Déclaration de Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de la défense, sur la relation entre l'Europe de la défense et l'OTAN, Vilnius le 1er juillet 2004.

Prononcé le 1er juillet 2004

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Circonstance : Voyage de Mme Michèle Alliot-Marie en Lituanie le 1er juillet 2004

Texte intégral

Mesdames, Mesdemoiselles et Messieurs,
Avec l'élargissement quasi simultané de l'Alliance atlantique et de l'Union européenne, certains ont pu s'interroger sur l'existence d'une compétition, en matière de sécurité, entre ces deux organisations.
Le différend à propos de l'intervention en Iraq l'an passé a soulevé des débats et attisé les doutes autour de ce thème.
Aujourd'hui les choses se clarifient.
Chacun peut désormais voir la stérilité d'une telle polémique.
1. L'Alliance atlantique constitue le pilier de la sécurité de l'Europe.
1.1 L'article 5 demeure une garantie essentielle d'assistance collective en cas de difficulté majeure.
Nous savons que les nouveaux membres de l'Alliance atlantique y sont particulièrement sensibles, notamment ceux qui ont retrouvé récemment leur indépendance.
Nous comprenons le sentiment des Etats baltes qui souhaitent s'entourer d'assurances face à un environnement marqué d'incertitudes.
L'appartenance à l'Alliance est une de ces assurances.
Celle à l'Union européenne en est une autre.
Le dialogue avec leurs voisins est aussi essentiel.
Il faut être conscient qu'avec la disparition de l'URSS et du Pacte de Varsovie, l'OTAN a évolué.
Elle a ajouté, à sa mission première, celle d'enceinte où les alliés se concertent et, le cas échéant, agissent pour faire face à des menaces à leur sécurité.
Ils l'ont fait dans les Balkans.
Elle a étendu son domaine géographique d'intervention, comme récemment en Afghanistan.
Les Alliés peuvent être amenés à le faire ailleurs, en s'accordant sur l'opportunité politique et les moyens à consacrer à ces interventions.
1.2 C'est dans cette perspective que l'Alliance s'est engagée dans un processus de réforme de ses structures.
Afin de mieux répondre à ses missions, elle a notamment accru la flexibilité des modalités de commandement et ses efforts en matière de communications et de transports.
La France prend une part très active à cette transformation de l'Alliance.
Elle est un contributeur majeur de la NATO Response Force.
A partir de septembre, des généraux français commanderont les deux opérations en cours de l'OTAN : la KFOR au Kosovo et la FIAS en Afghanistan.
En s'investissant dans la modernisation de l'Alliance, la France s'affirme comme un des acteurs majeurs de l'organisation.
Contrairement à ce que certains ont pu dire, l'Europe de la Défense de joue pas contre l'OTAN, bien au contraire.
2. Le développement de la Politique européenne de sécurité et de défense est bénéfique pour l'Europe comme pour l'Alliance.
Elle correspond à un devoir à l'égard de nos concitoyens, menacés sur notre territoire ou à l'étranger.
Elle correspond à une demande de nos alliés américains.
Elle correspond à notre ambition de devenir un pôle d'influence incontournable dans le monde multipolaire, celle-ci doit être en mesure de faire respecter sa voix.
2.1 L'Europe de la Défense doit se doter des moyens d'agir.
La PESD a fait d'énormes progrès au cours des deux dernières années, autant sur le plan des opérations extérieures qu'en matière institutionnelle.
C'est même le domaine de coopération qui avance le plus vite entre les Etats membres de l'Union.
Aujourd'hui nous devons résolument mettre en uvre les orientations politiques définies ces derniers mois.
Je pense notamment à l'Agence européenne de l'armement, à la cellule de planification et de conduite d'opérations, aux groupements tactiques interarmées ou au collège de défense.
Les coopérations structurées doivent nous permettre, dans certains cas, d'avancer d'abord à quelques-uns.
C'est ce qui a été fait pour le projet de force de gendarmerie européenne.
Les portes restent néanmoins ouvertes à tous les Etats membres qui souhaitent prendre part à ces projets.
Nos efforts doivent aussi être budgétaires.
Nous devons éviter d'hypothéquer, à terme, l'interopérabilité avec nos alliés américains.
La France et le Royaume-Uni font un effort significatif en matière d'équipement.
Je souhaite vivement que tous les Européens prennent part à cet effort.
2.2 Ces progrès de la PESD doivent contribuer au renforcement de l'Alliance.
Les avancées de l'Europe de la Défense démontrent la volonté des Européens de mieux assumer leur responsabilité en matière de sécurité.
C'est un souhait de nos amis américains depuis de nombreuses années.
Ils sont en effet en droit d'attendre de la première puissance économique mondiale qu'elle joue pleinement son rôle.
Un partenariat plus équilibré constitue un gage pour la pérennité de l'Alliance atlantique.
C'est ensemble que l'Europe et l'Amérique doivent faire face aux menaces actuelles, qu'elles soient de l'ordre du terrorisme, de la prolifération ou des crises régionales.
La clé pour réussir est d'assurer la flexibilité des procédures et la complémentarité des deux organisations.
Ne l'oublions pas, l'essentiel des moyens militaires sont nationaux.
Ils doivent néanmoins pouvoir être mis à disposition de l'OTAN ou de l'Union européenne en fonction des nécessités.
Quand tous les Alliés souhaitent agir ensemble, c'est à l'Alliance de conduire l'opération.
Quand ce n'est pas le cas, l'Union européenne doit aussi pouvoir agir, avec les moyens de l'OTAN dans le cadre des accords de Berlin plus, ou de façon autonome.
Ces cas de figure relèveront de l'appréciation politique des situations.
Le double élargissement consacre la réunification de la famille européenne et change la donne stratégique sur le continent.
Aujourd'hui, l'Europe unie doit s'exprimer d'une seule voix et constituer un partenaire de poids pour nos alliés d'outre-atlantique.
C'est dans ce but que nous entendons construire une défense européenne crédible.
Pour cela, il importe de ne pas baisser la garde et de consacrer les moyens nécessaires à la défense.
L'apport des nouveaux membres à l'Union européenne et à l'OTAN est primordial.
Ils ont fait de réels efforts pour apporter leur pierre à l'édifice commun de la sécurité européenne.
C'est une immense ambition, à laquelle la Lituanie et la France doivent contribuer la main dans la main.
(Source http://www.defense.gouv.fr, le 5 juillet 2004)