Déclaration de M. Xavier Bertrand, secrétaire d'Etat à l'assurance maladie, sur la mise en oeuvre de la réforme de l'assurance maladie, Paris le 13 décembre 2004.

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Circonstance : Entretiens de l'assurance 2004 à Paris le 13 décembre 2004

Texte intégral

Je tiens à vous remercier de m'avoir invité à l'occasion de ses Entretiens de l'Assurance, qui se tiennent à un moment décisif pour la réforme, celui de la mise en oeuvre. Dans la phase de concertation, nous avons entretenu un échange constructif, nous continuerons à le faire dans la phase de mise en oeuvre de la réforme. La FFSA a été et restera un partenaire pour le gouvernement. Nous avons consulté les partenaires sociaux, les associations d'usagers, les organismes gestionnaires, les mutuelles et les assurances complémentaires, avant le dépôt du projet de loi (1), pendant le temps du débat parlementaire (2) et après le vote de la loi (3), afin d'associer tous les acteurs au cours des différentes étapes de la réforme. Celle-ci ne s'est pas faite contre les partenaires du système de santé ni sans eux ; elle est le fruit d'un large consensus établi à partir du diagnostic posé par le Haut Conseil pour l'avenir de l'Assurance maladie.
Pour préserver le système d'assurance maladie à la française, objectif largement partagé, il convenait de moderniser l'offre de soins et de modifier le pilotage. Il s'agit notamment de ne pas poursuivre une gestion incohérente entre régime de base et organismes complémentaires. Ces deux piliers du système ne peuvent plus vivre de manière autonome.
Nous avons souhaité coordonner leur action. Pour que cette réforme réussisse, il importe de mieux structurer l'offre de soins et non pas uniquement de répondre à la demande qui a tendance à croître.
A mes yeux, si l'augmentation des dépenses de santé est naturellement programmée, la progression des déficits n'est pas une fatalité. Nous avons tenté d'y remédier dans le cadre d'une approche responsable et dans une logique de qualité. Nous avons refusé les solutions de facilité que représentaient les déremboursements de soins (approche comptable) ou l'accroissement des prélèvements obligatoires (approche fiscale). Nous avons privilégié la maîtrise médicalisée des dépenses de santé et fondé notre réforme sur la responsabilisation des assurés sociaux. Contrairement aux plans précédents, la réforme ne comporte pas de transfert entre organismes gestionnaires, du régime de base vers les organismes complémentaires : elle laisse inchangée la frontière entre assurance de base et assurance complémentaire. Elle jette en revanche les bases d'un partenariat efficace entre les différents organismes.
Je suis convaincu que le rôle des complémentaires santé est indissociable d'un système de santé solidaire permettant à tous un égal accès aux soins innovants. Remettre en cause les équilibres de ce système, ce serait créer les conditions d'une explosion des dépenses en matière de santé que personne ne saura maîtriser, ni vous mêmes ni les autres acteurs.
I- Pour la première fois, les organismes de protection complémentaire sont des partenaires dans l'organisation de l'assurance maladie
La réforme a créé de nouveaux outils afin de mieux coordonner le pilotage de l'Assurance maladie. Jusqu'à présent les acteurs ne se parlaient pas et vivaient de manière cloisonnée. Nous avons souhaité modifier les choses en profondeur. L'assurance maladie obligatoire et les organismes complémentaires remboursent les mêmes assurés et sont confrontés aux mêmes prescripteurs de dépenses, les professionnels de santé et les hôpitaux. Dans le cadre de la maîtrise médicalisée des dépenses de santé, il était nécessaire de les associer afin de donner une cohérence au système. C'est ce qui a motivé la création de l'Union nationale des Organismes complémentaires (UNOC), aux côtés de l'UNCAM qui rassemble les trois organismes gestionnaires du système de base.
Travailler ensemble, faire naître des partenariats, décloisonner les activités des uns et des autres, tel était notre objectif. Nous n'avons rien écrit dans la loi concernant l'organisation interne de l'UNOC afin de laisser sa place au dialogue et de responsabiliser les partenaires. Je me félicite aujourd'hui de l'accord intervenu le 9 décembre entre vos représentants, ceux du CTIP et ceux de la Mutualité. Il n'était pas évident a priori de faire travailler ensemble assureurs privés, mutuelles et Instituts de prévoyance : nous avons ouvert la voie au dialogue.
Pour la première fois le débat entre organismes de base et organismes complémentaires a trouvé un cadre, pour la première fois les " payeurs aveugles " sont promus au rang de partenaires responsables. Cette Union, vous le savez, sera associé à la politique conventionnelle et sera sollicité avant que ne soient déterminés le taux de remboursement des médicaments et la prise en charge de nouveaux actes ou prestations. La réforme met fin à une situation dans laquelle vous subissiez les conséquences financières de décisions prises en amont sans avoir la possibilité de vous prononcer. C'est une avancée considérable et cela traduit une volonté forte du gouvernement : associer tous les gestionnaires du système de santé à la définition de ses missions et de son périmètre, bref à la gestion du risque.
A quoi servirait la responsabilisation des assurés et des prescripteurs si des contrats individuels permettaient de contourner les instruments de responsabilisation ? Si nous avons souhaité changer les comportements, c'est l'ensemble des acteurs du système de santé qui doivent faire évoluer les leurs. La plus grande participation de l'UNOC par rapport à la politique conventionnelle implique une attitude responsable en matière de prise en charge des frais de santé. La réforme ne réussira pas si nous ne parvenons pas ensemble à mieux structurer l'offre de soins.
II- Vous avez un rôle de premier ordre dans la responsabilisation des assurés
L'articulation entre les régimes de base et les régimes complémentaires vise à une chose : mieux structurer l'offre de soins dans notre pays. Et cela afin de servir la maîtrise médicalisée des dépenses de santé. Autrement dit, je crois que l'offre des complémentaires a un rôle important à jouer dans l'évolution des comportements et dans le parcours de soins défini par la loi. La contribution d'un euro par consultation, qui vise à sensibiliser les assurés sociaux, sur le coût des soins, ne sera pas pris en charge. Nous ne l'avons pas voulu. Les leviers qui permettent à chacun de se responsabiliser ne sauraient être battus en brèche, le dispositif du médecin traitant, qui est un élément majeur de l'organisation des soins, en serait fragilisé.
Il nous appartient par ailleurs de tracer les contours des contrats " responsables ". Nous souhaitons le faire dans le dialogue et la concertation. Je sais que vous avez entamé des réflexions sur ce sujet. Je serais heureux d'en connaître l'état d'avancement. Vous devez d'ores et déjà vous inscrire dans la dynamique de la réforme.
Nous sommes là pour écouter et retenir vos propositions, mais celles-ci doivent s'inscrire dans l'objectif de maîtrise médicalisée des dépenses de santé. Cette méthode a porté ses fruits jusqu'alors, nous n'avons aucune raison d'en changer dans la phase d'application de la réforme.
Seule la structuration de l'offre et un comportement responsable de tous les acteurs permettra de préserver un système qui est une garantie pour l'accès aux soins du plus grand nombre et qui accorde toute sa place au marché de l'assurance.
L'objectif de maîtrise médicalisée n'est d'ailleurs pas en contradiction avec le souci d'une meilleure gestion du risque. Le gouvernement ne peut être que sensible à cette préoccupation. Le rapport de Christian Babusiaux, remis au Ministre de la Santé en mai 2003 fournit un certain nombre de pistes. Par ailleurs, la collecte d'informations générales et anonymes en matière de santé par le biais de la mise en place de l'Institut national des Données de Santé (INDS) constitue un acquis important de la réforme. Une fois que cette institution sera mise en place, il conviendra de voir comment les choses fonctionnent, d'en tirer les enseignements et d'apporter les aménagements nécessaires. Il est vrai que vous n'avez pas accès au DMP, vous n'êtes pas les seuls ! A partir d'une connaissance statistique plus précise en matière de pathologies et de problématiques sanitaires, l'anonymat des données fournies étant garanti, un partage de l'information entre l'ensemble des acteurs semble envisageable. Cela entraînera une approche plus fine dans la gestion du risque.
Je souhaiterais maintenant aborder devant vous des sujets qui vous tiennent à coeur et en appeler à votre sens des responsabilités.
III- La maîtrise médicalisée des dépenses de santé va dans le sens souhaité par le régime obligatoire comme par les régimes complémentaires.
Contrairement à ce qui s'est produit dans le passé, nous n'avons procédé à aucun déremboursement massif en matière de soins de santé. Nous avons préféré faire le choix de l'incitation et de la responsabilisation, en préservant la frontière entre régimes de base et régimes complémentaires.
A/ Les revalorisations de tarifs ne sont pas liées à la réforme du 13 août 2004
J'entends ici et là que la réforme entraînerait automatiquement des revalorisations de tarifs. On parle de 5 % dans certaines Fédérations interprofessionnelles de Mutuelles, parfois de 10 % voire plus pour la seule année 2005. Quelles mesures pourraient rétroagir et peser sur le prix des contrats assurance santé ? Le 1 euro, qui vise à responsabiliser chaque assuré social, ne sera pas pris en charge. Le serait-il, il ne pèserait pas véritablement. Quant à l'augmentation du forfait hospitalier sur trois ans, celui -ci passant de 13 euros à 16 euros en 2007, il représentera à terme une dépense égale à 300 millions d'euros par an, soit 1,69 % de la dépense totale prise en charge par les organismes complémentaires [17 milliards d'euros].
Cela ne crée en rien les conditions d'une telle revalorisation des tarifs. Certes, nous dépenserons plus pour notre santé en 2007 qu'en 2004, cela est dans l'ordre des choses et cela tient notamment au vieillissement de la population. L'ONDAM, qui a été fixé à 3,2 % pour l'année 2005, en prend acte. Mais toute augmentation des tarifs supérieure à ce chiffre devra pouvoir être expliquée et légitimée. Si l'augmentation des primes d'assurances relève de la responsabilité de chaque assureur, je ne laisserai pas dire que cette augmentation est liée à la réforme de l'assurance maladie.
Je me permets d'ajouter que la mise en oeuvre de la maîtrise médicalisée aura au contraire un effet direct sur les dépenses. Des changements de comportement sont déjà observables, notamment en matière d'indemnités journalières. Grâce à une réorientation du dispositif de contrôle amorcé par la CNAMTS au cours du 2e semestre 2003, le rythme de progression des dépenses s'est atténué en 2003. Les chiffres sur la première partie de l'année 2004 confirment cette tendance. C'est un premier résultat qui marque une inflexion dans un domaine marqué par une forte augmentation des dépenses ces dernières années. Si je prends l'exemple des indemnités journalières, source de dépenses pou l'Assurance maladie comme pour vos entreprises, c'est parce qu'elles devraient baisser cette année.
C'est historique. La réforme renforce dans ce domaine les moyens de lutter contre les abus et les fraudes. Elle aura un effet sur la dépense globale en matière de prise en charge des soins, un effet bénéfique.
Dans la mesure où la réforme préserve la frontière entre assurance maladie obligatoire et assurances maladies complémentaires, la " spirale inflationniste " n'a pas lieu d'être. C'est pourquoi j'en appelle à la responsabilité de chacun des acteurs. Celle-ci doit notamment apparaître en matière de responsabilité civile pour les professionnels de santé.
B/ Revenir à une juste mesure en matière de responsabilité civile professionnelle
Les professions de santé me font souvent part de leur surprise et de leur incompréhension au sujet des primes d'assurances. Je pense notamment aux chirurgiens et aux obstétriciens, dont la prime a parfois été multipliée par plus de deux. Je mesure le caractère complexe de ce sujet et la difficulté que représente pour un assureur la définition de la sinistralité en matière de santé. Il s'agit sans doute d'un des marchés les plus difficiles, où le risque est difficile à établir. En matière de responsabilité civile médicale, en effet, le rapport sinistre sur prime ne peut être calculé que sur une échelle de temps relativement longue. Tout en comprenant la prudence et le nécessaire provisionnement, je crois qu'il faut là aussi faire évoluer les comportements. La loi crée les conditions d'une meilleure connaissance des risques, avec la mise en place d'un Observatoire de la sinistralité. Pour les médecins qui s'intégreront à l'Evaluation des Pratiques Professionnelles (EPP) et qui déclareront leur activité à l'Observatoire, il sera possible de mieux connaître le risque médical. Leur prime d'assurance sera partiellement pris en charge. Là encore, nous préférons l'incitation à la coercition.
Le système doit être ajusté, mieux équilibré afin de permettre une maîtrise du risque plus fine et afin de mettre fin à la croissance exponentielle des primes d'assurance qui décourage de nombreux professionnels de santé.
Conclusion
Je suis persuadé que l'avenir économique du secteur de l'assurance santé est intimement lié à la réussite de la réforme et de la maîtrise médicalisée des dépenses de santé. Certes, comme je l'ai dit, les dépenses augmenteront, mais il s'agit pour vous de participer à l'effort de maîtrise et de régulation de cette croissance. Sans le marché créé de facto par l'Assurance maladie obligatoire, il n'y aurait pas d'accès possible aux assureurs complémentaires. Je ne crois pas que les acteurs de la prise en charge des soins puissent continuer à vivre de manière solitaire. La réforme offre les conditions d'un partenariat et d'un dialogue rénové : c'est le sens de la création de l'UNOC. Vous avez été consultés et associés à sa mise en place.
La réforme s'appuie également sur la responsabilisation de tous les acteurs, y compris les assureurs, à travers la définition du " contrat responsable ". Il vous appartient d'en définir les contours et les limites : nous n'avons pas souhaité imposer mais créer les conditions d'un libre exercice de la responsabilité dans le cadre des objectifs fixés par la réforme.
Nous avons un impératif : sauvegarder notre système de santé. Nous avons tous une obligation de résultats et je sais pouvoir compter sur votre sens des responsabilités.
(Source http://www.ffsa.fr, le 17 décembre 2004)