Déclaration de Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de la défense, sur les relations entre l'Union européenne et les Etats-Unis, à Rome le 12 novembre 2004.

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Circonstance : Intervention au collège de défense de l'OTAN sur "La relation transatlantique face aux défis du 21ème siècle", à Rome le 12 novembre 2004

Texte intégral

Existe-t-il aujourd'hui un " fossé transatlantique " ?
Certains le pensent, le disent, s'alarment que la récente réélection du Président des Etats-Unis n'aggrave les choses à cet égard, évoquent un mouvement de fond séparant les deux rives de l'Atlantique, lié aux évolutions démographiques et culturelles.
Ce n'est pas mon avis.
Peut-il exister un fossé transatlantique ?
Chacun sait que non.
Face aux défis de ce siècle, terrorisme, prolifération, crises régionales, pauvreté ou environnement, les deux ensembles les plus puissants que sont les Etats-Unis et l'Union européenne ont une responsabilité particulière et partagée.
Il ne s'agit pas de nier les difficultés de la relation transatlantique. Les derniers mois l'ont souligné. Le partenariat transatlantique est à une croisée des chemins. Il nous revient de le relancer sur des bases claires.
La relation transatlantique est à une croisée des chemins.
Il ne s'agit pas de le nier, des divergences et des incompréhensions existent entre les deux rives :
- Sur des questions de société : peine de mort, place de la religion dans l'Etat, protection sociale.
- Sur des dossiers de politiques étrangères, en particulier celui du Moyen-Orient. C'est une question particulièrement difficile, d'autant que la relation israélo-palestinienne cristallise les divergences.
- Sur la place, centrale aux yeux des Européens, de l'Organisation des Nations-Unies, face à la tentation de l'unilatéralisme.
Ces divergences ont conduit certains à s'interroger sur la pertinence et la pérennité de notre relation politique et des institutions qui l'appuient.
La relation transatlantique offre pourtant au monde l'image d'une réussite commune exceptionnelle.
Cette réussite repose sur une réalité.
Nous partageons les mêmes valeurs fondamentales.
Nous avons montré ensemble la validité de la démocratie et des droits de l'Homme comme perspectives naturelles de la modernisation des sociétés.
Nous avons maîtrisé ensemble les difficultés et les crises nées de la fin de la guerre froide et de la désagrégation du bloc soviétique.
Nous sommes engagés ensemble dans la transformation des sociétés qui en sont issues.
Nous avons prouvé ensemble la supériorité de l'économie de marché, avec ses composantes sociales, comme source de bien-être et de progrès.
Notre interdépendance économique et commerciale n'a jamais été aussi grande.
L'Europe et les Etats-Unis demeurent, et de loin, les premiers investisseurs les uns chez les autres. Des millions d'emplois dépendent de ces investissements croisés.
Il faut le souligner : cette communauté d'intérêt est aussi ce qui nous rend également vulnérable. Nous faisons ainsi face aux mêmes menaces.
Il serait insensé de remettre en cause ces acquis.
A nous de faire en sorte que la relation transatlantique, rénovée, joue un rôle déterminant dans le nouvel ordre mondial.
Un partenariat transatlantique peut, doit être relancé sur des bases claires.
Pourquoi ? Parce que les défis du 21ème siècle exigent de nos Etats une action déterminée et solidaire :
Cette action solidaire est nécessaire pour défendre nos valeurs, nos populations et nos territoires contre les groupes qui opposent l'action terroriste, brutale et aveugle, à nos choix de sociétés et de vie.
Cette action solidaire est nécessaire pour réguler, dans le cadre de l'OMC, la mondialisation afin qu'elle n'engendre pas l'exclusion, source de tous les intégrismes. Autrefois les frustrations trouvaient leur expression dans le communisme. Aujourd'hui ce sont les intégrismes qui leur servent de réceptacle.
L'action solidaire de nos Etats est nécessaire pour éviter l'opposition des cultures et des communautés, en respectant la diversité et en donnant la priorité au dialogue.
Elle est nécessaire pour prendre à bras le corps les problèmes d'environnement, de santé.
Comment ? Pour être efficace, cette action doit reposer sur certains principes clairs.
Nous allons devoir gérer, en partenaires, ces multiples exigences et définir les priorités.
Les Européens doivent accroître le volume et la disponibilité de leur contribution à la sécurité internationale.
Les Américains doivent y prendre part en acceptant les contraintes de l'édification de nations.
Il est essentiel de mieux coopérer en matière de renseignement et de développer nos actions communes de prévention des conflits et de lutte contre les foyers du terrorisme.
Ensemble, nous devons nous mettre d'accord en amont sur une stratégie globale et sur le partage des tâches.
Nous devons tenir compte des atouts dont les uns et les autres peuvent disposer (compétence particulière dans un domaine, relation particulière dans une zone).
Nos ressources et nos savoir-faire sont complémentaires.
Nous pouvons tous ici apporter des contributions importantes à ce travail de longue haleine.
Nous serons encore davantage appelés à travailler ensemble.
Les Européens doivent se montrer unis et engagés pour nourrir un tel dialogue.
Les Américains devront admettre qu'ils ont tout à gagner à jouer réellement le jeu du partenariat et du multilatéralisme.
C'est en ayant une réflexion lucide sur les carences de notre relation que nous pourrons la transformer et l'adapter aux nouvelles réalités de ce début de siècle.
Un dialogue entre les Etats-Unis et l'Union européenne est indispensable pour assurer le coeur d'une gouvernance internationale dont le monde à besoin.
Nous devons saisir toutes les opportunités de travailler de concert sur les crises et les problèmes les plus urgents : le Proche-Orient, l'Iraq, l'Iran.
Les organisations existantes, OTAN et Union européenne, trouveront naturellement leur place dans ce dialogue.
Que chacun respecte l'identité de l'autre, comprenne les intérêts de l'autre, accepte les sensibilités de l'autre.
Ensuite, appuyons la confiance réciproque sur nos valeurs communes.
C'est sur cela que nous devons mettre l'accent.
Nous y trouverons le ressort d'une nouvelle volonté politique pour renouveler le partenariat transatlantique.
Sachons saisir ensemble cette occasion. La paix et la stabilité du monde en dépendent.

(Source http://www.defense.gouv.fr, le 19 novembre 2004)