Texte intégral
Chers Camarades,
Au point où nous en sommes de notre réunion, y en a-t-il un ou une qui ignore ce qu'il doit faire le 13 juin ? Y en a-t-il encore un, une, à convaincre ?
Nous achevons presque notre campagne pour les élections européennes, quand d'autres ne l'ont même pas commencée. Nous sommes encore en campagne, et nous faisons campagne sur le plan politique. Pour nous, l'Europe, ce n'est pas simplement des places, des sièges, des majorités. L'Europe, c'est un contenu, une direction, un sens, un projet.
Voilà pourquoi nous sommes en campagne, les uns les autres, depuis plusieurs semaines. Non pas pour revendiquer un succès, il sera peut-être là, mais d'abord pour convaincre nos concitoyens d'aller voter. Non pas pour l'Europe. Aujourd'hui, l'Europe est là, elle ne demande pas de soutien particulier, mais de voter pour l'Europe sociale, puisque c'est le mot d'ordre que nous nous sommes fixé, puisque c'est l'objectif que nous portons et que nous voulons atteindre.
Nous faisons une campagne européenne. Je le dis car, quand nous faisions campagne pour les élections régionales, on nous dit que nous ne voulions que sanctionner le gouvernement et nous ne parlions que de politique nationale, quand par ailleurs nous parlions de gratuité des livres scolaires, les emplois tremplin, les grandes causes de l'environnement. Aujourd'hui, encore, on nous dit que nous ne parlons que de sanction du gouvernement et que nous ne parlons pas d'Europe.
Il ne s'agit pas de sanctionner l'Europe, elle n'y est pour rien, mais de sanctionner ceux qui nous gouvernent, parce qu'ils le méritent et que c'est justice de le rappeler.
Nous faisons campagne pour l'Europe, parce qu'elle est un rêve que l'on peut réaliser de génération en génération. Nous ne réalisons pas tous nos rêves, sinon on ne serait pas souvent dans la réalité. Mais, il y a des rêves que l'on transforme, et l'Europe en est un ; sans doute l'un des plus beaux. Ce rêve d'une Europe de paix, il a été accompli. Ce rêve d'une Europe économiquement forte, il est réalisé. Alors, le rêve que nous pouvons aujourd'hui prendre comme un nouveau défi, c'est l'Europe sociale. Nous le croyons, nous ne le disons pas parce que ce serait le meilleur des slogans, mais parce que c'est pour nous l'ardente obligation dans l'engagement politique qui est le nôtre. Nous le disons d'autant plus que, comme socialistes, nous savons que si l'Europe n'est pas sociale, que si l'Europe est libérale, alors, même si nous revenons aux responsabilités en 2007 -et nous reviendrons- nous ne pourrons pas agir comme il convient, nous ne pourrons pas transformer notre pays comme nous le proclamons. Il nous faut donc cette Europe sociale pour faire, le moment venu, de grandes réformes dans notre pays.
Nous faisons une campagne européenne et nous accueillons nos amis Européens. Aujourd'hui, le maire de Barcelone ; hier, le Ministre Tchèque de la culture et nos amis Belges et portugais. Nous faisons campagne avec nos amis. Ce n'est pas facile pour les autres d'inviter leurs amis. Pensez-y. Inviter Berlusconi dans une réunion publique, c'est compliqué. Rappeler Aznar dans une réunion de l'UMP, difficile. Et Schüssel qui s'est allié à l'extrême droite, très dur.
Nous sommes heureux d'accueillir nos amis. Nous sommes même dans une campagne mondiale, puisque nous accueillons le Président de l'Internationale socialiste qui nous rappelle que notre combat pour l'Europe est un combat pour la justice dans le monde. Parce que tout se tient : une Europe forte, c'est un monde pacifié. Voilà les raisons pour lesquelles les socialistes sont en campagne.
L'Europe est sans doute la plus belle des aventures humaines. L'Europe, c'est pour nous la paix, la paix pour l'Europe, la paix pour le monde. L'Europe, c'est une puissance économique, la première du monde. L'Europe, c'est la prospérité que nous devons partager. L'Europe, c'est l'Europe de la culture que nous devons protéger de la mondialisation, de la marchandisation et de l'uniformisation qui la menacent. Lorsque l'Europe défend sa culture, elle défend la culture, parce que le message de l'Europe est toujours un message universel.
Les socialistes sont en campagne. Ils ont parfois le sentiment d'y être un peu seuls. Le gouvernement, la droite, fuient la confrontation. La droite n'est pas en campagne, elle est en fuite, elle se cache. Le Premier ministre lui-même a pu considérer que les élections européennes ne figuraient pas dans son calendrier. Un peu comme ces étudiants qui considéraient que les examens ne figuraient pas au programme. Curieux jugement, curieuse conception de l'action publique, curieuse manière de faire vivre la démocratie. Il a même pu ajouter que le débat était entre ceux qui étaient pour l'Europe et ceux qui étaient contre l'Europe. En France, il n'y a -sauf l'extrême droite et quelques souverainistes- que des protagonistes de l'Europe et nul, d'ailleurs, ne proclament dans cette campagne que la France pourrait sortir de l'Europe. Le vrai débat est donc entre une Europe de droite et une Europe de gauche. C'est le seul message qu'il faut colporter.
Raffarin a déclaré que les Français votent pour les grands partis : l'UMP et le PS. Nous n'acceptons pas le soutien de Jean-Pierre Raffarin dans cette campagne ! Que Jean-Pierre Raffarin soutienne l'UMP, nous verrons bien d'ailleurs si l'UMP soutient Jean-Pierre Raffarin ! Mais, il n'y a pas que Jean-Pierre Raffarin, il y a aussi les Ministres. Où sont-ils passés ? Aux abris, sans doute. Où est Copé que l'on voyait tant il y a quelques mois. Il ne participe à aucune réunion publique, à aucun meeting, à aucune opération de campagne, peut-être même pas dans les spots de télévision. Où est Sarkozy ? Il se démenait dans la campagne des régionales et l'échec de la droite est aussi le sien. Il était dans les grandes réunions. Là, de Sarkozy, pas de nouvelles. Ah, si ! On me dit qu'il est en Algérie, sans doute pense-t-il que l'Algérie est en Europe, nous verrons bien pour la prochaine étape. Et Alain Juppé ! Mais où est donc passé Alain Juppé ? Nul n'a retrouvé sa trace. Si, moi, je l'ai rencontré à France Inter et paraît-il qu'il mène campagne, alors que tous les autres semblent le faire pour la présidence de l'UMP. C'est le panache qui reste le sien.
Dans ce contexte, la droite fait un double pari :
1- Le pari de l'abstention : le gouvernement fait le jeu du silence, de l'indifférence civique, de l'oubli même du scrutin. L'abstention, pour elle, est sa chance, son espoir, alors elle l'entretient, elle l'encourage. C'est sa meilleure alliée. C'est vrai qu'aujourd'hui elle a tout à redouter du vote, elle a tout à espérer du retrait civique. Et beaucoup de nos concitoyens pourraient considérer que l'essentiel est fait après les élections régionales du mois de mars, que les messages sont passés, que le Parlement européen est trop loin, abstrait, qu'il ne changera pas leur vie. C'est à eux que nous devons nous adresser. À eux de convaincre aussi leurs proches que le Parlement européen, c'est le lieu où s'élaborent la plupart des lois qui s'appliquent aujourd'hui dans notre pays. C'est le Parlement européen qui va, aujourd'hui, décider de l'avenir de la Commission européenne. C'est au Parlement européen qu'il va y avoir le contrôle de l'Exécutif de l'Europe et que le Parlement européen est, finalement, un lieu de pouvoir aussi essentiel que notre Parlement national. S'ils oublient le 13 juin de voter, ils seront obligés d'attendre 2007 ; et 2007, c'est long ; c'est, pour beaucoup, la fin de leurs acquis sociaux et qu'il est encore temps aujourd'hui de s'exprimer fortement et de faire reculer le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin. Voilà le sens du message qu'il faut porter.
2- Le pari de la confusion : elle fait campagne, paraît-il, sur le thème de la Turquie. Nous avons dit ce qu'il fallait en dire. Pour nous, la Turquie est dans l'Europe, mais avec des conditions, sur la base de critères, sur la base de la démocratie et des droits de l'Homme, sur la base de valeurs, parce que l'Europe -pour nous- est une communauté de valeurs et, en aucune façon, un préalable religieux. Voilà pourquoi, nous avons considéré que la Turquie avait sa place dans ces conditions-là, sur ces critères-là, et n'oublions pas non plus la reconnaissance du génocide arménien. Voilà comment nous portons, nous, la question de la Turquie. Et la droite voudrait nous faire croire que ce serait le sujet essentiel, alors même que le Président de la République lui-même a pris des engagements et qu'aujourd'hui la Ministre des Affaires Européennes vient de faire cette déclaration étonnante en affirmant que la Turquie n'est pas un enjeu du scrutin européen. Le gouvernement fait-il encore partie de l'UMP et l'UMP du gouvernement ! Et sur la question de la Constitution ? Alors qu'il y a encore des choix décisifs qui seront pris au lendemain des élections européennes, peut-on laisser penser que la question aujourd'hui c'est la Constitution. Nous sommes pour une Constitution européenne, nous sommes pour des institutions démocratiques, nous considérons qu'il y a des avancées, mais qu'il y a encore un certain nombre de mécanismes à changer, des règles de révision à modifier. Et ce qui est étrange, insupportable d'ailleurs, c'est que le Président de la République n'ait toujours pas fait connaître le mandat qui est le sien pour aller négocier -au lendemain des élections du 13 juin- la position de la France pour l'Europe. C'est le 13 juin qu'il faut nous-mêmes former le mandat pour la négociation qui suivra. C'est selon le vote du 13 juin que s'élaborera aussi la future Constitution. C'est selon les votes qu'émettront les Européens eux-mêmes pour leur Parlement européen que se décidera la Constitution. Les Chefs de gouvernement, les Chefs d'Etat ont, sans doute, leur prérogative, mais les peuples doivent d'abord s'exprimer sur l'Europe qu'ils veulent. C'est cela le sens de notre campagne.
Nous n'arrêtons pas de dire l'Europe sociale, l'Europe sociale, parce qu'aujourd'hui c'est le prochain défi. Beaucoup ont souri. Toujours les mêmes : les fatalistes, les conservateurs, les Libéraux. Ah ! l'Europe sociale. C'est un voeu, c'est un objectif inaccessible, c'est un slogan. Les Libéraux, les conservateurs rient toujours devant ceux qui leur promettent des progrès. Ils considèrent qu'il n'y a pas de place pour la volonté humaine, que l'action politique est vaine, que le changement est impossible, que seuls les marchés, les forces économiques peuvent produire les avancées d'une société.
Mais, quand nous disons " Europe sociale ", de quoi parlons-nous ? D'abord de l'Europe de l'emploi, de l'Europe du plein emploi. Parce qu'il est pour nous insupportable que cette Europe, première puissance économique du monde, puisse connaître 10, 12 % de taux de chômage. Il est insupportable de savoir que c'est en Europe, première puissance économique, que la croissance est parmi l'une des plus faibles du monde développé. C'est pourquoi, le premier engagement que nous prenons est de relancer la croissance et l'emploi à travers la coordination des politiques économiques, mais plus encore, à travers une harmonisation fiscale évitant les délocalisations, à travers un grand plan de grand travaux financé par emprunt pour ouvrir l'Europe aux nouvelles technologies et aux protections de l'environnement. Voilà le projet qui est le nôtre. Quant au pacte de stabilité, que les Libéraux et les conservateurs -comme ici, en France- ne respectent jamais, nous préférons parler de pacte de croissance, de nos priorités à l'Education, à la Recherche, à la culture, car c'est cela l'avenir. Voilà ce que nous entendons, nous, par Europe sociale.
L'Europe sociale, pour nous, c'est la convergence des droits, des salaires et des niveaux de protection. Et, là encore, ils sourient sous cape " Ah ! les pauvres socialistes, ils y croient encore au progrès social ". Chimères, pensent-ils ! Mais, c'est notre destin d'Européens, lorsque nous acceptons l'élargissement, de faire en sorte que les pays qui nous rejoignent connaissent plus rapidement que nous ne l'avons fait sans doute les progrès, les avancées, les conquêtes, les droits. C'est comme cela que nous concevons l'élargissement et non pas comme une source de profits, de délocalisations, de dumping. Ce que nous voulons promouvoir, c'est une façon de vivre ensemble dans le même espace de solidarité.
Les ricaneurs poursuivent et nous disent : " Mais, vous ne voulez quand même pas transférer la Sécurité Sociale, l'assurance maladie, les retraites en Europe ! ". Sûrement pas. Mais, nous voulons d'abord les garder chez nous ces acquis sociaux qu'ils détruisent ici. Permettez-nous d'ailleurs de vouloir faire ces critères de convergence sociale qu'ils admettent pour l'Europe monétaire, qu'ils introduisent pour l'Europe économique -et encore pas toujours. Nous voulons fixer les mêmes objectifs, les mêmes critères de convergence pour le social.
À Lisbonne, Antonio Guterres est là, Premier ministre du Portugal à cette époque, Président du Conseil européen, c'est lui qui a défini cette stratégie de Lisbonne où l'on se fixe des objectifs pour l'économie de la connaissance, l'économie de l'emploi, l'économie du progrès social. Mais, les Libéraux ne les ont pas respectés, entendus, voulus, protégés.
Alors, il nous faut donc reprendre inlassablement notre combat, parce que nous, les socialistes, nous savons qu'il n'en est jamais terminé du combat social, jamais terminé des conquêtes sociales, qu'il faut toujours s'y remettre, éternellement s'y remettre. D'ailleurs, il faudrait éviter de s'y remettre tous les cinq ans ; il vaudrait mieux travailler dans la durée. Mais, on ne choisit pas ses délais. Mais, pour nous, l'Europe sociale, c'est la volonté de converger ensemble vers le haut, d'harmoniser nos protections.
Là encore, c'est Alain Juppé qui nous fait la leçon. Il nous parle de poudre aux yeux Pour un spécialiste du feu aux poudres en matière sociale, c'était le plus bel hommage du vice à la vertu qu'il pouvait nous rendre.
Pour nous, l'Europe sociale, c'est l'Europe des services publics. Parce que, c'est cela qui fait qu'on est à l'égal de tous -où qu'on soit en Europe- pour accéder à la santé, à l'Education, aux transports. Pour nous, le service public est une façon de vivre en Europe. C'est pourquoi, il y aura toujours cette opposition entre l'Europe libérale et l'Europe sociale. Et que la question des services publics est centrale dans cette campagne. La meilleure preuve, c'est que le groupe conservateur européen a voté pour la libéralisation de tous les services publics au Parlement européen, quand c'est le groupe socialiste -dans toute sa diversité- qui s'y est chaque fois opposé.
Mettons le service public au coeur de notre campagne pour les élections européennes, parce que c'est notre mode de vie et pas seulement en France, mais partout en Europe.
Il y a cette grande question du budget qui doit être une question de clivage entre les conservateurs et les socialistes. Les conservateurs veulent encore réduire ce budget européen " peau de chagrin " à 1 % de la richesse européenne et nous disent - avec horreur et abomination- que nous voulons porter le budget européen non pas à 1 % de la richesse européenne mais à 1,5 %. Le socialisme c'est donc le diable ! C'est l'enfer ! 1,5 %. Alors, oui, revendiquons aussi cette volonté, portons le budget européen à 1,5 % de la richesse produite en Europe pour faire une politique en faveur de l'emploi, de l'Education, de la culture, de la Recherche et pour les régions.
Quel est l'objectif de notre campagne ? Il est simple : il faut envoyer une majorité de gauche au Parlement européen le 13 juin. Tout l'enjeu est de savoir qui du PPE, le parti des conservateurs européens, ou du Parti socialiste aura le plus de sièges. Le Parti PPE, c'est le Parti où siège l'UMP et l'UDF -jusqu'à ce qu'elle en sorte et l'on nous dit que c'est pour bientôt. Mais c'est le grand parti européen où l'on admet, l'on souhaite la libéralisation des services publics ; c'est la majorité de ce parti qui a souhaité l'intervention américaine en Irak ; c'est dans ce parti-là qu'on revendique encore aujourd'hui la référence à Dieu dans la Constitution européenne ; c'est dans ce parti-là qu'on a refusé la commission d'enquête sur le naufrage du Prestige ; c'est dans ce parti-là qu'il y a eu absolution de l'alliance entre la droite et l'extrême droite en Autriche ; c'est dans ce parti-là que l'on refuse toute avancée sociale dans l'Europe Et c'est ce parti-là qui voudrait avoir la Présidence de la Commission européenne ! Voilà le sens de notre combat : être majoritaires au Parlement européen, rejeter la droite et faire en sorte que le prochain Président de la Commission européenne soit un homme ou une femme de progrès.
Il y a aussi, me dit-on, un enjeu national. C'est vrai. Je l'admets volontiers. Mais, tout est lié. On ne peut pas refuser le libéralisme en Europe et absoudre le gouvernement Raffarin, champion du libéralisme en France. Tout se tient. Il faut sûrement envoyer un nouveau message. Il faut marquer l'utilité du vote pour faire avancer l'Europe, pour faire reculer le gouvernement Raffarin. Et ceux qui s'interrogent sur les suites du scrutin des 21 et 28 mars, soyez fiers du résultat des 21 et 28 mars. Pas seulement parce que la gauche a gagné, pas seulement parce qu'il y a aujourd'hui 20 régions à gauche sur 22 et la majorité des départements ; soyez fiers de votre vote parce que vous avez fait reculer le gouvernement. Si aujourd'hui les recalculés de l'UNEDIC ont enfin retrouvé leurs indemnités, c'est par votre vote ; si les chercheurs ont pu enfin arracher les quelques crédits budgétaires jusqu'à la fin de l'année, c'est grâce à votre vote ; si les intermittents du spectacle ont pu enfin trouver un interlocuteur et peut-être quelques millions d'euros pour financer leur couverture sociale, c'est grâce à votre vote. Et si nous avons évité la prise par ordonnance de la réforme de la Sécurité Sociale, de son démantèlement, c'est aussi par votre vote. Et, de la même manière, c'est par le vote le 13 juin qu'on fera reculer le gouvernement sur la Sécurité Sociale, et qu'il ne s'y trompe pas, il y a beaucoup plus de mécontents par rapport au plan de Douste-Blazy qu'il n'y a eu de manifestants le 5 juin dernier. Je veux rendre hommage à ceux qui ont manifesté pour la Sécurité Sociale et je veux leur dire que s'ils veulent défendre leurs acquis sociaux, c'est aussi au moment des élections européennes qu'il faut le faire. Et pour les salariés d'EDF qui se battent dans des conditions dures, difficiles, que l'on pousse à la brutalité et, quelques fois, à la désespérance, je veux leur dire qu'ils ont aussi la possibilité de se faire entendre en allant voter le 13 juin, en affirmant qu'ils ne défendent pas leur statut, leurs avantages ou seulement leur entreprise, mais qu'ils défendent ce qui est le plus beau, c'est-à-dire le service public et l'égalité pour tous devant l'énergie.
La gauche est de retour en Europe. Sans doute. La gauche va peut-être avoir une nouvelle chance. Sûrement. Mais, il nous reste tant à faire encore ensemble. Nous avons ensemble redressé le Parti socialiste, rassemblé la gauche, redonner une espérance. Et nous avons gagné ces élections régionales et cantonales ensemble. Il va falloir gagner ces élections européennes ensemble. Il va falloir faire un projet pour l'avenir ensemble, dans l'unité, dans la volonté et dans la vérité.
Notre combat ne s'arrête jamais et il y aura forcément, après ces élections européennes, d'autres rendez-vous qui nous attendent. Et, si nous voulons être là, il faut d'abord faire l'Europe sociale ; il faut ensuite faire l'unité des socialistes sur un projet social ; il faut enfin rassembler la gauche sur une volonté sociale. C'est de tout cela dont il faudra s'occuper au lendemain du 13 juin. D'ici là, faisons avec Harlem qu'il y ait le plus de députés européens socialistes de l'Ile de France.
(source http://www.europesocialiste.org, le 14 juin 2004)
Chers camarades, Queridos compagneros,
Vous avez, en Kader Arif, non pas seulement un chef de file symbolique de la diversité du Parti socialiste, vous n'avez pas seulement un premier secrétaire d'une grande fédération, vous n'avez pas seulement un militant exemplaire, vous avez déjà un futur député européen. Mais la mission que j'ai confiée à Kader Arif, ce n'est pas seulement d'être, lui, député européen ; ce que je lui ai demandé, et ce que vous allez faire, c'est de faire élire au Parlement européen le plus de députés européens socialistes, ceux-là mêmes et celles-là mêmes qui sont sur la liste qu'il conduit.
Je suis ici avec vous pour accueillir Jose Luis Zapatero. C'est vrai que lorsque je suis venu à Madrid, c'était au mois d'avril, c'était le premier jour de sa prise de fonctions.
Il eut même la délicatesse de me faire visiter son bureau, comme un camarade qui le découvre. Et il m'a même dit, me montrant ses appartements, qu'il n'y avait pas encore résidé. J'eus simplement, un moment, l'illusion, moi-même, d'accéder au pouvoir. Pas encore à l'appartement, je vous rassure.
Ce jour-là, Jose Luis, tu m'avais dit que tu viendrais à Toulouse, et aujourd'hui, tu es là, à Toulouse, respectant ton engagement. Tu es là, à Toulouse, chez toi. Chez toi parce que tu es un socialiste, chez toi parce que tu es un socialiste espagnol à Toulouse.
C'est vrai qu'il y a des liens profonds qui unissent cette ville avec l'Espagne, c'est vrai qu'il y a des relations historiques entre cette région et l'Espagne, et c'est vrai aussi qu'il y a entre les socialistes français et les socialistes espagnols une amitié longue, durable, et chacun a à l'esprit l'appui donné par François Mitterrand à Felipe Gonzales au moment où il a accédé lui-même à la démocratie d'abord, et au pouvoir ensuite.
Nous nous inscrivons, nous aussi, dans cette tradition, dans cette lignée qui est aussi notre avenir. Jose Luis, tu incarnes non seulement la victoire des socialistes espagnols, tu incarnes la victoire de la démocratie. Prends-en conscience car le succès des socialistes espagnols a dépassé les frontières de l'Espagne.
Oui, tu as gagné la plus belle des victoires, d'abord celle contre le terrorisme hideux, et la seule réponse qui pouvait être donnée par le peuple espagnol, c'était le vote, c'était le suffrage universel, pour dire non au terrorisme, non à la violence, non à la haine. Et ils ont choisi le vote socialiste pour l'exprimer. Tu as vaincu aussi le mensonge, parce qu'il y a eu mensonge en Espagne, parce qu'on a caché la réalité au peuple espagnol, et qu'on ne peut pas abuser un peuple sans conséquences, et que là encore, merveilleuse leçon de la démocratie, ce sont les citoyens espagnols qui ont pris, là encore, le bulletin de vote socialiste pour battre le mensonge et exiger la vérité. Tu illustres aussi, avec ton parti, le redressement des socialistes, le refus de la fatalité.
Tu as été l'artisan de ce travail patient, obstiné, courageux, et finalement victorieux, qui est pour nous la plus belle des leçons.
Il n'y a aucun échec qui soit capable de terrasser les socialistes. Il y a toujours cette volonté, la nôtre, de redresser le mouvement qui est le nôtre, de reprendre le chemin du combat pour notre idéal, de rassembler la gauche. Et ça prend le temps nécessaire, mais c'est la victoire toujours inéluctable le moment venu où la gauche l'emporte contre la droite. Ce moment est venu en Espagne, et il viendra, là encore, en France. Tu symbolises aussi le retour de la gauche en Europe, et notamment dans l'Europe du sud.
Je veux te remercier tout particulièrement, parce que ton succès en Espagne a permis le nôtre en France pour les élections régionales et cantonales. Et que dans tous nos meetings, dans toutes nos réunions au mois de mars, nous disions : ce que les Espagnols ont fait, les Français peuvent aussi l'accomplir. Et nous avons appelé ainsi de nombreux citoyens, las peut-être du scrutin, du vote indifférent, à l'enjeu à venir, précisément, voter.
Encore aujourd'hui, c'est l'appel qu'il faut lancer : oui c'est le vote, c'est le suffrage, c'est la participation civique qui fait avancer une société, qui donne le progrès, qui donne la clé de la réussite d'une société et d'un avenir.
Voilà pourquoi, encore, pour ces élections européennes, où l'abstention est, paraît-il, une menace, où la dispersion est un risque, nous, nous faisons campagne pour le vote, et aussi, je dois le dire et le confier devant vous, pour le vote socialiste.
Je veux exprimer notre gratitude de socialistes pour la décision que tu as prise le jour même où tu as accédé aux responsabilités, de retirer les forces espagnoles d'Irak, et permettre ainsi l'accès, enfin, de la suprématie du droit sur la force.
Alors nous, nous faisons une campagne européenne. Il nous paraît légitime d'inviter nos meilleurs leaders en Europe, aujourd'hui Zapatero, hier, Antonio Guteres*, l'ancien premier ministre portugais, président de l'Internationale socialiste, et puis Poul Rasmussen, président du Parti socialiste européen. Bref, nous, nous invitons nos amis socialistes.
Et me venait à l'esprit, en t'écoutant, une question : qui la droite pourrait-elle inviter dans cette campagne comme représentant de l'Europe qu'elle veut ? Peut-être l'UMP a-t-elle songé à inviter Aznar ? Je n'en suis pas sûr, et je me pose d'ailleurs, là encore, la question. Peut-être a-t-elle songé à inviter le chancelier autrichien, Schussel, l'homme qui a fait une alliance entre la droite et l'extrême-droite, difficile.
Alors, je vais lui prodiguer un conseil : le seul, à ma connaissance, qui reste à inviter par la droite dans cette campagne, jusqu'au 13 juin, ce ne peut être que Berlusconi, je ne vois que lui pour incarner l'Europe de la droite.
Parce que l'enjeu, dans cette élection du 13 juin, c'est de savoir qui, de la droite européenne ou de la gauche européenne, aura le plus de sièges et la majorité au Parlement européen.
Nous, nous revendiquons, au nom du Parti socialiste européen, cette prétention à diriger non seulement les grandes commissions du Parlement européen, la présidence du Parlement européen, mais nous affirmons que si nous sommes suffisamment nombreux au sein du Parlement européen, le président de la Commission européenne procédera aussi de cette légitimité démocratique. Certes, le nom sera présenté par les chefs d'État et les chefs de gouvernement, mais c'est le Parlement européen qui, finalement, habilitera ce président de la Commission européenne.
Si nous le voulons, nous pouvons influer non seulement sur le Parlement européen, mais sur la future Commission européenne. C'est la raison pour laquelle le vote, le vote de gauche, dans cette élection n'est pas un vote simplement de symbole, simplement d'adhésion, simplement de confirmation, non, c'est un vote utile, utile pour l'Europe, utile pour la gauche européenne, utile pour l'Europe sociale.
Et je vous appelle, et à travers vous, tous ceux qui doutent encore, à venir conforter cette Europe de gauche que nous sommes en train de construire et de bâtir.
Et la droite européenne existe. Elle existe d'abord au niveau des gouvernements, et aujourd'hui, il y a plus de chefs de gouvernement et de chefs d'État de droite que de gauche, mais ce parti des conservateurs européens, des droites européennes, PPE, parti peu populaire et pas européen, d'ailleurs, eh bien, ce mouvement-là est aujourd'hui le plus représenté au Parlement européen, et il défend une politique qui est à l'inverse des choix que nous proposons.
C'est d'abord de déréguler, de privatiser l'ensemble des services publics. Ce parti propose aussi d'augmenter encore la durée maximale de travail. Ce parti est également celui qui veut éviter de créer des commissions d'enquêtes, notamment après le naufrage de navires pollueurs, parce que ce parti refuse le principe pollueur-payeur, et notamment par rapport au Prestige.
Alors, nous avons devant nous un parti conservateur, un parti de droite, dont la majorité d'ailleurs était pour l'intervention américaine en Irak, qui aujourd'hui encore se bat de la future constitution européenne pour introduire la référence à Dieu dans ce texte fondamental.
C'est le même parti qui a refusé les sanctions imposées à l'Autriche pour cette alliance entre la droite et l'extrême droite.
Alors, pour ceux qui douteraient, là encore, de ce clivage entre la droite et la gauche en Europe, je veux ici vous mettre en garde : si la droite était majoritaire en Europe, alors que déjà, dans les gouvernements, elle pèse, nous aurions une Commission également à droite et nous aurions une Europe libérale qui, en définitive, abattrait nos protections sociales, libéraliserait les services publics et réduirait encore la place et l'autorité de l'Europe.
Le voulons-nous ? Non. Et c'est pourquoi nous avons fait campagne pour l'Europe sociale, non pas comme un slogan, non pas comme une incantation, mais comme un engagement.
Pour nous, l'Europe sociale, c'est d'abord l'Europe de la croissance et de l'emploi.
Est-il possible de concevoir que l'Europe, première puissance économique du monde, puisse tolérer un niveau de chômage supérieur à 10 % de la population active ?
Peut-on admettre, dans cette Europe riche, qu'il y ait encore 5 % de la population qui vit au-dessous du seuil de pauvreté ? Peut-on justifier que, pour beaucoup de jeunes, l'entrée sur le marché du travail reste difficile, voire interdite pour ceux qui n'ont pas les qualifications ?
Donc le premier devoir pour des Européens, le premier devoir pour des socialistes, c'est d'abord ce pacte de croissance, et de relance, et d'emploi. Et nous demandons aussi que soit reprise cette idée, celle de Jacques Delors émise il y a maintenant plus de quinze ans, d'un grand emprunt européen finançant de grandes infrastructures pour l'environnement, pour les services publics, pour aussi les routes, et peut-être même le chemin de fer, que le gouvernement Raffarin, ici, remet en cause.
Je veux vous dire que l'Europe sociale, c'est également un traité social avec des critères de convergence, permettant d'introduire un salaire minimum dans chaque pays européen, et ce salaire qui devrait lui-même converger vers le haut. Alors les libéraux nous disent : " Mais vous n'y pensez pas ! Un salaire minimum ! Vous allez déstabiliser l'emploi, contrarier l'entrée des pays dans l'Union européenne. ".
Mais pour nous, l'élargissement, ce n'est pas l'abaissement des droits, l'élargissement, c'est, au contraire la convergence vers le haut des protections, des droits, des salaires. C'est ce qui s'est produit lors de l'entrée de l'Espagne, du Portugal, de la Grèce dans l'Union européenne, c'est ce qui doit être aussi la règle.
Alors faisons en sorte de faire cette Europe sociale, de lui donner du sens, du contenu.
Déjà, une stratégie a été définie à Lisbonne lorsqu'il y avait des chefs de gouvernement socialistes, et notamment à l'initiative d'Antonio Guteres* et de Lionel Jospin, qui s'est battu pour cette grande idée de faire converger, là encore, les droits sociaux et les salaires, et donner à l'Europe un objectif impérieux : l'éducation, la connaissance, la recherche, la culture. Parce que pour nous, le modèle européen n'est pas un modèle économique, c'est un modèle de civilisation.
Ce que nous voulons faire une Europe, ce n'est pas simplement un progrès pour les Européens, c'est un progrès pour le monde, et si nous sommes fiers d'avoir réussi depuis 60 ans à faire la paix entre nous, nous ne sommes pas quittes envers les devoirs que nous avons pour le reste du monde, quand la guerre est autour de nous, en Irak, au Proche Orient, en Afrique, le rôle de l'Europe, c'est de peser sur le destin du monde. Et il faut une Europe forte si l'on veut une ONU, elle-même, qui soit légitime et entendue. Tout se tient.
Puis l'Europe sociale, ce sont les services publics. Ils sont en cause dans cette campagne. Soit nous arrivons à faire voter cette grande loi européenne pour les services publics, soit d'étape en étape, de marche en marche, nous dévalerons l'escalier de nos protections et de nos garanties collectives, et qu'il sera bientôt fini l'accès de tous à la santé, à l'éducation, aux transports, à l'énergie.
Moi, je ne veux pas, en tant qu'européen, qu'on utilise l'Europe pour faire réduire le service public.
Il n'y a pas pire message que l'on peut donner, pire modèle que l'on peut fournir à l'Europe que d'en faire un instrument de libéralisme, un instrument de retrait de l'État, un instrument d'abandon de nos protections. C'est parce que nous sommes Européens que nous sommes pour le service public en Europe.
Enfin, nous avons une grande différente entre les droites européennes et la gauche européenne, c'est que nous, nous pensons que le budget de l'Europe est insuffisant : 1 % de la richesse européenne. Et la droite ne veut surtout pas relever ces dépenses, au contraire, y compris le gouvernement français, qui lui-même, incapable de faire respecter ses propres normes budgétaires, voudrait en plus que l'Europe fasse des économies à sa place.
Eh bien nous, nous disons que nous voulons porter, ce n'est pas si, finalement, ambitieux, de 1 à 1,5 % de la richesse européenne le budget de l'Europe, pour y faire priorité à l'éducation, à la recherche, à la culture, aux infrastructures, à l'environnement.
Les libéraux s'en effarouchent, nous disent que nous allons augmenter de 50 % le budget, mais si nous partons de si peu, les progressions n'ont aucun sens !
Alors moi, je vous le dis : oui, il faut se battre pour un grand budget européen, oui, il faut accepter un impôt européen, et commençons d'ailleurs par l'impôt sur les sociétés, que nous pourrions harmoniser, et dont nous pourrions faire l'instrument, non seulement de financement de l'Europe, mais de la coordination des politiques fiscales pour lutter contre les délocalisations ou le dumping.
Si l'on y songe, chers amis, chers camarades, jamais une élection n'a été finalement si politique.
Le Premier ministre voudrait nous faire croire qu'aujourd'hui le débat serait entre ceux qui sont pour l'Europe et ceux qui sont contre l'Europe, mais hormis l'extrême droite, tout le monde ici, en France, est pour l'Europe.
En revanche, la vraie différence, c'est de savoir quelle Europe nous voulons, quels contenus nous Lui donnons, quel sens nous lui fixons, quelle direction nous lui donnons. Voilà le thème de notre campagne.
Oui, il y a une différence majeure entre la gauche et la droite en Europe, et cette élection va décider de notre avenir pour cinq ans. Et parce que nous avons de grandes ambitions, nous voulons cette Europe sociale tout de suite. Mais elle nous sera aussi utile, chers amis et chers camarades, quand nous reviendrons aux responsabilités, car nous reviendrons aux responsabilités en 2007. Et si nous voulons poursuivre nos engagements, avancer de nouveaux progrès, il nous faut une Europe sociale, et non pas une Europe de la contrainte, une Europe du libéralisme, une Europe de la rigidité des politiques publiques.
Chers amis, chers camarades, c'est une élection politique aussi parce que, à l'évidence, il y aura des leçons à tirer de la consultation.
La première : qui, du groupe socialiste européen ou de la droite européenne, sera majoritaire ? Puis une deuxième leçon : qui ici, en France, du Parti socialiste ou de l'Ump, arrivera en tête le 13 juin ? Et c'est là tout le sens aussi de notre combat.
Si c'est l'Ump qui arrive, le soir du scrutin, le 13 juin, en tête... Vous n'en savez rien, il faut le démontrer ! Mais si l'Ump arrivait en tête, ce qui serait d'ailleurs logique, c'est le grand parti de la droite, on nous dit d'ailleurs, le parti unique de la droite, c'est le parti qui détient tous les pouvoirs : la présidence de la République, le Premier ministre, la majorité à l'Assemblée nationale, la majorité au Sénat, et je ne parle pas du Conseil constitutionnel ou du Conseil supérieur de l'audiovisuel. Tout, elle a tout, la droite. Il serait donc, dans une démocratie représentative, assez normal que le parti de la droite arrive en tête.
À ce moment-là, il pourrait d'ailleurs revendiquer la poursuite de sa politique. Mais si tel n'est pas le cas, ça voudra dire que le Parti socialiste est la première force politique en France, et c'est ça qu'il faut démontrer le 13 juin.
Et si le Parti socialiste est la première force politique en France, il faudra aussi mesurer l'écart entre le Parti socialiste et l'Ump.
Et si l'Ump, je poursuis mon rêve, peut-être, mon vu en tout cas, mon appel, si l'Ump ne fait pas 20 % du corps électoral, si l'Ump fait encore moins, alors la question sera posée, pas simplement de l'avenir du gouvernement Raffarin, mais de la capacité qu'aurait ce gouvernement de poursuivre plus longtemps sa politique, parce que sa politique serait rejetée, refusée, repoussée par les Français.
Permettez-moi, juste ce soir, de vous dire mon plein accord avec Alain Juppé, car lui a déclaré, peut-être est-ce parce qu'il est bientôt sur le départ, il y a toujours une espèce d'accès à la sincérité quand vous savez que vous ne serez pas là demain... Eh bien, Alain Juppé a dit que l'Ump était là pour soutenir l'action du Premier ministre dans cette élection, et qu'elle ne devait avoir aucun complexe sur le projet d'assurance maladie, que ce serait même l'un des thèmes des élections européennes, comme celui du changement du statut d'EDF et sa privatisation.
Alors je vous le dis, chers amis, si vous voulez rejeter ce plan de la Sécurité sociale, injuste, inopérant, inconséquent, si vous refusez la privatisation d'EDF, si vous repoussez le démantèlement de l'Éducation nationale et le transfert de ses personnels sur les collectivités locales, qui ne demandent rien, et même pas des compensations, alors, il faut voter, il faut voter socialiste le 13 juin, et faire en sorte que cette politique soit rejetée, écartée, et que, enfin, un espoir se lève, et cet espoir, c'est nous qui le représentons.
Mais la vie politique n'est pas aussi simple. Je suis à quelques jours d'une élection, et tout se déterminera, non pas par nos présences dans les meetings, mais par le vote le 13 juin.
Nous, nous faisons campagne, et nous en sommes fiers.
Notre honneur de démocrates, de citoyens, c'est d'aller vers les autres, vers les Français, et de leur dire : voilà le sens de notre campagne, voilà l'objectif que nous fixons, voilà la portée du scrutin, et donc nos candidats, derrière Kader ici, partout ailleurs, ne ménagent pas leur peine pour convaincre.
Et en face de nous, nous cherchons nos adversaires. Je l'ai dit : la droite n'est pas en campagne, elle est en fuite. Et nous avons cette situation inouïe dans une démocratie : un premier ministre qui considère que les élections européennes ne figurent pas dans son calendrier, comme si des étudiants pouvaient considérer que des examens ne figuraient pas, eux non plus, dans leur calendrier.
La démocratie, c'est le jugement, c'est l'évaluation, c'est la confrontation. Et puis, où sont passés les ministres du gouvernement Raffarin ? Aucun ne tient meeting, aucun n'est en réunion publique ! Ils sont peut-être, vous me direz, à la télévision. C'est possible. Mais ils ne font pas campagne.
D'ailleurs, la leçon leur a été précieuse au moment des élections régionales.
Dans toutes les régions où il y avait un enjeu, c'est-à-dire dans vingt régions sur vingt-deux, encore que je me dis, à la lumière de l'expérience, nous avons été trop modestes dans cette campagne pour les élections régionales, tout était possible, et qu'il n'y avait pas de raisons de laisser les Corses ne pas donner une majorité de gauche là où ils l'avaient déjà arrachée, et aux Alsaciens, je pense qu'ils méritaient, notamment les socialistes alsaciens qui se sont bien battus dans cette campagne, d'arracher eux aussi la victoire.
Mais dans cette campagne pour les élections régionales, il y avait des ministres partout, tout autour de nous, et ils faisaient campagne. Beaucoup même étaient candidats aux élections régionales, avec le succès que l'on sait. Mais là, ils n'y sont plus, ni sur les listes, ni sous les préaux, ni dans les salles.
Même Nicolas Sarkozy, et Dieu sait s'il s'était dépensé dans la campagne des élections régionales, allant ici, parcourant ailleurs le territoire, où est-il aujourd'hui, Nicolas Sarkozy ? En Algérie, nous dit-on. Peut-être que l'Algérie va bientôt rentrer dans l'Union européenne, c'est possible, mais en tout cas, il faudrait l'informer. Et Nicolas Sarkozy, lui, préfère écraser les prix. Quel courage ! Vous vous rendez compte qu'il a décidé tout seul, il fait notre admiration, de baisser les prix de 5 % en France. Au mois de septembre me direz-vous. Ah oui ! Que ne l'a-t-il fait dès aujourd'hui ? Et en plus, il a donné des avantages considérables aux grandes surfaces, à la grande distribution, une nouvelle fois illustrant sa politique : on donne aux plus privilégiés et on ment à tous les autres, c'est ça la politique du gouvernement Raffarin-Sarkozy.
Alors s'il n'y a pas de Premier ministre en face de nous, s'il n'y a pas de ministre, y a-t-il encore un président à l'Ump ? Peut-être pas. Parce que la seule campagne qui les intéresse, à droite, c'est précisément celle de savoir qui sera le prochain président de l'Ump.
Alors, face à cette stratégie de la droite qui fuit le scrutin, qui espère dans l'abstention son salut, qui joue sur la dispersion, à travers la multiplication des listes, qui espèce le découragement civique, qui fait même le pari de la confusion en mélangeant le dossier de la Turquie avec les élections européennes, alors que ce n'est pas d'actualité, en faisant en sorte de nous demander d'approuver une constitution qui n'est même pas encore conclue, et dont on ne sait même pas aujourd'hui quelle est la position du président de la République sur cette future constitution et le mandat qu'il s'est lui-même donné pour la discussion qui suivra l'élection au Parlement européen.
Pour toutes ces raisons, il nous faut faire campagne pour tous, il nous faut être démocrates pour tous, il faut lutter contre la dispersion, l'abstention et la confusion, et donner du sens, parce que c'est une élection qui va compter, contrairement à ce que dit la droite, qui prétend aujourd'hui que finalement, le vote des Français n'aurait pas de conséquences, n'aurait pas d'incidences, n'aurait pas d'influences, que peut-être même, les Français, dimanche soir, ne regarderaient pas à la télévision, ce sera difficile, les résultats des élections européennes.
Quand les Français votent, quand, dans une démocratie, une consultation est organisée, quand une élection a lieu, ses résultats pèsent, et ils pèseront. Et c'est pourquoi nous devons nous-mêmes, dans ces jours qui restent, nous mobiliser pour faire de notre victoire, nous, socialistes français, la plus belle victoire de la gauche en l'Europe. Nous sommes porteurs de cette espérance. Nous avons, nous, apporté le plus de députés européens socialistes à la gauche européenne. Et avec l'Espagne, et avec l'Italie, et avec la France, et avec la Belgique, nous ferons, peut-être, les résultats que nos amis anglais ou allemands ne feront plus.
Certains en sont peut-être responsables. Mais nous, nous ferons la bataille. Cette bataille est essentielle pour l'Europe, elle est fondamentale pour notre pays, il n'y aura pas d'autre élection avant 2007.
Quelques jours avant de savoir si les élections européennes confirmeront ou pas les élections régionales, je veux vous donner cette confiance en vous-mêmes.
Depuis deux ans, après l'affront que nous avons subi, injuste, cruel, nous avons su, nous, les socialistes, d'abord nous rassembler, ensuite redresser la gauche, l'amener à la victoire pour les élections régionales, lui donner de la fierté, qu'elle avait peut-être perdue, lui donner de l'espérance pour ces élections européennes, lui donner un sens à son combat, et retrouver la confiance de nos concitoyens, qui ont voulu sûrement sanctionner au mois de mars le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin, qui doivent le refaire, le 13 juin, mais qui nous ont aussi donné, déjà, un début de confiance à nous-mêmes, socialistes, nous n'avons pas le droit de les décevoir.
Une chance nous a été donnée, un espoir dans la politique nous a été confié, une mission nous a été accordée.
Nous devons tout faire, chers amis, au-delà des élections européennes, pour non seulement rassembler les socialistes, mais aussi rassembler la gauche et préparer notre victoire pour 2007.
Il y faudra de la conviction, nous l'avons, il y faudra du respect à l'égard de l'électeur et du citoyen, il y faudra de la démocratie, il y faudra de la vérité, parce que rien n'est possible en politique sans la vérité, sans dire quelle est la situation de notre pays, de quel héritage allons-nous avoir la charge en 2007, après cinq ans de droite. Nous devons dire ce que nous pouvons changer et ce que nous ne pouvons pas encore modifier. Nous devons aux Français la vérité, et nous leur dirons.
Mais nous devons aussi affirmer la volonté sans laquelle il n'y a pas de transformation possible, dire la société que nous voulons construire ensemble, dire combien, sur l'éducation, sur les services publics, sur le logement, sur l'environnement, nous portons aujourd'hui des exigences.
Et puis nous ferons ce travail sur notre projet dans l'unité, dans l'unité des socialistes, qui savent bien que c'est sur un projet d'abord que nous obtenons la confiance, le reste vient par surcroît.
Kader, tu as été l'enfant choyé de cette campagne pour les élections européennes. Nous sommes tous venus. Tu auras eu droit à Lionel, à Jose Luis, à Laurent, même à François, et donc, ce voilà maintenant en charge de l'essentiel, nous te faisons confiance. Ta victoire sera sans doute belle, parce que c'est dans la région Midi-Pyrénées que nous faisons aux élections européennes, j'ai été tête de liste la dernière fois, nos meilleurs résultats. Alors surtout, faites que Kader fasse mieux que François, que Kader fasse un meilleur résultat en 2004 que je n'ai pu le faire, pardonnez-moi, en 1999.
Oui, il nous reste beaucoup à faire ensemble, mais j'ai confiance en vous, je sais combien mobilisés pour ces temps électoraux, vous vous mobiliserez aussi pour ce temps du projet qui précède le temps de notre victoire.
Sache le bien, Jose Luis Zapatero, nous, nous voulons aussi gagner les élections en 2007. Alors s'il te plaît, travaille bien et attends-nous, nous arrivons !
(source http://www.europesocialiste.org, le 14 juin 2004)
Au point où nous en sommes de notre réunion, y en a-t-il un ou une qui ignore ce qu'il doit faire le 13 juin ? Y en a-t-il encore un, une, à convaincre ?
Nous achevons presque notre campagne pour les élections européennes, quand d'autres ne l'ont même pas commencée. Nous sommes encore en campagne, et nous faisons campagne sur le plan politique. Pour nous, l'Europe, ce n'est pas simplement des places, des sièges, des majorités. L'Europe, c'est un contenu, une direction, un sens, un projet.
Voilà pourquoi nous sommes en campagne, les uns les autres, depuis plusieurs semaines. Non pas pour revendiquer un succès, il sera peut-être là, mais d'abord pour convaincre nos concitoyens d'aller voter. Non pas pour l'Europe. Aujourd'hui, l'Europe est là, elle ne demande pas de soutien particulier, mais de voter pour l'Europe sociale, puisque c'est le mot d'ordre que nous nous sommes fixé, puisque c'est l'objectif que nous portons et que nous voulons atteindre.
Nous faisons une campagne européenne. Je le dis car, quand nous faisions campagne pour les élections régionales, on nous dit que nous ne voulions que sanctionner le gouvernement et nous ne parlions que de politique nationale, quand par ailleurs nous parlions de gratuité des livres scolaires, les emplois tremplin, les grandes causes de l'environnement. Aujourd'hui, encore, on nous dit que nous ne parlons que de sanction du gouvernement et que nous ne parlons pas d'Europe.
Il ne s'agit pas de sanctionner l'Europe, elle n'y est pour rien, mais de sanctionner ceux qui nous gouvernent, parce qu'ils le méritent et que c'est justice de le rappeler.
Nous faisons campagne pour l'Europe, parce qu'elle est un rêve que l'on peut réaliser de génération en génération. Nous ne réalisons pas tous nos rêves, sinon on ne serait pas souvent dans la réalité. Mais, il y a des rêves que l'on transforme, et l'Europe en est un ; sans doute l'un des plus beaux. Ce rêve d'une Europe de paix, il a été accompli. Ce rêve d'une Europe économiquement forte, il est réalisé. Alors, le rêve que nous pouvons aujourd'hui prendre comme un nouveau défi, c'est l'Europe sociale. Nous le croyons, nous ne le disons pas parce que ce serait le meilleur des slogans, mais parce que c'est pour nous l'ardente obligation dans l'engagement politique qui est le nôtre. Nous le disons d'autant plus que, comme socialistes, nous savons que si l'Europe n'est pas sociale, que si l'Europe est libérale, alors, même si nous revenons aux responsabilités en 2007 -et nous reviendrons- nous ne pourrons pas agir comme il convient, nous ne pourrons pas transformer notre pays comme nous le proclamons. Il nous faut donc cette Europe sociale pour faire, le moment venu, de grandes réformes dans notre pays.
Nous faisons une campagne européenne et nous accueillons nos amis Européens. Aujourd'hui, le maire de Barcelone ; hier, le Ministre Tchèque de la culture et nos amis Belges et portugais. Nous faisons campagne avec nos amis. Ce n'est pas facile pour les autres d'inviter leurs amis. Pensez-y. Inviter Berlusconi dans une réunion publique, c'est compliqué. Rappeler Aznar dans une réunion de l'UMP, difficile. Et Schüssel qui s'est allié à l'extrême droite, très dur.
Nous sommes heureux d'accueillir nos amis. Nous sommes même dans une campagne mondiale, puisque nous accueillons le Président de l'Internationale socialiste qui nous rappelle que notre combat pour l'Europe est un combat pour la justice dans le monde. Parce que tout se tient : une Europe forte, c'est un monde pacifié. Voilà les raisons pour lesquelles les socialistes sont en campagne.
L'Europe est sans doute la plus belle des aventures humaines. L'Europe, c'est pour nous la paix, la paix pour l'Europe, la paix pour le monde. L'Europe, c'est une puissance économique, la première du monde. L'Europe, c'est la prospérité que nous devons partager. L'Europe, c'est l'Europe de la culture que nous devons protéger de la mondialisation, de la marchandisation et de l'uniformisation qui la menacent. Lorsque l'Europe défend sa culture, elle défend la culture, parce que le message de l'Europe est toujours un message universel.
Les socialistes sont en campagne. Ils ont parfois le sentiment d'y être un peu seuls. Le gouvernement, la droite, fuient la confrontation. La droite n'est pas en campagne, elle est en fuite, elle se cache. Le Premier ministre lui-même a pu considérer que les élections européennes ne figuraient pas dans son calendrier. Un peu comme ces étudiants qui considéraient que les examens ne figuraient pas au programme. Curieux jugement, curieuse conception de l'action publique, curieuse manière de faire vivre la démocratie. Il a même pu ajouter que le débat était entre ceux qui étaient pour l'Europe et ceux qui étaient contre l'Europe. En France, il n'y a -sauf l'extrême droite et quelques souverainistes- que des protagonistes de l'Europe et nul, d'ailleurs, ne proclament dans cette campagne que la France pourrait sortir de l'Europe. Le vrai débat est donc entre une Europe de droite et une Europe de gauche. C'est le seul message qu'il faut colporter.
Raffarin a déclaré que les Français votent pour les grands partis : l'UMP et le PS. Nous n'acceptons pas le soutien de Jean-Pierre Raffarin dans cette campagne ! Que Jean-Pierre Raffarin soutienne l'UMP, nous verrons bien d'ailleurs si l'UMP soutient Jean-Pierre Raffarin ! Mais, il n'y a pas que Jean-Pierre Raffarin, il y a aussi les Ministres. Où sont-ils passés ? Aux abris, sans doute. Où est Copé que l'on voyait tant il y a quelques mois. Il ne participe à aucune réunion publique, à aucun meeting, à aucune opération de campagne, peut-être même pas dans les spots de télévision. Où est Sarkozy ? Il se démenait dans la campagne des régionales et l'échec de la droite est aussi le sien. Il était dans les grandes réunions. Là, de Sarkozy, pas de nouvelles. Ah, si ! On me dit qu'il est en Algérie, sans doute pense-t-il que l'Algérie est en Europe, nous verrons bien pour la prochaine étape. Et Alain Juppé ! Mais où est donc passé Alain Juppé ? Nul n'a retrouvé sa trace. Si, moi, je l'ai rencontré à France Inter et paraît-il qu'il mène campagne, alors que tous les autres semblent le faire pour la présidence de l'UMP. C'est le panache qui reste le sien.
Dans ce contexte, la droite fait un double pari :
1- Le pari de l'abstention : le gouvernement fait le jeu du silence, de l'indifférence civique, de l'oubli même du scrutin. L'abstention, pour elle, est sa chance, son espoir, alors elle l'entretient, elle l'encourage. C'est sa meilleure alliée. C'est vrai qu'aujourd'hui elle a tout à redouter du vote, elle a tout à espérer du retrait civique. Et beaucoup de nos concitoyens pourraient considérer que l'essentiel est fait après les élections régionales du mois de mars, que les messages sont passés, que le Parlement européen est trop loin, abstrait, qu'il ne changera pas leur vie. C'est à eux que nous devons nous adresser. À eux de convaincre aussi leurs proches que le Parlement européen, c'est le lieu où s'élaborent la plupart des lois qui s'appliquent aujourd'hui dans notre pays. C'est le Parlement européen qui va, aujourd'hui, décider de l'avenir de la Commission européenne. C'est au Parlement européen qu'il va y avoir le contrôle de l'Exécutif de l'Europe et que le Parlement européen est, finalement, un lieu de pouvoir aussi essentiel que notre Parlement national. S'ils oublient le 13 juin de voter, ils seront obligés d'attendre 2007 ; et 2007, c'est long ; c'est, pour beaucoup, la fin de leurs acquis sociaux et qu'il est encore temps aujourd'hui de s'exprimer fortement et de faire reculer le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin. Voilà le sens du message qu'il faut porter.
2- Le pari de la confusion : elle fait campagne, paraît-il, sur le thème de la Turquie. Nous avons dit ce qu'il fallait en dire. Pour nous, la Turquie est dans l'Europe, mais avec des conditions, sur la base de critères, sur la base de la démocratie et des droits de l'Homme, sur la base de valeurs, parce que l'Europe -pour nous- est une communauté de valeurs et, en aucune façon, un préalable religieux. Voilà pourquoi, nous avons considéré que la Turquie avait sa place dans ces conditions-là, sur ces critères-là, et n'oublions pas non plus la reconnaissance du génocide arménien. Voilà comment nous portons, nous, la question de la Turquie. Et la droite voudrait nous faire croire que ce serait le sujet essentiel, alors même que le Président de la République lui-même a pris des engagements et qu'aujourd'hui la Ministre des Affaires Européennes vient de faire cette déclaration étonnante en affirmant que la Turquie n'est pas un enjeu du scrutin européen. Le gouvernement fait-il encore partie de l'UMP et l'UMP du gouvernement ! Et sur la question de la Constitution ? Alors qu'il y a encore des choix décisifs qui seront pris au lendemain des élections européennes, peut-on laisser penser que la question aujourd'hui c'est la Constitution. Nous sommes pour une Constitution européenne, nous sommes pour des institutions démocratiques, nous considérons qu'il y a des avancées, mais qu'il y a encore un certain nombre de mécanismes à changer, des règles de révision à modifier. Et ce qui est étrange, insupportable d'ailleurs, c'est que le Président de la République n'ait toujours pas fait connaître le mandat qui est le sien pour aller négocier -au lendemain des élections du 13 juin- la position de la France pour l'Europe. C'est le 13 juin qu'il faut nous-mêmes former le mandat pour la négociation qui suivra. C'est selon le vote du 13 juin que s'élaborera aussi la future Constitution. C'est selon les votes qu'émettront les Européens eux-mêmes pour leur Parlement européen que se décidera la Constitution. Les Chefs de gouvernement, les Chefs d'Etat ont, sans doute, leur prérogative, mais les peuples doivent d'abord s'exprimer sur l'Europe qu'ils veulent. C'est cela le sens de notre campagne.
Nous n'arrêtons pas de dire l'Europe sociale, l'Europe sociale, parce qu'aujourd'hui c'est le prochain défi. Beaucoup ont souri. Toujours les mêmes : les fatalistes, les conservateurs, les Libéraux. Ah ! l'Europe sociale. C'est un voeu, c'est un objectif inaccessible, c'est un slogan. Les Libéraux, les conservateurs rient toujours devant ceux qui leur promettent des progrès. Ils considèrent qu'il n'y a pas de place pour la volonté humaine, que l'action politique est vaine, que le changement est impossible, que seuls les marchés, les forces économiques peuvent produire les avancées d'une société.
Mais, quand nous disons " Europe sociale ", de quoi parlons-nous ? D'abord de l'Europe de l'emploi, de l'Europe du plein emploi. Parce qu'il est pour nous insupportable que cette Europe, première puissance économique du monde, puisse connaître 10, 12 % de taux de chômage. Il est insupportable de savoir que c'est en Europe, première puissance économique, que la croissance est parmi l'une des plus faibles du monde développé. C'est pourquoi, le premier engagement que nous prenons est de relancer la croissance et l'emploi à travers la coordination des politiques économiques, mais plus encore, à travers une harmonisation fiscale évitant les délocalisations, à travers un grand plan de grand travaux financé par emprunt pour ouvrir l'Europe aux nouvelles technologies et aux protections de l'environnement. Voilà le projet qui est le nôtre. Quant au pacte de stabilité, que les Libéraux et les conservateurs -comme ici, en France- ne respectent jamais, nous préférons parler de pacte de croissance, de nos priorités à l'Education, à la Recherche, à la culture, car c'est cela l'avenir. Voilà ce que nous entendons, nous, par Europe sociale.
L'Europe sociale, pour nous, c'est la convergence des droits, des salaires et des niveaux de protection. Et, là encore, ils sourient sous cape " Ah ! les pauvres socialistes, ils y croient encore au progrès social ". Chimères, pensent-ils ! Mais, c'est notre destin d'Européens, lorsque nous acceptons l'élargissement, de faire en sorte que les pays qui nous rejoignent connaissent plus rapidement que nous ne l'avons fait sans doute les progrès, les avancées, les conquêtes, les droits. C'est comme cela que nous concevons l'élargissement et non pas comme une source de profits, de délocalisations, de dumping. Ce que nous voulons promouvoir, c'est une façon de vivre ensemble dans le même espace de solidarité.
Les ricaneurs poursuivent et nous disent : " Mais, vous ne voulez quand même pas transférer la Sécurité Sociale, l'assurance maladie, les retraites en Europe ! ". Sûrement pas. Mais, nous voulons d'abord les garder chez nous ces acquis sociaux qu'ils détruisent ici. Permettez-nous d'ailleurs de vouloir faire ces critères de convergence sociale qu'ils admettent pour l'Europe monétaire, qu'ils introduisent pour l'Europe économique -et encore pas toujours. Nous voulons fixer les mêmes objectifs, les mêmes critères de convergence pour le social.
À Lisbonne, Antonio Guterres est là, Premier ministre du Portugal à cette époque, Président du Conseil européen, c'est lui qui a défini cette stratégie de Lisbonne où l'on se fixe des objectifs pour l'économie de la connaissance, l'économie de l'emploi, l'économie du progrès social. Mais, les Libéraux ne les ont pas respectés, entendus, voulus, protégés.
Alors, il nous faut donc reprendre inlassablement notre combat, parce que nous, les socialistes, nous savons qu'il n'en est jamais terminé du combat social, jamais terminé des conquêtes sociales, qu'il faut toujours s'y remettre, éternellement s'y remettre. D'ailleurs, il faudrait éviter de s'y remettre tous les cinq ans ; il vaudrait mieux travailler dans la durée. Mais, on ne choisit pas ses délais. Mais, pour nous, l'Europe sociale, c'est la volonté de converger ensemble vers le haut, d'harmoniser nos protections.
Là encore, c'est Alain Juppé qui nous fait la leçon. Il nous parle de poudre aux yeux Pour un spécialiste du feu aux poudres en matière sociale, c'était le plus bel hommage du vice à la vertu qu'il pouvait nous rendre.
Pour nous, l'Europe sociale, c'est l'Europe des services publics. Parce que, c'est cela qui fait qu'on est à l'égal de tous -où qu'on soit en Europe- pour accéder à la santé, à l'Education, aux transports. Pour nous, le service public est une façon de vivre en Europe. C'est pourquoi, il y aura toujours cette opposition entre l'Europe libérale et l'Europe sociale. Et que la question des services publics est centrale dans cette campagne. La meilleure preuve, c'est que le groupe conservateur européen a voté pour la libéralisation de tous les services publics au Parlement européen, quand c'est le groupe socialiste -dans toute sa diversité- qui s'y est chaque fois opposé.
Mettons le service public au coeur de notre campagne pour les élections européennes, parce que c'est notre mode de vie et pas seulement en France, mais partout en Europe.
Il y a cette grande question du budget qui doit être une question de clivage entre les conservateurs et les socialistes. Les conservateurs veulent encore réduire ce budget européen " peau de chagrin " à 1 % de la richesse européenne et nous disent - avec horreur et abomination- que nous voulons porter le budget européen non pas à 1 % de la richesse européenne mais à 1,5 %. Le socialisme c'est donc le diable ! C'est l'enfer ! 1,5 %. Alors, oui, revendiquons aussi cette volonté, portons le budget européen à 1,5 % de la richesse produite en Europe pour faire une politique en faveur de l'emploi, de l'Education, de la culture, de la Recherche et pour les régions.
Quel est l'objectif de notre campagne ? Il est simple : il faut envoyer une majorité de gauche au Parlement européen le 13 juin. Tout l'enjeu est de savoir qui du PPE, le parti des conservateurs européens, ou du Parti socialiste aura le plus de sièges. Le Parti PPE, c'est le Parti où siège l'UMP et l'UDF -jusqu'à ce qu'elle en sorte et l'on nous dit que c'est pour bientôt. Mais c'est le grand parti européen où l'on admet, l'on souhaite la libéralisation des services publics ; c'est la majorité de ce parti qui a souhaité l'intervention américaine en Irak ; c'est dans ce parti-là qu'on revendique encore aujourd'hui la référence à Dieu dans la Constitution européenne ; c'est dans ce parti-là qu'on a refusé la commission d'enquête sur le naufrage du Prestige ; c'est dans ce parti-là qu'il y a eu absolution de l'alliance entre la droite et l'extrême droite en Autriche ; c'est dans ce parti-là que l'on refuse toute avancée sociale dans l'Europe Et c'est ce parti-là qui voudrait avoir la Présidence de la Commission européenne ! Voilà le sens de notre combat : être majoritaires au Parlement européen, rejeter la droite et faire en sorte que le prochain Président de la Commission européenne soit un homme ou une femme de progrès.
Il y a aussi, me dit-on, un enjeu national. C'est vrai. Je l'admets volontiers. Mais, tout est lié. On ne peut pas refuser le libéralisme en Europe et absoudre le gouvernement Raffarin, champion du libéralisme en France. Tout se tient. Il faut sûrement envoyer un nouveau message. Il faut marquer l'utilité du vote pour faire avancer l'Europe, pour faire reculer le gouvernement Raffarin. Et ceux qui s'interrogent sur les suites du scrutin des 21 et 28 mars, soyez fiers du résultat des 21 et 28 mars. Pas seulement parce que la gauche a gagné, pas seulement parce qu'il y a aujourd'hui 20 régions à gauche sur 22 et la majorité des départements ; soyez fiers de votre vote parce que vous avez fait reculer le gouvernement. Si aujourd'hui les recalculés de l'UNEDIC ont enfin retrouvé leurs indemnités, c'est par votre vote ; si les chercheurs ont pu enfin arracher les quelques crédits budgétaires jusqu'à la fin de l'année, c'est grâce à votre vote ; si les intermittents du spectacle ont pu enfin trouver un interlocuteur et peut-être quelques millions d'euros pour financer leur couverture sociale, c'est grâce à votre vote. Et si nous avons évité la prise par ordonnance de la réforme de la Sécurité Sociale, de son démantèlement, c'est aussi par votre vote. Et, de la même manière, c'est par le vote le 13 juin qu'on fera reculer le gouvernement sur la Sécurité Sociale, et qu'il ne s'y trompe pas, il y a beaucoup plus de mécontents par rapport au plan de Douste-Blazy qu'il n'y a eu de manifestants le 5 juin dernier. Je veux rendre hommage à ceux qui ont manifesté pour la Sécurité Sociale et je veux leur dire que s'ils veulent défendre leurs acquis sociaux, c'est aussi au moment des élections européennes qu'il faut le faire. Et pour les salariés d'EDF qui se battent dans des conditions dures, difficiles, que l'on pousse à la brutalité et, quelques fois, à la désespérance, je veux leur dire qu'ils ont aussi la possibilité de se faire entendre en allant voter le 13 juin, en affirmant qu'ils ne défendent pas leur statut, leurs avantages ou seulement leur entreprise, mais qu'ils défendent ce qui est le plus beau, c'est-à-dire le service public et l'égalité pour tous devant l'énergie.
La gauche est de retour en Europe. Sans doute. La gauche va peut-être avoir une nouvelle chance. Sûrement. Mais, il nous reste tant à faire encore ensemble. Nous avons ensemble redressé le Parti socialiste, rassemblé la gauche, redonner une espérance. Et nous avons gagné ces élections régionales et cantonales ensemble. Il va falloir gagner ces élections européennes ensemble. Il va falloir faire un projet pour l'avenir ensemble, dans l'unité, dans la volonté et dans la vérité.
Notre combat ne s'arrête jamais et il y aura forcément, après ces élections européennes, d'autres rendez-vous qui nous attendent. Et, si nous voulons être là, il faut d'abord faire l'Europe sociale ; il faut ensuite faire l'unité des socialistes sur un projet social ; il faut enfin rassembler la gauche sur une volonté sociale. C'est de tout cela dont il faudra s'occuper au lendemain du 13 juin. D'ici là, faisons avec Harlem qu'il y ait le plus de députés européens socialistes de l'Ile de France.
(source http://www.europesocialiste.org, le 14 juin 2004)
Chers camarades, Queridos compagneros,
Vous avez, en Kader Arif, non pas seulement un chef de file symbolique de la diversité du Parti socialiste, vous n'avez pas seulement un premier secrétaire d'une grande fédération, vous n'avez pas seulement un militant exemplaire, vous avez déjà un futur député européen. Mais la mission que j'ai confiée à Kader Arif, ce n'est pas seulement d'être, lui, député européen ; ce que je lui ai demandé, et ce que vous allez faire, c'est de faire élire au Parlement européen le plus de députés européens socialistes, ceux-là mêmes et celles-là mêmes qui sont sur la liste qu'il conduit.
Je suis ici avec vous pour accueillir Jose Luis Zapatero. C'est vrai que lorsque je suis venu à Madrid, c'était au mois d'avril, c'était le premier jour de sa prise de fonctions.
Il eut même la délicatesse de me faire visiter son bureau, comme un camarade qui le découvre. Et il m'a même dit, me montrant ses appartements, qu'il n'y avait pas encore résidé. J'eus simplement, un moment, l'illusion, moi-même, d'accéder au pouvoir. Pas encore à l'appartement, je vous rassure.
Ce jour-là, Jose Luis, tu m'avais dit que tu viendrais à Toulouse, et aujourd'hui, tu es là, à Toulouse, respectant ton engagement. Tu es là, à Toulouse, chez toi. Chez toi parce que tu es un socialiste, chez toi parce que tu es un socialiste espagnol à Toulouse.
C'est vrai qu'il y a des liens profonds qui unissent cette ville avec l'Espagne, c'est vrai qu'il y a des relations historiques entre cette région et l'Espagne, et c'est vrai aussi qu'il y a entre les socialistes français et les socialistes espagnols une amitié longue, durable, et chacun a à l'esprit l'appui donné par François Mitterrand à Felipe Gonzales au moment où il a accédé lui-même à la démocratie d'abord, et au pouvoir ensuite.
Nous nous inscrivons, nous aussi, dans cette tradition, dans cette lignée qui est aussi notre avenir. Jose Luis, tu incarnes non seulement la victoire des socialistes espagnols, tu incarnes la victoire de la démocratie. Prends-en conscience car le succès des socialistes espagnols a dépassé les frontières de l'Espagne.
Oui, tu as gagné la plus belle des victoires, d'abord celle contre le terrorisme hideux, et la seule réponse qui pouvait être donnée par le peuple espagnol, c'était le vote, c'était le suffrage universel, pour dire non au terrorisme, non à la violence, non à la haine. Et ils ont choisi le vote socialiste pour l'exprimer. Tu as vaincu aussi le mensonge, parce qu'il y a eu mensonge en Espagne, parce qu'on a caché la réalité au peuple espagnol, et qu'on ne peut pas abuser un peuple sans conséquences, et que là encore, merveilleuse leçon de la démocratie, ce sont les citoyens espagnols qui ont pris, là encore, le bulletin de vote socialiste pour battre le mensonge et exiger la vérité. Tu illustres aussi, avec ton parti, le redressement des socialistes, le refus de la fatalité.
Tu as été l'artisan de ce travail patient, obstiné, courageux, et finalement victorieux, qui est pour nous la plus belle des leçons.
Il n'y a aucun échec qui soit capable de terrasser les socialistes. Il y a toujours cette volonté, la nôtre, de redresser le mouvement qui est le nôtre, de reprendre le chemin du combat pour notre idéal, de rassembler la gauche. Et ça prend le temps nécessaire, mais c'est la victoire toujours inéluctable le moment venu où la gauche l'emporte contre la droite. Ce moment est venu en Espagne, et il viendra, là encore, en France. Tu symbolises aussi le retour de la gauche en Europe, et notamment dans l'Europe du sud.
Je veux te remercier tout particulièrement, parce que ton succès en Espagne a permis le nôtre en France pour les élections régionales et cantonales. Et que dans tous nos meetings, dans toutes nos réunions au mois de mars, nous disions : ce que les Espagnols ont fait, les Français peuvent aussi l'accomplir. Et nous avons appelé ainsi de nombreux citoyens, las peut-être du scrutin, du vote indifférent, à l'enjeu à venir, précisément, voter.
Encore aujourd'hui, c'est l'appel qu'il faut lancer : oui c'est le vote, c'est le suffrage, c'est la participation civique qui fait avancer une société, qui donne le progrès, qui donne la clé de la réussite d'une société et d'un avenir.
Voilà pourquoi, encore, pour ces élections européennes, où l'abstention est, paraît-il, une menace, où la dispersion est un risque, nous, nous faisons campagne pour le vote, et aussi, je dois le dire et le confier devant vous, pour le vote socialiste.
Je veux exprimer notre gratitude de socialistes pour la décision que tu as prise le jour même où tu as accédé aux responsabilités, de retirer les forces espagnoles d'Irak, et permettre ainsi l'accès, enfin, de la suprématie du droit sur la force.
Alors nous, nous faisons une campagne européenne. Il nous paraît légitime d'inviter nos meilleurs leaders en Europe, aujourd'hui Zapatero, hier, Antonio Guteres*, l'ancien premier ministre portugais, président de l'Internationale socialiste, et puis Poul Rasmussen, président du Parti socialiste européen. Bref, nous, nous invitons nos amis socialistes.
Et me venait à l'esprit, en t'écoutant, une question : qui la droite pourrait-elle inviter dans cette campagne comme représentant de l'Europe qu'elle veut ? Peut-être l'UMP a-t-elle songé à inviter Aznar ? Je n'en suis pas sûr, et je me pose d'ailleurs, là encore, la question. Peut-être a-t-elle songé à inviter le chancelier autrichien, Schussel, l'homme qui a fait une alliance entre la droite et l'extrême-droite, difficile.
Alors, je vais lui prodiguer un conseil : le seul, à ma connaissance, qui reste à inviter par la droite dans cette campagne, jusqu'au 13 juin, ce ne peut être que Berlusconi, je ne vois que lui pour incarner l'Europe de la droite.
Parce que l'enjeu, dans cette élection du 13 juin, c'est de savoir qui, de la droite européenne ou de la gauche européenne, aura le plus de sièges et la majorité au Parlement européen.
Nous, nous revendiquons, au nom du Parti socialiste européen, cette prétention à diriger non seulement les grandes commissions du Parlement européen, la présidence du Parlement européen, mais nous affirmons que si nous sommes suffisamment nombreux au sein du Parlement européen, le président de la Commission européenne procédera aussi de cette légitimité démocratique. Certes, le nom sera présenté par les chefs d'État et les chefs de gouvernement, mais c'est le Parlement européen qui, finalement, habilitera ce président de la Commission européenne.
Si nous le voulons, nous pouvons influer non seulement sur le Parlement européen, mais sur la future Commission européenne. C'est la raison pour laquelle le vote, le vote de gauche, dans cette élection n'est pas un vote simplement de symbole, simplement d'adhésion, simplement de confirmation, non, c'est un vote utile, utile pour l'Europe, utile pour la gauche européenne, utile pour l'Europe sociale.
Et je vous appelle, et à travers vous, tous ceux qui doutent encore, à venir conforter cette Europe de gauche que nous sommes en train de construire et de bâtir.
Et la droite européenne existe. Elle existe d'abord au niveau des gouvernements, et aujourd'hui, il y a plus de chefs de gouvernement et de chefs d'État de droite que de gauche, mais ce parti des conservateurs européens, des droites européennes, PPE, parti peu populaire et pas européen, d'ailleurs, eh bien, ce mouvement-là est aujourd'hui le plus représenté au Parlement européen, et il défend une politique qui est à l'inverse des choix que nous proposons.
C'est d'abord de déréguler, de privatiser l'ensemble des services publics. Ce parti propose aussi d'augmenter encore la durée maximale de travail. Ce parti est également celui qui veut éviter de créer des commissions d'enquêtes, notamment après le naufrage de navires pollueurs, parce que ce parti refuse le principe pollueur-payeur, et notamment par rapport au Prestige.
Alors, nous avons devant nous un parti conservateur, un parti de droite, dont la majorité d'ailleurs était pour l'intervention américaine en Irak, qui aujourd'hui encore se bat de la future constitution européenne pour introduire la référence à Dieu dans ce texte fondamental.
C'est le même parti qui a refusé les sanctions imposées à l'Autriche pour cette alliance entre la droite et l'extrême droite.
Alors, pour ceux qui douteraient, là encore, de ce clivage entre la droite et la gauche en Europe, je veux ici vous mettre en garde : si la droite était majoritaire en Europe, alors que déjà, dans les gouvernements, elle pèse, nous aurions une Commission également à droite et nous aurions une Europe libérale qui, en définitive, abattrait nos protections sociales, libéraliserait les services publics et réduirait encore la place et l'autorité de l'Europe.
Le voulons-nous ? Non. Et c'est pourquoi nous avons fait campagne pour l'Europe sociale, non pas comme un slogan, non pas comme une incantation, mais comme un engagement.
Pour nous, l'Europe sociale, c'est d'abord l'Europe de la croissance et de l'emploi.
Est-il possible de concevoir que l'Europe, première puissance économique du monde, puisse tolérer un niveau de chômage supérieur à 10 % de la population active ?
Peut-on admettre, dans cette Europe riche, qu'il y ait encore 5 % de la population qui vit au-dessous du seuil de pauvreté ? Peut-on justifier que, pour beaucoup de jeunes, l'entrée sur le marché du travail reste difficile, voire interdite pour ceux qui n'ont pas les qualifications ?
Donc le premier devoir pour des Européens, le premier devoir pour des socialistes, c'est d'abord ce pacte de croissance, et de relance, et d'emploi. Et nous demandons aussi que soit reprise cette idée, celle de Jacques Delors émise il y a maintenant plus de quinze ans, d'un grand emprunt européen finançant de grandes infrastructures pour l'environnement, pour les services publics, pour aussi les routes, et peut-être même le chemin de fer, que le gouvernement Raffarin, ici, remet en cause.
Je veux vous dire que l'Europe sociale, c'est également un traité social avec des critères de convergence, permettant d'introduire un salaire minimum dans chaque pays européen, et ce salaire qui devrait lui-même converger vers le haut. Alors les libéraux nous disent : " Mais vous n'y pensez pas ! Un salaire minimum ! Vous allez déstabiliser l'emploi, contrarier l'entrée des pays dans l'Union européenne. ".
Mais pour nous, l'élargissement, ce n'est pas l'abaissement des droits, l'élargissement, c'est, au contraire la convergence vers le haut des protections, des droits, des salaires. C'est ce qui s'est produit lors de l'entrée de l'Espagne, du Portugal, de la Grèce dans l'Union européenne, c'est ce qui doit être aussi la règle.
Alors faisons en sorte de faire cette Europe sociale, de lui donner du sens, du contenu.
Déjà, une stratégie a été définie à Lisbonne lorsqu'il y avait des chefs de gouvernement socialistes, et notamment à l'initiative d'Antonio Guteres* et de Lionel Jospin, qui s'est battu pour cette grande idée de faire converger, là encore, les droits sociaux et les salaires, et donner à l'Europe un objectif impérieux : l'éducation, la connaissance, la recherche, la culture. Parce que pour nous, le modèle européen n'est pas un modèle économique, c'est un modèle de civilisation.
Ce que nous voulons faire une Europe, ce n'est pas simplement un progrès pour les Européens, c'est un progrès pour le monde, et si nous sommes fiers d'avoir réussi depuis 60 ans à faire la paix entre nous, nous ne sommes pas quittes envers les devoirs que nous avons pour le reste du monde, quand la guerre est autour de nous, en Irak, au Proche Orient, en Afrique, le rôle de l'Europe, c'est de peser sur le destin du monde. Et il faut une Europe forte si l'on veut une ONU, elle-même, qui soit légitime et entendue. Tout se tient.
Puis l'Europe sociale, ce sont les services publics. Ils sont en cause dans cette campagne. Soit nous arrivons à faire voter cette grande loi européenne pour les services publics, soit d'étape en étape, de marche en marche, nous dévalerons l'escalier de nos protections et de nos garanties collectives, et qu'il sera bientôt fini l'accès de tous à la santé, à l'éducation, aux transports, à l'énergie.
Moi, je ne veux pas, en tant qu'européen, qu'on utilise l'Europe pour faire réduire le service public.
Il n'y a pas pire message que l'on peut donner, pire modèle que l'on peut fournir à l'Europe que d'en faire un instrument de libéralisme, un instrument de retrait de l'État, un instrument d'abandon de nos protections. C'est parce que nous sommes Européens que nous sommes pour le service public en Europe.
Enfin, nous avons une grande différente entre les droites européennes et la gauche européenne, c'est que nous, nous pensons que le budget de l'Europe est insuffisant : 1 % de la richesse européenne. Et la droite ne veut surtout pas relever ces dépenses, au contraire, y compris le gouvernement français, qui lui-même, incapable de faire respecter ses propres normes budgétaires, voudrait en plus que l'Europe fasse des économies à sa place.
Eh bien nous, nous disons que nous voulons porter, ce n'est pas si, finalement, ambitieux, de 1 à 1,5 % de la richesse européenne le budget de l'Europe, pour y faire priorité à l'éducation, à la recherche, à la culture, aux infrastructures, à l'environnement.
Les libéraux s'en effarouchent, nous disent que nous allons augmenter de 50 % le budget, mais si nous partons de si peu, les progressions n'ont aucun sens !
Alors moi, je vous le dis : oui, il faut se battre pour un grand budget européen, oui, il faut accepter un impôt européen, et commençons d'ailleurs par l'impôt sur les sociétés, que nous pourrions harmoniser, et dont nous pourrions faire l'instrument, non seulement de financement de l'Europe, mais de la coordination des politiques fiscales pour lutter contre les délocalisations ou le dumping.
Si l'on y songe, chers amis, chers camarades, jamais une élection n'a été finalement si politique.
Le Premier ministre voudrait nous faire croire qu'aujourd'hui le débat serait entre ceux qui sont pour l'Europe et ceux qui sont contre l'Europe, mais hormis l'extrême droite, tout le monde ici, en France, est pour l'Europe.
En revanche, la vraie différence, c'est de savoir quelle Europe nous voulons, quels contenus nous Lui donnons, quel sens nous lui fixons, quelle direction nous lui donnons. Voilà le thème de notre campagne.
Oui, il y a une différence majeure entre la gauche et la droite en Europe, et cette élection va décider de notre avenir pour cinq ans. Et parce que nous avons de grandes ambitions, nous voulons cette Europe sociale tout de suite. Mais elle nous sera aussi utile, chers amis et chers camarades, quand nous reviendrons aux responsabilités, car nous reviendrons aux responsabilités en 2007. Et si nous voulons poursuivre nos engagements, avancer de nouveaux progrès, il nous faut une Europe sociale, et non pas une Europe de la contrainte, une Europe du libéralisme, une Europe de la rigidité des politiques publiques.
Chers amis, chers camarades, c'est une élection politique aussi parce que, à l'évidence, il y aura des leçons à tirer de la consultation.
La première : qui, du groupe socialiste européen ou de la droite européenne, sera majoritaire ? Puis une deuxième leçon : qui ici, en France, du Parti socialiste ou de l'Ump, arrivera en tête le 13 juin ? Et c'est là tout le sens aussi de notre combat.
Si c'est l'Ump qui arrive, le soir du scrutin, le 13 juin, en tête... Vous n'en savez rien, il faut le démontrer ! Mais si l'Ump arrivait en tête, ce qui serait d'ailleurs logique, c'est le grand parti de la droite, on nous dit d'ailleurs, le parti unique de la droite, c'est le parti qui détient tous les pouvoirs : la présidence de la République, le Premier ministre, la majorité à l'Assemblée nationale, la majorité au Sénat, et je ne parle pas du Conseil constitutionnel ou du Conseil supérieur de l'audiovisuel. Tout, elle a tout, la droite. Il serait donc, dans une démocratie représentative, assez normal que le parti de la droite arrive en tête.
À ce moment-là, il pourrait d'ailleurs revendiquer la poursuite de sa politique. Mais si tel n'est pas le cas, ça voudra dire que le Parti socialiste est la première force politique en France, et c'est ça qu'il faut démontrer le 13 juin.
Et si le Parti socialiste est la première force politique en France, il faudra aussi mesurer l'écart entre le Parti socialiste et l'Ump.
Et si l'Ump, je poursuis mon rêve, peut-être, mon vu en tout cas, mon appel, si l'Ump ne fait pas 20 % du corps électoral, si l'Ump fait encore moins, alors la question sera posée, pas simplement de l'avenir du gouvernement Raffarin, mais de la capacité qu'aurait ce gouvernement de poursuivre plus longtemps sa politique, parce que sa politique serait rejetée, refusée, repoussée par les Français.
Permettez-moi, juste ce soir, de vous dire mon plein accord avec Alain Juppé, car lui a déclaré, peut-être est-ce parce qu'il est bientôt sur le départ, il y a toujours une espèce d'accès à la sincérité quand vous savez que vous ne serez pas là demain... Eh bien, Alain Juppé a dit que l'Ump était là pour soutenir l'action du Premier ministre dans cette élection, et qu'elle ne devait avoir aucun complexe sur le projet d'assurance maladie, que ce serait même l'un des thèmes des élections européennes, comme celui du changement du statut d'EDF et sa privatisation.
Alors je vous le dis, chers amis, si vous voulez rejeter ce plan de la Sécurité sociale, injuste, inopérant, inconséquent, si vous refusez la privatisation d'EDF, si vous repoussez le démantèlement de l'Éducation nationale et le transfert de ses personnels sur les collectivités locales, qui ne demandent rien, et même pas des compensations, alors, il faut voter, il faut voter socialiste le 13 juin, et faire en sorte que cette politique soit rejetée, écartée, et que, enfin, un espoir se lève, et cet espoir, c'est nous qui le représentons.
Mais la vie politique n'est pas aussi simple. Je suis à quelques jours d'une élection, et tout se déterminera, non pas par nos présences dans les meetings, mais par le vote le 13 juin.
Nous, nous faisons campagne, et nous en sommes fiers.
Notre honneur de démocrates, de citoyens, c'est d'aller vers les autres, vers les Français, et de leur dire : voilà le sens de notre campagne, voilà l'objectif que nous fixons, voilà la portée du scrutin, et donc nos candidats, derrière Kader ici, partout ailleurs, ne ménagent pas leur peine pour convaincre.
Et en face de nous, nous cherchons nos adversaires. Je l'ai dit : la droite n'est pas en campagne, elle est en fuite. Et nous avons cette situation inouïe dans une démocratie : un premier ministre qui considère que les élections européennes ne figurent pas dans son calendrier, comme si des étudiants pouvaient considérer que des examens ne figuraient pas, eux non plus, dans leur calendrier.
La démocratie, c'est le jugement, c'est l'évaluation, c'est la confrontation. Et puis, où sont passés les ministres du gouvernement Raffarin ? Aucun ne tient meeting, aucun n'est en réunion publique ! Ils sont peut-être, vous me direz, à la télévision. C'est possible. Mais ils ne font pas campagne.
D'ailleurs, la leçon leur a été précieuse au moment des élections régionales.
Dans toutes les régions où il y avait un enjeu, c'est-à-dire dans vingt régions sur vingt-deux, encore que je me dis, à la lumière de l'expérience, nous avons été trop modestes dans cette campagne pour les élections régionales, tout était possible, et qu'il n'y avait pas de raisons de laisser les Corses ne pas donner une majorité de gauche là où ils l'avaient déjà arrachée, et aux Alsaciens, je pense qu'ils méritaient, notamment les socialistes alsaciens qui se sont bien battus dans cette campagne, d'arracher eux aussi la victoire.
Mais dans cette campagne pour les élections régionales, il y avait des ministres partout, tout autour de nous, et ils faisaient campagne. Beaucoup même étaient candidats aux élections régionales, avec le succès que l'on sait. Mais là, ils n'y sont plus, ni sur les listes, ni sous les préaux, ni dans les salles.
Même Nicolas Sarkozy, et Dieu sait s'il s'était dépensé dans la campagne des élections régionales, allant ici, parcourant ailleurs le territoire, où est-il aujourd'hui, Nicolas Sarkozy ? En Algérie, nous dit-on. Peut-être que l'Algérie va bientôt rentrer dans l'Union européenne, c'est possible, mais en tout cas, il faudrait l'informer. Et Nicolas Sarkozy, lui, préfère écraser les prix. Quel courage ! Vous vous rendez compte qu'il a décidé tout seul, il fait notre admiration, de baisser les prix de 5 % en France. Au mois de septembre me direz-vous. Ah oui ! Que ne l'a-t-il fait dès aujourd'hui ? Et en plus, il a donné des avantages considérables aux grandes surfaces, à la grande distribution, une nouvelle fois illustrant sa politique : on donne aux plus privilégiés et on ment à tous les autres, c'est ça la politique du gouvernement Raffarin-Sarkozy.
Alors s'il n'y a pas de Premier ministre en face de nous, s'il n'y a pas de ministre, y a-t-il encore un président à l'Ump ? Peut-être pas. Parce que la seule campagne qui les intéresse, à droite, c'est précisément celle de savoir qui sera le prochain président de l'Ump.
Alors, face à cette stratégie de la droite qui fuit le scrutin, qui espère dans l'abstention son salut, qui joue sur la dispersion, à travers la multiplication des listes, qui espèce le découragement civique, qui fait même le pari de la confusion en mélangeant le dossier de la Turquie avec les élections européennes, alors que ce n'est pas d'actualité, en faisant en sorte de nous demander d'approuver une constitution qui n'est même pas encore conclue, et dont on ne sait même pas aujourd'hui quelle est la position du président de la République sur cette future constitution et le mandat qu'il s'est lui-même donné pour la discussion qui suivra l'élection au Parlement européen.
Pour toutes ces raisons, il nous faut faire campagne pour tous, il nous faut être démocrates pour tous, il faut lutter contre la dispersion, l'abstention et la confusion, et donner du sens, parce que c'est une élection qui va compter, contrairement à ce que dit la droite, qui prétend aujourd'hui que finalement, le vote des Français n'aurait pas de conséquences, n'aurait pas d'incidences, n'aurait pas d'influences, que peut-être même, les Français, dimanche soir, ne regarderaient pas à la télévision, ce sera difficile, les résultats des élections européennes.
Quand les Français votent, quand, dans une démocratie, une consultation est organisée, quand une élection a lieu, ses résultats pèsent, et ils pèseront. Et c'est pourquoi nous devons nous-mêmes, dans ces jours qui restent, nous mobiliser pour faire de notre victoire, nous, socialistes français, la plus belle victoire de la gauche en l'Europe. Nous sommes porteurs de cette espérance. Nous avons, nous, apporté le plus de députés européens socialistes à la gauche européenne. Et avec l'Espagne, et avec l'Italie, et avec la France, et avec la Belgique, nous ferons, peut-être, les résultats que nos amis anglais ou allemands ne feront plus.
Certains en sont peut-être responsables. Mais nous, nous ferons la bataille. Cette bataille est essentielle pour l'Europe, elle est fondamentale pour notre pays, il n'y aura pas d'autre élection avant 2007.
Quelques jours avant de savoir si les élections européennes confirmeront ou pas les élections régionales, je veux vous donner cette confiance en vous-mêmes.
Depuis deux ans, après l'affront que nous avons subi, injuste, cruel, nous avons su, nous, les socialistes, d'abord nous rassembler, ensuite redresser la gauche, l'amener à la victoire pour les élections régionales, lui donner de la fierté, qu'elle avait peut-être perdue, lui donner de l'espérance pour ces élections européennes, lui donner un sens à son combat, et retrouver la confiance de nos concitoyens, qui ont voulu sûrement sanctionner au mois de mars le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin, qui doivent le refaire, le 13 juin, mais qui nous ont aussi donné, déjà, un début de confiance à nous-mêmes, socialistes, nous n'avons pas le droit de les décevoir.
Une chance nous a été donnée, un espoir dans la politique nous a été confié, une mission nous a été accordée.
Nous devons tout faire, chers amis, au-delà des élections européennes, pour non seulement rassembler les socialistes, mais aussi rassembler la gauche et préparer notre victoire pour 2007.
Il y faudra de la conviction, nous l'avons, il y faudra du respect à l'égard de l'électeur et du citoyen, il y faudra de la démocratie, il y faudra de la vérité, parce que rien n'est possible en politique sans la vérité, sans dire quelle est la situation de notre pays, de quel héritage allons-nous avoir la charge en 2007, après cinq ans de droite. Nous devons dire ce que nous pouvons changer et ce que nous ne pouvons pas encore modifier. Nous devons aux Français la vérité, et nous leur dirons.
Mais nous devons aussi affirmer la volonté sans laquelle il n'y a pas de transformation possible, dire la société que nous voulons construire ensemble, dire combien, sur l'éducation, sur les services publics, sur le logement, sur l'environnement, nous portons aujourd'hui des exigences.
Et puis nous ferons ce travail sur notre projet dans l'unité, dans l'unité des socialistes, qui savent bien que c'est sur un projet d'abord que nous obtenons la confiance, le reste vient par surcroît.
Kader, tu as été l'enfant choyé de cette campagne pour les élections européennes. Nous sommes tous venus. Tu auras eu droit à Lionel, à Jose Luis, à Laurent, même à François, et donc, ce voilà maintenant en charge de l'essentiel, nous te faisons confiance. Ta victoire sera sans doute belle, parce que c'est dans la région Midi-Pyrénées que nous faisons aux élections européennes, j'ai été tête de liste la dernière fois, nos meilleurs résultats. Alors surtout, faites que Kader fasse mieux que François, que Kader fasse un meilleur résultat en 2004 que je n'ai pu le faire, pardonnez-moi, en 1999.
Oui, il nous reste beaucoup à faire ensemble, mais j'ai confiance en vous, je sais combien mobilisés pour ces temps électoraux, vous vous mobiliserez aussi pour ce temps du projet qui précède le temps de notre victoire.
Sache le bien, Jose Luis Zapatero, nous, nous voulons aussi gagner les élections en 2007. Alors s'il te plaît, travaille bien et attends-nous, nous arrivons !
(source http://www.europesocialiste.org, le 14 juin 2004)