Interview de Mme Nicole Notat, secrétaire générale de la CFDT, dans "Libération" du 20 janvier 2000, sur la menace du MEDEF de quitter les organismes de gestion paritaire de protection sociale et la poursuite des négociations Unédic sur l'assurance chômage.

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Média : Emission Forum RMC Libération - Libération

Texte intégral

Après la décision du Medef (Mouvement des entreprises de France) de se retirer de tous les organismes paritaires de protection sociale le 31 décembre 2000, Libération a interrogé la secrétaire générale de la CFDT, Nicole Notat. Extraits.
Libération : Le Medef a annoncé qu'il quitterait la gestion paritaire des organismes de protection sociale avant la fin de l'année 2000 si l'on ne parvenait pas à "refonder" d'ici là une "nouvelle constitution sociale". Est-ce une bonne ou une mauvaise nouvelle pour la CFDT ?
Nicole Notat : Si l'on se rappelle qu'il y a quelques semaines la menace du Medef de déserter les organismes paritaires et le terrain contractuel était réelle, la nouvelle est plutôt bonne. La forme prise pour renouer le dialogue est, par contre, contestable. Elle vise à créer l'événement, à faire choc.
En menaçant de partir, le Medef se met en position de force dans la négociation...
Il apparaît ainsi sur la ligne de départ. Je suis curieuse de voir ce que cela donnera à l'arrivée. Car le Medef est maintenant au pied du mur : il doit faire la preuve de sa volonté affichée de déboucher sur de nouveaux compromis.
On a l'impression qu'il n'y a pas beaucoup de contenu dans leur "nouvelle constitution sociale".
Cette analyse n'est pas fausse. Pour autant, quand on examine les résolutions qu'a adoptées le Medef, on voit poindre quelques velléités assez claires, traduisant une vision libérale de l'économie. Ce qui n'est pas vraiment une surprise. La confrontation sera, sans aucun doute, sportive. ()
Le Medef reproche à l'Etat de toujours empiéter sur le terrain des relations sociales. Partagez-vous cet avis ?
Sur les 35 heures, le Medef récolte ce qu'il a semé. Faute d'avoir suffisamment occupé le terrain de la négociation sociale, le législateur l'a fait. Aujourd'hui je me réjouis de voir le Medef adopter un programme de négociation interprofessionnelle. Il y a deux ans il ne voulait plus en entendre parler. Le vrai sujet est de définir l'espace contractuel et l'espace de la loi, qu'il ne faut pas opposer, mais mieux articuler. Il ne s'agit pas de bloquer le pouvoir d'impulsion de l'Etat, mais de laisser les partenaires sociaux mener la négociation. On évitera alors les conflits de prérogatives.
Cela signifie, notamment, que le Parlement devrait avaliser, quasiment sans l'amender, le résultat d'une négociation.
C'est ce qui se fait depuis que la politique contractuelle existe ! Rappelez-vous, la grande loi de 1971 sur la formation professionnelle permanente a été précédée d'un accord professionnel. Ce fut aussi le cas sur les contrats précaires en 1991, quand le CNPF a proposé l'ouverture d'une négociation, avant même que le législateur ne s'en saisisse.
Si le législateur intervient, n'est-ce pas parce que le rapport des forces est souvent défavorable aux salariés ?
Sans rapport de force, la loi a aussi peu de chances de s'appliquer. Cette pratique peut même entretenir la faiblesse des acteurs sociaux.

(Source http://www,cfdt,fr, le 22 janvier 2000)