Texte intégral
Chers Amis,
Chers Camarades,
J'entends dire, ici ou là, à droite comme à gauche : " Monsieur le président de la République, changeons de Premier inistre ! ". Est-ce bien le problème ? Qui peut donc croire que, toutes choses égales par ailleurs, un autre Premier ministre - Nicolas Sarkozy, François Fillon ou tout autre - ferait mieux que
Jean-Pierre Raffarin ,?
Car oui, la France va mal ! Oui, les français sont inquiets ! Oui, les perspectives électorales sont alarmantes ! Mais le problème n'est pas qu'un problème de personne. Le problème est avant tout un problème d'orientation politique. Alors, à mon tour, j'interpelle publiquement le Président de la République pour lui dire : " Monsieur le président de la République, changez de politique ! Abandonnez cette politique qui depuis tant d'années appauvrit la France, augmente le chômage et les inégalités, accroît, comme vous avez su le dire en son temps, la fracture sociale ! ". Mais je suis sans illusion. Je sais que la droite au pouvoir n'entendra jamais cette interpellation.
Certes, avec l'Allemagne, la France vient de desserrer passagèrement le carcan du pacte de stabilité budgétaire. On ne peut que s'en réjouir, car sans ce ballon d'oxygène, c'était la récession assurée et des dizaines de milliers de chômeurs supplémentaires. Cependant, toutes les déclarations qui ont entouré cette décision montrent qu'il ne s'agit que d'une mesure circonstancielle, quasiment prise le couteau sous la gorge. Aucune réflexion de fond n'a été amorcée pour tirer les enseignements structurels et durables de cette situation. Les deux économies les plus puissantes de la zone euro se trouvent simultanément en panne.
Que faut-il faire pour relancer la croissance et l'emploi ? Voilà, la bonne question ! S'affranchir ponctuellement des contraintes adoptées à Maastricht n'est pas une réponse suffisante. Ce n'est qu'une réponse d'attente et d'urgence.
Nos experts, ou ceux réputés tels, en conviennent le plus souvent. Alors, ils attendent, non pas le messie mais la reprise, une reprise qui doit nous venir d'Amérique. Je crains que cette reprise d'Amérique ressemble fort à l'oncle d'Amérique. J'ai peur que cette reprise ne soit qu'un mythe, un mirage ! Les Etats-Unis ont leurs déséquilibres, leurs déficits, leurs engagements. Ils entraînent le monde dans leurs problèmes. Et puis, si les Etats-Unis connaissent actuellement une certaine reprise, cette reprise crée peu d'emplois. D'ailleurs, pour une part, cette reprise est due à la baisse du dollar par rapport à l'euro, et donc à l'augmentation de nos coûts à l'exportation. Or, notre problème, le problème de la société française, c'est d'abord et avant tout l'emploi ! Le chômage dissout le lien social ! Le chômage ravage le pays tout entier ! Le chômage est le fléau qui frappe notre jeunesse dans son présent comme dans son espérance !
Arrêtons de rêver sur des chimères ultra-marines ! La relance de l'économie en France passe par une politique économique volontariste, où l'on sait s'endetter pour investir dans des productions d'avenir. Nous avons déjà la politique agricole commune. Elle est menacée. Il faut la maintenir. Mais, il faut surtout élaborer et mettre en oeuvre une politique industrielle, qui ne se limite pas à édicter des empêchements au nom d'une vision étroite de la concurrence. Elle doit d'abord être nationale pour répondre aux besoins du peuple. Mais, elle peut aussi être coordonnée au niveau de l'Europe, pourvu que son efficacité ne soit pas anéantie par le dogmatisme libéral de la commission de Bruxelles, conforté par le hold-up juridique permanent de la Cour de Luxembourg sur les dernières marges de manoeuvres démocratiques des Etats.
Contrairement à ce modèle européen communautaire catastrophique, la coopération intergouvernementale, elle, a depuis longtemps permis de belles réussites. Ariane et Airbus en sont les meilleures illustrations. Oui à la libre et fructueuse coopération entre les nations ! Non à l'enfermement des peuples dans l'idéologie euro-libérale paralysante, et la fuite-en-avant juridique qui lui fait droit !
Car, enfin, quand un système marche, même s'il n'est pas conforme à l'idéologie à la mode, pourquoi le casser ? La France a inventé le service public. Depuis bientôt soixante ans, les PTT, la SNCF, EDF, la RATP, GDF et quelques autres encore ont entraîné toute l'industrie française, ont impulsé toute l'économie française, ont irrigué tout le territoire français, ont bien souvent porté à la pointe de la technologie mondiale notre pays. Pourquoi aujourd'hui les démanteler ? On nous dit que les conditions ont changé. Peut-être, mais les réseaux restent des réseaux et, pour y introduire la concurrence, il faut se livrer à des montages extravagants. Et en plus ça ne marche pas ! En Grande-Bretagne, les trains déraillent. Aux Etats-Unis, les grandes pannes d'électricité se multiplient. En France, un cinquième du pays n'est toujours pas desservi par le téléphone portable. Mais, il est vrai que les actionnaires y trouvent leur profit.
Comment ne pas dire un mot de l'industrie d'armement ? GIAT-Industrie est dans une spirale qui devrait conduire à sa totale disparition d'ici cinq ou six ans. Pour la première fois, depuis le commencement des temps, l'armée de terre française n'aurait pas pour son équipement sa propre industrie. Bien sûr, nous essayons d'alerter tout azimut. Mais, comment ne pas voir que cette disparition s'inscrit dans un contexte inquiétant ? Les entreprises américaines achètent une par une méthodiquement les entreprises européennes d'armement. Les privatisations leur facilitent bien évidemment le travail. Déjà, les montants des budgets de la défense creusaient l'écart entre les équipements des armées. Bientôt, les Etats-Unis risquent de s'assurer le monopole des industries de défense. " Si tu veux la paix, prépare la guerre ", dit l'adage qui nous vient de la sagesse antique. " Si tu veux rester indépendant, fabrique les armes de ton indépendance ", devrait nous dire un précepte de la sagesse moderne.
Mais ne comptons pas sur la construction européenne pour nous protéger des ravages de la mondialisation. Nous ne pouvons compter que sur nos propres forces, que sur les forces de la nation française. Deux exemples, parmi beaucoup d'autres, illustrent ce point de vue. Dans le récent débat sur le pacte de stabilité budgétaire, l'Espagne a osé voter contre la France et l'Allemagne. Pourtant, depuis plus de vingt ans, année après année, ces deux pays, grâce aux fonds structurels, ont permis à l'Espagne de sortir de son sous-développement historique. Ce n'est pas l'Europe qui l'a permis, comme ont l'entend dire par les européistes béats, l'Europe n'a été qu'un intermédiaire. Seul les pays contributeurs nets au budget européen, comme la France et surtout l'Allemagne, ont permis à l'Espagne de recevoir cette véritable manne. On aurait attendu de l'Espagne, un peu de décence, au moins sur l'abstention. Mais, il fallait que le Gouvernement espagnol montre à son protecteur américain qu'il punissait, lui aussi, la France et l'Allemagne pour leur attitude vis-à-vis de la guerre en Irak.
De même, au début de l'année, l'encre du traité d'adhésion de la Pologne à l'Union Européenne n'était pas encore sèche que ce pays annonçait qu'il achetait aux Etats-Unis des chasseurs pour équiper son aviation militaire. Deux appareils équivalents sont construits en Europe l'un, le Rafale, par la France, l'autre, l'Eurofighter, par divers autre pays. Si la Pologne avait été décente et, comme elle le prétend européenne, elle aurait commandé l'un de ces deux appareils. Car, c'est bien des autres pays européens, dont la France, qu'elle va recevoir des fonds structurels pour la moderniser. En quelque sorte, en caricaturant, par un jeu de vases communicant, ces fonds structurels européens vont lui permettre d'acheter des avions américains.
Je sais que l'ingratitude et le cynisme passent pour des vertus politiques. Mais, quand même, il y a des limites.
Tous ces faits nous montrent que l'élargissement et le traité constitutionnel, préparé par Valéry Giscard d'Estaing, ne sont que fuites en avant, que sauts dans le brouillard. Ils ne peuvent que ligoter la France et s'attaquer à nos acquis les plus précieux, à commencer par nos acquis sociaux. Aussi, les votes du Parlement ne peuvent suffire pour engager démocratiquement notre pays. Le peuple français tout entier doit être amené à en débattre et à se prononcer, conformément à la constitution de la République. Nous demandons un référendum, précédé d'une véritable campagne au cours de laquelle tous les points de vue pourront s'exprimer équitablement.
Un point de ce débat ne doit pas être oublié : celui de la laïcité. Aujourd'hui, en Europe, la France est le seul pays qui vit selon le principe de la laïcité, le seul pays dans lequel la religion appartient à la seule sphère du privé. Dans tous les autres existe une religion d'Etat ou un système concordataire. Bien sûr, ils connaissent un régime de tolérance. Mais, précisément, la tolérance finit par tolérer l'intolérable, c'est-à-dire le communautarisme. L'espace public est alors envahi et la liberté individuelle menacée. Nous le voyons bien avec le débat actuel sur les signes religieux ostentatoires. Il s'agit d'empêcher qu'une catégorie de Français se mette ostensiblement à part au nom de la religion et des origines ethniques. Il s'agit aussi d'empêcher que des femmes portent le signe d'une prétendue infériorité de leur sexe.
Nous ne voulons pas imposer la laïcité aux autres pays européens. Nous ne pensons pas que la laïcité puisse s'exporter par la contrainte. En revanche, nous la leur proposons, parce qu'elle constitue le principe qui permet de vivre ensemble dans le respect des diversités. En attendant qu'ils en soient convaincus, nous voulons que soit respectée notre République laïque, qu'elle ne soit pas démantelée par quelques juges au nom d'une charte des droits fondamentaux.
Chers amis, chers camarades,
Nous le voyons tous. La République est menacée. Malheureusement, une grande partie de la gauche est empêtrée dans son social libéralisme et dans son européisme. Le Parti socialiste n'arrive pas à se sortir de ses compromissions avec le marché et avec la mondialisation libérale. Le Parti communiste se survit de plus en plus difficilement. Alors, avec Jean-Pierre Chevènement, nous avons voulu donner, aux citoyens de ce pays, un instrument, le MRC, le Mouvement républicain et citoyen, pour rénover la gauche, pour que la gauche soit à nouveau la gauche, c'est-à-dire républicaine, sociale, laïque et patriotique, capable de maîtriser la mondialisation libérale.
Le combat est rude. Tous les pouvoirs installés finissent par se résigner à l'effacement de la France, à son engloutissement dans une Europe libérale. Mais, ce combat est nécessaire, parce que le monde a besoin de la France, et parce que les Français ont besoin de la France et de sa République pour les protéger dans les tempêtes de la mondialisation. Alors, notre programme se confond avec la République. Nous devons être nombreux à nous réunir autour de ce thème, parce que la France a besoin de tous ses citoyens, a besoin que tous ses citoyens prennent une part active à la rénovation de la République.
Nécessaire, notre combat n'est pas vain.
D'abord parce que nous sommes portés par la longue tradition historique dans laquelle nous nous inscrivons : la tradition de la République sociale. Nous sommes les héritiers directs de ce courant républicain qui a su faire de l'unité de la France, construite par les rois, une unité républicaine garantissant l'égalité des citoyens en droits et en devoirs. Cette tradition républicaine qui a forgé une société politique démocratique et laïque. Ce courant Républicain qui a permis une authentique démocratie de citoyens éclairés en bâtissant l'école de la République. Nous sommes aussi les héritiers du grand courant social, de Jaurès, Blum, Mendes France, qui a construit en France une économie mixte, où l'Etat-stratège fixe un cap à l'industrie, où les services publics permettent aux intérêts vitaux des citoyens d'échapper à la logique court-termiste et inégalitaire du marché.
C'est parce que nous incarnons cet héritage de la République sociale, dont le Conseil national de la Résistance était une belle illustration, fondatrice de la France performante et solidaire de la Libération, que nous avons une place inaliénable dans le paysage politique et l'avenir de ce pays.
Car plus que jamais, les valeurs et les idées dont nous nous réclamons, et que nous sommes désormais les seuls à assumer fidèlement, sont d'actualité.
A l'heure où la mondialisation engendre une anomie sociale et politique déstabilisatrice, où les acquis sociaux sont menacés, où la République est ébranlée, notre projet est plus que jamais une réponse, puisqu'il fait de l'égalité des citoyens et de leur souveraineté l'instrument d'une reconquête démocratique et sociale. Ce courant républicain et social, très présent dans l'esprit de beaucoup de citoyen, nécessite un outil, un catalyseur de volontés et de projet, et c'est cela notre mission. Car il est clair qu'on ne peut compter ni sur les sociaux-libéraux blairistes, ni sur l'extrême gauche.
Je vous remercie.
(Source http://www.mrc-France.org, le 3 décembre 2003)
Chers Camarades,
J'entends dire, ici ou là, à droite comme à gauche : " Monsieur le président de la République, changeons de Premier inistre ! ". Est-ce bien le problème ? Qui peut donc croire que, toutes choses égales par ailleurs, un autre Premier ministre - Nicolas Sarkozy, François Fillon ou tout autre - ferait mieux que
Jean-Pierre Raffarin ,?
Car oui, la France va mal ! Oui, les français sont inquiets ! Oui, les perspectives électorales sont alarmantes ! Mais le problème n'est pas qu'un problème de personne. Le problème est avant tout un problème d'orientation politique. Alors, à mon tour, j'interpelle publiquement le Président de la République pour lui dire : " Monsieur le président de la République, changez de politique ! Abandonnez cette politique qui depuis tant d'années appauvrit la France, augmente le chômage et les inégalités, accroît, comme vous avez su le dire en son temps, la fracture sociale ! ". Mais je suis sans illusion. Je sais que la droite au pouvoir n'entendra jamais cette interpellation.
Certes, avec l'Allemagne, la France vient de desserrer passagèrement le carcan du pacte de stabilité budgétaire. On ne peut que s'en réjouir, car sans ce ballon d'oxygène, c'était la récession assurée et des dizaines de milliers de chômeurs supplémentaires. Cependant, toutes les déclarations qui ont entouré cette décision montrent qu'il ne s'agit que d'une mesure circonstancielle, quasiment prise le couteau sous la gorge. Aucune réflexion de fond n'a été amorcée pour tirer les enseignements structurels et durables de cette situation. Les deux économies les plus puissantes de la zone euro se trouvent simultanément en panne.
Que faut-il faire pour relancer la croissance et l'emploi ? Voilà, la bonne question ! S'affranchir ponctuellement des contraintes adoptées à Maastricht n'est pas une réponse suffisante. Ce n'est qu'une réponse d'attente et d'urgence.
Nos experts, ou ceux réputés tels, en conviennent le plus souvent. Alors, ils attendent, non pas le messie mais la reprise, une reprise qui doit nous venir d'Amérique. Je crains que cette reprise d'Amérique ressemble fort à l'oncle d'Amérique. J'ai peur que cette reprise ne soit qu'un mythe, un mirage ! Les Etats-Unis ont leurs déséquilibres, leurs déficits, leurs engagements. Ils entraînent le monde dans leurs problèmes. Et puis, si les Etats-Unis connaissent actuellement une certaine reprise, cette reprise crée peu d'emplois. D'ailleurs, pour une part, cette reprise est due à la baisse du dollar par rapport à l'euro, et donc à l'augmentation de nos coûts à l'exportation. Or, notre problème, le problème de la société française, c'est d'abord et avant tout l'emploi ! Le chômage dissout le lien social ! Le chômage ravage le pays tout entier ! Le chômage est le fléau qui frappe notre jeunesse dans son présent comme dans son espérance !
Arrêtons de rêver sur des chimères ultra-marines ! La relance de l'économie en France passe par une politique économique volontariste, où l'on sait s'endetter pour investir dans des productions d'avenir. Nous avons déjà la politique agricole commune. Elle est menacée. Il faut la maintenir. Mais, il faut surtout élaborer et mettre en oeuvre une politique industrielle, qui ne se limite pas à édicter des empêchements au nom d'une vision étroite de la concurrence. Elle doit d'abord être nationale pour répondre aux besoins du peuple. Mais, elle peut aussi être coordonnée au niveau de l'Europe, pourvu que son efficacité ne soit pas anéantie par le dogmatisme libéral de la commission de Bruxelles, conforté par le hold-up juridique permanent de la Cour de Luxembourg sur les dernières marges de manoeuvres démocratiques des Etats.
Contrairement à ce modèle européen communautaire catastrophique, la coopération intergouvernementale, elle, a depuis longtemps permis de belles réussites. Ariane et Airbus en sont les meilleures illustrations. Oui à la libre et fructueuse coopération entre les nations ! Non à l'enfermement des peuples dans l'idéologie euro-libérale paralysante, et la fuite-en-avant juridique qui lui fait droit !
Car, enfin, quand un système marche, même s'il n'est pas conforme à l'idéologie à la mode, pourquoi le casser ? La France a inventé le service public. Depuis bientôt soixante ans, les PTT, la SNCF, EDF, la RATP, GDF et quelques autres encore ont entraîné toute l'industrie française, ont impulsé toute l'économie française, ont irrigué tout le territoire français, ont bien souvent porté à la pointe de la technologie mondiale notre pays. Pourquoi aujourd'hui les démanteler ? On nous dit que les conditions ont changé. Peut-être, mais les réseaux restent des réseaux et, pour y introduire la concurrence, il faut se livrer à des montages extravagants. Et en plus ça ne marche pas ! En Grande-Bretagne, les trains déraillent. Aux Etats-Unis, les grandes pannes d'électricité se multiplient. En France, un cinquième du pays n'est toujours pas desservi par le téléphone portable. Mais, il est vrai que les actionnaires y trouvent leur profit.
Comment ne pas dire un mot de l'industrie d'armement ? GIAT-Industrie est dans une spirale qui devrait conduire à sa totale disparition d'ici cinq ou six ans. Pour la première fois, depuis le commencement des temps, l'armée de terre française n'aurait pas pour son équipement sa propre industrie. Bien sûr, nous essayons d'alerter tout azimut. Mais, comment ne pas voir que cette disparition s'inscrit dans un contexte inquiétant ? Les entreprises américaines achètent une par une méthodiquement les entreprises européennes d'armement. Les privatisations leur facilitent bien évidemment le travail. Déjà, les montants des budgets de la défense creusaient l'écart entre les équipements des armées. Bientôt, les Etats-Unis risquent de s'assurer le monopole des industries de défense. " Si tu veux la paix, prépare la guerre ", dit l'adage qui nous vient de la sagesse antique. " Si tu veux rester indépendant, fabrique les armes de ton indépendance ", devrait nous dire un précepte de la sagesse moderne.
Mais ne comptons pas sur la construction européenne pour nous protéger des ravages de la mondialisation. Nous ne pouvons compter que sur nos propres forces, que sur les forces de la nation française. Deux exemples, parmi beaucoup d'autres, illustrent ce point de vue. Dans le récent débat sur le pacte de stabilité budgétaire, l'Espagne a osé voter contre la France et l'Allemagne. Pourtant, depuis plus de vingt ans, année après année, ces deux pays, grâce aux fonds structurels, ont permis à l'Espagne de sortir de son sous-développement historique. Ce n'est pas l'Europe qui l'a permis, comme ont l'entend dire par les européistes béats, l'Europe n'a été qu'un intermédiaire. Seul les pays contributeurs nets au budget européen, comme la France et surtout l'Allemagne, ont permis à l'Espagne de recevoir cette véritable manne. On aurait attendu de l'Espagne, un peu de décence, au moins sur l'abstention. Mais, il fallait que le Gouvernement espagnol montre à son protecteur américain qu'il punissait, lui aussi, la France et l'Allemagne pour leur attitude vis-à-vis de la guerre en Irak.
De même, au début de l'année, l'encre du traité d'adhésion de la Pologne à l'Union Européenne n'était pas encore sèche que ce pays annonçait qu'il achetait aux Etats-Unis des chasseurs pour équiper son aviation militaire. Deux appareils équivalents sont construits en Europe l'un, le Rafale, par la France, l'autre, l'Eurofighter, par divers autre pays. Si la Pologne avait été décente et, comme elle le prétend européenne, elle aurait commandé l'un de ces deux appareils. Car, c'est bien des autres pays européens, dont la France, qu'elle va recevoir des fonds structurels pour la moderniser. En quelque sorte, en caricaturant, par un jeu de vases communicant, ces fonds structurels européens vont lui permettre d'acheter des avions américains.
Je sais que l'ingratitude et le cynisme passent pour des vertus politiques. Mais, quand même, il y a des limites.
Tous ces faits nous montrent que l'élargissement et le traité constitutionnel, préparé par Valéry Giscard d'Estaing, ne sont que fuites en avant, que sauts dans le brouillard. Ils ne peuvent que ligoter la France et s'attaquer à nos acquis les plus précieux, à commencer par nos acquis sociaux. Aussi, les votes du Parlement ne peuvent suffire pour engager démocratiquement notre pays. Le peuple français tout entier doit être amené à en débattre et à se prononcer, conformément à la constitution de la République. Nous demandons un référendum, précédé d'une véritable campagne au cours de laquelle tous les points de vue pourront s'exprimer équitablement.
Un point de ce débat ne doit pas être oublié : celui de la laïcité. Aujourd'hui, en Europe, la France est le seul pays qui vit selon le principe de la laïcité, le seul pays dans lequel la religion appartient à la seule sphère du privé. Dans tous les autres existe une religion d'Etat ou un système concordataire. Bien sûr, ils connaissent un régime de tolérance. Mais, précisément, la tolérance finit par tolérer l'intolérable, c'est-à-dire le communautarisme. L'espace public est alors envahi et la liberté individuelle menacée. Nous le voyons bien avec le débat actuel sur les signes religieux ostentatoires. Il s'agit d'empêcher qu'une catégorie de Français se mette ostensiblement à part au nom de la religion et des origines ethniques. Il s'agit aussi d'empêcher que des femmes portent le signe d'une prétendue infériorité de leur sexe.
Nous ne voulons pas imposer la laïcité aux autres pays européens. Nous ne pensons pas que la laïcité puisse s'exporter par la contrainte. En revanche, nous la leur proposons, parce qu'elle constitue le principe qui permet de vivre ensemble dans le respect des diversités. En attendant qu'ils en soient convaincus, nous voulons que soit respectée notre République laïque, qu'elle ne soit pas démantelée par quelques juges au nom d'une charte des droits fondamentaux.
Chers amis, chers camarades,
Nous le voyons tous. La République est menacée. Malheureusement, une grande partie de la gauche est empêtrée dans son social libéralisme et dans son européisme. Le Parti socialiste n'arrive pas à se sortir de ses compromissions avec le marché et avec la mondialisation libérale. Le Parti communiste se survit de plus en plus difficilement. Alors, avec Jean-Pierre Chevènement, nous avons voulu donner, aux citoyens de ce pays, un instrument, le MRC, le Mouvement républicain et citoyen, pour rénover la gauche, pour que la gauche soit à nouveau la gauche, c'est-à-dire républicaine, sociale, laïque et patriotique, capable de maîtriser la mondialisation libérale.
Le combat est rude. Tous les pouvoirs installés finissent par se résigner à l'effacement de la France, à son engloutissement dans une Europe libérale. Mais, ce combat est nécessaire, parce que le monde a besoin de la France, et parce que les Français ont besoin de la France et de sa République pour les protéger dans les tempêtes de la mondialisation. Alors, notre programme se confond avec la République. Nous devons être nombreux à nous réunir autour de ce thème, parce que la France a besoin de tous ses citoyens, a besoin que tous ses citoyens prennent une part active à la rénovation de la République.
Nécessaire, notre combat n'est pas vain.
D'abord parce que nous sommes portés par la longue tradition historique dans laquelle nous nous inscrivons : la tradition de la République sociale. Nous sommes les héritiers directs de ce courant républicain qui a su faire de l'unité de la France, construite par les rois, une unité républicaine garantissant l'égalité des citoyens en droits et en devoirs. Cette tradition républicaine qui a forgé une société politique démocratique et laïque. Ce courant Républicain qui a permis une authentique démocratie de citoyens éclairés en bâtissant l'école de la République. Nous sommes aussi les héritiers du grand courant social, de Jaurès, Blum, Mendes France, qui a construit en France une économie mixte, où l'Etat-stratège fixe un cap à l'industrie, où les services publics permettent aux intérêts vitaux des citoyens d'échapper à la logique court-termiste et inégalitaire du marché.
C'est parce que nous incarnons cet héritage de la République sociale, dont le Conseil national de la Résistance était une belle illustration, fondatrice de la France performante et solidaire de la Libération, que nous avons une place inaliénable dans le paysage politique et l'avenir de ce pays.
Car plus que jamais, les valeurs et les idées dont nous nous réclamons, et que nous sommes désormais les seuls à assumer fidèlement, sont d'actualité.
A l'heure où la mondialisation engendre une anomie sociale et politique déstabilisatrice, où les acquis sociaux sont menacés, où la République est ébranlée, notre projet est plus que jamais une réponse, puisqu'il fait de l'égalité des citoyens et de leur souveraineté l'instrument d'une reconquête démocratique et sociale. Ce courant républicain et social, très présent dans l'esprit de beaucoup de citoyen, nécessite un outil, un catalyseur de volontés et de projet, et c'est cela notre mission. Car il est clair qu'on ne peut compter ni sur les sociaux-libéraux blairistes, ni sur l'extrême gauche.
Je vous remercie.
(Source http://www.mrc-France.org, le 3 décembre 2003)