Texte intégral
La "main tendue" pour reprendre la formule de G. Bush à la France doit elle quelque chose à l'arrestation de S. Hussein ? Le procès du dictateur, qui pourrait ne ménager ni les Américains ni les Français, pour ne citer que ceux là, augurerait il d'une réconciliation franco américaine ? L'émissaire de Georges. Bush, l'ancien secrétaire d'Etat James Baker, sera reçu aujourd'hui par Jacques. Chirac, alors que la délégation du Conseil de gouvernement irakien est en visite en France. Tout arrive en même temps : la main tendue de Georges Bush, la France qui annonce qu'elle envisage en effet de réduire une partie de la dette irakienne. Y a t il un lien de cause à effet entre l'arrestation de Saddam Hussein et ces événements ?
"Ce qui arrive, c'est d'abord une bonne nouvelle. Une très bonne nouvelle : l'arrestation de Saddam Hussein, c'est d'abord la délivrance du peuple irakien, qui voit ainsi capturé le tyran qui l'a martyrisé pendant des années, pendant trente ans je crois. On se souvient qu'à la suite de la prise de Bagdad, on a découvert des charniers un peu partout en Irak. C'est ensuite une chance supplémentaire pour la pacification de l'Irak, parce que Saddam a sans doute contribué à l'organisation du terrorisme contre les troupes de la coalition et contre les Irakiens eux mêmes."
Imaginez vous que cela puisse être un procès difficile, délicat, que celui de Saddam Hussein ? Cet homme peut dire des tas de choses et mettre en cause beaucoup de monde ?
"Pourquoi aurait on peur de Saddam Hussein ?! Franchement, je ne vois pas qui peut craindre quelque chose de ce dictateur déchu. Il faut que ce procès ait lieu, bien entendu, avec les garanties démocratiques auxquelles a droit tout prévenu, tout accusé. Mais le procès doit avoir lieu."
Et doit il avoir lieu, selon vous, en Irak ?
"C'est aux responsables de l'apprécier. Je pense que les Irakiens auront à coeur de juger son tyran."
Mais pourquoi maintenant, alors que tout était bloqué, tout était verrouillé, pourquoi assiste t on à quelque chose qui semble, en peu de temps, changer ? Est ce que le Président Bush a en effet là une opportunité de modifier la politique américaine et son rapport avec l'Union européenne, singulièrement avec la France ?
"C'est évidemment une opportunité. Mais vous avez vu que la réaction du Président américain était assez prudente, parce que les emballements médiatiques sont vraiment la caractéristique de notre société. On s'imagine ce matin que tout est réglé. Je ne suis pas sûr que tout soit réglé. D'ailleurs, les attentats terroristes se poursuivent. Quand on voit comment Saddam Hussein a été capturé, dans un trou à rat, on se dit qu'il n'était peut être pas le seul à organiser les attentats terroristes qui se succèdent depuis des mois. Donc il y a encore beaucoup de travail à faire pour aller dans la double direction que souhaite la diplomatie française : d'abord rendre leur souveraineté aux Irakiens, tout dépend de cela ; et ensuite, impliquer l'ensemble de la communauté internationale, l'Organisation des Nations unies et l'ensemble des grandes puissances, dans la recherche d'une solution. Que le Président des Etats Unis saisisse l'occasion pour relancer ce processus de pacification, c'est heureux."
Quels types de signes voyez vous dans la venue de James Baker aujourd'hui ?
"De part et d'autre de l'Atlantique, on cherche bien entendu à sortir de ce qui a été non pas une confrontation, mais une incompréhension en tout cas entre nos deux pays. Et je pense que ce sera utile pour tout le monde : la France peut jouer un rôle positif dans la reconstruction de l'Irak, les Etats Unis ne peuvent pas y arriver tous seuls. Et je crois que les gens raisonnables ont pris conscience de cette situation."
Y compris quand J. Talabani, le président sortant du Conseil du gouvernement dit aux autorités françaises qu'en effet, les entreprises ne peuvent pas être écartées aussi longtemps qu'elles seront concurrentielles par aux autres évidemment ?
"Bien entendu. On demande à la France d'effacer une partie de sa dette vis à vis de l'Irak. Donc cela veut dire que la France est partie prenante dans ce processus de reconstruction. On ne peut pas imaginer qu'elle soit stigmatisée pour avoir pris une position dont on se rend compte aujourd'hui, a posteriori, qu'elle n'est peut être pas dénuée de fondements. Parce que la solution de la crise irakienne n'est pas venue comme ça, du jour au lendemain, du seul fait de l'intervention de la coalition sur le terrain irakien."
Hier, nous mettions en parallèle ce que nous pouvions appeler une "crise européenne"... C'est une réussite pour G. Bush et un échec pour l'Europe, c'est comme cela que vous voyez les choses ?
"Je ne suis pas sûr que l'on puisse, au delà de la coïncidence de dates, mettre les deux choses en parallèle. C'est un échec, que je regrette pour ma part, parce qu'avec l'élargissement, il était indispensable de progresser dans l'amélioration du fonctionnement de l'Union européenne et, surtout, dans la recherche de proximité. Il faut arriver à convaincre les Européens, en particulier les Français, que l'Europe leur apporte des choses positives dans leur vie quotidienne. Quand on parle de l'Europe, on ne parle que des ennuis que nous crée l'Europe, on ne parle jamais des plus qu'elle nous apporte ! Quand il m'arrive d'inaugurer à Bordeaux un certain nombre d'équipements, une piscine ou un palais des congrès, j'ai toujours à coeur de citer la participation de l'Union européenne, qui nous apporte des crédits. Bref, l'Europe peut être, dans bien des domaines, un plus. Et c'est cela qui est dommage. C'est une occasion ratée. Ce n'est pas un blocage, l'Europe continue à fonctionner bien entendu, le traité de Nice s'applique. Je vous rappelle d'ailleurs que s'il y avait eu un rapport avant hier à Bruxelles, les nouvelles dispositions étaient prévues pour 2009, donc on a encore du temps devant nous. Et je souhaite que l'on sorte de cet affrontement qui a été tout à fait négatif à Bruxelles."
Edouard Balladur suggère que l'on cesse maintenant tout élargissement de l'Europe, aussi longtemps que la question de la Constitution n'est pas résolue ?
"Il faut respecter les engagements que nous avons pris. Nous avons dit à la Bulgarie et à la Roumanie que le jour où elles seraient prêtes, le jour où elles auraient rempli les conditions fixées à leur adhésion, nous les recevrions dans la famille. Il ne faut pas lier les deux : l'élargissement est décidé, il a été ratifié par l'Assemblée nationale, il aura lieu le 1er mai prochain. Cela ne rend effectivement que plus nécessaire la modification de nos institutions. Et comme le président de la République l'a dit, ce que cet échec révèle, c'est malgré tout et c'est pour cela qu'il ne faut pas non plus le minimiser une différence d'appréciation sur ce que doit faire l'Europe demain. Est ce que c'est simplement un budget qui distribue des subventions, un marché unique qui supprime les barrières douanières ? Ou est ce que c'est une réalité politique, une entité politique capable de prendre des positions sur la scène mondiale, avec sa politique étrangère et avec sa capacité d'intervention extérieure ? Pour nous Français, en tout cas pour moi, c'est la deuxième solution qui est la bonne. Si tout le monde n'adhère pas à cette vision des choses, il ne faut pas que ceux qui ne sont pas prêts empêchent ceux qui veulent aller de l'avant de le faire."
Cela veut dire qu'il faut reposer la question d'une Europe à géométrie variable, dans laquelle le couple franco allemand pourrait en effet recommencer à "tirer les wagons", pour reprendre la formule que l'on a si souvent utilisée ?
"Si vous observez bien ce qui s'est passé, un certain nombre de grands progrès de l'Europe, au cours des dix dernières années, ont été faits, non pas par tout le monde à la fois, mais par les plus ardents. Exemple, en matière de sécurité ou de circulation des personnes, l'accord de Schengen, qui n'était pas un accord de l'Union européenne et qui ensuite y a été transposé. Deuxième exemple, l'euro : les 25 Etats membres de l'Union européenne ne sont pas dans l'euro. Et troisième exemple, parce que l'on a un peu occulté ce qui s'était passé à Bruxelles sur ce plan et qui est très important, la défense : on a décidé à Bruxelles de créer une cellule de planification et de conduite d'opérations autonomes. Cela veut dire que l'Europe, lorsqu'elle pensera avoir intérêt à aller sur des théâtres d'opération, comme cela a été le cas en Macédoine ou au Kosovo, sous ses propres couleurs, pour défendre ses propres intérêts, est en train de se doter des moyens de le faire, et je crois que c'est un acquis très positif. Cela a été décidé par la France, l'Allemagne et la Grande Bretagne, qui s'est associée à cette initiative."
Vous le saviez déjà, mais quand on lit les pages du Parisien, on le découvre : qu'il est dur d'être Premier ministre ! Avez vous lu l'entretien qu'accorde Jean. Pierre Raffarin à nos confrères du Parisien ?
"Je l'ai lu en venant, oui. J'ai apprécié à la fois la clarté des propos du Premier ministre et son courage."
Est ce que l'on peut avancer sur l'idée que se fait le président de la République des jours fériés ou pas ? Vous avez déjà dit ce que vous en pensiez : vous n'êtes pas favorable à l'apparition de deux nouveaux jours fériés supplémentaires ?
"Ce que je voudrais dire d'abord, c'est qu'il ne faut pas réduire le rapport Stasi à cela, parce que ce rapport est extrêmement intéressant. Je l'ai lu de bout en bout, il a été publié par la presse, et ce qui me paraît le plus intéressant, c'est le diagnostic qu'il fait sur la situation actuelle. Il dit qu'il se passe des choses graves à l'heure actuelle dans la société française. Ce rapport écrit qu'il y a des mouvements politico religieux, fanatiques, qui sont en train de mettre en cause un certain nombre de principes fondamentaux auxquels nous tenons : la laïcité, l'égalité de sexes c'est peut être ça encore le plus important, me semble t il , la dignité de la femme et la citoyenneté face au communautarisme. C'est un diagnostic et tout le monde n'était pas d'accord dessus. Il y a encore un mois ou deux, on disait que ce n'était pas grave, qu'après tout, on allait régler tranquillement. Non, il y a quelque chose de sérieux qui est en train de se passer. Et ce rapport propose toute une série de choses. Alors, pour répondre à votre question sur les jours fériés, j'ai déjà eu l'occasion de dire dimanche que c'était une proposition qui me paraissait malencontreuse et tombait à côté de la plaque. On est en train de dire aux Français aujourd'hui que pour manifester leur effort de solidarité vis à vis des personnes âgées, ils vont travailler un peu plus et sacrifier un jour férié. Ce n'est pas le moment d'en créer deux supplémentaires ! On ne comprend pas très bien la logique, même si l'on voit le but de la commission Stasi : c'est de dire attention de ne pas stigmatiser l'islam. L'islam qui respecte les lois de la République est une religion qui mérite la liberté d'expression, naturellement. Mais il y a peut être d'autres moyens de le faire. "
Autre chose qui est aussi important, dans cette société qui essaie d'édicter la montée des communautarismes : faut il ou non poser la question de la discrimination positive ? Est ce un moyen d'éviter le communautarisme ? Est ce que c'est au contraire un risque de le renforcer ?
"Il faut toujours essayer d'expliquer ce qu'il y a derrière les mots. Qu'est ce que cela veut dire, la "discrimination positive", appliquée aux problèmes dont nous traitons le voile etc. ? Cela voudrait dire que du fait de son appartenance à une religion l'islam, ou pourquoi pas le bouddhisme etc. ou à une communauté ethnique d'origine maghrébine ou d'origine asiatique , tel ou tel Français aurait une préférence pour exercer tel ou tel poste dans l'administration ou pour accéder à tel ou tel emploi. Est ce que c'est vraiment conforme au génie français, à la tradition française, aux principes républicains ? Je ne le crois pas. Chez nous, le principe de fond, c'est l'égalité de traitement et l'égalité des chances. Et donc, plutôt que la discrimination positive, je suis favorable à la lutte contre les discriminations et à l'intégration. C'est pour cela que je prône depuis longtemps je crois que le Gouvernement va le faire la création d'une haute autorité pour l'intégration, pour l'élimination des discriminations précisément à l'emploi, au logement, aux loisirs , pour assurer réellement et concrètement, au jour le jour, l'égalité des chances entre tous les Français, qu'ils soient juifs, musulmans, catholiques, bouddhistes ou athées."
(source http://www.u-m-p.org, le 16 décembre 2003)
"Ce qui arrive, c'est d'abord une bonne nouvelle. Une très bonne nouvelle : l'arrestation de Saddam Hussein, c'est d'abord la délivrance du peuple irakien, qui voit ainsi capturé le tyran qui l'a martyrisé pendant des années, pendant trente ans je crois. On se souvient qu'à la suite de la prise de Bagdad, on a découvert des charniers un peu partout en Irak. C'est ensuite une chance supplémentaire pour la pacification de l'Irak, parce que Saddam a sans doute contribué à l'organisation du terrorisme contre les troupes de la coalition et contre les Irakiens eux mêmes."
Imaginez vous que cela puisse être un procès difficile, délicat, que celui de Saddam Hussein ? Cet homme peut dire des tas de choses et mettre en cause beaucoup de monde ?
"Pourquoi aurait on peur de Saddam Hussein ?! Franchement, je ne vois pas qui peut craindre quelque chose de ce dictateur déchu. Il faut que ce procès ait lieu, bien entendu, avec les garanties démocratiques auxquelles a droit tout prévenu, tout accusé. Mais le procès doit avoir lieu."
Et doit il avoir lieu, selon vous, en Irak ?
"C'est aux responsables de l'apprécier. Je pense que les Irakiens auront à coeur de juger son tyran."
Mais pourquoi maintenant, alors que tout était bloqué, tout était verrouillé, pourquoi assiste t on à quelque chose qui semble, en peu de temps, changer ? Est ce que le Président Bush a en effet là une opportunité de modifier la politique américaine et son rapport avec l'Union européenne, singulièrement avec la France ?
"C'est évidemment une opportunité. Mais vous avez vu que la réaction du Président américain était assez prudente, parce que les emballements médiatiques sont vraiment la caractéristique de notre société. On s'imagine ce matin que tout est réglé. Je ne suis pas sûr que tout soit réglé. D'ailleurs, les attentats terroristes se poursuivent. Quand on voit comment Saddam Hussein a été capturé, dans un trou à rat, on se dit qu'il n'était peut être pas le seul à organiser les attentats terroristes qui se succèdent depuis des mois. Donc il y a encore beaucoup de travail à faire pour aller dans la double direction que souhaite la diplomatie française : d'abord rendre leur souveraineté aux Irakiens, tout dépend de cela ; et ensuite, impliquer l'ensemble de la communauté internationale, l'Organisation des Nations unies et l'ensemble des grandes puissances, dans la recherche d'une solution. Que le Président des Etats Unis saisisse l'occasion pour relancer ce processus de pacification, c'est heureux."
Quels types de signes voyez vous dans la venue de James Baker aujourd'hui ?
"De part et d'autre de l'Atlantique, on cherche bien entendu à sortir de ce qui a été non pas une confrontation, mais une incompréhension en tout cas entre nos deux pays. Et je pense que ce sera utile pour tout le monde : la France peut jouer un rôle positif dans la reconstruction de l'Irak, les Etats Unis ne peuvent pas y arriver tous seuls. Et je crois que les gens raisonnables ont pris conscience de cette situation."
Y compris quand J. Talabani, le président sortant du Conseil du gouvernement dit aux autorités françaises qu'en effet, les entreprises ne peuvent pas être écartées aussi longtemps qu'elles seront concurrentielles par aux autres évidemment ?
"Bien entendu. On demande à la France d'effacer une partie de sa dette vis à vis de l'Irak. Donc cela veut dire que la France est partie prenante dans ce processus de reconstruction. On ne peut pas imaginer qu'elle soit stigmatisée pour avoir pris une position dont on se rend compte aujourd'hui, a posteriori, qu'elle n'est peut être pas dénuée de fondements. Parce que la solution de la crise irakienne n'est pas venue comme ça, du jour au lendemain, du seul fait de l'intervention de la coalition sur le terrain irakien."
Hier, nous mettions en parallèle ce que nous pouvions appeler une "crise européenne"... C'est une réussite pour G. Bush et un échec pour l'Europe, c'est comme cela que vous voyez les choses ?
"Je ne suis pas sûr que l'on puisse, au delà de la coïncidence de dates, mettre les deux choses en parallèle. C'est un échec, que je regrette pour ma part, parce qu'avec l'élargissement, il était indispensable de progresser dans l'amélioration du fonctionnement de l'Union européenne et, surtout, dans la recherche de proximité. Il faut arriver à convaincre les Européens, en particulier les Français, que l'Europe leur apporte des choses positives dans leur vie quotidienne. Quand on parle de l'Europe, on ne parle que des ennuis que nous crée l'Europe, on ne parle jamais des plus qu'elle nous apporte ! Quand il m'arrive d'inaugurer à Bordeaux un certain nombre d'équipements, une piscine ou un palais des congrès, j'ai toujours à coeur de citer la participation de l'Union européenne, qui nous apporte des crédits. Bref, l'Europe peut être, dans bien des domaines, un plus. Et c'est cela qui est dommage. C'est une occasion ratée. Ce n'est pas un blocage, l'Europe continue à fonctionner bien entendu, le traité de Nice s'applique. Je vous rappelle d'ailleurs que s'il y avait eu un rapport avant hier à Bruxelles, les nouvelles dispositions étaient prévues pour 2009, donc on a encore du temps devant nous. Et je souhaite que l'on sorte de cet affrontement qui a été tout à fait négatif à Bruxelles."
Edouard Balladur suggère que l'on cesse maintenant tout élargissement de l'Europe, aussi longtemps que la question de la Constitution n'est pas résolue ?
"Il faut respecter les engagements que nous avons pris. Nous avons dit à la Bulgarie et à la Roumanie que le jour où elles seraient prêtes, le jour où elles auraient rempli les conditions fixées à leur adhésion, nous les recevrions dans la famille. Il ne faut pas lier les deux : l'élargissement est décidé, il a été ratifié par l'Assemblée nationale, il aura lieu le 1er mai prochain. Cela ne rend effectivement que plus nécessaire la modification de nos institutions. Et comme le président de la République l'a dit, ce que cet échec révèle, c'est malgré tout et c'est pour cela qu'il ne faut pas non plus le minimiser une différence d'appréciation sur ce que doit faire l'Europe demain. Est ce que c'est simplement un budget qui distribue des subventions, un marché unique qui supprime les barrières douanières ? Ou est ce que c'est une réalité politique, une entité politique capable de prendre des positions sur la scène mondiale, avec sa politique étrangère et avec sa capacité d'intervention extérieure ? Pour nous Français, en tout cas pour moi, c'est la deuxième solution qui est la bonne. Si tout le monde n'adhère pas à cette vision des choses, il ne faut pas que ceux qui ne sont pas prêts empêchent ceux qui veulent aller de l'avant de le faire."
Cela veut dire qu'il faut reposer la question d'une Europe à géométrie variable, dans laquelle le couple franco allemand pourrait en effet recommencer à "tirer les wagons", pour reprendre la formule que l'on a si souvent utilisée ?
"Si vous observez bien ce qui s'est passé, un certain nombre de grands progrès de l'Europe, au cours des dix dernières années, ont été faits, non pas par tout le monde à la fois, mais par les plus ardents. Exemple, en matière de sécurité ou de circulation des personnes, l'accord de Schengen, qui n'était pas un accord de l'Union européenne et qui ensuite y a été transposé. Deuxième exemple, l'euro : les 25 Etats membres de l'Union européenne ne sont pas dans l'euro. Et troisième exemple, parce que l'on a un peu occulté ce qui s'était passé à Bruxelles sur ce plan et qui est très important, la défense : on a décidé à Bruxelles de créer une cellule de planification et de conduite d'opérations autonomes. Cela veut dire que l'Europe, lorsqu'elle pensera avoir intérêt à aller sur des théâtres d'opération, comme cela a été le cas en Macédoine ou au Kosovo, sous ses propres couleurs, pour défendre ses propres intérêts, est en train de se doter des moyens de le faire, et je crois que c'est un acquis très positif. Cela a été décidé par la France, l'Allemagne et la Grande Bretagne, qui s'est associée à cette initiative."
Vous le saviez déjà, mais quand on lit les pages du Parisien, on le découvre : qu'il est dur d'être Premier ministre ! Avez vous lu l'entretien qu'accorde Jean. Pierre Raffarin à nos confrères du Parisien ?
"Je l'ai lu en venant, oui. J'ai apprécié à la fois la clarté des propos du Premier ministre et son courage."
Est ce que l'on peut avancer sur l'idée que se fait le président de la République des jours fériés ou pas ? Vous avez déjà dit ce que vous en pensiez : vous n'êtes pas favorable à l'apparition de deux nouveaux jours fériés supplémentaires ?
"Ce que je voudrais dire d'abord, c'est qu'il ne faut pas réduire le rapport Stasi à cela, parce que ce rapport est extrêmement intéressant. Je l'ai lu de bout en bout, il a été publié par la presse, et ce qui me paraît le plus intéressant, c'est le diagnostic qu'il fait sur la situation actuelle. Il dit qu'il se passe des choses graves à l'heure actuelle dans la société française. Ce rapport écrit qu'il y a des mouvements politico religieux, fanatiques, qui sont en train de mettre en cause un certain nombre de principes fondamentaux auxquels nous tenons : la laïcité, l'égalité de sexes c'est peut être ça encore le plus important, me semble t il , la dignité de la femme et la citoyenneté face au communautarisme. C'est un diagnostic et tout le monde n'était pas d'accord dessus. Il y a encore un mois ou deux, on disait que ce n'était pas grave, qu'après tout, on allait régler tranquillement. Non, il y a quelque chose de sérieux qui est en train de se passer. Et ce rapport propose toute une série de choses. Alors, pour répondre à votre question sur les jours fériés, j'ai déjà eu l'occasion de dire dimanche que c'était une proposition qui me paraissait malencontreuse et tombait à côté de la plaque. On est en train de dire aux Français aujourd'hui que pour manifester leur effort de solidarité vis à vis des personnes âgées, ils vont travailler un peu plus et sacrifier un jour férié. Ce n'est pas le moment d'en créer deux supplémentaires ! On ne comprend pas très bien la logique, même si l'on voit le but de la commission Stasi : c'est de dire attention de ne pas stigmatiser l'islam. L'islam qui respecte les lois de la République est une religion qui mérite la liberté d'expression, naturellement. Mais il y a peut être d'autres moyens de le faire. "
Autre chose qui est aussi important, dans cette société qui essaie d'édicter la montée des communautarismes : faut il ou non poser la question de la discrimination positive ? Est ce un moyen d'éviter le communautarisme ? Est ce que c'est au contraire un risque de le renforcer ?
"Il faut toujours essayer d'expliquer ce qu'il y a derrière les mots. Qu'est ce que cela veut dire, la "discrimination positive", appliquée aux problèmes dont nous traitons le voile etc. ? Cela voudrait dire que du fait de son appartenance à une religion l'islam, ou pourquoi pas le bouddhisme etc. ou à une communauté ethnique d'origine maghrébine ou d'origine asiatique , tel ou tel Français aurait une préférence pour exercer tel ou tel poste dans l'administration ou pour accéder à tel ou tel emploi. Est ce que c'est vraiment conforme au génie français, à la tradition française, aux principes républicains ? Je ne le crois pas. Chez nous, le principe de fond, c'est l'égalité de traitement et l'égalité des chances. Et donc, plutôt que la discrimination positive, je suis favorable à la lutte contre les discriminations et à l'intégration. C'est pour cela que je prône depuis longtemps je crois que le Gouvernement va le faire la création d'une haute autorité pour l'intégration, pour l'élimination des discriminations précisément à l'emploi, au logement, aux loisirs , pour assurer réellement et concrètement, au jour le jour, l'égalité des chances entre tous les Français, qu'ils soient juifs, musulmans, catholiques, bouddhistes ou athées."
(source http://www.u-m-p.org, le 16 décembre 2003)