Déclaration de Mme Brigitte Girardin, ministre de l'outre-mer, sur les arts plastiques de la Caraïbe et les échanges culturels, Paris le 12 novembre 2004.

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Circonstance : Inauguration du Salon d'Automne de Paris, le 12 novembre 2004

Texte intégral

Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs,
Madame le Maire,
Chers amis d'outre-mer et de métropole,
Je suis très heureuse d'être avec vous ce soir pour l'inauguration de cette édition 2004 du Salon d'automne, qui fait une place toute particulière à la peinture de la Caraïbe. Je me réjouis qu'une institution prestigieuse et d'envergure nationale mette à l'honneur les artistes originaires de cette région du monde qui me tient particulièrement à coeur. Et je voudrais remercier chaleureusement Edouard Glissant et Noël Coret qui ont travaillé ensemble pour mieux faire connaître à nos concitoyens la contribution fondamentale de cette région du monde à l'histoire de la peinture. Wilfredo Lam, Serge Helenon, Louis Laouchez, Ernest Breleur, Michel Rovelas, Frantz Absalon, pour ne citer qu'eux, sont aujourd'hui connus dans le monde entier. Il était important de leur rendre, en France, un hommage mérité.
La manifestation qui nous réunit met à l'honneur les arts plastiques de la Caraïbe. Elle permet aussi de réinscrire la Guadeloupe, la Martinique, ou encore la Guyane dans leur environnement géographique, historique et culturel. Elle donne donc tout leur sens à ces cultures et à ces identités dont la peinture a toujours été un mode d'expression privilégié. Comment penser en effet cet outre-mer français d'Amérique sans évoquer les liens culturels profonds avec Haïti, Cuba ou encore le Brésil ?
Aujourd'hui, les échanges inter-régionaux restent rares, même en matière culturelle. C'est pourquoi le ministère de l'outre-mer a engagé une politique de soutien à la coopération régionale qui vise à favoriser une meilleure insertion des collectivités ultramarines dans leurs milieux régionaux respectifs. Ces aides aux projets ont non seulement vocation à effacer les frontières de chaque île, ou de chaque collectivité, à briser l'enclavement et l'isolement, mais aussi à faire de la Caraïbe un véritable espace culturel. Elles ont aussi clairement l'ambition, dans le domaine des arts, de placer la Martinique, la Guadeloupe et la Guyane au coeur du bassin caribéen.
A l'image de leurs aînés, les jeunes artistes plasticiens de Martinique, de Guadeloupe ou de Guyane font preuve d'une indéniable créativité et d'un talent certain. De nos jours comme hier, la création plastique est, dans cette région du monde, en pleine effervescence et s'inscrit pleinement dans la modernité. J'ai souhaité, modestement, pouvoir donner à de jeunes artistes, d'expression très contemporaine, comme Thierry Alet, Julie Bessard, Hervé Beuze, Marie-Jeanne Viator, Henri Tauliaut, ou encore Bruno Sentier et d'autres encore, qui seront peut-être les célébrités de demain, plus de moyens pour se faire connaître. Je sais qu'ils se heurtent, hélas, comme leurs illustres devanciers, à la frilosité ou à l'indifférence des institutions métropolitaines. Je le regrette. Car la Caraïbe d'aujourd'hui est un véritable champ expérimental où l'Occident est, dans tous les domaines, revisité par ces cultures créoles, qui se placent au carrefour de trois civilisations.
Aussi, je me réjouis, à l'occasion de ce salon, de voir à nouveau Paris jouer, furtivement, le rôle qui fut le sien, pendant une grande partie du XXe siècle : notre capitale fut, en effet, pour beaucoup de créateurs caribéens de toutes disciplines, un lieu de rencontre, d'échanges et de confrontation des idées.
Redonner à Paris tout son rôle dans une culture caribéenne vivante et créative, favoriser le développement des échanges entre la Caraïbe française et la métropole, reste une priorité de mon ministère dans le domaine culturel. Le fonds d'échanges artistiques et culturels, créé avec le soutien du ministère de la culture et de la communication, vise aussi à construire la continuité territoriale en matière culturelle. La France métropolitaine doit pouvoir reconquérir sa place, et rien que sa place, dans la vie culturelle des régions ultramarines. L'indifférence conduira nos artistes à privilégier New York, Tokyo, ou encore Londres... Et si nous n'y prenons garde, les talents d'outre-mer s'épanouiront dans un ailleurs plus accessible et plus ouvert, privant notre culture nationale de l'apport de la différence, et donc d'une composante essentielle de sa richesse et de sa diversité.
Je me réjouis donc, une nouvelle fois, du choix du Salon d'automne de mettre, cette année, les arts plastiques de la Caraïbe à la portée de tous nos concitoyens. Je suis sûre que ce moment privilégié sera, plus que jamais, l'occasion d'échanges et de dialogues porteurs de sens entre la métropole et l'outre-mer, entre la France et la Caraïbe, et entre les collectivités d'outre-mer et leurs voisins caribéens et américains.
Je vous souhaite à tous un bon salon.
Je vous remercie.
(Source http://www.outre-mer.gouv.fr, le 15 novembre 2004)