Entretiens de Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de la défense, avec "Le Parisien" le 17 et Europe 1 le 19 septembre 2004, sur le projet de création d'une gendarmerie européenne, le budget de la défense et le sort des journalistes français enlevés en Irak.

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Média : Europe 1 - Le Parisien

Texte intégral

(Entretien de Michèle Alliot-Marie dans "Le Parisien" du 17 septembre 2004)
Q. Une gendarmerie européenne, c'est un projet vraiment sérieux ?
Michèle Alliot-Marie :
Evidemment!...La Force de Gendarmerie Européenne est une initiative française qui a déjà recueilli l'accord de l'Espagne, de l'Italie, du Portugal et des Pays-Bas. D'autres pays sont intéressés : la Grande-Bretagne, la Belgique, l'Autriche. Cette gendarmerie européenne sera opérationnelle avant la fin de l'année. Son état-major sera installé en Italie et son premier chef sera un Français
Q. A quoi serviront ces gendarmes ?
R. Sur les théâtres d'opérations extérieures où nous sommes engagés - comme c'est le cas aujourd'hui en Bosnie, au Kosovo, ou en Côte d'Ivoire - il y a toujours une période de transition fragile entre la partie proprement militaire des crises et le moment où les policiers peuvent prendre le relais. Même lorsque la situation est redevenue calme, il peut encore y avoir des explosions de violence. Les gendarmes, qui ont un statut militaire, ont une pratique du terrain et des contacts avec la population qui est, en pareils cas, décisive. Ils sont donc aptes à gérer l'éventail des situations.
Q. Cette gendarmerie a-t-elle vocation à être déployée dans les Balkans, voire hors d'Europe ?
R. Oui comme le reste des forces de l'Union européenne. Ce " dossier gendarmerie " illustre les progrès considérables faits par l'Europe de la Défense depuis deux ans et demi. C'est une sorte d'exemple précurseur des coopérations structurées. Il y a dix ans, quand on parlait de défense européenne, c'était une utopie. Il y a cinq ans, un beau discours. Aujourd'hui c'est une réalité.
Q. Le budget de la Défense sera soumis mercredi au Conseil des ministres. Pensez-vous avoir gagné votre votre bras de fer avec Nicolas Sarkozy ?
R. Bras de fer ? Victoire? Je ne connais pas ces mots-là au sein du gouvernement. La seule chose qui compte pour moi, c'est de donner aux militaires les moyens nécessaires pour accomplir les missions qui leur sont confiées. Dans un monde dangereux et qui ne va pas vers l'apaisement, les trois enjeux, ce sont :
L'application de la loi de programmation militaire.
Des moyens suffisants pour nos opérations extérieures.
Des moyens de fonctionnement décents même si, nous aussi, nous faisons de gros efforts d'économies. Le soutien décisif du président de la République, chef des armées, ne m'a jamais manqué.
Q. Avez-vous des nouvelles de nos otages en Irak ?
R. Tous les ministères concernés - dont la Défense, bien sûr - sont mobilisés en permanence. Nous avons eu des renseignements qui nous permettent de penser, sans en avoir la preuve directe, que nos otages sont vivants, en bonne santé et en sécurité. Vous comprendrez que je n'en dise pas davantage.
(Source http://www.defense.gouv.fr, le 20 septembre 2004)
(Entretien de Michèle Alliot-Marie à Europe 1 le 19 septembre 2004)
Vincent Parizot :
L'Europe s'est dotée aujourd'hui de sa propre gendarmerie. En marge de la réunion des ministres européens de la Défense aux Pays-Bas, les ministres français, espagnol, italien, néerlandais et portugais ont donc créé sur le papier bien sûr pour l'instant une force de gendarmerie européenne. L'état-major permanent sera installé à Vicenza en Italie dès le mois prochain. Et nous sommes donc en ligne de Noordwijk aux Pays-Bas, avec la ministre de la Défense, Michèle Alliot-Marie, bonsoir. Une gendarmerie européenne, pourquoi faire ?
Michèle Alliot-Marie :
Pour répondre à cette situation que l'on constate dans presque toutes les sorties de crise. Il n'y a alors plus d'action militaire et en même temps, la situation qui paraît calme n'est pas totalement stabilisée et peut même donner lieu à des violences très importantes. Les forces de police ne sont alors pas aptes à répondre à cette situation. La gendarmerie est une force de police à statut militaire, dont les compétences et la formation lui permettent d'intervenir dans tout l'éventail de situations, c'est-à-dire depuis la crise de haute intensité jusqu'à une situation tout à fait normale. C'est donc la force la plus adaptée à ce genre de situation telle que celle que nous avons connu au Kosovo au mois de mars dernier.
Q. Cela veut dire que c'est une force qui ne serait pas uniquement réservée à des interventions au sein de l'Union européenne ?
R. Non bien entendu. Elle pourrait être amenée à intervenir sur des théâtres extérieurs à l'Europe. Nous avons par exemple des forces de gendarmerie en Côte d'Ivoire, et qui sont relativement nombreuses. C'est ce " modèle " qui pourrait être utilisé dans d'autres situations.
Q. Il y a un grand absent, en tout cas pour l'instant, dans les cinq pays donc qui vont participer à cette force de gendarmerie européenne - l'Espagne, la France, l'Italie, les Pays-Bas et le Portugal - le grand absent, c'est l'Allemagne.
R. Oui, parce que l'Allemagne n'a pas de gendarmerie. Les pays qui se sont regroupés dans cette force sont des pays qui ont d'ores et déjà une gendarmerie. Il nous était donc relativement facile de nous regrouper. Nous avons expliqué, et je viens de le redire à la réunion des ministres, que cette initiative est bien entendu ouverte aux autres pays et notamment à ceux qui voudraient se doter d'une force, plus ou moins grande selon l'utilisation qu'ils veulent en faire et qui correspondrait à ces critères. La Belgique, qui a eu autrefois une gendarmerie, nous a fait part de son intention de recréer une force qui pourrait se joindre à celle-ci. D'autres pays se sont également montrés intéressés par cette force.
Q. Une force qui serait composée de combien d'hommes et qui serait opérationnelle à quelle échéance ?
R. Nous partons sur l'idée d'une force de huit cents hommes qui serait prête à intervenir dès le début de l'année 2005 et avec un état-major permanent d'une trentaine ou d'une quarantaine de personnes.
Q. Madame Alliot-Marie, merci mais encore une question qui n'a bien sûr aucun rapport mais il faut vous la poser : est-ce qu'il y a une évolution du dossier des otages français, Christian Chesnot et Georges Malbrunot ?
R. Tous les ministères concernés y compris bien entendu le ministère de la Défense déploient en permanence le maximum d'efforts et de moyens sur cette opération. Vous comprendrez que dans cette affaire extrêmement sensible et où la vie de nos deux compatriotes est en danger, la plus grande discrétion s'impose.
Q. On a tout de même le sentiment que l'on est passé dans une autre phase par rapport aux deux premières semaines.
R. On distingue il est vrai s'agissant des prises d'otages celles qui se terminent extrêmement vite et les autres qui peuvent se prolonger. Nos compatriotes se trouvent malheureusement dans un pays en plein chaos et ceci ne facilite pas les opérations.
Merci Michèle Alliot-Marie.
(Source http://www.defense.gouv.fr, le 20 septembre 2004)