Texte intégral
L'aveuglement est certainement une des plus graves fautes en politique ; de celles qui mènent aux catastrophes.
A bien des égards, l'euroscepticisme relève de cette sorte de cécité.
L'Europe progresse, elle progresse par à coups, certes. Cela tient à sa nature d'associations d'Etats égaux et souverains.
Pourtant, il est un domaine dans lequel elle effectue depuis quelques temps des progrès continus et spectaculaires : c'est celui de la défense.
Il n'est pas d'avancée plus symbolique, car la défense touche aux valeurs fondamentales des nations.
Je vois donc dans la construction inexorable de l'Europe de la défense le signe tangible de l'affirmation de l'Union Européenne en tant que puissance en devenir.
Cette évolution s'effectue sans heurt, sans atteinte aux valeurs suprêmes du patriotisme et de l'attachement du drapeau.
Il est symbolique que les femmes et les hommes qui sont prêts aux plus grandes contraintes et aux plus grands risques personnels pour leur pays soient aussi ceux qui construisent le plus naturellement et sans heurt l'Europe de la Défense.
De même que cohabitent désormais au fronton de nos édifices drapeau européen et drapeau tricolore, l'affirmation d'une Europe autonome dans ses choix militaires n'exclut en rien le maintien de notre souveraineté.
1. Besoin d'Europe pour la défense
1.1. Le sens de la défense.
La nouvelle donne stratégique, comme cette construction européenne nous oblige à poser une question majeure.
Depuis qu'a disparu la menace soviétique, quel sens donner à la défense, et pourquoi consentir des efforts pour elle ?
Ce qui était pendant des siècles la raison d'être de nos armées, la défense de nos frontières, a perdu en importance.
Nous n'avons que des amis pour voisins, et aucun adversaire ne menace plus les Etats limitrophes.
Après les accords de Schengen, l'adoption de la monnaie unique a rendu impalpables les limites internes à l'Union Européenne.
Notre sécurité, nous la défendons en contribuant, aux côtés de nos partenaires européens et américains à la stabilité du continent, dans les Balkans notamment.
Nous la défendons, en coopération avec les forces de police, à l'intérieur de notre territoire, en combattant avec efficacité le terrorisme.
Si notre souveraineté et notre indépendance devaient, dans un avenir imprévisible, être menacées, la dissuasion en serait l'ultime garant.
C'est pourquoi nous entendons en préserver la crédibilité.
Pour autant, la sécurité des Français ne se joue pas que sur le territoire national.
Le gouvernement se doit de protéger les un million cinq cent mille Français qui vivent hors de nos frontières.
C'est ce que nous avons fait, cette année, en Côte d'Ivoire, en République Centre-Africaine et au Libéria.
C'est pour eux que nous maintenons notre capacité d'intervention.
C'est aussi pour défendre, dans un cadre multinational, avec l'agrément des Nations Unies, les valeurs qui font de la France un pays aimé et respecté.
Ces valeurs, pour lesquelles nous nous engageons sans relâche sont la paix, la liberté et le droit.
La politique de défense de la France n'est pas égoïste : elle est au service de l'humanité.
1.2. Les moyens d'une défense européenne.
Ces valeurs pour lesquelles nous luttons, il est normal et nécessaire que nous les défendions de concert avec ceux qui les partagent.
Ce sont nos partenaires européens.
Depuis les premières opérations multinationales en Bosnie, les Européens ont appris à travailler ensemble.
Des procédures ont été mises au point.
Le Corps Européen, dont nous venons de fêter le 10° anniversaire, a été un des laboratoires où s'est formé l'esprit européen de défense.
Les Européens ont démontré leur excellence sur le terrain.
Ils n'ont à rougir devant aucune autre armée, fût ce la plus puissante.
Ce qui vaut pour les hommes vaut aussi pour les matériels.
L'Europe est, malgré les discours alarmistes, à la pointe de la technologie militaire.
Elle doit le rester si elle veut aussi demeurer une puissance industrielle.
Notre retard par rapport aux Etats-Unis est quantitatif, non qualitatif.
L'hélicoptère Tigre s'affirme comme un des meilleurs appareils de combat de sa génération : son choix par l'Espagne contre l'Apache américain le prouve.
Le Rafale prouve amplement que notre industrie aéronautique se maintient à la pointe de la technologie.
Quant au char Leclerc, tous les spécialistes de bonne foi reconnaissent qu'il représente l'aboutissement ultime du char de combat, même devant l'Abrams américain.
2. Les étapes de l'Europe de la défense
L'eurosepticisme n'est pas de mise en ce qui concerne les matériels.
Il ne l'est pas davantage en ce qui concerne les réalisations.
Est on suffisamment conscient de ce que l'Europe de la défense a progressé plus vite que l'Europe monétaire, que chacun s'accorde à saluer comme un triomphe ?
La date-clef est évidemment la reconnaissance de son intérêt par la Grande-Bretagne en 1998, au sommet de Saint-Malo.
Il ne peut y avoir d'Europe de la défense sans accord et participation de cette grande nation militaire qu'est le Royaume Uni.
Le ralliement des Britanniques à l'Europe militaire est aussi le meilleur signal que celle-ci ne remet nullement en cause le lien transatlantique.
Le Président de la République l'a récemment rappelé devant les ambassadeurs : l'Alliance Atlantique reste le fondement de la défense du continent et les initiatives européennes en sont un complément et un enrichissement.
Les dissentiments et malentendus qui peuvent exister entre Européens ne doivent pas être montés en épingle.
Ils ne sont que péripéties.
Le désaccord franco-britannique sur l'Irak n'a pas entravé les avancées du sommet du Touquet.
Les succès concrets de l'Europe de la défense se multiplient, par un effet d'entraînement.
Ce sont la réalisation en commun de l'A 400 M, de l'hélicoptère NH 90, des missiles Météor, du projet Galiléo, qui nous affranchira du GSM américain.
Dans un proche avenir, ce seront l'agence européenne de l'armement et la force de réaction rapide, centrée sur le Corps Européen.
Ces symboles vivent parce que les Européens ont démontré leur savoir-faire.
Cette année, l'UE a relevé l'OTAN en Macédoine.
Elle le fera, à une échelle très largement supérieure, l'année prochaine en Bosnie.
Pour la première fois, les Européens se sont engagés avec succès, de façon totalement autonomes, hors de leur continent, en Ituri.
Diderot disait : " Il n'y a pas d'amour, il n'y a que des preuves ".
Les preuves de l'attachement des Européens à l'édification de leur défense devraient convaincre les plus sceptiques et les plus réticents de la réalité de ce désir.
Conclusion
Il reste beaucoup à faire.
La France a su rester un grand pays parce qu'elle a su conserver une défense forte, crédible, autonome.
L'Europe ne s'affirmera comme ensemble de nations libres, fortes et souveraines qu'en montrant sa volonté d'assurer elle-même sa sécurité, dans le respect de ses alliances, au service de la paix et du droit.
(source http://www.defense.gouv.fr, le 2 janvier 2004)
A bien des égards, l'euroscepticisme relève de cette sorte de cécité.
L'Europe progresse, elle progresse par à coups, certes. Cela tient à sa nature d'associations d'Etats égaux et souverains.
Pourtant, il est un domaine dans lequel elle effectue depuis quelques temps des progrès continus et spectaculaires : c'est celui de la défense.
Il n'est pas d'avancée plus symbolique, car la défense touche aux valeurs fondamentales des nations.
Je vois donc dans la construction inexorable de l'Europe de la défense le signe tangible de l'affirmation de l'Union Européenne en tant que puissance en devenir.
Cette évolution s'effectue sans heurt, sans atteinte aux valeurs suprêmes du patriotisme et de l'attachement du drapeau.
Il est symbolique que les femmes et les hommes qui sont prêts aux plus grandes contraintes et aux plus grands risques personnels pour leur pays soient aussi ceux qui construisent le plus naturellement et sans heurt l'Europe de la Défense.
De même que cohabitent désormais au fronton de nos édifices drapeau européen et drapeau tricolore, l'affirmation d'une Europe autonome dans ses choix militaires n'exclut en rien le maintien de notre souveraineté.
1. Besoin d'Europe pour la défense
1.1. Le sens de la défense.
La nouvelle donne stratégique, comme cette construction européenne nous oblige à poser une question majeure.
Depuis qu'a disparu la menace soviétique, quel sens donner à la défense, et pourquoi consentir des efforts pour elle ?
Ce qui était pendant des siècles la raison d'être de nos armées, la défense de nos frontières, a perdu en importance.
Nous n'avons que des amis pour voisins, et aucun adversaire ne menace plus les Etats limitrophes.
Après les accords de Schengen, l'adoption de la monnaie unique a rendu impalpables les limites internes à l'Union Européenne.
Notre sécurité, nous la défendons en contribuant, aux côtés de nos partenaires européens et américains à la stabilité du continent, dans les Balkans notamment.
Nous la défendons, en coopération avec les forces de police, à l'intérieur de notre territoire, en combattant avec efficacité le terrorisme.
Si notre souveraineté et notre indépendance devaient, dans un avenir imprévisible, être menacées, la dissuasion en serait l'ultime garant.
C'est pourquoi nous entendons en préserver la crédibilité.
Pour autant, la sécurité des Français ne se joue pas que sur le territoire national.
Le gouvernement se doit de protéger les un million cinq cent mille Français qui vivent hors de nos frontières.
C'est ce que nous avons fait, cette année, en Côte d'Ivoire, en République Centre-Africaine et au Libéria.
C'est pour eux que nous maintenons notre capacité d'intervention.
C'est aussi pour défendre, dans un cadre multinational, avec l'agrément des Nations Unies, les valeurs qui font de la France un pays aimé et respecté.
Ces valeurs, pour lesquelles nous nous engageons sans relâche sont la paix, la liberté et le droit.
La politique de défense de la France n'est pas égoïste : elle est au service de l'humanité.
1.2. Les moyens d'une défense européenne.
Ces valeurs pour lesquelles nous luttons, il est normal et nécessaire que nous les défendions de concert avec ceux qui les partagent.
Ce sont nos partenaires européens.
Depuis les premières opérations multinationales en Bosnie, les Européens ont appris à travailler ensemble.
Des procédures ont été mises au point.
Le Corps Européen, dont nous venons de fêter le 10° anniversaire, a été un des laboratoires où s'est formé l'esprit européen de défense.
Les Européens ont démontré leur excellence sur le terrain.
Ils n'ont à rougir devant aucune autre armée, fût ce la plus puissante.
Ce qui vaut pour les hommes vaut aussi pour les matériels.
L'Europe est, malgré les discours alarmistes, à la pointe de la technologie militaire.
Elle doit le rester si elle veut aussi demeurer une puissance industrielle.
Notre retard par rapport aux Etats-Unis est quantitatif, non qualitatif.
L'hélicoptère Tigre s'affirme comme un des meilleurs appareils de combat de sa génération : son choix par l'Espagne contre l'Apache américain le prouve.
Le Rafale prouve amplement que notre industrie aéronautique se maintient à la pointe de la technologie.
Quant au char Leclerc, tous les spécialistes de bonne foi reconnaissent qu'il représente l'aboutissement ultime du char de combat, même devant l'Abrams américain.
2. Les étapes de l'Europe de la défense
L'eurosepticisme n'est pas de mise en ce qui concerne les matériels.
Il ne l'est pas davantage en ce qui concerne les réalisations.
Est on suffisamment conscient de ce que l'Europe de la défense a progressé plus vite que l'Europe monétaire, que chacun s'accorde à saluer comme un triomphe ?
La date-clef est évidemment la reconnaissance de son intérêt par la Grande-Bretagne en 1998, au sommet de Saint-Malo.
Il ne peut y avoir d'Europe de la défense sans accord et participation de cette grande nation militaire qu'est le Royaume Uni.
Le ralliement des Britanniques à l'Europe militaire est aussi le meilleur signal que celle-ci ne remet nullement en cause le lien transatlantique.
Le Président de la République l'a récemment rappelé devant les ambassadeurs : l'Alliance Atlantique reste le fondement de la défense du continent et les initiatives européennes en sont un complément et un enrichissement.
Les dissentiments et malentendus qui peuvent exister entre Européens ne doivent pas être montés en épingle.
Ils ne sont que péripéties.
Le désaccord franco-britannique sur l'Irak n'a pas entravé les avancées du sommet du Touquet.
Les succès concrets de l'Europe de la défense se multiplient, par un effet d'entraînement.
Ce sont la réalisation en commun de l'A 400 M, de l'hélicoptère NH 90, des missiles Météor, du projet Galiléo, qui nous affranchira du GSM américain.
Dans un proche avenir, ce seront l'agence européenne de l'armement et la force de réaction rapide, centrée sur le Corps Européen.
Ces symboles vivent parce que les Européens ont démontré leur savoir-faire.
Cette année, l'UE a relevé l'OTAN en Macédoine.
Elle le fera, à une échelle très largement supérieure, l'année prochaine en Bosnie.
Pour la première fois, les Européens se sont engagés avec succès, de façon totalement autonomes, hors de leur continent, en Ituri.
Diderot disait : " Il n'y a pas d'amour, il n'y a que des preuves ".
Les preuves de l'attachement des Européens à l'édification de leur défense devraient convaincre les plus sceptiques et les plus réticents de la réalité de ce désir.
Conclusion
Il reste beaucoup à faire.
La France a su rester un grand pays parce qu'elle a su conserver une défense forte, crédible, autonome.
L'Europe ne s'affirmera comme ensemble de nations libres, fortes et souveraines qu'en montrant sa volonté d'assurer elle-même sa sécurité, dans le respect de ses alliances, au service de la paix et du droit.
(source http://www.defense.gouv.fr, le 2 janvier 2004)