Déclaration de M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre de la culture et de la communication, sur le rôle des industries techniques dans le cinéma et l'audiovisuel, la production audiovisuelle et les aides de l'Etat sous forme de crédit d'impôt à la création et la réforme de la taxe professionnelle, Paris le 27 janvier 2005.

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Circonstance : Assemblée générale de la Fédération des Industries du Cinéma, de l'Audiovisuel et du multimédia (FICAM) à Paris le 27 janvier 2005

Texte intégral

Mesdames les Présidentes,
Messieurs les Présidents,
Monsieur le Délégué général,
Chers Amis,
Je suis très heureux de participer à votre assemblée générale, pour plusieurs raisons. D 'abord, parce que c'est, je crois, une première. Je tiens à vous dire, à titre personnel, en tant que spectateur et amateur de films, et en tant que ministre de la culture et de la communication, combien je suis conscient du rôle essentiel des industries techniques dans la grande chaîne de la création, qui fait la vitalité et la richesse de la diversité culturelle et la réussite de notre cinéma et de notre production audiovisuelle.
Le cinéma et l'audiovisuel sont à la fois des arts et des industries. Etymologiquement, le mot " art " signifie " technique ". Il n'y a pas d'art, dans quelque domaine que ce soit, sans technique. Et dans aucun autre domaine sans doute que l'audiovisuel, le cinéma et le multimédia, la technique et les industries que vous représentez ne jouent un rôle aussi important pour la création. Il faut attendre la fin du film, la fin du générique de fin, pour attendre la mention du ou des laboratoires sans qui le film ne serait pas. Mais en fait, au sein de la grande chaîne de la création, vous vous situez tout au début ; je ne fais pas de différence entre les uvres de l'esprit et les procédés techniques qui permettent de les réaliser. Lorsque je suis allé avec François Fillon, après notre communication commune au conseil des ministres sur l'éducation artistique et culturelle le 3 janvier, dans un collège du Val d'Oise, pour montrer l'importance que nous attachons tous deux à la relance de cette éducation qui fait partie du socle fondamental des connaissances que chaque élève doit maîtriser, nous avons réalisé, avec un artiste photographe, et des élèves de 6e et de 5e, des photogrammes, procédé technique à la base de la photographie, dont Man Ray et les surréalistes ont très tôt compris le très riche potentiel artistique.
C'est en raison même de votre place essentielle dans la vitalité culturelle et artistique de notre pays que je suis très sensible à vos préoccupations, à l'écoute de vos difficultés et de vos propositions, décidé à agir avec vous, pour vous aider à relever les défis qui sont devant vous. Pour l'emploi, pour l'activité, pour la création, qui sont des atouts décisifs dans le monde d'aujourd'hui.
Après la crise grave traversée par les industries techniques du cinéma et de l'audiovisuel, et des restructurations qui se sont hélas soldées par des rapprochements et des fermetures d'entreprises, 2004 fut en quelque sorte une année de convalescence. Vos difficultés se sont aplanies dans le cadre d'un marché structuré autour de grands pôles d'activité, qui se concentrent désormais sur leurs curs de métiers respectifs. Dans le même temps, les Français retrouvaient le goût du cinéma comme ils ne l'avaient jamais fait depuis longtemps.
Je sais que certaines entreprises restent dans une phase difficile, mais globalement, vous conviendrez que le marché s'est raffermi, dans un paysage économique en profonde mutation.
Des difficultés structurelles demeurent, que je ne méconnais pas. Je sais les problèmes de coûts auxquels vous êtes confrontés. Je sais aussi que vous êtes entrés de plain pied, comme toutes les industries de l'image et du son, dans l'ère numérique. C'est une véritable révolution.
Après des années d'investissements lourds en outils numériques et matériels informatiques, tant au niveau de la captation (caméras) qu'à celui de la post-production, une nouvelle révolution se dessine : la multiplication des canaux et des formats de diffusion, qui autorise déjà aujourd'hui la télévision sur ADSL et la vidéo à la demande (VOD) et, dès cette année, la TNT, puis, demain, la télévision haute-définition.
Autant de défis, mais aussi de nouvelles occasions de croissance et de développement, à saisir pour le secteur des industries techniques.
Mon action à vos côtés a pour objectif essentiel de vous aider à franchir ce nouveau cap.
Le rapport de Pierre Couveinhes, président de la commission d'aide sélective aux industries techniques du CNC, nous a éclairés sur la nature des difficultés de votre profession. Il a inspiré l'action des pouvoirs publics à tous les niveaux. Le CNC a ainsi facilité l'accès à la commission des " petits " dossiers, ouvert ses critères d'aide, et l'IFCIC a mis en place une intervention spécifique, dont j'ai demandé une évaluation.
Bien sûr, la mesure essentielle, vous l'avez rappelé, Monsieur le Président, c'est le crédit d'impôt.
Car si l'année 2004 semble marquer un redressement de votre activité, nous le devons en grande partie au succès du crédit d'impôt qui a permis une relocalisation de plus en plus importante des tournages, et ce mouvement devrait s'intensifier cette année avec les deux grandes mesures que j'ai souhaitées instaurer : l'élargissement du plafond du crédit d'impôt cinéma , et l'extension du crédit d'impôt aux productions audiovisuelles. Nous devons aussi l'amélioration de la situation du secteur à l'apport des fonds régionaux, dont l'abondement par l'Etat sera étendu dès cette année à l'audiovisuel.
Je rappelle aussi que le Gouvernement a décidé d'abonder le budget de France Télévisions, afin de lui permettre de mieux aider la création audiovisuelle.
Au-delà de ces mesures très efficaces, d'autres, plus ciblées, constituent un enjeu fondamental pour relever les nouveaux défis technologiques du numérique, je pense notamment au renforcement des aides aux investissements des industries techniques, aux projets de recherche et de développement, grâce au réseau investissement et aide au multimédia (RIAM), ainsi qu'au soutien à la formation professionnelle, qui est un enjeu fondamental pour relever les défis du numérique.
Je suis par ailleurs tout à fait conscient des conséquences de l'arrêt de la majoration, dite du " 1% " par jour de tournage en studio de soutien investi par les producteurs, le 25 mars prochain. Cette échéance se rapproche à grands pas. J'ai demandé au Centre national de la cinématographie de mener une réflexion sur la possibilité d'aider, à l'avenir, de manière sélective, les productions économiquement les plus fragiles à tourner en studio, lorsque les exigences artistiques d'un scénario l'exigent, mais que les moyens dont disposent les producteurs du film sont insuffisants pour réaliser ce souhait. Je tiens à ce que votre fédération soit très prochainement consultée par le CNC à ce sujet.
Vous êtes extrêmement soucieux de la réforme de la taxe professionnelle. Il est vrai que dans le système actuel, les industries techniques, qui sont des entreprises qui investissent, sont pénalisées. Dans le cadre de la refonte globale de la taxe professionnelle, je veillerai à faire valoir les spécificités des industries techniques du cinéma et de l'audiovisuel.
A l'avant-veille de l'ouverture du festival du court métrage à Clermont-Ferrand, où je me rendrai, je tiens à vous dire combien j'apprécie l'importance du soutien que vous apportez à la production de courts métrages, un soutien très concret à la création et aux jeunes talent, qui passe notamment par le prêt de matériels ou par des efforts tarifaires qui méritent d'être soulignés et salués.
Au-delà de l'étude de mesures spécifiques à la production de courts métrages, j'ai demandé au CNC d'engager une réflexion avec votre fédération sur la possibilité de créer une association des industries techniques en faveur du court métrage, qui pourrait éventuellement s'appuyer sur une structure existante ou préfigurer une future fondation. Je sais que ces travaux sont actuellement en cours.
Cette association permettrait de rendre plus visibles les efforts réels et importants accomplis par les industries techniques, mais aussi de vous faire bénéficier des avantages liés au régime du mécénat.
Vous savez sans doute que j'ai réuni, la semaine dernière, autour d'une même table, dans le cadre prestigieux du musée d'Orsay, les professionnels du cinéma, de l'audiovisuel et de nos musées et monuments nationaux pour constituer un véritable réseau destiné à faciliter l'accueil des tournages du monde entier en France, au sein de notre patrimoine et de nos paysages sans équivalents dans le monde. Mon objectif en effet n'est pas seulement d'éviter les délocalisations, et de relocaliser les tournages en France, comme nous sommes parvenus à le faire grâce aux crédits d'impôts. Il est aussi de renforcer l'attractivité de notre pays pour les créations du monde entier.
Je l'ai dit lundi soir, toujours au musée d'Orsay, pour la soirée de clôture d'Unifrance, je souhaite faire en sorte que le Centre national de la cinématographie puisse agréer des films d'expression française qui auront été financés à partir de capitaux étrangers. Dans le même esprit, je souhaite que, dans le cadre de la concertation qui se poursuit avec les organisations du cinéma, soient trouvés les voies et moyens d'une ouverture régulée du compte de soutien aux capitaux extra-européens. Je suis soucieux que la France puisse accueillir les tournages européens et internationaux dans les meilleures conditions d'attractivité possibles.
Il s'agit du développement de nouveaux marchés, de nouvelles perspectives d'activité et d'emplois pour vos industries. Je suis ouvert à vos propositions en la matière, en particulier sur la définition des critères indispensables pour réguler cette ouverture. Je sais quelles sont vos inquiétudes. Je ne doute pas de votre motivation et de votre créativité. Ne doutez pas de ma détermination, dans ce domaine comme dans d'autres, à vous apporter des réponses concrètes. Il s'agit de la vitalité de nos industries culturelles, et, en définitive, du rayonnement de notre culture et de nos créations en Europe et dans le monde, dans une année décisive pour la diversité culturelle.
Je vous remercie.
(Source http://www.culture.gouv.fr, le 9 février 2005)