Texte intégral
(Réponse à une question d'actualité à l'Assemblée nationale sur l'adhésion de la Turquie à l'Union européenne, à Paris le 14 décembre 2004) :
Q - M. Bernard Deflesselles - Le 17 décembre, au Sommet des chefs d'Etat et de gouvernement à Bruxelles, la France prendra position sur l'ouverture des négociations concernant l'entrée de la Turquie en Europe. Cette perspective inquiète une très grande majorité des Français et suscite même une vive opposition qui devrait être prise en compte. Le débat en cours depuis des mois a montré qu'il y avait deux possibilités : soit l'adhésion, après de très longues négociations, soit un partenariat privilégié, solution qui semble avoir la préférence des Français. Hier, au Conseil Affaires générales et Relations extérieures, Monsieur le Ministre des Affaires étrangères, vous avez rappelé avec raison que le projet européen depuis plus de 50 ans était fondé sur le respect et la réconciliation entre tous les Européens et surtout entre la France et l'Allemagne, sur la réconciliation avec soi-même. Dans cet esprit, de très nombreuses voix en France, dont la nôtre, se sont élevées pour demander que la reconnaissance du génocide arménien par la Turquie constitue une condition préalable à l'ouverture de toute négociation avec ce pays. L'Europe ayant fait sur elle-même un travail de mémoire, peut demander solennellement à la Turquie de l'engager. Au-delà des critères d'adhésion élaborés par Bruxelles, il y a là une exigence morale. Je vous demande d'expliciter la conviction de la France.
R - Tout au long de cette négociation, longue, difficile, qui va sans doute s'ouvrir avec la Turquie, la France veut tenir un langage de vérité. Toutes les questions seront posées, tous les problèmes soulevés, et ce sera le cas en particulier de cette tragédie. Je n'oublie pas que votre Assemblée, à l'unanimité, a qualifié cette tragédie de génocide en 2001. Ce sera donc le cas de cette tragédie dans laquelle des centaines de milliers d'Arméniens ont été martyrisés.
Nous allons poser la question de la reconnaissance de cette tragédie, d'abord parce que c'est une blessure qui ne se cicatrise pas pour de très nombreuses familles françaises d'origine arménienne, ensuite car cette question touche au coeur même d'un projet européen fondé sur la réconciliation, avec les autres, avec soi-même, avec son histoire. Mais ce ne sera pas une condition préalable à l'ouverture des négociations d'adhésion. Ce sera une question que la France va poser dans la négociation, parce que c'est la négociation qui permettra à la Turquie de faire ce travail de mémoire et de nous donner une réponse et qu'elle sera de toute façon conclue par un vote des Français.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 16 décembre 2004)
(Réponse à une question d'actualité à l'Assemblée nationale sur l'adhésion de la Turquie à l'Union européenne, à Paris le 14 décembre 2004) :
Q - M. François Bayrou - Une décision dont nous mesurons tous l'importance sera prise dans deux jours à Bruxelles concernant l'adhésion de la Turquie à l'Union européenne. Malgré les nombreuses questions qui ont été posées, il est incroyable que l'on ignore encore tout de la ligne politique qui sera suivie par le gouvernement : le débat a été refusé, le vote a été écarté. Le gouvernement a d'abord affirmé qu'il était favorable à l'adhésion, puis nous avons cru comprendre qu'un partenariat privilégié pourrait être envisagé et il semblerait enfin que cette option ait été abandonnée. Le ministre des Affaires étrangères a déclaré hier que la France exigerait de la Turquie la reconnaissance "de la tragédie arménienne du début du siècle". Mais "tragédie" n'est pas "génocide" : c'est là le signe d'un premier fléchissement de notre pays. Ce matin, le ministre a en outre annoncé qu'il n'était pas question de faire de cette reconnaissance une condition pour l'ouverture de négociations, de même en ce qui concerne Chypre : nous nous apprêtons donc à ouvrir des négociations avec un Etat qui ne reconnaît pas l'un des pays de l'Union et qui occupe militairement une partie de son territoire. Une telle inconséquence est incompréhensible et empêche notre pays de peser sur une négociation alors que nous disposons d'un droit de veto. Pendant ce temps, le gouvernement turc se montre, lui, fort conséquent puisque son Premier ministre a déclaré qu'il n'accepterait aucun partenariat privilégié, qu'il ne reconnaîtrait pas le gouvernement chypriote non plus que le génocide arménien.
Au-delà de l'acceptation pure et simple de l'adhésion de la Turquie à ses conditions propres et contre le sentiment d'une majorité de Français, que cherche le gouvernement à travers l'ouverture de ces négociations ?
R - Je vous rappelle que nous dialoguons avec la Turquie depuis 1963. Le général de Gaulle avait alors évoqué la vocation européenne de ce pays. Depuis, aucun gouvernement, y compris ceux auxquels vous avez participé, Monsieur Bayrou, n'a jamais remis en cause cette vocation. En 1999, le Conseil européen, auquel participaient MM. Chirac et Jospin, a reconnu à la Turquie un statut de candidat. Nous en sommes là. Jeudi et vendredi, en effet, nous devons décider de l'éventuelle ouverture de négociations sur l'adhésion de la Turquie. Il ne s'agit que de cela, et ceux qui font croire aux Français que la Turquie entrera demain ou après-demain dans l'Union ne disent pas la vérité.
Nous abordons cette négociation avec quatre exigences : sincérité - nous dirons aux Turcs, sans pour autant faire preuve de complaisance, que nous souhaitons l'aboutissement de ces négociations -, réalisme - ces négociations seront longues, difficiles et nous poserons toutes les questions, notamment celles de la reconnaissance du génocide arménien et de Chypre -, transparence - le Parlement sera régulièrement informé des étapes de la négociation -, démocratie enfin - car ce n'est ni vous ni moi, Monsieur Bayrou, qui trancherons mais bien le vote du peuple français.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 16 décembre 2004)
Q - M. Bernard Deflesselles - Le 17 décembre, au Sommet des chefs d'Etat et de gouvernement à Bruxelles, la France prendra position sur l'ouverture des négociations concernant l'entrée de la Turquie en Europe. Cette perspective inquiète une très grande majorité des Français et suscite même une vive opposition qui devrait être prise en compte. Le débat en cours depuis des mois a montré qu'il y avait deux possibilités : soit l'adhésion, après de très longues négociations, soit un partenariat privilégié, solution qui semble avoir la préférence des Français. Hier, au Conseil Affaires générales et Relations extérieures, Monsieur le Ministre des Affaires étrangères, vous avez rappelé avec raison que le projet européen depuis plus de 50 ans était fondé sur le respect et la réconciliation entre tous les Européens et surtout entre la France et l'Allemagne, sur la réconciliation avec soi-même. Dans cet esprit, de très nombreuses voix en France, dont la nôtre, se sont élevées pour demander que la reconnaissance du génocide arménien par la Turquie constitue une condition préalable à l'ouverture de toute négociation avec ce pays. L'Europe ayant fait sur elle-même un travail de mémoire, peut demander solennellement à la Turquie de l'engager. Au-delà des critères d'adhésion élaborés par Bruxelles, il y a là une exigence morale. Je vous demande d'expliciter la conviction de la France.
R - Tout au long de cette négociation, longue, difficile, qui va sans doute s'ouvrir avec la Turquie, la France veut tenir un langage de vérité. Toutes les questions seront posées, tous les problèmes soulevés, et ce sera le cas en particulier de cette tragédie. Je n'oublie pas que votre Assemblée, à l'unanimité, a qualifié cette tragédie de génocide en 2001. Ce sera donc le cas de cette tragédie dans laquelle des centaines de milliers d'Arméniens ont été martyrisés.
Nous allons poser la question de la reconnaissance de cette tragédie, d'abord parce que c'est une blessure qui ne se cicatrise pas pour de très nombreuses familles françaises d'origine arménienne, ensuite car cette question touche au coeur même d'un projet européen fondé sur la réconciliation, avec les autres, avec soi-même, avec son histoire. Mais ce ne sera pas une condition préalable à l'ouverture des négociations d'adhésion. Ce sera une question que la France va poser dans la négociation, parce que c'est la négociation qui permettra à la Turquie de faire ce travail de mémoire et de nous donner une réponse et qu'elle sera de toute façon conclue par un vote des Français.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 16 décembre 2004)
(Réponse à une question d'actualité à l'Assemblée nationale sur l'adhésion de la Turquie à l'Union européenne, à Paris le 14 décembre 2004) :
Q - M. François Bayrou - Une décision dont nous mesurons tous l'importance sera prise dans deux jours à Bruxelles concernant l'adhésion de la Turquie à l'Union européenne. Malgré les nombreuses questions qui ont été posées, il est incroyable que l'on ignore encore tout de la ligne politique qui sera suivie par le gouvernement : le débat a été refusé, le vote a été écarté. Le gouvernement a d'abord affirmé qu'il était favorable à l'adhésion, puis nous avons cru comprendre qu'un partenariat privilégié pourrait être envisagé et il semblerait enfin que cette option ait été abandonnée. Le ministre des Affaires étrangères a déclaré hier que la France exigerait de la Turquie la reconnaissance "de la tragédie arménienne du début du siècle". Mais "tragédie" n'est pas "génocide" : c'est là le signe d'un premier fléchissement de notre pays. Ce matin, le ministre a en outre annoncé qu'il n'était pas question de faire de cette reconnaissance une condition pour l'ouverture de négociations, de même en ce qui concerne Chypre : nous nous apprêtons donc à ouvrir des négociations avec un Etat qui ne reconnaît pas l'un des pays de l'Union et qui occupe militairement une partie de son territoire. Une telle inconséquence est incompréhensible et empêche notre pays de peser sur une négociation alors que nous disposons d'un droit de veto. Pendant ce temps, le gouvernement turc se montre, lui, fort conséquent puisque son Premier ministre a déclaré qu'il n'accepterait aucun partenariat privilégié, qu'il ne reconnaîtrait pas le gouvernement chypriote non plus que le génocide arménien.
Au-delà de l'acceptation pure et simple de l'adhésion de la Turquie à ses conditions propres et contre le sentiment d'une majorité de Français, que cherche le gouvernement à travers l'ouverture de ces négociations ?
R - Je vous rappelle que nous dialoguons avec la Turquie depuis 1963. Le général de Gaulle avait alors évoqué la vocation européenne de ce pays. Depuis, aucun gouvernement, y compris ceux auxquels vous avez participé, Monsieur Bayrou, n'a jamais remis en cause cette vocation. En 1999, le Conseil européen, auquel participaient MM. Chirac et Jospin, a reconnu à la Turquie un statut de candidat. Nous en sommes là. Jeudi et vendredi, en effet, nous devons décider de l'éventuelle ouverture de négociations sur l'adhésion de la Turquie. Il ne s'agit que de cela, et ceux qui font croire aux Français que la Turquie entrera demain ou après-demain dans l'Union ne disent pas la vérité.
Nous abordons cette négociation avec quatre exigences : sincérité - nous dirons aux Turcs, sans pour autant faire preuve de complaisance, que nous souhaitons l'aboutissement de ces négociations -, réalisme - ces négociations seront longues, difficiles et nous poserons toutes les questions, notamment celles de la reconnaissance du génocide arménien et de Chypre -, transparence - le Parlement sera régulièrement informé des étapes de la négociation -, démocratie enfin - car ce n'est ni vous ni moi, Monsieur Bayrou, qui trancherons mais bien le vote du peuple français.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 16 décembre 2004)