Interview de M. François Chérèque, secrétaire général de la CFDT, dans "Le Monde" du 11 juin 2004, sur la position de la CFDT sur la réforme de l'assurance maladie.

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Média : Emission la politique de la France dans le monde - Le Monde

Texte intégral

Le texte de cet entretien a été relu et amendé par M. Chérèque.
A l'issue de son bureau national, jeudi 10 juin, quelle position la CFDT exprime-t-elle sur la réforme de l'assurance-maladie ?
Le bureau national a estimé que le projet de loi, tel qu'il est proposé, est trop éloigné de nos exigences.
Les mesures de financement sont injustes ; la réponse sur la généralisation de la complémentaire santé et de la prévoyance est insuffisante ; et, en matière d'organisation des soins, les réponses sont partielles et elles doivent être encore concrétisées. Pour la CFDT, c'est une réforme qui, dans l'état actuel, manque d'ambition. Nous allons tout faire maintenant en direction du débat parlementaire pour l'améliorer.
Cela signifie-t-il qu'en l'état actuel du projet la CFDT pourrait hésiter à se réimpliquer dans la gestion de l'assurance-maladie ?
On constate déjà que l'on a bien fait de rester à la Caisse nationale d'assurance-maladie (CNAM). Parce que si nous en étions partis, l'étatisation ou la privatisation serait déjà faite. L'objectif du Medef, lors de son départ des caisses, était de rejeter toute la responsabilité de gestion sur l'Etat, avec un vrai risque de mise en concurrence des caisses ensuite. Ce qui signifie qu'il n'est pas question pour nous, dans l'avenir, de déserter notre responsabilité dans la Sécurité sociale. Et que l'on utilisera cette place pour faire évoluer le système de soins dans le sens de nos exigences, pour l'améliorer.
Vous ne proposerez donc pas d'abandonner la présidence de la CNAM ?
Non, notre stratégie ne change pas. Par notre présence dans les caisses d'assurance-maladie, au niveau national, régional et départemental, nous comptons peser sur ses orientations à venir. Nous aurons des échéances de négociation tous les ans, sur les budgets, dans le cadre des relations entre les caisses et l'Etat.
A la différence des retraites, la CFDT ne soutient donc pas la réforme de la Sécurité sociale proposée aujourd'hui. Le débat parlementaire pourrait-il vous faire changer de position ?
Nous ne nous trouvons pas dans le même contexte que pour les retraites. Nous étions alors dans un système de négociations classiques pour les partenaires sociaux - la retraite est un salaire différé -, avec un résultat qui était un compromis entre les demandes des uns et des autres.
Sur l'assurance-maladie, nous avons toujours dit que nous refuserions d'entrer dans une négociation, parce que les décisions finales relèvent des parlementaires, en particulier sur le rôle de l'Etat. Il ne nous revient pas de négocier ce rôle. Nous avons aussi annoncé que l'on jugerait cette réforme en fonction de quatre priorités : une aide pour tous afin d'accéder à une mutuelle ; une meilleure organisation des soins qui responsabilise les patients mais aussi les professionnels ; un financement équitable dans le cadre d'une politique globale sur la fiscalité ; et la clarification du rôle de l'Etat et des partenaires sociaux dans la gouvernance.
Allez-vous participer à la journée d'action organisée le 15 juin par la CGT ?
Nous n'allons pas arrêter notre mobilisation. Et nous appelons, avec la Mutualité française, à une journée d'action le 22 juin dans toutes les régions, orientée vers les parlementaires, avec un grand meeting à Rennes. Nous proposons à d'autres partenaires, syndicaux et associatifs, de se joindre à cette initiative. L'UNSA nous a d'ailleurs déjà donné son accord. Ce qui signifie que l'on ne participera pas à la journée de la CGT du 15 juin, qui d'ailleurs était une journée d'action EDF-GDF.
Appellerez-vous FO et la CGT à se joindre à vous le 22 juin ?
Non. Nous avons des divergences très fortes avec FO sur le contenu de la réforme, en particulier sur le financement. Nous n'acceptons pas que la dette de l'assurance-maladie soit reportée sur nos enfants. Nous ne voulons pas, par égoïsme, creuser les inégalités entre générations. Quant à la CGT, elle a voté contre l'avis critique émis par le conseil d'administration de la CNAM. Cet avis, qui était soutenu par la CFDT, la Mutualité française et l'UNSA, illustre bien un rassemblement possible avec tous ceux qui partagent cette démarche de réforme.
Vos relations avec la CGT sont-elles compromises ?
La CGT a, ces derniers mois, une démarche d'isolement. Cela se voit par le fait que la CGT a quitté l'intersyndicale formée avec la Mutualité et qu'elle a décidé, seule, de l'action à mener. On le voit aussi sur le dossier d'EDF-GDF, où les coupures d'électricité entreprises par une partie de ses équipes sont désapprouvées par la CFDT. On ne peut que le regretter. L'évolution du syndicalisme français passe par une confrontation positive entre nos façons de voir et de pratiquer l'action syndicale.
Ne craignez-vous pas, fort de l'expérience des retraites, que le gouvernement ne tienne pas ses engagements sur la réforme de l'assurance-maladie ?
A propos des retraites, sur les carrières longues des fonctionnaires, le gouvernement n'a toujours pas tenu ses engagements. Et sur l'assurance-maladie, nous gardons un goût amer de la méthode utilisée par le ministre. Nous avons en particulier le sentiment que le ministre avait plus le souci d'annoncer le soutien de tel ou tel syndicat que de nous donner satisfaction sur le contenu de la réforme. Cette attitude nous éloigne de notre conception du dialogue social.
Propos recueillis par Rémi Barroux et Claire Guélaud
(Source http://www.cfdt.fr, le 14 juin 2004)