous n'êtes pas les seuls à vivre des mutations rapides et profondes. Regardez les enseignants, regardez l'école, elle est très différente aujourd'hui, d'il y a quinze ans ou vingt ans. Regardez la médecine, la santé : elle est très différente qu'il y a dix ou quinze ans. Regardez l'industrie, les technologies, le numérique, regardez comme tout change dans notre société. Donc il faut s'adapter en permanence, et donc la mutation est une sorte de règle de vie qu'il faut maintenant anticiper. Je sais bien que cela fait déjà de nombreuses années, des décennies, que l'agriculture est en mouvement. Elle a eu sa révolution de la productivité ; elle a eu sa révolution de la qualité ; elle a eu beaucoup de mutations. Mais c'est aujourd'hui, une des règles du monde moderne, que d'avoir à anticiper en permanence, pour tracer un avenir. L'agriculture a un avenir en France, parce que la France souhaite rester une puissance agricole. C'est un élément important de la stratégie nationale. L'agriculture n'est pas une activité périphérique, une activité subalterne, pour occuper un certain nombre de Français. L'agriculture fait partie de la stratégie nationale de puissance de la France. Nous avons donc besoin de moderniser, de valoriser, de faire en sorte que notre économie agricole soit puissante, juste et bien répartie sur l'ensemble de notre territoire. Il y a une vocation agricole de la France qu'il nous faut assumer.
Alors quelles sont les pistes de l'avenir ? D'abord, évidemment, continuer les règles de la compétitivité et de la productivité. Je ne fais pas partie de ceux qui voient, dans l'agriculture, seulement un secteur social et qui voudrait que l'agriculture puisse vivre d'assistance. Non, l'agriculture vit aussi de ses performances, de son innovation, de sa capacité à inventer, de sa capacité à ajouter de la valeur. La valeur ajoutée, c'est la stratégie de l'agriculture française. Donc il faut aller dans cette direction-là, évidemment, comme vous savez le faire avec tous les experts que vous rassemblez dans les chambres consulaires, tous ceux qui doivent veiller à ce que ce développement économique soit compatible avec notre environnement, avec les équilibres de la biodiversité, avec ce qui est aujourd'hui une exigence naturelle du citoyen de faire en sorte que les activités économiques s'intègrent à un vivre ensemble largement partagé. Il y a donc là une démarche importante à poursuivre. Il y a aussi, évidemment, des démarches à développer pour valoriser le travail de l'agriculteur, valoriser cette valeur ajoutée humaine d'une agriculture qui veut garder sa dimension humaine, avec aussi sa dimension des territoires qui est très importante. Au fond, l'agriculteur est enraciné et je préfère souvent des entrepreneurs enracinés qu'un certain nombre d'acteurs économiques qui sont gagnés par la "financiarisation" excessive de leurs activités et qui sont un peu nomades, quittant la France pour un oui ou pour un non, et laissant là les emplois. Toute activité enracinée est une activité qui mérite la reconnaissance de la Nation parce qu'elle crée de l'activité au cur de notre société. C'est pour cela que l'agriculture est un fait économique, mais c'est aussi un fait social et un fait d'aménagement du territoire. Il y a, je crois, une perspective d'avenir pour l'agriculture française. Je le dis à Luc GUYAU, dont je connais l'engagement, mais je le dis à chacun et chacune d'entre vous : il nous faut travailler à ces mutations, nous adapter au nouveau contexte européen, mais faire en sorte que ce qui est la vocation de l'agriculture, qui est de nourrir le citoyen, reste une vocation, ambitieuse mais aussi reconnue, avec les exigences de qualité, mais aussi de sécurité, de traçabilité qui sont aujourd'hui les exigences modernes. Il faut réfléchir, à ce projet agricole de la France, de la France de 2010. C'est pour cela que cette Université d'hiver est pour moi très importante.
L'action elle est essentielle pour notre dynamique économique, mais il n'y a d'action juste, d'action vraie sans une pensée. Il faut ensemble, que nous bâtissions la pensée agricole de la France. C'est cette réflexion-là, qu'il faut aujourd'hui faire émerger. Nous en voyons les grandes lignes. Une fois que cette vision sera affirmée, à ce moment-là, l'action sera au rendez-vous de ce que vous pouvez en attendre. Je vous garantis que le président de la République, comme moi-même, comme le ministre de l'Agriculture qui s'exprime devant vous, nous sommes déterminés à ce que l'agriculture française, reste un des piliers essentiels de notre architecture nationale, un des piliers essentiel de notre économie. Non seulement pour pouvoir faire en sorte, qu'il y ait du développement en France, mais aussi pour garder nos capacités exportatrices. Car dans un monde de compétition, il faut savoir aussi être les meilleurs. C'est pour cela que nous avons besoin des agriculteurs. Merci à vous tous.




(source http://www.premier-ministre.gouv.fr, le 19 décembre 2003)