Déclaration de M. Xavier Bertand, secrétaire d'Etat à l'assurance maladie, sur la réforme de l'assurance maladie et le rôle des médecins dans la réforme du système de soins, Ramatuelle le 25 septembre 2004.

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Circonstance : Université d'été de la Confédération des syndicats médicaux français (CSMF) à ramatuelle le 25 septembre 2004

Texte intégral

Monsieur le Président,
Messieurs les Vices-Présidents,
Mesdames, Messieurs les Délégués,
Mesdames, Messieurs,
Je suis, ce matin, venu vous voir, en tant que Secrétaire d'Etat à l'Assurance Maladie, mais pas en tant que pompier. Vous pourriez me dire pourquoi pas en tant que pompier ? C'est parce que, ce matin, dans un grand quotidien national, votre Président disait " le Gouvernement doit éteindre les incendies ". Alors, je me suis interrogé pourquoi " doit éteindre les incendies ", d'une part, l'été a été particulièrement calme dans le Var, il n'y pas eu à déplorer d'incendies de forêt et, je suis persuadé, Monsieur le Président, que ça n'est pas ce week-end que nous devrions assister à un départ de feu. Je n'en suis vraiment pas persuadé et je pense que, ce matin, si je viens vous voir, c'est en tant que partenaire de façon à prolonger avec vous le travail qui a été accompli depuis 6 mois.
Juste une petite précision, parce que vous savez que j'aime bien remettre les choses à leur place : lorsque je suis venu vous voir la première fois, mon Cher Michel, je ne savais vraiment pas que je rentrerai au Gouvernement et encore moins dans ces fonctions précises. J'étais venu avec une autre casquette qui était celle de responsable d'une grande formation politique pour animer les débats de société, pour m'intéresser à ces questions. Je travaillais déjà avec Philippe DOUSTE BLAZY, mais nous n'avions pas imaginé à ce moment là que nous aurions à mener cette réforme qui était présentée comme impossible, surtout au lendemain des Elections régionales et cantonales.
Et la deuxième petite précision c'est que, c'est vrai, pour tenir dans les débats à l'Assemblée Nationale, j'avais bien sûr le soutien des amis comme J. Michel GOUVE et Philippe VITTEL. J'avais une attitude un peu différente à la fois de J. Luc PREEL qui est présent et j'avais surtout une attitude très différente de la part de J. Marie LEGUEN qui est là-bas. Alors, c'est vrai que pour tenir, de temps en temps, non pas l'omelette lard, mais une petite andouillette avec un verre de chablis cela fait du bien. Je n'ai toujours pas de besoin de prendre des statines, je dois donc avoir un bon métabolisme
Je voulais vous dire que si je suis ici, ce matin, c'est pour venir vous expliquer non pas les modalités de la réforme, vous connaissez ces modalités, au moins, aussi bien que moi, mais je voudrais revenir un peu plus sur la philosophie, sur les enjeux et puis venir vous dire pourquoi et comment nous avons besoin que vous vous engagiez résolument dans cette réforme de l'Assurance Maladie.
Bien évidemment, vous l'avez vu, à la différence des autres fois, à la différence des 16 plans qui se sont succédés depuis 1977, nous avons décidé, cette fois-ci, de chercher l'évolution des comportements. Nous avons refusé la maîtrise comptable, l'approche comptable, nous avons refusé l'approche fiscale en augmentant les prélèvements et nous avons choisi, c'est vrai, la voie de cette maîtrise médicalisée qui, pour nous, est beaucoup plus importante et beaucoup plus intéressante. Mais il ne faut pas oublier et sans dramatisation excessive, je suis venu vous dire que nous sommes aujourd'hui au pied du mur, car l'enjeu c'est bien l'évolution des comportements, l'enjeu aujourd'hui c'est la mise en oeuvre de la réforme, car dans cette réforme, à la différence d'autres réformes importantes, là c'est la mise en oeuvre qui doit mobiliser notre énergie jusqu'au 1er janvier et même au-delà, bien évidemment, mais surtout jusqu'au 1er janvier, de façon à ce que tout soit opérationnel pour ce 1er janvier 2005. Nous sommes dans un processus de réforme. Qu'est-ce que cela veut dire un processus de réforme ? Cela veut dire qu'entre le 1er janvier 2005 et la fin de l'année 2007, ce qui est véritablement la durée de ce plan pour l'Assurance Maladie, nous avons besoin de continuer à travailler ensemble, à nous parler bien évidemment très librement, car c'est la seule façon d'avancer.
Nous sommes aujourd'hui au pied du mur, et je ne vous tiendrai pas, pas plus aujourd'hui qu'hier, un langage de complaisance, mais un langage de vérité. Dans le cadre de la concertation et du dialogue que nous avons entamés dès notre arrivée avec Mr. Philippe DOUSTE BLAZY, Avenue de Ségur, mais aussi, en même temps que ce déroulaient les débats parlementaires, nous avons appris à nous parler et à nous connaître. Je ne me suis jamais caché derrière les faux semblants et je pense que nous avons su établir un climat d'écoute et de respect mutuel. C'est donc en confiance, en partenaire, je vous le répète, que je veux vous dire que l'avenir de notre système de santé est entre vos mains.
Le Gouvernement et le Parlement ont pris leurs responsabilités, j'y reviendrai. Nous avons fait des choix que nous assumons tout à fait, mais il importe désormais que les médecins libéraux s'emploient aujourd'hui à prendre les leurs. J'ai vu dans les différents propos qui ont été retransmis dans la presse, je l'ai entendu à l'instant dans ta bouche, mon Cher Michel, vous y êtes prêts mais voyons ensemble si nous sommes bel et bien d'accord sur l'avenir.
Pour réussir cette Réforme, nous avons besoin de votre implication, de votre adhésion, car il me semble qu'il ne s'agit rien de moins que de refonder aujourd'hui le pacte de confiance entre la société et ses médecins. J'ai bien perçu, pour ma part, le malaise qu'il y avait parmi grand nombre de vos confrères. Je le vois, parce que dans le cadre de ce service après vote je ne reste pas derrière mon bureau. Je vais dans toute la France : 40 déplacements d'ici la fin de l'année. J'étais avant-hier dans les Alpes-Maritimes, j'étais une journée avant en Haute-Savoie, je serai la semaine prochaine en Bretagne et dans les Bouches du Rhône.
Il est palpable ce malaise, il est palpable ce sentiment que beaucoup de médecins se disent que, depuis des années et des années ils parlent et qu'ils ne sont même pas écoutés, qu'ils parlent et qu'ils ne sont surtout pas entendus et ce n'est pas parce que ce malaise peut être parfois témoigné de façon virulente, qu'il n'y a pas aussi chez ceux qui l'expriment le besoin de trouver une solution et le besoin d'avancer, j'en ai bien conscience.
Dans les débats notamment au Parlement et cela, je voudrais le rappeler, il est apparu une ligne de fracture claire entre le Gouvernement et sa majorité, d'un côté, et l'opposition au sein de laquelle certains souhaitaient remettre en cause l'exercice libéral de la médecine. Certains ont avancé le paiement à la capitation, d'autres, la rémunération forfaitaire. Il n'en fallait pas beaucoup plus pour qu'on en vienne à remettre complètement en cause l'exercice libéral de la médecine.
De tout cela, nous, nous n'en voulons pas. Nous n'en voulons pas parce que nous savons que la force de notre système repose sur l'engagement personnel, l'implication individuelle des professionnels dans leur mission. Nous ne voulons pas remettre en cause les valeurs fondamentales qui font notre système d'Assurance Maladie. Il s'agit d'un choix philosophique, il s'agit surtout d'un choix politique. Cela n'est pas non plus une défense du statu quo, mais je le dis et je le répète, nous assumons complètement ce choix, même s'il nous a souvent été clairement reproché. L'immobilisme, nous le savons, nous amènerait soit à la privatisation que nous refusons, soit à l'étatisation dont nous ne voulons pas. Nous avons fait le pari de la responsabilisation et de l'incitation et, à l'inverse de tous les plans précédents, nous avons choisi de faire confiance aux patients et aux professionnels parce que nous pensons qu'ils peuvent évoluer, changer dans leur comportement.
Dans le domaine de l'Assurance Maladie, l'Etat ne soigne pas. Ce n'est pas l'Etat qui consulte son médecin traitant. L'Etat demeure le garant en dernier ressort et il ne saurait pas non plus édicter les règles du jeu et être en même temps en première ligne pour les mettre en oeuvre. Je tiens à le dire parce que cette donne là est quand même différente et dans les propos que tu as tenu à mon endroit, mon Cher Michel, tu m'as demandé un certain nombre de choses qui relèvent, tu le sais bien, des rapports entre l'Assurance Maladie et les professionnels de santé. Nous n'avons jamais cherché à nous cacher derrière notre petit voile. Nous avons assumé nos responsabilités, faute de quoi, nous n'aurions pas mis en place cette réforme ambitieuse et je ne confonds pas l'intérêt que je porte à toutes ces questions. Je ne confonds pas l'intérêt que je porte à la réussite des discussions conventionnelles avec l'immixtion de l'Etat dans le champ conventionnel. Mais, si j'ai cette attitude aujourd'hui, c'est parce que j'ai profondément confiance et je vais essayer de vous le démontrer.
Aujourd'hui, je vais donc vous montrer pourquoi nous avons besoin de vous et comment nous avons besoin de vous. Il faut aujourd'hui améliorer notre système de santé. Je sais, bien souvent, Monsieur le Président, je sais bien souvent aussi Mesdames et Messieurs les délégués que la prise de responsabilité est toujours une prise de risques. Je sais que cette question vous est posée. Je sais que cela n'est pas facile de s'engager dans une réforme comme celle-ci, mais je pense que si vous assumez aussi cette responsabilité avec détermination et avec confiance, cette démarche sera couronnée de succès, même si je mesure bien le risque que cela représente.
Sans faire un historique exhaustif des six mois passés, je voudrais rappeler, en préalable, les conditions qui ont conduit au vote de cette Réforme de l'Assurance Maladie. Nous avons eu une méthode de concertation. Nous avons trouvé une confiance, c'est vrai, où on s'est tout dit, même les fois où nous n'étions pas d'accord sur tout, entre le Gouvernement et les Professionnels de santé. Je l'ai dit, nous avons je crois la même conception de la médecine et de son rôle dans la situation actuelle, nous nous regardons actuellement, mais nous regardons surtout dans la même direction et surtout c'est cela le plus important.
Sur la méthode de la Réforme, la première étape de cette réforme ça été le temps du dialogue social, de la démocratie sociale. Le Gouvernement a pris le temps nécessaire pour consulter et recueillir les avis. J'ai, pour ma part, eu 119 rencontres, réunions de travail avec l'ensemble des acteurs et beaucoup, notamment, avec la CSMF. Et, c'est vrai, qu'à chaque fois, concernant les instances de pilotage de l'Assurance Maladie, et tu as bien voulu le rappeler, que ce soit pour l'URCAM, pour la Haute Autorité de Santé, pour les questions comme le Comité d'Alerte, les échanges ont été nombreux et ils ont aussi été fructueux.
Après ce temps de la démocratie sociale, il y a eu le temps de la démocratie parlementaire et nous en avons passé du temps. Grâce à certains protagonistes qui sont dans cette salle, nous avons eu 143 heures de débat à l'Assemblée Nationale, nous n'avons pas battu le record des retraites, mais c'était pas mal quand même. 45 heures de débats au Sénat. 8500 amendements qui ont été examinés. Mais cette étape a été importante. Nous avons fait la Loi, nous avons modifié un certain nombre de dispositions du texte initial du Gouvernement. Des amendements ont été repris. Des amendements émanant parfois des différents bancs de l'Assemblée Nationale, et concernant notamment le dossier médical personnel ou le médecin traitant, nous avons permis d'améliorer, j'en suis convaincu, le texte.
Et puis, une fois la Loi votée, il y a un autre temps, le temps de l'explication, de la pédagogie, ce que j'appelle pour ma part, le service après vote. Car il y a une vie après la Loi et cette vie est au moins aussi importante que les autres phases. Et ce temps de la démocratie participative qui vise à faire rentrer la réforme dans le quotidien des Français et puis peut-être plus simplement, pour un représentant du Gouvernement, de répondre aux questions qui peuvent se poser parce qu'il est vrai que, sur des textes aussi importants que ceux-là, il y a des questions : des questions sincères, des questions profondes qui se posent. A nous, justement d'apporter les apaisements en la matière. Donc, il ne s'agit pas d'imposer un texte, il s'agit surtout d'en expliquer le contenu et l'esprit. Je voudrais, là aussi, lever une inquiétude.
Dans ce quotidien parisien du matin, on parle, Monsieur le Président, vous parlez justement d'une réforme qui doit être conforme aux engagements. Et dans un quotidien régional, vous indiquez très clairement que les décrets ne doivent pas dénaturer l'esprit de la loi. Vous avez entièrement raison et je peux vous assurer que nous continuerons à travailler de la même façon. Les décrets ça ne se prend pas dans le secret du cabinet ministériel. Un décret çà ne se prend pas dans le secret de la Haute Administration. La mise en place du décret, c'est une décision et une action profondément politique. C'est aux responsables politiques de savoir gérer cette démarche.
Vous savez que dès la fin du mois d'août, je vous avais proposé de vous retrouver pour vous expliquer et, c'est la première fois sur un texte aussi important, que vous pouvez avoir en tant que partenaire de cette réforme, vous pouvez avoir une vraie visibilité sur l'ensemble des décrets qui seront publiés. Nous avons aussi indiqué qu'au-delà des saisines obligatoires qui nous sont opposées, nous avons décidé de transmettre aux différents acteurs du système de santé, les avants-projets de décret pour écouter à chaque fois vos observations et vos remarques. Démarches certainement nouvelles, mais démarches à mon sens indispensables pour après avoir fondé la confiance, maintenir ce climat de confiance parce que rien n'est jamais terminé en la matière. Donc, je vous l'ai dit, je le redis solennellement devant vous, nous aurons à coeur de faire en sorte que les décrets soient bien et bel conformes à l'esprit de la loi et, qu'encore une fois, ils nous permettent d'éviter des erreurs parce que c'est quelque chose de particulièrement important.
Je voudrais aussi souligner quelques-uns des grands principes que nous partageons. La préservation de l'exercice libéral de la médecine, le maintien de la tarification à l'acte. Je voulais vous dire aussi, qu'au cours de l'examen du projet de loi, nous avons intégré un certain nombre de vos propositions, pas toutes, je vous remercie de ce rappel tout à l'heure, mais je voudrais citer quelques-unes des propositions de la CSMF qui sont inscrites dans la loi : la précision selon laquelle, le DMP fonctionne pour la médecine de ville comme pour l'hôpital, le fait que les conventions interprofessionnelles ne puissent être signées que par les syndicats signataires de conventions professionnelles. L'obligation d'une évaluation tant pour la ville, que pour l'hôpital et la participation de professionnels à la hiérarchisation des actes.
Voilà quelques-unes des propositions que vous avez poussées avec force, mais aussi avec conviction, mais qui étaient aussi des propositions de bon sens et des propositions pertinentes pour l'organisation de notre système de santé. Ce dialogue, cette relation de confiance vont donc bel et bien se poursuivre, parce que, pour moi, prendre le temps de la concertation ce n'est pas perdre son temps, c'est avant tout faire les meilleurs choix possibles et je pense que nous en avons fait la preuve ensemble.
Parlons, si vous le voulez bien de la place des médecins dans la réforme et pour éviter toute caricature par rapport à ce que j'ai pu entendre à différents moments, et pour bien montrer qu'il n'y aura pas de rationnement des soins dans les années à venir, en 2007, vous le savez bien, nous dépenserons plus pour notre santé qu'en 2004. C'est dans l'ordre des choses. Il ne s'agit pas de dépenser moins, mais bel et bien de dépenser mieux. Tout indique aujourd'hui que les dépenses inutiles dans notre système de santé représentent 15 % des prescriptions, et représentent entre 5 et 6 milliards d'Euros par an de dépenses que l'on peut qualifier d'inutiles. La Réforme crée donc des outils pour que vous parveniez à la fois à mieux définir votre exercice et à l'optimiser au regard des ressources que la Nation consacre à ses dépenses d'Assurance Maladie. Les médecins sont vraiment au coeur du dispositif et des modalités d'application de la réforme. J'ai besoin de vous afin de poursuivre ce chantier commencé il y a 5 mois.
Le dossier médical personnel : je voudrais insister tout particulièrement sur le dossier médical personnel : pourquoi faire ? Tout d'abord, pour être mieux soigné, mieux suivi et mieux informé. Ce dossier médical personnel c'est l'outil privilégié du patient et du professionnel. Pourquoi est-il devenu de " partagé " à " personnel " ? Parce que " partagé " pouvait laisser entendre que tout le monde y aurait accès. Or, pour nous, c'est la relation de confiance entre le patient et le professionnel de santé, entre son médecin qui doit se retrouver exactement dans le lien entre le professionnel de santé, le médecin et le patient.
Voilà pourquoi il est personnel parce que je n'oublie pas la relation personnelle qui fonde la confiance entre le médecin et le patient. C'est, il faut le savoir, une logique seulement médicale c'est, avant tout, une logique de qualité des soins. Il importe que les médecins prennent la mesure de l'importance de ce dossier médical, car à lui seul, il doit permettre de réaliser des économies importantes en évitant les actes inutiles ou redondants. Bien sûr, nous ne construirons pas ce dossier sans une implication forte des médecins car cet outil est celui du patient et le vôtre. Il ne doit pas générer un alourdissement des tâches administratives mais, bien au contraire, être un outil intégré à l'exercice du métier de praticien.
Je sais que nous aurons des difficultés techniques à surmonter. Je sais, aussi, que ce sont les habitudes culturelles qui constitueront les principaux obstacles à la diffusion ou à l'appropriation du DMP. Avant même qu'il n'existe, j'entends certains nous dire qu'ils devraient ou qu'ils voudraient en être exonérés. C'est dire la force des réflexes des habitudes ou surtout des a priori. Le dossier médical personnel, j'en suis convaincu, ce sera l'apanage de la médecine française. Il sera ce que les autres systèmes de santé nous envieront le plus et qu'ils nous envient déjà, car nous l'aurons construit ensemble, vous et nous. D'ores et déjà, les contacts que j'ai pu avoir avec un certain nombre de mes homologues européens, montrent bien que cette expérience suscite un très fort intérêt.
Ce chantier du DMP, nous allons l'édifier ensemble progressivement, étape par étape. J'ai bien conscience que, bien souvent dans les entreprises comme celles-ci, le mieux est l'ennemi du bien. Et en la matière, fixons-nous des objectifs réalistes et ces premiers objectifs qui visent, encore une fois, avant tout la qualité, ce serait d'éviter les accidents médicamenteux et les actes inutiles avant de nous consacrer à d'autres missions comme le codage des actes et des symptômes. Faisons simple, faisons quelque chose d'ergonomique qui soit facilement utilisable par les professionnels de santé et je pense que c'est certainement là, la voie de la réussite. Progressons pas à pas avec le souci de faire simple et donc en faisant simple, de faire efficace.
Parlons également, si vous le voulez bien du médecin traitant, le médecin traitant, véritable pivot du système de soins. En la matière, soyons clairs, nous ne faisons que reproduire en l'adaptant à notre conception de la médecine, ce qui existe dans de nombreux pays européens. Et j'ai bien entendu les propos de Michel CHASSANG, tout à l'heure, Filtre médical : pourquoi pas ? Filière administrative : résolument non.
Et bien, là encore, nous partageons exactement la même conception. Le médecin traitant c'est avant tout celui qui connaît le mieux le patient. C'est celui qui, au-delà des symptômes, envisage le patient sous toutes ses dimensions : sociales, sanitaires, familiales, professionnelles. C'est donc lui qui est le mieux à même de l'orienter au sein du système de soins. Il ne s'agit donc pas de mettre en place une filière administrative où les patients viendraient chercher un ticket d'accès à un spécialiste, vous voyez que j'ai une saine lecture. Ce n'est absolument pas cela. Le système anglais n'est vraiment pas une référence en ce qui nous concerne, c'est tout simplement généraliser un système pour adopter environ 80 % de nos concitoyens avec ce médecin régulier, ce médecin de famille comme tu le disais à l'instant, auxquels ils sont d'ores et déjà attachés. Ce qui est vrai, en revanche, c'est que le recours à un médecin spécialiste devra être optimisé. Pour le médecin traitant, c'est avant tout une reconnaissance et aussi une responsabilité, j'en ai bien conscience.
Je voudrais dire aussi que ces systèmes, dans certains pays, quand on a bien préservé l'exercice libéral de la médecine, cela fonctionne. Je voudrais vous dire que la Réforme allemande, 6 mois après la mise en place de la Réforme montre que les consultations de recours semblent avoir diminué de 10 %. Qui s'en plaindrait véritablement, en tout cas dans ce pays, pas les spécialistes, qui voient déjà beaucoup moins de patients s'adresser à eux sans véritable raison et qui leur permettent de prendre aussi d'avantage le temps d'aller au fond des choses et au fond des examens avec les patients. Je vous le dis très clairement, si une telle évolution se dessinait, alors nous aurions démontré les uns et les autres notre capacité à dépenser mieux et si nous sommes capables de dépenser mieux, nous saurons aborder, Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, avec beaucoup plus de facilités et de sérénité la question qui va se poser immanquablement : la question de la juste rémunération de l'acte médical que vous évoquiez. Et pour le dire, très franchement, il y a certainement des marges de manoeuvre dans notre pays, dans notre système de santé, mais il faut pour cela rechercher la qualité des soins, il faut rechercher cette notion de dépenser mieux, mais ces marges de manoeuvre, je pense que les médecins ont la possibilité de les créer sans toucher et sans diminuer en rien la qualité des soins.
Il y a aussi pour le médecin traitant une autre nécessité, celle de faire face au choc démographique médical que nous connaîtrons dans les 10 prochaines années. Il fallait remonter le numerus clausus. Depuis 2002, cette majorité s'y est employée. Mais nous savons tous que les effets positifs ne se feront sentir qu'à terme et que, d'ici là, une grande partie du Corps Médical sera parti à la retraite. Si, ensemble, nous ne parvenons pas à structurer l'offre de soins libéral, alors notre système ne pourra générer que des frustrations et des déficits : frustration des patients avec délais d'attente longs, frustration des médecins qui auront le sentiment de ne pas faire tout ce qu'ils devraient faire, ou dans le même temps, d'en faire trop. Les déficits ensuite de l'Assurance Maladie, car nous aurons manqué l'occasion de développer ce juste choix.
Ce juste choix, c'est avant tout, un soin de qualité. La qualité, je crois, que c'est le thème, l'enjeu de cette Université. Nous la devons à nos concitoyens car la première inégalité dans le système de santé, c'est bien celle-là. Je sais que devenir médecin c'est un choix exigeant. Pratiquer la médecine fut longtemps un sacerdoce, cela restera toujours un art difficile et complexe, mais un art fondé sur la relation humaine. Notre pays peut s'enorgueillir du fait que ses médecins sont parmi les mieux formés et les plus compétents au monde. Il est nécessaire que les patients le sachent et que la confiance qu'ils placent aujourd'hui dans le monde médical soit aussi forte demain, qu'aujourd'hui.
Vous savez que les patients le sont de moins en moins d'ailleurs patients. Les patients sont de plus en plus exigeants, de mieux en mieux informés, plus sensibilisés aux mécanismes qui gouvernent leur santé. Cela engendre parfois une confusion entre information et formation, mais cela contribue aussi à élever le niveau d'excellence des médecins. C'est la raison pour laquelle nous avons souhaité rendre obligatoire, c'est vrai, l'évaluation des pratiques professionnelles. Il nous faudra, d'ailleurs sur ce point, simplifier l'architecture juridique afin que le dispositif soit plus lisible et plus visible. Mais c'est un domaine essentiel dans lequel, je sais que les médecins sont prêts à s'engager résolument et en toute transparence. Les spécialités les plus exposées aux risques disposeront, même sur la base du volontariat, d'un dispositif d'accréditation sous l'égide de la Haute Autorité en Santé, cela constituera demain une évolution nécessaire car exigée par les patients. C'est à nous, maintenant de nous y préparer.
Il y ensuite dans le système d'Assurance Maladie, un des vices de notre système précédent, c'était un défaut de pilotage. Le pilotage sera rénové dans notre système de santé avec un état garant de l'accès aux soins. Nous connaissons tous la réalité des écarts de densité des professionnels de santé entre les régions. Le propos que je pourrai tenir dans le département du Var ne serait pas forcément un propos que je pourrai tenir dans mon département, le département de l'Aisne. Si globalement en matière de nombre de professionnels de santé, nous sommes dans la moyenne européenne, nous savons que l'apparition de zones sous-médicalisées, voire de déserts médicaux doit beaucoup à cette répartition inégalitaire des praticiens sur le territoire.
Nous n'avons pas souhaité (et on nous l'a reproché) à l'occasion de cette réforme, mettre en place un système coercitif où, en contre-partie du financement par la Nation, les professionnels auraient dû rétrécir leur choix d'installation. C'est vrai, nous avons fait le choix de l'incitation avec un dispositif qui comprendra plusieurs étages. Certains placés sous la responsabilité de l'Etat et des collectivités locales qui pourront aider à l'installation ; d'autres avec la modulation des charges sociales et un forfait annuel de la responsabilité des partenaires conventionnels qui les mettront en oeuvre. La forme du dispositif sera accrue par sa régionalisation puisque ce sont les missions régionales de santé qui conduiront la définition des zones sous-médicalisées et l'attribution des aides.
L'expérimentation aussi en matière de régionalisation va nous permettre de défricher ces voies de l'avenir. Je sais que les syndicats et, en particulier le vôtre, sont prêts à s'engager dans cette démarche. Il le faudra résolument car, à terme, l'Etat dans son rôle de garant de l'accès aux soins ne pourra pas demeurer inactif si l'incitation demeurait sans effet. Je crois à l'incitation. Il faut laisser à l'incitation le temps de vivre. Il faudra l'évaluer. Pour ma part, j'ai confiance et c'est dans cet esprit que nous allons assumé cette décision.
Dans ce pilotage rénové vous avez votre place. Nous l'avons toujours dit avec Philippe DOUSTE BLAZY, la Réforme de l'Assurance Maladie ne peut pas se faire contre les médecins. Elle doit même se faire avec eux. Si certains en doutent, il faut qu'ils comprennent véritablement la philosophie de notre action. Vous avez toute votre place dans le pilotage. Je ne voudrais pas ici citer les organismes ou commissions où les médecins siégeront. Ils sont nombreux, mais je voudrais m'attarder sur l'un des plus importants d'entre eux, la Haute Autorité en Santé. Son rôle, vous le savez, sera essentiel pour la définition des référentiels, des actes, des prestations et des produits remboursables. Pour l'accréditation des professionnels, pour la certification des établissements. La Haute Autorité sera un acteur déterminant du nouvel équilibre de notre système d'Assurance Maladie. Indépendamment de l'Etat, ses avis auront la force du droit et s'imposeront aux acteurs par leur légitimité.
Cette structure, avant tout scientifique, dépendra de la qualité des travaux auxquels les médecins devront apporter leur contribution et leur expertise. Il faudra promouvoir en particulier des règles de bonnes pratiques qui soient efficientes et applicables. Il ne servirait à rien de diffuser des principes que seuls quelques spécialistes pourraient mettre en oeuvre. Il faudra viser l'efficacité. Vous pourrez l'y aider et nous comptons encore ici beaucoup sur votre concours.
Je le sais, parce que je lis la presse médicale, que certains s'inquiètent du rôle du Comité d'Alerte. Ce Comité est indispensable dans le dispositif de responsabilisation des acteurs et notamment des acteurs politiques et parlementaires. A quoi assistons-nous aujourd'hui ? Le vote du Projet de Loi de Financement de la Sécurité Sociale est important pour les mesures législatives qu'il contient. Mais il l'est moins, semble-t-il, pour l'objectif de dépenses qui est sa raison d'être. Or, en démocratie, les élus doivent s'engager en connaissance de cause. Il faut savoir que, dans les années qui viennent, nous aurons besoin de déterminer un ONDAM qui soit encore plus réaliste et crédible, et l'Assurance Maladie pourra nous y aider. Mais nous avons aussi besoin de savoir si cet objectif est tenu ou pas. Est-ce qu'il est, comme il l'est depuis des années, oublié sitôt voté ? Ou est-ce qu'il peut nous servir de référence claire ? Et à partir du moment où nous avons évité cette maîtrise comptable, à partir du moment où nous avons fait le choix de la maîtrise médicalisée, il n'y a pas derrière cette démarche de retour discrètement de la maîtrise comptable, parce que, encore une fois, nous ne croyons pas et nous savons, nous, que la maîtrise comptable, cela ne marche pas. Donc, que se passera-t-il ? Et bien le Comité d'alerte devra avertir le Gouvernement et le Parlement lorsque les dépenses réalisées dériveront de plus de 0,75 % par rapport à l'ONDAM voté et encore, une fois, je tiens à vous dire aucun Gouvernement, aucune Assurance Maladie de quelque sorte qu'elle soit ne pourrait décider la fermeture des cabinets médicaux du 15 septembre au 1er décembre, sous prétexte que l'enveloppe attribuée aurait été dépassée à cause d'une épidémie de grippe ou d'une pandémie de bronchiolite. Cela n'a pas de sens. Il ne sert à rien de nous faire peur avec des fantasmes qui, en tout état de cause, ne reposent absolument ni sur la réalité, ni sur la volonté des uns et des autres.
Le deuxième point concernant le pilotage du système, c'est les relations conventionnelles. L'Etat n'avait pas de légitimité, il faut bien en convenir, lorsqu'il intervenait dans les discussions contractuelles entre Assurance maladie et médecins. Il appartiendra aux partenaires d'engager ces négociations sur un mode plus équilibré. Droit d'opposition et arbitrage viendront modifier la configuration des négociations en évitant les blocages.
Ce que nous avons mis en place avec le conciliateur dans les Caisses Primaires d'Assurance Maladie, c'est pour nous éviter encore une fois ces blocages et les seules solutions juridictionnelles parce que lorsque l'on est arrivé à ce stage, c'est donc loin d'échouer. L'Etat ne sera plus ce prêteur en dernier ressort, celui qui devait trancher les litiges en ultime recours, parce que si chacun était bien conscient de dire " ultime recours ", cette situation conduisait évidemment les partenaires à se tourner vers l'Etat dès le début des négociations, de manière à l'y faire participer. La confusion des rôles était complète et la démission des responsabilités entière. Ces discussions conventionnelles doivent s'ouvrir le plus rapidement possible. Philippe DOUSTE BLAZY vous en parlera davantage comme de la CCAM. En la matière, nous avons profondément confiance parce que le travail entrepris depuis plus de 6 mois, le fait de n'avoir eu aucun sujet tabou d'aucune sorte, nous permet aujourd'hui de savoir précisément où nous allons et, maintenant, ce sera à l'Assurance Maladie et aux médecins de voir comment nous y allons.
La réforme est là. Elle est désormais votée. Faites-la vôtre désormais. Elle est pleine de progrès et de sources d'engagement, mais sans votre implication déterminée, elle ne sera qu'un texte vide et sans ancrage dans la société.
Je vous ai dit tout à l'heure que j'userai avec vous du parler vrai, permettez-moi d'en abuser encore un peu. Je sais fort bien que toutes les évolutions et changements que nous avons évoqués ne font pas l'unanimité au sein du Corps Médical. Il m'appartient donc de convaincre, d'expliquer nos choix, de les assumer et c'est dans cet esprit que je sillonne la France. Il vous appartient aussi, parce que vous êtes des responsables syndicaux d'un grand syndicat, d'engager une dynamique auprès de tous les médecins et notamment quand vous rentrerez chez vous dans vos départements.
Il y a aujourd'hui cette échéance qui est face à nous. Cette échéance du 1er Janvier 2005 pour savoir si oui ou non nous avons tout fait pour que la mise en oeuvre soit la plus efficace et la plus utile possible. Soit vous êtes circonspects, attentistes et nous ne saurons pas relever le défi. Soit vous vous engagez à la fois avec confiance et avec optimisme, et là, ce défi sera relevé. Il reste du travail, Monsieur le Président, j'ai bien compris ce message. C'est pour cela que nous continuons à être à la fois à votre écoute et un peu plus qu'à votre écoute. Nous savons vous entendre parce qu'en la matière vous nous avez permis de faire des mauvais choix.
Je voudrais rendre hommage publiquement à la qualité du travail accompli par vos dirigeants et notamment à toi, Michel, tant dans la phase de concertation et de dialogue,
Aurais-je commis un lapsus ? Vous voyez, quand je parle du Président CHASSANG, j'en suis troublé, mais je tiens à vous dire et je tiens à l'assumer, encore une fois, c'est que, grâce à vous et grâce à votre écoute, que nous avons évité de faire des mauvais choix. Je tiens à le dire Ce n'était pas une coquetterie pour me faire applaudir une deuxième fois, c'était juste pour être bien compris.
Je voudrais rendre hommage publiquement à la qualité du travail accompli par vos dirigeants et notamment au travail fait avec Michel CHASSANG. C'est vrai que voilà 6 mois, je ne te connaissais pas. J'ai appris à te connaître. J'ai apprécié ton franc parler et je pense qu'en la matière, l'implication, dans ce processus de réforme, a été totale.
Ces liens tissés au cours de la mise en oeuvre de la réforme doivent encore être approfondis et je m'en voudrais également d'oublier Jean-François, Jean-François REY et aussi Michel, Michel COMBIER qui, à côté de votre Président, ont été aussi des véritables artisans de la Réforme. Sans vous, Messieurs, les choses n'auraient pas pu se faire comme cela. Vous êtes maintenant tous des acteurs de la Réforme et je vous demande de la porter avec courage, détermination et pugnacité. Courage, parce que je l'ai dit, je sais ce que cela représente pour vous, mais courage, parce qu'il est indispensable.
Cette Réforme ne stigmatise aucun des acteurs du système de santé. Nous n'avons pas voulu désigner de bouc émissaire, parce que c'est facile mais cela ne règle rien. Contrairement à ce que j'entends parfois, nous avons fait ce choix de la confiance et de la responsabilisation. C'est vrai que l'Etat, les patients, les organismes gestionnaires, les professionnels de santé sont face à cette échéance.
Cette Réforme offre, selon nous, toutes les garanties pour préserver l'exercice libéral de la médecine en même temps qu'elle responsabilise l'ensemble des acteurs du système de santé. Je vous invite avec force à faire en sorte que, l'an I de cette Réforme, puisse être porteur d'espoir pour l'avenir de la santé en France et puis, permettez-moi de vous le dire, ensemble faisons mentir ceux qui ont reproché au Gouvernement, ceux qui ont accusé le Gouvernement de trop faire confiance aux médecins. Faisons mentir ceux-là et surtout faisons taire les Cassandre, pour lesquels depuis le début du printemps, cette Réforme ne peut pas réussir.
Ensemble, préservons ce système de santé à la Française.
Ensemble, faisons en sorte que cette Sécurité Sociale à la Française dans laquelle nous avons les uns et les autres su trouver notre place, puisse encore une fois être synonyme d'avenir. En tout cas, je suis venu devant vous en confiance et je vous demande ensemble de continuer à porter et à nous témoigner cette confiance.
Merci à vous.

(Source http://www.csmf.org, le 22 novembre 2004)