Déclaration de M. François Fillon, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, sur la compétitivité scientifique de l'Europe grâce à des formations supérieures de haut niveau et l'accès à ces formations au plus grand nombre, Paris le 27 janvier 2005.

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Circonstance : Colloque sur la dimension sociale de l'espace européen de l'enseignement supérieur à Paris le 27 janvier 2005

Texte intégral

Mesdames,
Messieurs,
Je suis particulièrement heureux de vous retrouver, à mi-parcours de vos travaux.
Proposé et organisé par la France dans le cadre du programme de travail du processus de Bologne, ce séminaire sur la dimension sociale de l'espace européen d'enseignement supérieur apportera une contribution importante à la prochaine conférence de Bergen.
Vous accueillir à la Sorbonne n'a rien d'un hasard. C'est ici qu'est née, à l'occasion du 800e anniversaire de l'Université de Paris, l'initiative conjointe de l'Allemagne, du Royaume-Uni, de l'Italie et de la France d'harmoniser l'architecture des systèmes européens d'enseignement supérieur. Notre objectif était alors de faciliter la mobilité des enseignants et des étudiants afin qu'ils enrichissent leur parcours d'une expérience européenne.
Je me réjouis qu'aujourd'hui, cette initiative fédère une quarantaine de pays ; et la diversité de la représentation géographique de notre séminaire est le signe de sa réussite !
Mesdames, Messieurs,
L'Europe est encore trop souvent perçue par nos concitoyens comme un ensemble de directives complexe et lointain Pourtant l'Europe c'est d'abord une ambition humaine ! Et quel projet mieux que celui de la construction d'un espace européen de l'enseignement supérieur peut en être le porteur ? Je n'en vois pas d'autres Ce projet, c'est celui de la jeunesse ; cette jeunesse qui enjambe les frontières nationales pour tisser son identité européenne. C'est aussi celui d'un continent qui, déjouant les seuls attraits du progrès matériel, mise sur sa brillance culturelle.
Dès le Moyen âge, les universités européennes ont éclairé le monde de leur culture et de leurs valeurs humanistes Aujourd'hui, le défi reste le même ! Deux perspectives doivent guider notre stratégie :
- nous devons tout d'abord assurer des formations de très haut niveau, et ainsi contribuer à la compétitivité scientifique et économique de l'Europe. C'est un préalable pour mener la bataille de l'intelligence qui nous oppose aux Etats-Unis, au Japon, voire à la Chine ou à l'Inde.
- mais nous devons également, en corrigeant les inégalités sociales, rendre le savoir accessible au plus grand nombre. Car l'appropriation des connaissances par tous contribue à la cohésion de nos sociétés.
Dans cet esprit, la France a oeuvré avec ses partenaires pour permettre à l'enseignement supérieur de poursuivre un double but : la qualité et l'excellence bien sûr, mais également sa démocratisation.
Par-delà nos différences, nous sommes tous attachés à l'idée d'un enseignement supérieur conçu comme un véritable bien commun relevant de la responsabilité publique. Il doit, selon nous, permettre de développer le rayonnement de l'Europe dans le monde, mais également de faire des universités des lieux ouvrant largement leurs portes aux jeunes et aux adultes pour répondre à leurs besoins de qualifications.
La compétitivité et l'attractivité de notre système d'enseignement supérieur sont intrinsèquement liées à sa démocratisation et à son équité.
Le gouvernement français s'est attaché, au plan intérieur, à suivre cette direction. Dans le cadre de la future loi d'orientation sur l'École, j'ai fixé un nouvel horizon démocratique : celui que 50% d'une classe d'âge soient diplômés de l'enseignement supérieur !
Pour assumer cette démocratisation, nous avons mobilisé d'importants moyens financiers. Ainsi le budget de l'enseignement supérieur progresse cette année de 3%, soit près de deux fois plus vite que le budget dans son ensemble. En la matière, la France accuse un retard qu'elle doit rattraper Par ailleurs, les universités s'inscriront dans la stratégie que le gouvernement engage au profit de la recherche qui bénéficiera dans le cadre de la loi d'orientation d'un effort financier équivalent à un milliard d'euros supplémentaire chaque année.
Enfin, une série de mesures ont été arrêtées en matière d'aides sociales. Je pense notamment à l'exonération des droits d'inscription pour les étudiants boursiers, à la réactivation des prêts d'honneur à l'égard des étudiants non boursiers ou encore à la création de 300 bourses au mérite supplémentaires.
Mesdames et Messieurs,
La France, à l'instar de tous ses partenaires du processus de Bologne, a décidé d'ouvrir au plus grand nombre les portes de l'Europe du savoir en encourageant la mobilité des étudiants. Cela s'est traduit notamment par une réforme profonde de notre offre de formation universitaire afin de lui donner une plus grande compatibilité et lisibilité européenne. C'est la réforme du LMD !
À cela s'est ajouté l'augmentation de 12000 mensualités de bourses de mobilité. Ce sont ainsi 4000 étudiants qui peuvent poursuivre une partie de leur cursus hors de France.
Par ailleurs, nos établissements, dans le cadre de leur politique d'ouverture internationale, sont invités à intégrer la mobilité dans le parcours de tout étudiant. Pour ce faire, celui-ci devra bénéficier, en amont, de l'accompagnement nécessaire à son séjour à l'étranger, notamment d'une préparation linguistique et d'un soutien adapté à son profil, y compris au niveau des études doctorales et post-doctorales.
Permettez-moi d'insister sur cette dimension doctorale... Les espaces européens de l'enseignement supérieur et de la recherche sont deux piliers de la même société de la connaissance.
Aussi un accent nouveau doit être porté sur les doctorats et sur les coopérations européennes afin de stimuler le développement de la qualité et d'en faire un emblème de notre enseignement supérieur et un facteur puissant de son attractivité.
À cet égard, à la suite du sommet de Berlin et dans la perspective de la rencontre de Bergen, la France vient d'instituer le principe des " cotutelles internationales de thèse. "
La préparation d'un doctorat sous la responsabilité conjointe de deux établissements d'enseignement supérieur de deux pays différents sera ainsi facilitée.
Les principes de la qualité de la formation doctorale étant dans tous les pays comparables, les modalités distinctes de procédures administratives et académiques ne sauraient être un obstacle au partenariat international !
J'ai conscience que cela prendra du temps, ces modalités renvoyant aux traditions universitaires les plus profondes de chacun de nos pays. Mais il fallait une première pierre...
Aussi, afin de favoriser la coopération européenne internationale, la France a décidé de faire confiance à ses partenaires. Dorénavant, un doctorat dirigé en cotutelle sera reconnu au même titre que celui dirigé au sein d'un établissement français d'enseignement supérieur, avec pour seule condition que la convention conclue entre les deux établissements garantisse la reconnaissance dans le pays partenaire.
Cette démarche présente à nos yeux un double avantage : elle lève pour les établissements français tous les obstacles au partenariat international ; elle reconnaît également que les règles applicables dans les autres pays en matière d'études doctorales peuvent de plein droit garantir la qualité aussi bien que nos règles nationales.
Je ne doute pas que cette initiative, qui me semble correspondre pleinement à l'esprit du processus de Bologne, pourra nourrir notre réflexion commune jusqu'à Bergen et au-delà.
Mesdames et Messieurs,
Égalité des chances et qualité doivent être les deux piliers de notre espace européen d'enseignement supérieur.
Comment pourrions-nous bâtir un cadre de coopération universitaire compétitif, s'il n'est pas juste ?
Comment pourrions-nous expliquer aux jeunes Européens que l'Europe du savoir est bâtie en leur nom, et les laisser devant la porte ?
C'est dire combien vos travaux seront essentiels pour conforter cette ambition d'un espace européen de la connaissance pour tous !

(Source http://www.education.gouv.fr, le 31 janvier 2005)