Texte intégral
Allocution d'ouverture
Madame la Présidente,
Messieurs les Haut Commissaires,
Monsieur l'Ambassadeur,
Monsieur le Maire,
Mesdames et Messieurs,
Je tiens à vous exprimer ma grande joie d'inaugurer aujourd'hui, dans ce lieu, le Centre culturel Jean-Marie Tjibaou, emblématique de la richesse des patrimoines des communautés du Pacifique, ces Assises de la Recherche française dans le Pacifique, voulues par le Président de la République avec une détermination sans faille.
Avant tout, je me réjouis de pouvoir accueillir aujourd'hui les délégations étrangères de la Communauté du Pacifique Sud et notamment celles de Nouvelle Zélande et d'Australie. Ici comme en métropole, lorsque les préoccupations et les intérêts de recherche sont communs, il est essentiel de s'unir et de mutualiser ses moyens pour être plus efficace.
Je tiens aussi à rappeler que nombreux sont les acteurs qui participent à la Recherche dans le Pacifique. Ce sont, soutenus par leurs ministères de tutelle, les établissements de recherche, les collectivités et les entreprises. Et ces Assises sont le reflet de cette diversité d'acteurs. Ils ont tous participé à leur élaboration. Et je crois qu'ils sont tous présents aujourd'hui, ce qui me permet d'être très optimiste pour ces 3 jours de conférences.
Les acteurs français de cette recherche sont, bien sûr, les universités de la Nouvelle Calédonie et de la Polynésie française ; ce sont aussi les organismes publics comme l'Institut agronomique néo-calédonien ou l'Institut Louis Malardé dans le domaine des maladies tropicales. Ce sont aussi les grands établissements publics de recherche qui sont actifs dans le Pacifique : l'IRD, l'IFREMER, l'INRA, le CIRAD, l'Institut Pasteur, sans oublier le BRGM, le CNRS et le CEA, qui jouent tous leur rôle dans cette partie de la France.
Les acteurs sont aussi les collectivités territoriales, les ministères et les services de l'Etat, qui tous apportent leur concours, notamment financier, au développement de la recherche et à l'action des chercheurs.
Enfin les entreprises qui transforment les résultats de la recherche en innovations sont aussi, notamment en Nouvelle Calédonie, des acteurs incontournables de la Recherche dans le Pacifique.
Ces Assises qui nous réunissent tous aujourd'hui ont un triple objectif.
Mesdames et Messieurs,
Elles ont pour but, d'abord, de présenter l'état actuel des recherches menées dans le Pacifique, leur richesse et leur diversité, aussi bien en ce qui concerne les populations, la faune et la flore que le climat ou la santé.
D'autre part, ces 3 jours de congrès, les différents ateliers organisés, représentent aussi une occasion unique de découverte et de partage d'information entre les chercheurs. Ces Assises sont une exceptionnelle occasion d'identifier et de formaliser les voies d'une coopération renforcée entre les différents acteurs du monde de la recherche dans cette région du monde. J'espère qu'elles se traduiront demain en coopérations concrètes, aujourd'hui inenvisagées, d'une part entre chercheurs de l'IRD et de l'IFREMER, entre chercheurs du CIRAD et de l'INRA, de l'Institut Pasteur et de l'IFREMER ou bien, pourquoi pas, du BRGM et d'Eramet et d'autre part avec les acteurs de la recherche des autres pays du Pacifique. Ces Assises vont, je l'espère, fédérer les énergies.
Enfin ces Assises avec, notamment, les ateliers de prospective qui sont organisés mercredi doivent permettre de dégager des priorités pour la politique de recherche française dans le Pacifique. Il faut préciser, autant que faire ce peut, les sujets de recherche répondant aux besoins du Pacifique et des territoires et pays qui le constituent. Il s'agit aussi d'identifier l'appui que l'Europe peut apporter, via le PCRD, dans le futur, aux projets jugés prioritaires.
A ce titre, ces Assises s'insèrent naturellement aujourd'hui dans la grande réflexion nationale que mène le Gouvernement pour réformer l'organisation et les modes d'action de la recherche.
Le gouvernement s'est engagé à accroître significativement les ressources consacrées à la recherche avec l'objectif ambitieux, qui est aussi celui de l'Europe, de porter celles ci à 3% du PIB. Cette grande ambition se joue également ici dans et pour le Pacifique.
Mais cet effort significatif en faveur de la recherche française doit aller de pair avec une amélioration de son fonctionnement. Cela implique, en métropole comme ailleurs, des réformes qui sont en cours de discussion entre tous les acteurs du monde de la recherche et qui se traduiront dans une grande loi d'orientation et de programmation sur la Recherche au tout début de l'année prochaine.
Cette nécessaire modernisation de notre système de recherche ne s'engage pas sur des sables mouvants. Dans bien des domaines de la science, nous continuons à être les premiers de cordée. Notre recherche bénéficie d'un potentiel humain extraordinaire. Il doit bénéficier des moyens, des structures et des formes d'organisation qui lui permettront de s'exprimer plus puissamment encore sur la scène mondiale.
L'objectif n'est donc pas de réformer de fond en comble un système qui a longtemps fait ses preuves et qui a ses traditions. Selon le voeu des chercheurs eux-mêmes, il faut trouver un nouvel élan en débloquant certaines des règles, structures et habitudes qui freinent leur ambition. Je pense notamment à une réforme de l'évaluation, à une simplification administrative et comptable, à des mesures capables de remettre le chercheur au coeur du système français de recherche et d'innovation.
Pour en revenir aux Assises d'aujourd'hui, tous les thèmes qui seront abordés dans vos travaux forment un ensemble cohérent de recherches propres à cette partie du monde. Ressources naturelles, biodiversité, culture, santé, changements climatiques, maîtrise des risques, innovations technologiques, etc... sont autant de grands défis que la recherche doit relever. Cependant la contrainte économique, l'éloignement du territoire métropolitain, la constitution de masses critiques et l'excellence scientifique appellent des choix et une orientation privilégiée des politiques de recherche sur des thèmes majeurs et d'intérêt collectif.
Vos recommandations devront permettre aux collectivités et aux pouvoirs publics d'orienter et d'augmenter les efforts de la politique de recherche de ces régions sous ces deux conditions simples : l'excellence et la pertinence scientifique au regard des nécessités régionales.
En effet, Mesdames et Messieurs,
Ici plus qu'ailleurs la recherche doit être conçue et mise en oeuvre comme un outil de l'aménagement et du développement du territoire.
Longtemps isolée du reste du monde, l'Océanie est aujourd'hui au coeur d'un nouveau bassin de développement mondial. Elle doit pouvoir en profiter au mieux, et la recherche doit trouver toute sa place dans cette dynamique du développement.
Je pense d'abord au défi que constitue l'exploitation des ressources naturelles dans le respect d'équilibres qui sont des équilibres fragiles.
En Nouvelle Calédonie, c'est l'exploration et l'exploitation des minerais nickelifères qui se développent avec une diversification des opérateurs miniers. Notre objectif est de promouvoir l'activité minière dans le cadre d'un développement durable ; il convient donc de répondre scientifiquement à une demande, à la fois politique et économique, du Territoire, des provinces et des entreprises. C'est dans cet esprit que se place la création d'un Centre National de Recherche Technologique, un CNRT, sur " Nickel et Environnement ", dont je suis heureux de confirmer aujourd'hui la création. Ce CNRT est déjà pourvu d'un budget d'amorçage, et sera doté lors du prochain contrat de développement.
En ce qui concerne les ressources côtières et halieutiques, les voies de recherche sont aussi nombreuses, comme le suggèrent les différentes conférences qui auront lieu lors de ces Assises. Ces thématiques sont vitales pour les pays du Pacifique et leurs habitants. Elles représentent un intérêt majeur pour la France qui dispose, dans le Pacifique, de la zone économique exclusive la plus étendue.
Mais il y a aussi d'autres voies que la recherche doit explorer pour que ses résultats bénéficient directement aux populations locales et aux économies insulaires.
Les questions des aléas naturels et de la variabilité climatique, ce que l'on appelle le changement climatique et les risques qui l'accompagnent, déplacement d'un courant marin, élévation de température dans un lagon, mais aussi risques sismiques ou volcaniques, autant de problématiques que vous aborderez durant ces Assises, me semblent essentielles. Les exemples de l'île Futuna ou de l'archipel du Vanuatu montrent aussi l'intérêt des coopérations avec les pays voisins.
Dans une perspective plus large, la recherche dans le Pacifique doit aussi se sentir concernée par le risque de réchauffement climatique qui, entraînant l'élévation du niveau des océans et la dégradation des récifs coralliens, menace jusqu'à l'existence physique de certains états.
Les populations et les autorités des pays du Pacifique attendent des recherches que vous menez sur ces sujets des solutions concrètes, régionales ou internationales, permettant de limiter ou d'endiguer les conséquences que peuvent avoir tous ces phénomènes.
La recherche sur les questions de santé publique doit aussi concerner les pathologies propres à la zone du Pacifique. Ces 3 jours montreront certainement la nécessité de poursuivre ces travaux sur des sujets toujours inquiétants tels que la dengue, la filariose ou encore la leptospirose. J'espère qu'ils montreront aussi la nécessité de coordonner des moyens (comme des réseaux de surveillance) et d'organiser le partage des résultats de recherche entre les différents organismes et les différents pays.
La recherche en sciences humaines et sociales apparaît aussi comme une nécessité. " Ces grands promeneurs-de-mer qu'étaient les anciens polynésiens, sans cesse en voyage au long cours, ont couvert le Pacifique d'un réseau hasardé " pour reprendre une phrase de Victor Ségalen*. A ce titre, même si l'histoire et le développement de ces différentes communautés constituent des thèmes de recherche presque inépuisables, la reconstitution de cette mémoire collective est une oeuvre sans prix pour toutes les îles du Pacifique et pour notre histoire commune.
Toutefois la diversité exceptionnelle du patrimoine des îles du Pacifique ne se restreint pas à celle de ses hommes et de ses cultures. La biodiversité des écosystèmes marins et terrestres, unique par son ampleur dans le Pacifique, est aussi une chance, une occasion qui doit être saisie, pour que cette région devienne la source de découvertes intéressant l'ensemble de la planète.
La biodiversité a une portée culturelle, sociale, économique et politique.
La biodiversité a une portée culturelle et sociale car elle est étroitement liée à des savoirs et des pratiques traditionnelles et plus largement à des civilisations locales. Et la recherche s'engage aujourd'hui résolument dans la valorisation de cette biodiversité à des fins culturelles et sociales, notamment en renouvelant ou en améliorant les usages de ce patrimoine biologique. Que ce soit pour un usage alimentaire avec les recherches sur l'igname ou le cocotier, pour la pharmacopée traditionnelle, ou pour la construction avec des travaux sur des espèces arborées telles que le Niaouli ou le bois de Santal, nombreux sont les établissements de recherche, tels le CIRAD, l'IRD ou l'Institut Agronomique Calédonien qui participent à cette valorisation.
Mais la biodiversité a aussi une portée économique car sa valorisation constitue une source de revenus. L'exportation de perles est le premier produit d'exportation de la Polynésie (IFREMER) au 2ème rang mondial derrière l'Australie. La crevette est le deuxième produit d'exportation de la Nouvelle Calédonie après le Nickel (IFREMER). Le thon rouge du Pacifique est exporté à 80% de Nouvelle Calédonie vers le Japon (IRD). Les substances naturelles terrestres ou marines (milieux coralliens en particulier) sont à l'origine de nouveaux médicaments (les laboratoires Pierre Fabre ont des contrats de recherche avec l'IRD - sur le paludisme et la dengue). Enfin, la biodiversité constitue un attrait essentiel pour le développement du tourisme qui représente la première activité économique de Polynésie (l'objectif 2005 est de 350 000 touristes et 60 milliards de Fcfp de recettes).
Enfin, la biodiversité a une portée politique car elle constitue un patrimoine et une des composantes de l'identité des populations et des états (j'en veux pour exemple le Cagou, espèce protégée et menacée qui est l'emblème de la Nouvelle Calédonie).
Le meilleur exemple qui puisse être pris pour illustrer cette quadruple exigence de la biodiversité est sans aucun doute celui des récifs coralliens. Ils réunissent toutes ces caractéristiques. Ils sont à la fois un patrimoine, une ressource, un milieu et un paysage. Les récifs coralliens sont le deuxième écosystème le plus biodivers de la planète. Ils produisent des matériaux génétiques permettant de fabriquer de nouveaux médicaments ; ils représentent des protections contre les vagues des typhons ; ils sont des lieux de plongée pour des millions de touristes ; ils assurent des ressources alimentaires exceptionnelles (25 % des poissons mondiaux se trouvent sur les récifs coralliens, qui ne représentent pourtant que 0,01 % de la surface des mers). A ce titre, ils sont sans aucun doute, dans leur richesse et leur diversité, l'élément du patrimoine végétal et animal le plus important du Pacifique Sud.
A ce sujet, je souhaite rappeler l'intérêt croissant de notre ministère pour la recherche sur les ressources biologiques et pour la création de Centres de Ressources Biologiques, CRB, dont la mission est d'annoter les collections classiques et de mettre ces ressources à la disposition de la communauté scientifique nationale et internationale, dans une optique patrimoniale et de préservation de la biodiversité.
Il est important que vous réfléchissiez au rôle des différentes institutions de recherche présentes sur le territoire pour développer un tel dispositif, pour que les banques de données qui seront constituées puissent servir le développement. Il faut souhaiter que de nouvelles et nombreuses molécules pour de nouveaux médicaments ou de nouvelles variétés agricoles plus adaptées aux climats locaux seront les récompenses de tous ces efforts.
Mais il ne faut pas non plus qu'à l'instar des pays d'Amérique centrale, les îles du Pacifique se laissent déposséder de leurs richesses, que ce soit par une politique contestable de dépôts de brevets ou par une exploitation outrancière de leurs ressources naturelles.
Et nous arrivons sans doute ici à l'élément central de toute recherche concernant le Pacifique. Il faut qu'elle trouve les voies d'une valorisation respectueuse, d'une exploitation raisonnée, d'un développement durable de la zone toute entière.
Victor Ségalen, pour revenir à lui, dans ses écrits sur la Polynésie**, déplore avec amertume que l'arrivée des occidentaux, avec leur cortège funeste d'innovations et de techniques nouvelles, soit allée à l'encontre des traditions polynésienne et qu'elle les ait fait disparaître. Je ne sais pas avec certitude s'il avait tout à fait raison, ceci est d'ailleurs en soi un sujet de recherche, mais, en revanche, ce que je sais c'est que :
La recherche d'aujourd'hui doit se situer dans une perspective totalement différente. La recherche dans le Pacifique doit acquérir la clairvoyance nécessaire pour, comme l'a dit le Président Chirac l'année dernière en Polynésie, concilier le respect des patrimoines immémoriaux et la quête de la modernité.
L'objectif que doit se donner la recherche française dans le Pacifique est donc particulièrement ambitieux. Il faut que la recherche contribue à construire un Pacifique écologiquement et culturellement préservé tout en étant économiquement efficace.
Je me réjouis de voir participer à ces premières assises de la recherche française dans le pacifique plus de 400 participants. En d'autres temps des voyageurs et des explorateurs tels que La Pérouse, Dumont d'Urville, Bougainville, d'Entrecasteaux ont découvert cette région et ces îles et en ont forgé pour partie leurs destinées. Aujourd'hui, je suis intimement convaincu qu'il vous appartient, certes dans une autre mesure, d'être les nouveaux explorateurs, d'agir pour le respect, la protection, la mise en valeur raisonnée et partagée des territoires et des ressources. Une grande tâche vous attend.
Mesdames et Messieurs,
Je vous souhaite à tous des travaux fructueux à Nouméa.
* dans le Journal des Iles
** que ce soit dans le Maître du Jouir, dans le Journal des Iles ou dans Pensers Païens
(Source http://www.recherche.gouv.fr, le 2 septembre 2004)
Allocution de clôture
Madame la Présidente,
Messieurs les Hauts Commissaires,
Monsieur le Préfet,
Mesdames et Messieurs les élus,
Mesdames et Messieurs,
Il me revient le grand honneur, mais aussi le difficile privilège, de conclure ces Assises de la recherche française dans le Pacifique. Chacun ici présent a pu constater déjà qu'elles étaient un magnifique succès par l'affluence des scientifiques français et étrangers et des responsables politiques et administratifs, par la qualité des présentations orales et des posters, mais aussi par ce cadre exceptionnel du centre culturel Tjibaou, qui est en soit un facteur d'attractivité !
Ces assises ont été pour moi l'occasion de constater sur le terrain la richesse naturelle, humaine, culturelle et scientifique de cette région du Pacifique Sud. Alors que les assises se déroulaient et que la communauté scientifique nationale et internationale réunie ici élaborait le bilan de l'acquis et initiait le travail de prospective, j'ai profité de ce séjour pour me rendre sur quelques sites représentatifs de l'activité de recherche et d'innovation en Nouvelle Calédonie. A travers chaque visite, que ce soit à l'Université, à l'IRD ou à l'IFREMER, j'ai pu me rendre compte par moi-même de la richesse du potentiel de ce pays et de la qualité de ce qui est déjà en route, du dynamisme de la communauté scientifique du Pacifique Sud.
Ici plus qu'en métropole la population, les élus, les chercheurs eux-mêmes attendent et espèrent de la recherche des résultats concrets qui auront un impact perceptible sur leurs conditions de vie et sur le développement économique local. Cette mobilisation unanime, je pourrais même dire cette foi manifeste dans la recherche, est une chance à saisir pour l'aménagement et le développement de ces territoires français du Pacifique Sud.
Le potentiel scientifique de cette région, rapporté à la population, est tout à fait comparable à ce qui existe dans d'autres régions françaises en métropole et mon sentiment est que ce potentiel est déjà richement mis en valeur. L'éloignement géographique, le morcellement et la masse critique totale, forcément limitée, imposent toutefois un effort particulier de choix et d'identification de priorités dans la stratégie scientifique des territoires français du Pacifique Sud. Mais l'éloignement géographique et le morcellement sont en même temps une richesse, car c'est par eux que ces territoires disposent des caractères naturels exceptionnels, tels la biodiversité ou les phénomènes climatiques particuliers, qui en font un sujet d'étude précieux pour le monde entier. Grâce à ces conditions naturelles, la France du Pacifique Sud, la Nouvelle Calédonie, la Polynésie, Wallis et Futuna, peuvent rayonner par leur recherche sur l'ensemble de la planète.
Les Assises avaient comme premier objectif de collecter l'ensemble des informations nécessaires à l'élaboration d'une telle stratégie. La qualité, la richesse, la diversité des communications présentées pendant ces trois jours nous ont déjà permis d'atteindre cet objectif. Au-delà de cette première étape, le travail réalisé dans les différents ateliers thématiques a permis d'initier la réflexion réellement prospective qui doit nous conduire dans les mois qui viennent à la construction collective d'une vraie stratégie scientifique.
Nous avons travaillé ce matin, avant les sessions de restitutions des ateliers, avec les responsables nationaux et locaux des établissements de recherche implantés dans la région. Notre constat unanime, à la lecture des premiers documents de synthèse issus des ateliers, est la vitalité et la grande richesse des propositions qui sont présentées.
Sur chaque grand thème abordé, les programmes esquissés nous rendent optimistes sur la capacité de la communauté scientifique régionale, en interaction avec la métropole et avec les autres pays du Pacifique Sud, à élaborer des programmes scientifiques ambitieux et compétitifs sur le plan international. Mais la liste des moyens à mettre en oeuvre, qui figure aussi dans les premiers documents de synthèse, donne quelque peu le vertige. La seconde étape, naturelle, qui se dessine maintenant est la construction des programmes opérationnels, évaluables sur le plan scientifique et budgétaire, en hiérarchisant des priorités et en identifiant clairement quels peuvent être les apports des différents acteurs : organismes de recherche, universités, entreprises et collectivités locales. Dans l'élaboration de ces programmes il est essentiel de bien dégager les moyens techniques qui peuvent être mutualisés entre les différents laboratoires : ici plus qu'ailleurs la notion de plate-forme commune doit être développée, que ce soit dans un cadre inter-organisme, régional ou dans un cadre international.
Quels sont les critères à retenir dans ce travail d'élaboration concrète que nous devrons conduire dans les mois qui viennent ?
Il existe un large consensus sur le fait que les recherches initiées et conduites dans cette région doivent être au maximum ancrée dans la réalité quotidienne des femmes et des hommes qui vivent ici. Il faut que ces recherches soient un facteur déterminant d'aménagement et de développement des territoires, en étroite interaction lorsque cela est possible avec les entreprises implantées localement et avec leurs besoins d'innovation.
Et en même temps il faut que ces recherches soient expliquées à la population. A l'issue de ces assises, qui sont un événement scientifique de grande ampleur, il nous faut envisager une restitution des richesses dont nous avons fait le bilan, qui pourrait être faite à l'occasion de la prochaine Fête de la science, au mois d'octobre.
A côté de cet ancrage local et régional, le second facteur majeur dans le travail d'élaboration puis de sélection des programmes doit être naturellement leur qualité scientifique, jugée sur des critères académiques. Cette réflexion rejoint ici un axe majeur du travail de préparation de la loi d'orientation et de programmation pour la recherche. Nous devons collectivement nous efforcer à gérer les moyens affectés à la recherche dans un cadre compétitif, en nous appuyant notamment sur des appels à propositions de projets, évalués sur des critères d'excellence. Pour la région Pacifique Sud, comme pour l'ensemble de la France, cette culture de projet doit être développée afin de tirer le meilleur parti de nos ressources financières, toujours trop limitées. La tenue des assises de la recherche française dans le Pacifique Sud et le travail prospectif ainsi enclenché sont une opportunité d'inscrire cette région dans la dynamique souhaitée pour la future loi.
Parmi les ressources mobilisables pour la recherche dans le Pacifique Sud, nous devons aussi mieux exploiter les programmes européens. J'insisterai auprès de l'Union européenne pour que le 7ème PCRD comprenne des programmes de recherche traitant de la richesse naturelle et culturelle du Pacifique Sud. De tels programmes pourraient être un instrument d'émulation pour la recherche française et de coopération internationale.
Le travail effectué par la communauté scientifique et par les organisateurs de ces assises est déjà considérable, mais nous ne devons pas nous démobiliser afin de pouvoir en tirer les traductions opérationnelles en termes de programmes de recherche. Au risque d'accroître encore la charge de travail de l'équipe du Haut Commissaire, il apparaît important que le processus lancé pendant ces trois jours soit suivi dans la durée. Il serait donc très utile de prévoir dès maintenant une suite à ces assises. Pourquoi pas un rendez-vous annuel régulier de la communauté scientifique française de la région du Pacifique Sud ? Il nous permettrait d'établir à chaque fois le bilan des progrès sur la voie esquissée ces derniers jours.
C'est donc dans l'attente de nous réunir à nouveau prochainement que je clôture ces assises et que je vous remercie encore une fois pour votre mobilisation.
(Source http://www.recherche.gouv.fr, le 2 septembre 2004)
Madame la Présidente,
Messieurs les Haut Commissaires,
Monsieur l'Ambassadeur,
Monsieur le Maire,
Mesdames et Messieurs,
Je tiens à vous exprimer ma grande joie d'inaugurer aujourd'hui, dans ce lieu, le Centre culturel Jean-Marie Tjibaou, emblématique de la richesse des patrimoines des communautés du Pacifique, ces Assises de la Recherche française dans le Pacifique, voulues par le Président de la République avec une détermination sans faille.
Avant tout, je me réjouis de pouvoir accueillir aujourd'hui les délégations étrangères de la Communauté du Pacifique Sud et notamment celles de Nouvelle Zélande et d'Australie. Ici comme en métropole, lorsque les préoccupations et les intérêts de recherche sont communs, il est essentiel de s'unir et de mutualiser ses moyens pour être plus efficace.
Je tiens aussi à rappeler que nombreux sont les acteurs qui participent à la Recherche dans le Pacifique. Ce sont, soutenus par leurs ministères de tutelle, les établissements de recherche, les collectivités et les entreprises. Et ces Assises sont le reflet de cette diversité d'acteurs. Ils ont tous participé à leur élaboration. Et je crois qu'ils sont tous présents aujourd'hui, ce qui me permet d'être très optimiste pour ces 3 jours de conférences.
Les acteurs français de cette recherche sont, bien sûr, les universités de la Nouvelle Calédonie et de la Polynésie française ; ce sont aussi les organismes publics comme l'Institut agronomique néo-calédonien ou l'Institut Louis Malardé dans le domaine des maladies tropicales. Ce sont aussi les grands établissements publics de recherche qui sont actifs dans le Pacifique : l'IRD, l'IFREMER, l'INRA, le CIRAD, l'Institut Pasteur, sans oublier le BRGM, le CNRS et le CEA, qui jouent tous leur rôle dans cette partie de la France.
Les acteurs sont aussi les collectivités territoriales, les ministères et les services de l'Etat, qui tous apportent leur concours, notamment financier, au développement de la recherche et à l'action des chercheurs.
Enfin les entreprises qui transforment les résultats de la recherche en innovations sont aussi, notamment en Nouvelle Calédonie, des acteurs incontournables de la Recherche dans le Pacifique.
Ces Assises qui nous réunissent tous aujourd'hui ont un triple objectif.
Mesdames et Messieurs,
Elles ont pour but, d'abord, de présenter l'état actuel des recherches menées dans le Pacifique, leur richesse et leur diversité, aussi bien en ce qui concerne les populations, la faune et la flore que le climat ou la santé.
D'autre part, ces 3 jours de congrès, les différents ateliers organisés, représentent aussi une occasion unique de découverte et de partage d'information entre les chercheurs. Ces Assises sont une exceptionnelle occasion d'identifier et de formaliser les voies d'une coopération renforcée entre les différents acteurs du monde de la recherche dans cette région du monde. J'espère qu'elles se traduiront demain en coopérations concrètes, aujourd'hui inenvisagées, d'une part entre chercheurs de l'IRD et de l'IFREMER, entre chercheurs du CIRAD et de l'INRA, de l'Institut Pasteur et de l'IFREMER ou bien, pourquoi pas, du BRGM et d'Eramet et d'autre part avec les acteurs de la recherche des autres pays du Pacifique. Ces Assises vont, je l'espère, fédérer les énergies.
Enfin ces Assises avec, notamment, les ateliers de prospective qui sont organisés mercredi doivent permettre de dégager des priorités pour la politique de recherche française dans le Pacifique. Il faut préciser, autant que faire ce peut, les sujets de recherche répondant aux besoins du Pacifique et des territoires et pays qui le constituent. Il s'agit aussi d'identifier l'appui que l'Europe peut apporter, via le PCRD, dans le futur, aux projets jugés prioritaires.
A ce titre, ces Assises s'insèrent naturellement aujourd'hui dans la grande réflexion nationale que mène le Gouvernement pour réformer l'organisation et les modes d'action de la recherche.
Le gouvernement s'est engagé à accroître significativement les ressources consacrées à la recherche avec l'objectif ambitieux, qui est aussi celui de l'Europe, de porter celles ci à 3% du PIB. Cette grande ambition se joue également ici dans et pour le Pacifique.
Mais cet effort significatif en faveur de la recherche française doit aller de pair avec une amélioration de son fonctionnement. Cela implique, en métropole comme ailleurs, des réformes qui sont en cours de discussion entre tous les acteurs du monde de la recherche et qui se traduiront dans une grande loi d'orientation et de programmation sur la Recherche au tout début de l'année prochaine.
Cette nécessaire modernisation de notre système de recherche ne s'engage pas sur des sables mouvants. Dans bien des domaines de la science, nous continuons à être les premiers de cordée. Notre recherche bénéficie d'un potentiel humain extraordinaire. Il doit bénéficier des moyens, des structures et des formes d'organisation qui lui permettront de s'exprimer plus puissamment encore sur la scène mondiale.
L'objectif n'est donc pas de réformer de fond en comble un système qui a longtemps fait ses preuves et qui a ses traditions. Selon le voeu des chercheurs eux-mêmes, il faut trouver un nouvel élan en débloquant certaines des règles, structures et habitudes qui freinent leur ambition. Je pense notamment à une réforme de l'évaluation, à une simplification administrative et comptable, à des mesures capables de remettre le chercheur au coeur du système français de recherche et d'innovation.
Pour en revenir aux Assises d'aujourd'hui, tous les thèmes qui seront abordés dans vos travaux forment un ensemble cohérent de recherches propres à cette partie du monde. Ressources naturelles, biodiversité, culture, santé, changements climatiques, maîtrise des risques, innovations technologiques, etc... sont autant de grands défis que la recherche doit relever. Cependant la contrainte économique, l'éloignement du territoire métropolitain, la constitution de masses critiques et l'excellence scientifique appellent des choix et une orientation privilégiée des politiques de recherche sur des thèmes majeurs et d'intérêt collectif.
Vos recommandations devront permettre aux collectivités et aux pouvoirs publics d'orienter et d'augmenter les efforts de la politique de recherche de ces régions sous ces deux conditions simples : l'excellence et la pertinence scientifique au regard des nécessités régionales.
En effet, Mesdames et Messieurs,
Ici plus qu'ailleurs la recherche doit être conçue et mise en oeuvre comme un outil de l'aménagement et du développement du territoire.
Longtemps isolée du reste du monde, l'Océanie est aujourd'hui au coeur d'un nouveau bassin de développement mondial. Elle doit pouvoir en profiter au mieux, et la recherche doit trouver toute sa place dans cette dynamique du développement.
Je pense d'abord au défi que constitue l'exploitation des ressources naturelles dans le respect d'équilibres qui sont des équilibres fragiles.
En Nouvelle Calédonie, c'est l'exploration et l'exploitation des minerais nickelifères qui se développent avec une diversification des opérateurs miniers. Notre objectif est de promouvoir l'activité minière dans le cadre d'un développement durable ; il convient donc de répondre scientifiquement à une demande, à la fois politique et économique, du Territoire, des provinces et des entreprises. C'est dans cet esprit que se place la création d'un Centre National de Recherche Technologique, un CNRT, sur " Nickel et Environnement ", dont je suis heureux de confirmer aujourd'hui la création. Ce CNRT est déjà pourvu d'un budget d'amorçage, et sera doté lors du prochain contrat de développement.
En ce qui concerne les ressources côtières et halieutiques, les voies de recherche sont aussi nombreuses, comme le suggèrent les différentes conférences qui auront lieu lors de ces Assises. Ces thématiques sont vitales pour les pays du Pacifique et leurs habitants. Elles représentent un intérêt majeur pour la France qui dispose, dans le Pacifique, de la zone économique exclusive la plus étendue.
Mais il y a aussi d'autres voies que la recherche doit explorer pour que ses résultats bénéficient directement aux populations locales et aux économies insulaires.
Les questions des aléas naturels et de la variabilité climatique, ce que l'on appelle le changement climatique et les risques qui l'accompagnent, déplacement d'un courant marin, élévation de température dans un lagon, mais aussi risques sismiques ou volcaniques, autant de problématiques que vous aborderez durant ces Assises, me semblent essentielles. Les exemples de l'île Futuna ou de l'archipel du Vanuatu montrent aussi l'intérêt des coopérations avec les pays voisins.
Dans une perspective plus large, la recherche dans le Pacifique doit aussi se sentir concernée par le risque de réchauffement climatique qui, entraînant l'élévation du niveau des océans et la dégradation des récifs coralliens, menace jusqu'à l'existence physique de certains états.
Les populations et les autorités des pays du Pacifique attendent des recherches que vous menez sur ces sujets des solutions concrètes, régionales ou internationales, permettant de limiter ou d'endiguer les conséquences que peuvent avoir tous ces phénomènes.
La recherche sur les questions de santé publique doit aussi concerner les pathologies propres à la zone du Pacifique. Ces 3 jours montreront certainement la nécessité de poursuivre ces travaux sur des sujets toujours inquiétants tels que la dengue, la filariose ou encore la leptospirose. J'espère qu'ils montreront aussi la nécessité de coordonner des moyens (comme des réseaux de surveillance) et d'organiser le partage des résultats de recherche entre les différents organismes et les différents pays.
La recherche en sciences humaines et sociales apparaît aussi comme une nécessité. " Ces grands promeneurs-de-mer qu'étaient les anciens polynésiens, sans cesse en voyage au long cours, ont couvert le Pacifique d'un réseau hasardé " pour reprendre une phrase de Victor Ségalen*. A ce titre, même si l'histoire et le développement de ces différentes communautés constituent des thèmes de recherche presque inépuisables, la reconstitution de cette mémoire collective est une oeuvre sans prix pour toutes les îles du Pacifique et pour notre histoire commune.
Toutefois la diversité exceptionnelle du patrimoine des îles du Pacifique ne se restreint pas à celle de ses hommes et de ses cultures. La biodiversité des écosystèmes marins et terrestres, unique par son ampleur dans le Pacifique, est aussi une chance, une occasion qui doit être saisie, pour que cette région devienne la source de découvertes intéressant l'ensemble de la planète.
La biodiversité a une portée culturelle, sociale, économique et politique.
La biodiversité a une portée culturelle et sociale car elle est étroitement liée à des savoirs et des pratiques traditionnelles et plus largement à des civilisations locales. Et la recherche s'engage aujourd'hui résolument dans la valorisation de cette biodiversité à des fins culturelles et sociales, notamment en renouvelant ou en améliorant les usages de ce patrimoine biologique. Que ce soit pour un usage alimentaire avec les recherches sur l'igname ou le cocotier, pour la pharmacopée traditionnelle, ou pour la construction avec des travaux sur des espèces arborées telles que le Niaouli ou le bois de Santal, nombreux sont les établissements de recherche, tels le CIRAD, l'IRD ou l'Institut Agronomique Calédonien qui participent à cette valorisation.
Mais la biodiversité a aussi une portée économique car sa valorisation constitue une source de revenus. L'exportation de perles est le premier produit d'exportation de la Polynésie (IFREMER) au 2ème rang mondial derrière l'Australie. La crevette est le deuxième produit d'exportation de la Nouvelle Calédonie après le Nickel (IFREMER). Le thon rouge du Pacifique est exporté à 80% de Nouvelle Calédonie vers le Japon (IRD). Les substances naturelles terrestres ou marines (milieux coralliens en particulier) sont à l'origine de nouveaux médicaments (les laboratoires Pierre Fabre ont des contrats de recherche avec l'IRD - sur le paludisme et la dengue). Enfin, la biodiversité constitue un attrait essentiel pour le développement du tourisme qui représente la première activité économique de Polynésie (l'objectif 2005 est de 350 000 touristes et 60 milliards de Fcfp de recettes).
Enfin, la biodiversité a une portée politique car elle constitue un patrimoine et une des composantes de l'identité des populations et des états (j'en veux pour exemple le Cagou, espèce protégée et menacée qui est l'emblème de la Nouvelle Calédonie).
Le meilleur exemple qui puisse être pris pour illustrer cette quadruple exigence de la biodiversité est sans aucun doute celui des récifs coralliens. Ils réunissent toutes ces caractéristiques. Ils sont à la fois un patrimoine, une ressource, un milieu et un paysage. Les récifs coralliens sont le deuxième écosystème le plus biodivers de la planète. Ils produisent des matériaux génétiques permettant de fabriquer de nouveaux médicaments ; ils représentent des protections contre les vagues des typhons ; ils sont des lieux de plongée pour des millions de touristes ; ils assurent des ressources alimentaires exceptionnelles (25 % des poissons mondiaux se trouvent sur les récifs coralliens, qui ne représentent pourtant que 0,01 % de la surface des mers). A ce titre, ils sont sans aucun doute, dans leur richesse et leur diversité, l'élément du patrimoine végétal et animal le plus important du Pacifique Sud.
A ce sujet, je souhaite rappeler l'intérêt croissant de notre ministère pour la recherche sur les ressources biologiques et pour la création de Centres de Ressources Biologiques, CRB, dont la mission est d'annoter les collections classiques et de mettre ces ressources à la disposition de la communauté scientifique nationale et internationale, dans une optique patrimoniale et de préservation de la biodiversité.
Il est important que vous réfléchissiez au rôle des différentes institutions de recherche présentes sur le territoire pour développer un tel dispositif, pour que les banques de données qui seront constituées puissent servir le développement. Il faut souhaiter que de nouvelles et nombreuses molécules pour de nouveaux médicaments ou de nouvelles variétés agricoles plus adaptées aux climats locaux seront les récompenses de tous ces efforts.
Mais il ne faut pas non plus qu'à l'instar des pays d'Amérique centrale, les îles du Pacifique se laissent déposséder de leurs richesses, que ce soit par une politique contestable de dépôts de brevets ou par une exploitation outrancière de leurs ressources naturelles.
Et nous arrivons sans doute ici à l'élément central de toute recherche concernant le Pacifique. Il faut qu'elle trouve les voies d'une valorisation respectueuse, d'une exploitation raisonnée, d'un développement durable de la zone toute entière.
Victor Ségalen, pour revenir à lui, dans ses écrits sur la Polynésie**, déplore avec amertume que l'arrivée des occidentaux, avec leur cortège funeste d'innovations et de techniques nouvelles, soit allée à l'encontre des traditions polynésienne et qu'elle les ait fait disparaître. Je ne sais pas avec certitude s'il avait tout à fait raison, ceci est d'ailleurs en soi un sujet de recherche, mais, en revanche, ce que je sais c'est que :
La recherche d'aujourd'hui doit se situer dans une perspective totalement différente. La recherche dans le Pacifique doit acquérir la clairvoyance nécessaire pour, comme l'a dit le Président Chirac l'année dernière en Polynésie, concilier le respect des patrimoines immémoriaux et la quête de la modernité.
L'objectif que doit se donner la recherche française dans le Pacifique est donc particulièrement ambitieux. Il faut que la recherche contribue à construire un Pacifique écologiquement et culturellement préservé tout en étant économiquement efficace.
Je me réjouis de voir participer à ces premières assises de la recherche française dans le pacifique plus de 400 participants. En d'autres temps des voyageurs et des explorateurs tels que La Pérouse, Dumont d'Urville, Bougainville, d'Entrecasteaux ont découvert cette région et ces îles et en ont forgé pour partie leurs destinées. Aujourd'hui, je suis intimement convaincu qu'il vous appartient, certes dans une autre mesure, d'être les nouveaux explorateurs, d'agir pour le respect, la protection, la mise en valeur raisonnée et partagée des territoires et des ressources. Une grande tâche vous attend.
Mesdames et Messieurs,
Je vous souhaite à tous des travaux fructueux à Nouméa.
* dans le Journal des Iles
** que ce soit dans le Maître du Jouir, dans le Journal des Iles ou dans Pensers Païens
(Source http://www.recherche.gouv.fr, le 2 septembre 2004)
Allocution de clôture
Madame la Présidente,
Messieurs les Hauts Commissaires,
Monsieur le Préfet,
Mesdames et Messieurs les élus,
Mesdames et Messieurs,
Il me revient le grand honneur, mais aussi le difficile privilège, de conclure ces Assises de la recherche française dans le Pacifique. Chacun ici présent a pu constater déjà qu'elles étaient un magnifique succès par l'affluence des scientifiques français et étrangers et des responsables politiques et administratifs, par la qualité des présentations orales et des posters, mais aussi par ce cadre exceptionnel du centre culturel Tjibaou, qui est en soit un facteur d'attractivité !
Ces assises ont été pour moi l'occasion de constater sur le terrain la richesse naturelle, humaine, culturelle et scientifique de cette région du Pacifique Sud. Alors que les assises se déroulaient et que la communauté scientifique nationale et internationale réunie ici élaborait le bilan de l'acquis et initiait le travail de prospective, j'ai profité de ce séjour pour me rendre sur quelques sites représentatifs de l'activité de recherche et d'innovation en Nouvelle Calédonie. A travers chaque visite, que ce soit à l'Université, à l'IRD ou à l'IFREMER, j'ai pu me rendre compte par moi-même de la richesse du potentiel de ce pays et de la qualité de ce qui est déjà en route, du dynamisme de la communauté scientifique du Pacifique Sud.
Ici plus qu'en métropole la population, les élus, les chercheurs eux-mêmes attendent et espèrent de la recherche des résultats concrets qui auront un impact perceptible sur leurs conditions de vie et sur le développement économique local. Cette mobilisation unanime, je pourrais même dire cette foi manifeste dans la recherche, est une chance à saisir pour l'aménagement et le développement de ces territoires français du Pacifique Sud.
Le potentiel scientifique de cette région, rapporté à la population, est tout à fait comparable à ce qui existe dans d'autres régions françaises en métropole et mon sentiment est que ce potentiel est déjà richement mis en valeur. L'éloignement géographique, le morcellement et la masse critique totale, forcément limitée, imposent toutefois un effort particulier de choix et d'identification de priorités dans la stratégie scientifique des territoires français du Pacifique Sud. Mais l'éloignement géographique et le morcellement sont en même temps une richesse, car c'est par eux que ces territoires disposent des caractères naturels exceptionnels, tels la biodiversité ou les phénomènes climatiques particuliers, qui en font un sujet d'étude précieux pour le monde entier. Grâce à ces conditions naturelles, la France du Pacifique Sud, la Nouvelle Calédonie, la Polynésie, Wallis et Futuna, peuvent rayonner par leur recherche sur l'ensemble de la planète.
Les Assises avaient comme premier objectif de collecter l'ensemble des informations nécessaires à l'élaboration d'une telle stratégie. La qualité, la richesse, la diversité des communications présentées pendant ces trois jours nous ont déjà permis d'atteindre cet objectif. Au-delà de cette première étape, le travail réalisé dans les différents ateliers thématiques a permis d'initier la réflexion réellement prospective qui doit nous conduire dans les mois qui viennent à la construction collective d'une vraie stratégie scientifique.
Nous avons travaillé ce matin, avant les sessions de restitutions des ateliers, avec les responsables nationaux et locaux des établissements de recherche implantés dans la région. Notre constat unanime, à la lecture des premiers documents de synthèse issus des ateliers, est la vitalité et la grande richesse des propositions qui sont présentées.
Sur chaque grand thème abordé, les programmes esquissés nous rendent optimistes sur la capacité de la communauté scientifique régionale, en interaction avec la métropole et avec les autres pays du Pacifique Sud, à élaborer des programmes scientifiques ambitieux et compétitifs sur le plan international. Mais la liste des moyens à mettre en oeuvre, qui figure aussi dans les premiers documents de synthèse, donne quelque peu le vertige. La seconde étape, naturelle, qui se dessine maintenant est la construction des programmes opérationnels, évaluables sur le plan scientifique et budgétaire, en hiérarchisant des priorités et en identifiant clairement quels peuvent être les apports des différents acteurs : organismes de recherche, universités, entreprises et collectivités locales. Dans l'élaboration de ces programmes il est essentiel de bien dégager les moyens techniques qui peuvent être mutualisés entre les différents laboratoires : ici plus qu'ailleurs la notion de plate-forme commune doit être développée, que ce soit dans un cadre inter-organisme, régional ou dans un cadre international.
Quels sont les critères à retenir dans ce travail d'élaboration concrète que nous devrons conduire dans les mois qui viennent ?
Il existe un large consensus sur le fait que les recherches initiées et conduites dans cette région doivent être au maximum ancrée dans la réalité quotidienne des femmes et des hommes qui vivent ici. Il faut que ces recherches soient un facteur déterminant d'aménagement et de développement des territoires, en étroite interaction lorsque cela est possible avec les entreprises implantées localement et avec leurs besoins d'innovation.
Et en même temps il faut que ces recherches soient expliquées à la population. A l'issue de ces assises, qui sont un événement scientifique de grande ampleur, il nous faut envisager une restitution des richesses dont nous avons fait le bilan, qui pourrait être faite à l'occasion de la prochaine Fête de la science, au mois d'octobre.
A côté de cet ancrage local et régional, le second facteur majeur dans le travail d'élaboration puis de sélection des programmes doit être naturellement leur qualité scientifique, jugée sur des critères académiques. Cette réflexion rejoint ici un axe majeur du travail de préparation de la loi d'orientation et de programmation pour la recherche. Nous devons collectivement nous efforcer à gérer les moyens affectés à la recherche dans un cadre compétitif, en nous appuyant notamment sur des appels à propositions de projets, évalués sur des critères d'excellence. Pour la région Pacifique Sud, comme pour l'ensemble de la France, cette culture de projet doit être développée afin de tirer le meilleur parti de nos ressources financières, toujours trop limitées. La tenue des assises de la recherche française dans le Pacifique Sud et le travail prospectif ainsi enclenché sont une opportunité d'inscrire cette région dans la dynamique souhaitée pour la future loi.
Parmi les ressources mobilisables pour la recherche dans le Pacifique Sud, nous devons aussi mieux exploiter les programmes européens. J'insisterai auprès de l'Union européenne pour que le 7ème PCRD comprenne des programmes de recherche traitant de la richesse naturelle et culturelle du Pacifique Sud. De tels programmes pourraient être un instrument d'émulation pour la recherche française et de coopération internationale.
Le travail effectué par la communauté scientifique et par les organisateurs de ces assises est déjà considérable, mais nous ne devons pas nous démobiliser afin de pouvoir en tirer les traductions opérationnelles en termes de programmes de recherche. Au risque d'accroître encore la charge de travail de l'équipe du Haut Commissaire, il apparaît important que le processus lancé pendant ces trois jours soit suivi dans la durée. Il serait donc très utile de prévoir dès maintenant une suite à ces assises. Pourquoi pas un rendez-vous annuel régulier de la communauté scientifique française de la région du Pacifique Sud ? Il nous permettrait d'établir à chaque fois le bilan des progrès sur la voie esquissée ces derniers jours.
C'est donc dans l'attente de nous réunir à nouveau prochainement que je clôture ces assises et que je vous remercie encore une fois pour votre mobilisation.
(Source http://www.recherche.gouv.fr, le 2 septembre 2004)