Déclaration de Mme Marie-George Buffet, secrétaire nationale du PCF, sur les grands axes stratégiques du PCF et sur la préparation des échéances électorales de 2004, à Paris le 14 décembre 2003.

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Circonstance : Conseil national du PCF, à Paris le 14 décembre2003

Texte intégral

Cher-es camarades,
L'actualité internationale n'est pas à notre ordre du jour mais vous comprendrez que je souligne l'importance de deux événements. Sous forme de simple rappel.
Ce soir s'ouvre à la Mutualité un grand meeting de soutien à l'initiative de paix israélo-palestinienne, dite "Plan de Genève", avec Yossi Beilin et Yasser Abad Rabbo et de nombreuses personnalités françaises. Francis Wurtz y prend la parole. Il y représente notre parti avec Daniel Cirera. Vous savez l'intérêt que nous portons à cette initiative et à d'autres parce qu'elles montrent qu'une véritable solution politique est possible dans la justice, le droit et la sécurité pour tous.
Je veux aussi rappeler le soulagement que suscite l'arrestation de Saddam Hussein, dictateur cynique et brutal qui devra être jugé devant son peuple et la communauté internationale.
Naturellement, cet événement nous rappelle aussi que les problèmes de l'Irak sont loin d'être résolus et que l'exigence reste, plus que jamais, de la fin de l'occupation et d'un retour rapide à la souveraineté.
J'en viens maintenant à notre ordre du jour.
Tout ce dernier trimestre 2003, les communistes ont développé une intense activité militante. Après le succès de la Fête de l'Humanité, nous avons multiplié les initiatives de riposte à la droite au pouvoir, contribué au Forum social européen et déployé notre démarche de rassemblement avec les forums. Nous avons également développé un très grand débat démocratique sur notre stratégie.
Ce fut, en fait, un trimestre où nos choix de congrès se sont confrontés à la vie, dans l'urgence des résistances et des alternatives à bâtir, des choix à faire.
Des consultations se sont tenues sur les élections cantonales avec le bel objectif d'avoir partout des candidats soutenus par le Parti communiste. Tous les communistes ont eu à se prononcer sur les choix à opérer dans chaque région de France pour les élections régionales à venir. Malgré bien des difficultés, des tâtonnements, ce trimestre a été riche de débats, de confrontations, de ré-appropriation collective de notre bien commun.
Je veux ici, pour introduire le débat, revenir sur la nature et la portée de notre offensive stratégique, évoquer ensuite la capacité de rassemblement des communistes, pour évaluer enfin un peu plus précisément la manière dont il nous faut maintenant envisager les échéances électorales qui s'annoncent.
1- Où en sommes-nous de notre offensive stratégique ?
Il n'est pas inutile, pour resituer le moment présent dans le mouvement d'ensemble que nous avons décidé d'engager lors de notre dernier congrès, de revenir au texte que nous avons adopté. Permettez-moi donc cette citation tirée de la partie 4 concernant " Notre stratégie politique " :
" Nous devons [donc] mettre en uvre une démarche radicalement nouvelle afin de mettre aujourd'hui notre conception du rassemblement politique en cohérence avec le choix que nous avons fait d'accorder en toutes circonstances la primauté au mouvement populaire. Il s'agit d'inventer des formes de rassemblement politique nouvelles, permettant aux femmes et aux hommes, à toutes les forces qui combattent l'exploitation, les dominations, les discriminations, de se rassembler pour peser politiquement du poids qui est le leur dans la société ; et de favoriser ainsi une dynamique sociale et politique permettant de modifier en profondeur le rapport des forces en faveur de telles transformations. L'union et les alliances électorales ne peuvent constituer un but en soi. Elles sont néanmoins un moyen incontournable du rassemblement des femmes et des hommes qui aspirent à de profondes transformations sociales, celles et ceux qui appellent à un changement de société. " C'est pourquoi nous avons décidé de " rehausser le niveau de nos exigences " et de nous engager dans " une autre construction politique " en contribuant " à ce que les citoyens et citoyennes puissent peser et décider tant sur les contenus nécessaires au changement et leur élaboration que sur les conditions politiques de ces changements, y compris les questions d'alliance électorale ".
Voilà en quelque sorte résumée notre démarche. Elle résulte d'une prise de parti éthique et politique : le choix de l'émancipation humaine. Elle fonde la garantie du changement que nous voulons construire par l'irruption des hommes et des femmes en démocratie et en politique. Elle suppose la confiance en notre peuple et la confiance en nous-mêmes, en notre capacité à faire vivre notre visée communiste.
Je voudrais insister sur ce double point.
La stratégie que nous nous sommes donnée serait inopérante s'il n'existait pas dans la société une attente, une aspiration à intervenir que nos efforts et nos initiatives politiques peuvent contribuer à transformer en mise en mouvement de dizaines de milliers de femmes et d'hommes. Comme disait Marx : " on ne fait pas bouillir les marmites de l'Histoire ", ce qui veut dire qu'il n'est pas possible d'inventer par décret des forces sociales qui n'existeraient pas à l'état au moins de potentialités. Mais nous avons fait l'analyse - notamment en fonctions des luttes sociales et idéologiques depuis 1995 - que se levait dans notre pays, sous des formes sans doute nouvelles, un mouvement profond de contestation du capitalisme actuel.
Et ces potentialités resteraient sans issue si nous nous jugions hors d'état de leur donner force politique. C'est là que se pose la question de la confiance en nous-mêmes. Si, comme je le crois en dépit de nos derniers résultats électoraux, nous représentons aujourd'hui encore une grande force sociale et politique, si nous avons la possibilité de proposer à notre peuple un projet mobilisateur donnant corps à la possibilité historique de dépasser le capitalisme et toutes les formes de domination, alors il faut avoir confiance dans notre capacité à contribuer efficacement à la mise en mouvement d'importantes forces sociales.
J'ajoute immédiatement, que la force propulsive de notre visée, pour essentielle qu'elle soit, ou la pertinence de nos positionnements ne pourront à elles-seules réaliser cet objectif de mise en mouvement. Les attentes sociales et sociétales que nous rencontrons, les aspirations populaires, nous le savons, ne sont pas toujours formalisées ou formulées dans notre société. Il nous revient, comme tâche émancipatrice immédiate, de les faire grandir, de leur donner les moyens de s'exprimer et de se concrétiser, de leur permettre de se penser en termes collectifs et d'intérêt général. Nos forums, même s'ils ne constituent pas la seule forme possible et nécessaire pour cela, en sont un instrument valide. Cela n'est pas accessoire ou secondaire, c'est essentiel, et cela doit être au cur de notre action. En effet, c'est la nature même de la visée communiste de faire son chemin au cur des aspirations humaines, de s'en nourrir, de les incarner, de leur donner un sens commun. Le capitalisme ne fabrique pas seul les forces qui le feront plier : il est de notre responsabilité historique de contribuer à offrir à notre peuple les moyens concrets comme la visée, permettant son dépassement.
Les potentialités existent. Notre projet communiste peut répondre aux attentes. L'heure n'est donc à mon avis ni au repli frileux dans l'attente de jours meilleurs ; ni à la simple sauvegarde de nos positions : mais à une offensive politique et stratégique qui se mette d'emblée au niveau de l'ambition communiste possible.
Attendre aurait risqué de nous voir franchir un seuil critique, ne nous permettant plus de mettre en mouvement la force nécessaire à la réalisation de nos objectifs. Je ne dis pas que les résultats seront immédiatement spectaculaires ; je ne dis pas que tout est assuré : mais j'exprime ici ma certitude que nous devons absolument nous lancer dans cette offensive, et qu'elle permettra, je le crois, d'obtenir des résultats.
Ce n'est pas une mince affaire, mais c'est une tâche passionnante qui appelle tout notre engagement.
Alors, où en sommes-nous ? Nous avons fourni un immense effort de critique, d'analyse, de réflexion, de construction, qui nous a amenés à chercher une autre voie que celle empruntée pendant plus de trente ans. Et nous avons depuis, fourni un immense effort de dépassement de nous-mêmes, un effort militant, un véritable effort d'impulsion.
Présents dans les mouvements sociaux, dans le FSE, nous avons travaillé à faire percevoir des propositions alternatives. Sur l'emploi, notre idée de sécurité d'emploi et de formation, les pistes de propositions et d'actions immédiates qui la nourrissent commencent à se faire entendre. Vous avez une note d'étape de la conférence nationale sur l'emploi du 7 février qui sera une conférence de prise d'initiatives qui va nous aider à prendre cette question à bras le corps et contribuer à lever un mouvement de masse pour l'emploi. Nous avons tenu un grand forum sur les services publics à Toulouse, lancé une pétition nationale, réuni des états généraux pour l'école, travaillé des propositions sur la protection sociale et son financement. Le 31 janvier, nous tiendrons des Assises sur le logement
Je ne vais pas ici poursuivre la liste. Il faudrait évoquer nos initiatives contre les atteintes faites aux droits des femmes où dans le débat sur la laïcité. Jeudi, nous serons devant Matignon et les préfectures pour dire " Pas de cadeaux pour Raffarin ! " avec toutes celles et tous ceux qui veulent dire leur colère, leur refus de la politique antisociale et autoritaire de la droite.
Dans toute cette mobilisation, il faut souligner le rôle joué par l'Humanité. Le journal ne rend pas seulement compte des mobilisations, il en est un facteur par les contenus qu'il apporte. Mais, je veux m'arrêter sur ce que j'appelle " notre offensive stratégique ".
Nos forums, plus de 500, ont réuni quelque 20 000 personnes depuis le mois de septembre. Je ne vois pas quelle initiative prise par un parti politique a eu autant d'ampleur dans la dernière période. Partout où de telles initiatives se sont tenues, l'écho a été réel, des dynamiques ont été à l'uvre, nous avons vu que la mécanique fonctionne.
Les autres forces de gauche ont participé à ces débats. Nos forums ont ainsi constitué des lieux de rassemblement réellement pluraliste. Un rassemblement dans la confrontation, dans le débat, parfois dans la divergence, mais un lieu de rassemblement en construction. Ces débats sur la place publique, sans le prisme des média, mais avec la volonté affichée d'une maîtrise de toutes les questions par les citoyennes et les citoyens, ont mis toutes les forces de gauche, à commencer par nous-mêmes, devant leurs responsabilités.
Nous avons eu des débats forts avec des problématiques essentielles. Nous avons parlé d'emploi, de la protection sociale et de son mode de financement, nous avons parlé du monde et de la paix, de l'Europe et du projet de Constitution, nous avons parlé de laïcité, de culture, nous avons parlé de services publics, nous avons parlé de capital et de travail, de l'immigration, de l'état du logement, nous avons parlé d'égalité et de dignité. Oui, nous avons parlé des grandes questions qui comptent dans la vie des hommes et des femmes de notre pays.
Dans ces échanges, nous avons ressenti une immense attente de réponses claires, audacieuses sur tous ces sujets : l'Europe, l'argent, la démocratie, l'emploi, le vivre ensemble. Nous avons entendu la souffrance que la droite impose à notre peuple, nous avons entendu ce désespoir qui fait son nid dans les échecs passés de la gauche, nous avons entendu ces espoirs portés dans l'engagement syndical, associatif, politique. Et ensemble, nous nous sommes partout posé cette question : comment faire ?
Ne sommes-nous pas ainsi revenus aux sources de la politique, à notre raison d'être ? Ces forums traduisent une véritable attente de politique et de changement. Ils portent aussi la marque de notre volonté de restaurer le sens et le courage en politique. Du chemin a été parcouru depuis quelques mois, et si nous n'avons pas, en si peu de temps, changé la donne à gauche, je crois que nous avons commencé à être utiles à cet objectif.
Oui, j'ai bien conscience que nous sommes au début d'un effort. Il y a tellement de fils à renouer que du temps est nécessaire. J'ai bien sûr noté la diversité de celles et ceux qui ont participé aux forums, mais il nous reste à élargir encore la participation à la réalité du mouvement social, à celles et ceux qui n'ont pas ou n'ont plus de repères aux plans syndical, associatif ou politique. Cela ne rend notre effort que plus nécessaire, afin d'alimenter une véritable dynamique populaire.
Nos forums seront d'autant plus populaires qu'ils ne demeureront pas uniquement des lieux de débats, mais aussi des lieux où se prennent des initiatives où s'élaborent, dans le concret, des propositions précises qui rassemblent, qui les tournent vers l'extérieur. Nous avons également à débattre vraiment de l'alternative politique, des types de rassemblements nécessaires. Ces questions ne viennent pas encore avec suffisamment de force. C'est pourtant par cette démarche que nous dépasserons les obstacles actuels.
Enfin, la participation des forces politiques de gauche à ces débats s'est révélée être de qualité inégale, il ne faut pas nier que certains s'y sont sans doute prêtés d'assez mauvaise grâce - le souci de l'intervention populaire n'est pas forcément ce qui est le mieux partagé. Rendons ces lieux réellement incontournables dans la vie démocratique de façon à dépasser les réticences. En fin de compte, c'est la question de la construction commune de ces forums qui reste posée, de façon à ce que les citoyens se sentent copropriétaires de cet espace politique. Voilà en quelques mots les défis que je vois posés pour que cette démarche prenne de l'ampleur et porte tout son fruit.
Il nous faut en faire un élément structurant de notre pratique, un principe permanent qui réforme peu à peu la façon de faire de la politique. Un très grand nombre de fédérations s'y sont engagées, il faut que cela puisse être le cas partout. La phase qui s'achève ne doit pas interrompre cette dynamique : nos forums ne ferment pas pour cause de campagnes. Au demeurant, les campagnes pour les élections cantonales, régionales et européennes ne vont pas repousser à plus tard l'interrogation sur l'alternative politique possible. Dans une période où les citoyennes et les citoyens se posent la question de leurs choix, la poursuite de cette confrontation politique peut être une contribution utile à la réflexion de chacune et chacun. Quelle que soit la stratégie électorale choisie par les communistes, ce doit être une façon de poursuivre, dans un débat ouvert et franc, la construction collective de réponses aux attentes.
Une telle confrontation politique en pleine campagne électorale n'est évidemment pas dans les habitudes et appelle de notre part un effort de direction. Le développement de forums locaux doit permette de multiplier le nombre des participants dans tout le pays. Et l'organisation de forums, qui peuvent être thématiques, au niveau régional, voire national, doit contribuer à donner à toutes ces initiatives le sens même de cette démarche : la recherche et la construction d'une véritable alternative politique.
L'expérience montre que, pour cela, nous avons à payer de notre personne. Nous avions décidé de participer à tous les débats organisés par d'autres à gauche, nous l'avons fait. Mais force est de constater que les intentions affichées par ailleurs, en matière de " forums ", n'ont pas forcément été suivies des faits dans la forme et la durée.
Mais l'attente est forte. D'autres initiatives se tiennent. Qui traduisent à leur manière cette recherche d'une issue politique. Partout, nous devons en être pour essayer de travailler ensemble à cet objectif, dans le respect de nos différences.
Chacun, chacune mesure ici qu'une véritable politique à gauche demande de bousculer beaucoup de choses.
Révolutionner la gauche, ai-je déclaré à la Mutualité. Pourquoi ? Parce que nous voulons et nous croyons possible de transformer la société. Si tel n'était pas le cas, cette idée n'aurait pas de raison d'être, et je crois que le Parti communiste non plus. Voilà pourquoi nous voulons révolutionner la gauche, et, pour ce qui nous concerne, faire avancer la visée communiste. Et, cela nécessite que notre peuple envahisse le débat à gauche, s'en saisisse, fasse prévaloir ses aspirations. Nous voulons faire de la politique une affaire populaire, c'est une condition indispensable pour qu'elle se change elle-même et qu'elle change la vie.
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2- C'est cette stratégie qui rassemble les communistes
Notre combat commun se fonde sur la visée et les objectifs que je viens de rappeler. La dernière période a confirmé l'étendue des motivations qui fondent notre engagement de communistes.
D'abord, nous voulons faire gagner la gauche. Faire gagner la gauche en qualité et en quantité, pour me faire bien comprendre. Et nous savons que les deux vont de pair. C'est notre objectif à toutes et tous que la gauche l'emporte pour mettre en uvre une politique de changement qui réponde aux attentes de notre peuple. C'est notre objectif à tous que la droite et l'extrême droite soient battues sévèrement, car elles représentent un danger dont personne aujourd'hui ne peut nier la gravité.
En portant des idéaux et un sens émancipateurs, les communistes ont le souci permanent d'améliorer autant que possible la vie concrète des hommes et des femmes de ce pays. C'est pour cela que nous voulons des élus qui portent dans les institutions les exigences et les aspirations de notre peuple, qui agissent et mettent en uvre une politique audacieuse. Nous pensons que les collectivités locales sont un point d'appui essentiel pour la résistance à la droite et à la déferlante libérale ; elles peuvent donner le goût d'un autre avenir possible.
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Tous ces objectifs qui sont les nôtres demandent de faire reculer l'abstention et le dégoût de la politique. Nous devons créer les conditions d'une alternative. Nous savons que cela fait cruellement défaut à notre peuple et que doit se bâtir une dynamique populaire qui ouvre des horizons et ravive l'espoir à gauche.
Voilà, pour les élections à venir, ce qui doit être l'un de nos objectifs majeurs. Pour cela, il faut que grandisse une gauche populaire, une gauche du courage, une gauche qui parle aux hommes et aux femmes au cur de leur vie. Une gauche des salariés, des chômeurs. Une gauche des quartiers, des entreprises, des zones rurales abandonnées. Pour cette campagne, je crois vraiment qu'il nous faut partir de la vie. Parlons des salaires, parlons du stress dans le travail, parlons des services publics qui sont menacés, parlons des droits des femmes, de l'IVG et de l'égalité professionnelle, parlons de la jeunesse qu'on laisse seule se dépêtrer, parlons de la précarité, parlons du logement et des conditions de vie inacceptables, parlons de l'hôpital et de la santé, parlons des discriminations. Et à partir de tout cela, développons nos propositions. Elles peuvent se décliner en trois principes.
Nous voulons placer la démocratie participative au cur du fonctionnement régional et départemental de manière à donner aux salariés, aux usagers, aux citoyens plus de pouvoirs dans l'élaboration des choix et les choix eux-mêmes. C'est la condition pour que les décisions répondent aux besoins et aux aspirations. Nous voulons une région, un département où chacune, chacun a sa place et où la démocratie s'impose face au marché.
Nous voulons ensuite des régions, des départements solidaires qui s'attaquent aux inégalités, luttent pour la gratuité de l'école, et un meilleur accès à des transports collectifs efficaces et étendus. Nous voulons des régions, des départements solidaires qui mènent une politique régionale, départementale active de l'emploi et de la formation avec les salarié-e-s, qui travaillent à rendre possible dans le concret une grande loi de la sécurité d'emploi et de formation, qui oeuvrent au développement culturel, qui assurent le droit à la santé, qui partout construisent du logement social, qui partout interdisent les expulsions, qui proposent l'instauration d'une fiscalité plus juste.
Nous voulons enfin des régions, des départements de coopération, acteurs du co-développement responsable des territoires, de l'Europe et du monde. Sans doute faut-il pour cela commencer par se placer hors AGCS.
Pour chacun de ces grands axes, nous avons des propositions concrètes, audacieuses qui ont été déclinées dans chaque région et chaque département en fonction des réalités locales.
Nous voulons faire des régions, des départements, des leviers anti-libéraux, des espaces de lutte contre les inégalités. Je crois que c'est un projet porteur de sens et de mobilisation. Partout, nous allons mener ensemble, rassemblés sur nos objectifs et nos propositions, une campagne de communistes.
Je voudrais souligner à ce propos, combien la région est devenue un enjeu politique singulièrement fort. La loi de décentralisation libérale du gouvernement Raffarin confère aux régions des pouvoirs extrêmement développés, qui les confrontent directement aux logiques capitalistes. Elle vient conforter le projet de construction européenne. Il ne faut pas sous-estimer cette dimension accrue qui exige de notre part un engagement plus déterminé encore. Nous voyons bien le rôle majeur que vont jouer les régions dans des domaines comme la santé ou la formation professionnelle. Il dépendra de leurs choix que le marché devienne la règle ou que le service public se développe dans chaque domaine concerné. Nous connaissons également le rôle qui leur sera dévolu en matière de politique économique et industrielle. Ainsi, l'enjeu politique de ces élections devient crucial, nous avons la responsabilité de le faire apparaître nettement aux yeux des électrices et des électeurs.
Dans chaque région, les communistes ont fait ou vont faire leur choix concernant la stratégie du parti. Ils le font en tenant compte des débats des forums, des rapports de force locaux et des positionnements à gauche, de la capacité du parti à faire bouger les choses. Ils le font aussi au regard de la loi électorale inique. En fonction des situations, et de l'appréciation qu'en ont les communistes, des choix différents ont été effectués ou sont en passe de l'être dans les 22 régions. Cela ne fait pas de nous un parti divisé, mais un parti en mouvement, rassemblé sur les objectifs stratégiques, l'analyse et les propositions dont je viens de parler. Si nous nous sommes parfois confrontés sur les chemins à emprunter, les objectifs nous sont communs. Ils seront au cur de notre campagne.
Je me réjouis de l'ampleur du débat démocratique dans notre parti, et je pèse mes mots. Il a mobilisé les communistes et certains ont saisi cette occasion pour réinvestir leur parti ou le débat politique. Prendre ensemble les décisions politiques capitales de notre parti, prendre le temps d'échanger entre nous et avec d'autres, choisir, cela me semble être essentiel pour avancer ensemble. Et cela confère des exigences nouvelles à nos directions. Faute de quoi l'on pourrait compromettre ces avancées essentielles. Que le débat provoque parfois des tensions, c'est une réalité. Mais l'objectif de toute direction, même s'il lui revient de donner son avis, est de permettre un débat serein, et une décision claire des communistes, correspondant à leur avis. Il faut donc accepter que son point de vue puisse être minoritaire. Il n'y a pas de vainqueurs ou de vaincus mais une construction commune. Il faut accepter aussi que des majorités de communistes donnent des avis qui dérangent. Ne nous trompons pas d'époque. Il n'y a plus d'avis ou de parole providentiels. C'est dans le débat que les communistes forgent leurs opinions. Allons au bout de la souveraineté des adhérents. C'est aussi là que se joue notre capacité de rassemblement. Respectons-nous dans le débat qui se poursuit, respectons les communistes, et rassemblons-nous désormais pour les batailles qui s'annoncent, afin que les choix que nous avons faits soient des choix gagnants.
Avant d'évoquer plus précisément les échéances à venir, permettez-moi cependant une petite parenthèse, pour vous faire part d'un projet qui me tient à cur et dont nous avons décidé la mise en uvre lors de notre congrès. Il s'agit de notre initiative en direction de celles et ceux qui nous ont quitté, que nous avons exclus, qui n'ont jamais souhaité franchir le pas tout en regardant de notre côté. Si j'évoque ici ce projet, ce n'est pas, vous l'avez compris, en lien avec les échéances électorales, mais en lien avec ce que nous voulons être comme parti. Nous avons travaillé depuis le congrès à renouer des liens, nous avons rencontré des hommes et des femmes, anciens communistes, compagnons. De nos rencontres est née cette proposition de créer un groupe de travail auprès du Parti communiste. Il réunirait des hommes et des femmes aux engagements divers, intéressés au devenir de notre parti. Cet atelier serait un lieu où nous nous laissons interroger par des acteurs du mouvement syndical et citoyen, par des hommes et des femmes sensibles à nos pratiques et à notre projet J'imagine la mise en place de cet atelier comme un geste fort d'ouverture et de réconciliation. Parce que si la vie du Parti communiste concerne en premier lieu ses adhérentes et ses adhérents, au-delà, elle concerne aussi celles et ceux qui partagent ces objectifs. Je ferme cette parenthèse qui n'est pas, vous l'aurez compris, sans importance pour nous. Ce que nous avons fait depuis quelques mois, notre capacité de rassemblement - qui peut encore progresser par l'initiative que je viens d'évoquer-, ce sont des atouts essentiels pour la période qui vient.
Je vous propose de donner vie à cette initiative lors de la réunion des animateurs de sections du 17 janvier. Je puis témoigner que beaucoup d'anciens camarades ont envie d'être de ce combat. C'est une véritable dynamique communiste qu'il est possible d'alimenter.
3- Tout cela donne envie d'affronter les échéances électorales de 2004
Permettez-moi pour commencer d'en situer rapidement le contexte.
La droite est au pouvoir, elle dispose de nombreux leviers dans notre société. Ses buts apparaissent désormais clairement. Conformément à ce que nous disons depuis le départ : elle veut véritablement casser la République avec ses garanties en termes de démocratie et de droits sociaux, adapter la France aux exigences de la concurrence et de la compétitivité mondiales. Elle accompagne son action d'une offensive idéologique de grande ampleur visant à brouiller les repères et à pervertir les aspirations.
Nous ne déserterons pas ce terrain-là. Vous avez vu dans l'Humanité hebdo, l'étude sur l'état de la France. 9% seulement des personnes interrogées concluent à un pays qui progresse. Nous n'en sommes plus à la morosité, mais à la dépression. Chômage, pouvoir d'achat sont les deux premiers termes de préoccupation. C'est le résultat de cette politique gouvernementale, il nous faut continuer à en montrer le lien de cause à effet, à politiser le regard porté sur la situation économique et sociale. Faute de quoi, nous savons que ces inquiétudes sont un terreau fertile pour des solutions simplistes et dangereuses. Le gouvernement déroule sa politique, mais nous voyons bien que ce n'est pas sans obstacles. Si cela ne se traduit pas aujourd'hui par de grands mouvements populaires, le peu de confiance dont le gouvernement est crédité n'est un secret pour personne. Mais nous ne pourrons donner force à la nécessité de battre la droite qu'en étant capables de mettre en face une autre perspective sociale et politique.
La deuxième chose qui caractérise les ambitions de la droite au pouvoir, c'est qu'elle entend profiter de sa situation dominante issue du séisme du 21 avril pour remodeler à sa main le paysage politique. Au-delà d'une volonté idéologique, nous voyons bien que cela commence à devenir pour elle une nécessité immédiate. Nous commençons désormais à voir se dessiner la bipolarisation tant souhaitée par la droite et pas seulement par elle. Cette bipolarisation entre deux forces accaparant l'exercice des responsabilités vient désormais s'adosser à l'installation pensée comme durable de deux extrêmes destinées à jouer un rôle de soupape, tout en stérilisant une partie importante de la contestation sociale. En fait de bipolarisation, il s'agit donc de structurer la vie politique française autour de quatre forces politiques interdisant toute possibilité de vrai changement. C'est un grand danger que font courir à notre démocratie ceux qui favorisent - et ils sont nombreux - cette recomposition. Nous ne laisserons pas faire, nous nous battrons contre la mort de la politique, contre la fin de l'histoire qui veut ainsi nous être imposée. L'UDF qui semble ne pas se résoudre structurellement à cette visée stratégique ne prêche en aucun cas une politique différente de celle du gouvernement. Elle incite même celui-ci à aller plus loin. Personne n'est dupe de cette stratégie électoraliste et politicienne.
L'extrême droite se frotte les mains. Elle étale à la face de notre peuple son populisme et sa haine. En prétendant s'attaquer, désormais à l'insécurité sociale, elle entreprend une offensive dangereuse visant à reproduire les réflexes qui avaient conduit dans les années trente le pire au pouvoir en Europe.
L'insécurité sociale et démocratique, nous en parlons depuis que ce gouvernement est entré en fonction. L'insécurité de la vie est une réalité. Mais les prétendues solutions de l'extrême-droite sont à frémir. Nous allons les combattre frontalement avec énergie.
A gauche, qu'est-ce qui a bougé ? Le Parti socialiste, loin de rompre avec la tentation libérale, poursuit l'orientation qu'il s'est donnée lors de son congrès de Dijon. Pour lui, le 21 avril est le résultat, non pas d'une politique qui n'a pas répondu aux attentes du fait de ses choix sociaux-libéraux, mais de l'éparpillement des forces de gauche qui n'ont pas assumé ces choix. Sa visée stratégique est donc, sinon de constituer un parti unique de la gauche par absorption des autres formations, comme il l'a un temps annoncé, de constituer autour de lui une coalition dont le ciment serait son projet de " réformisme de gauche ". Ce " pôle réformiste ", selon son expression aurait sa force d'entraînement (le PS), son aile " moderniste " (les Verts), et son aile " sociale " (notre parti). Les élections régionales sont, dans cette conception, une étape de cette recomposition d'ensemble. Ainsi, après avoir qualifié d'" historique " la décision des Verts d'Ile-de-France d'accepter la proposition socialiste d'union au premier tour, François Hollande s'est réjoui que ce choix se soit fait " en s'affranchissant des consignes de la direction de leur parti " et a parié que " ces élections vont changer le visage de la gauche ".
Cette orientation n'est pas sans provoquer bien des interrogations et des résistances au sein du Parti socialiste. Le débat interne y est tendu : les échéances européennes, ou les exigences portées par les luttes sociales et le mouvement altermondialiste le mettent à la peine lorsqu'il s'agit de prendre position.
Les Verts, comme je viens de le dire, sont bousculés par cette orientation. Leur volonté de se définir comme une force antilibérale entre en contradiction ouverte avec leur position favorable au projet de " Constitution " européenne " et leur ambition de devenir la deuxième force de gauche en liant leur sort au Parti socialiste. Tout cela est ressenti comme intenable par nombre de leurs militants et électeurs et écorne leur crédibilité.
Il est trop tôt pour mesurer les résultats du nouvel ensemble LO-LCR. On ne perçoit, contrairement aux espoirs de ses promoteurs, aucune dynamique de ce côté. Tout au contraire, le danger de stérilisation possible de forces de révolte et de transformation par cette alliance électorale sectaire semble de mieux en mieux perçu.
Le Mouvement républicain et citoyen, qui a succédé au MDC, a adopté avec nous une déclaration positive sur l'Europe et il participe à nos forums dans un état d'esprit constructif. Personne n'a oublié les dérives de la campagne présidentielle de 2002. Il semble en être revenu et se positionne à gauche. N'en tirons pas de conclusion hâtive, je dirais : ni dans un sens, ni dans l'autre.
La période a également été marquée par des initiatives diverses des prises de positions, des appels marquant une volonté d'alternative. Les Alternatifs affichent également ce souci. Cela s'exprime d'ailleurs chez nombre nos concitoyens et concitoyennes. Cette situation appelle notre démarche de rassemblement pour faire bouger à gauche.
C'est dans ce contexte que vont se tenir les élections cantonales et régionales. Nous voyons l'enjeu que les communistes y tiennent tout leur rôle. Il y a de l'espace pour cela.
Les élections européennes qui vont suivre se profilent dans le même contexte, même si les échéances de mars sont susceptibles de modifier peu ou prou la donne. En Europe, qui plus est, nous voyons bien où nous conduit l'alternance, voire l'alliance, entre libéralisme et social-libéralisme.
En somme, nous avons devant nous six mois essentiels où beaucoup va se jouer de notre avenir dans les quelques années qui viennent. C'est pourquoi j'en appelle à notre esprit de conquête et de rassemblement.
Les enjeux européens ne sont pas absents des élections régionales, bien au contraire. Il nous faut, à mon sens travailler les logiques à l'uvre - y compris celle de l'Europe des régions, dans laquelle s'inscrit la conception de la décentralisation mise en uvre par le gouvernement Raffarin - pour les démonter et les combattre. Il faut ainsi faire le lien entre les scrutins. Nos batailles sont d'ailleurs déjà lancées sur le referendum, contre la Constitution Européenne.
Naturellement, l'échec de la Conférence intergouvernementale modifie certains aspects de la situation. Mais, comme chaque participant au sommet de Bruxelles s'est plu à le souligner, un consensus existait sur la quasi totalité des points du projet de Constitution, hormis le mode de calcul de la majorité qualifiée au Conseil des ministres. C'est sur cette base que reprendront, le moment venu les négociations. Il ne s'agit donc pas de laisser ceux que nous avons mis sur la défensive à propos de la " constitutionnalisation du modèle libéral, tourner la page ainsi.
Qu'est-ce qui doit changer en profondeur dans l'Union Européenne ? Quel projet européen dans lequel nos concitoyens puissent se reconnaître et s'investir ? Ces questions sont plus que jamais à l'ordre du jour du combat progressiste. Je dirais même que cet échec motive notre mobilisation sur l'Europe, car contrairement à ce que dit le Président de la République, il s'agit bel et bien d'une crise avec un grand " C ". Elle reflète l'absence d'un projet mobilisateur pour les peuples, l'absence d'une vision progressiste de l'avenir. A Bruxelles, il n'y a eu de place que pour les querelles de pouvoir, pas pour une confrontation saine sur une vision de l'avenir commun. Quoi qu'il en soit, le projet de traité constitutionnel est symptomatique de l'Europe ultra-libérale. La clarification dans le débat politique que permet ce texte est un point d'appui dans la bataille. Nous voyons bien, a contrario, que certains auraient intérêt à l'éviter.
Je propose donc que nous amplifions notre effort de mise à jour des enjeux, de propositions alternatives, de rassemblement antilibéral et progressiste.
Lors du Forum social européen, nous avons bien senti une conscience sociale mobilisée sur les enjeux européens. Cela n'est pas sans débats, mais nombreux étaient ceux de ces militants qui attendent autre chose de l'Europe qu'un " marché ouvert où la concurrence est libre ". Nous y avons participé pleinement, à notre place, de façon constructive, sans afficher d'ambitions récupératrices ou hégémoniques. Je crois que cela s'est vu. Nous y avons ressenti une véritable envie d'avancées concrètes, d'efficacité, en même temps que d'audace antilibérale, voire anticapitaliste. Avec ces hommes et ces femmes, mobilisés, nous avons à construire pour qu'ils et elles investissent le terrain politique de leurs aspirations et de leur dynamisme.
En même temps, dans notre peuple, il y a un risque que les désillusions européennes conduisent à des attitudes de repli. Un fort ressentiment s'exprime vis-à-vis de l'Europe, vécue comme une force obscure qui pèse sur les vies. Saisissons les moments qui viennent pour poser ces questions en termes politiques. Soyons cette force qui chamboule les schémas convenus et rend crédible l'idée d'une autre Europe, qui, en somme recrée de l'espoir.
Tout cela doit nous amener à faire vivre une grande ambition pour l'Europe. Notre Conseil national doit proposer aux communistes une stratégie nationale pour les élections européennes. Nous avons déjà avancé sur les contenus -ce qui est en jeu touche pour nous à des questions identitaires comme les services publics, la démocratie, la coopération entre les peuples, la politique économique, industrielle, de l'emploi, l'égalité hommes/femmes Il nous faudra également nous prononcer sur le caractère des listes, puisque ce sont des élections nationales. Sommes-nous d'accord pour uvrer au rassemblement le plus large possible sur des contenus antilibéraux et progressistes ?
Ce rassemblement aura des équilibres à tenir de façon globale - je pense à la parité, à la mixité. Il me semble que nous pourrions tenir des assises européennes le 1er février, en faire un rendez-vous populaire et militant pour poser une première pierre publique.
Je voudrais dire un mot pour finir de la force politique européenne à laquelle nous travaillons. Les rencontres se poursuivent pour aboutir à des textes fondateurs. Nous y sommes " ferments " pour que ce processus aboutisse, avec toujours en tête, les repères que nous nous sommes fixés ensemble et qui sont, je crois la garantie du rassemblement du plus grand nombre de forces intéressées. Le moment venu, un débat et une consultation des communistes sera organisée. Dans notre campagne européenne, nous pourrons, je l'espère, je le crois, faire valoir cette dynamique qui dépasse nos frontières pour donner une crédibilité, une ampleur à nos projets à notre démarche. C'est, pour moi, une formidable chance.
Chers camarades,
Nous connaissons l'étendue du champ que nous avons à travailler. Nous savons que les conditions climatiques sont parfois difficiles. Mais j'ai envie de vous dire l'enthousiasme qui m'anime, qui nous anime à l'entame de ces campagnes. Je ressens autour de moi une nouvelle envie, et dans la société, même si cela est fragile, un nouveau regard porté sur nous. Nous avons beaucoup travaillé, nous avons rencontré des hommes et des femmes nombreux, nous avons cherché à faire ensemble, nous avons débattu longuement et les communistes ont pris chacune, chacun, leurs responsabilités. Je ressens une véritable dynamique possible. En poursuivant notre effort considérable engagé avec les forums, nous creusons un sillon fertile. L'enjeu qui est devant nous est important. Rassemblés, offensifs, nous sommes une force qui va compter dans la période qui vient, j'en suis convaincue.
(Source http://www.pcf.fr, le 17 décembre 2003)