Interview de M. Bernard Gollnisch, délégué national du Front national, à "RTL" le 31 janvier 2005, sur la polémique survenue au sein du Front national à la suite des propos tenus par M.Jean-Marie Le Pen sur l'occupation allemande et le drame d'Oradour-sur-Glane.

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Média : Emission L'Invité de RTL - RTL

Texte intégral

Q- Bonjour B. Gollnisch. Comment va Marine Le Pen ?
R- Eh bien, je crois qu'elle va bien, mais vous le lui demanderez.
Q- Vous la voyez de temps en temps ? Parce que nous, on ne la voit plus, on ne l'entend plus.
R- Je vais la voir cette semaine, bien sûr.
Q- Où ça ? Au bureau national, au bureau politique ? Il parait qu'elle n'y siège plus.
R- Au Front national, à notre siège naturellement. Elle était d'ailleurs dans ma région, dans la Drôme, pour participer à la campagne active que nous menons contre la Constitution européenne et l'adhésion de la Turquie. Une campagne qui a vu les membres du bureau politique déjà sillonner pratiquement une cinquantaine de départements français. Et ça continue.
Q- Peut-on parler de crise aujourd'hui au Front national ?
R- Il y a des problèmes au Front national comme il y en a dans toutes les sociétés humaines, du moins quand elles sont vivantes, bien évidemment. Mais il y en a moins, me semble-t-il, qu'au Parti socialiste, qui a montré qu'il était divisé sur une question absolument essentielle comme l'Europe. Ce n'est pas notre cas à nous... Il y en a moins qu'à l'UMP, dont le président monsieur Sarkozy sera - selon toute vraisemblance - candidat contre J. Chirac.
Q- Vous êtes d'accord sur l'Europe, mais vous êtes en désaccord au Front national sur les propos qu'a tenus J.-M. Le Pen à l'hebdomadaire Rivarol. Il déclarait - je le cite - c'était le 7 janvier dernier : "En France, du moins, l'occupation allemande n'a pas été particulièrement inhumaine, même s'il y a eu des bavures". Qu'avez-vous pensé, vous, des propos de J.-M. Le Pen à l'hebdomadaire Rivarol ?
R- Je crois que l'inhumanité d'un certain nombre d'affaires pendant l'occupation ou de déportations, elle est réelle. Mais beaucoup
d'historiens sérieux, à commencer par monsieur Amouroux, et beaucoup de témoins de cette époque - moi je n'étais pas né - considèrent que, hélas, il y a des degrés dans l'inhumanité, comme il y a des degrés dans l'humanité, et qu'elle a été plus inhumaine encore en Hollande ou en Pologne. Cela me parait une évidence. On reproche à J.- M. Le Pen de ne pas manifester assez de compassion pour les victimes. Je vous rappelle que l'enfant J.-M. Le Pen, à l'âge de 12 ans, a dû aller avec sa mère sur la plage de la Trinité-sur-Mer, reconnaître le cadavre ensanglanté de son père, victime de guerre. Qui nous donne des leçons dans ce domaine ? Quels sont leurs états de service ? Je vois un certain nombre de personnalités politiques qui, comme moi, n'étaient pas nées à l'époque, et qui s'engagent aujourd'hui dans la résistance. Ils ont raison, puisqu'ils ne risquent pas de faire la prochaine guerre, la plupart du temps ils se sont fait réformer pour leurs obligations militaires, quand celles-ci existaient encore, et certains d'entre eux, même, pour troubles psychiques, figurez-vous.
Q- Mais alors pourquoi M. Le Pen boude-t-elle après ces propos ?
Puisqu'ils vous paraissent, au fond, acceptables ?
R- Je crois qu'il est difficile, en effet, de supporter l'excès de diabolisation qui s'attache aux moindres des propos d'un dirigeant du Front national et qui n'est innocent alors que les mêmes propos dans la bouche d'autres personnes ne susciteraient absolument aucune espèce de commentaire. J'en ai fait d'ailleurs la démonstration au cours de ma tournée, auprès d'un de vos confrères de Ouest France, qui relatait une anecdote comparable à celle que J.-M. Le Pen avait développée.
Q- M. Le Pen ne boude pas à cause des commentaires qui accompagnent les propos de son père, mais si on l'a bien compris, elle boude à cause des propos qu'a tenus son père.
R- Vous le lui demanderez ! Je ne suis pas en mesure de répondre pour elle, et je ne partage pas votre avis là-dessus.
Q- C'est-à-dire ? Vous ne partagez pas mon avis sur quoi ?
R- Sur le fait que ce sont les propos et non pas les commentaires qui la choquent.
Q- Vous pensez que ce sont les commentaires qui ont choqué M. Le Pen ?
R- Mais vous le lui demanderez.
Q- Vous en avez parlé avec elle ?
R- Pas encore, mais je vais le faire.
Q- Bientôt...
R- Je vais le faire, mais écoutez je ne suis pas le plus qualifié pour répondre à sa place, vous en conviendrez. Ce qui est assez amusant, c'est que quand je dis quelque chose, vous invitez M. Le Pen pour parler en mon nom et quand M. Le Pen dit ou fait quelque chose, vous m'invitez pour commenter ce qu'elle fait. Ce que je voudrais simplement dire, c'est que ce qui m'étonne, c'est qu'à cette occasion on voit surgir sous la plume d'un certain nombre de commentateurs je ne sais quelles querelles des anciens ou des modernes. Alors je voudrais dire - puisque vous m'en donnez l'occasion, et je vous en remercie - qu'il n'y a au Front national, à ma connaissance, que des gens qui sont désireux, justement, d'adapter nos analyses qui se sont avérées justes, dans tous les domaines, aux changements de la société contemporaine. Et que je fais partie de ceux-là. Et que je crois être, ma foi, assez bien placé, par exemple par ma connaissance des questions internationales, pour apporter ou contribuer à apporter avec J.-M. Le Pen un certain nombre de réponses nouvelles aux problèmes de l'immigration, aux problèmes de la place de la France dans la société internationale et à d'autres encore.
Q- Vous ne pouvez pas nier que les propos de J.-M. Le Pen ont créé un trouble au sein du Front national. Vous ne pouvez pas le nier.
R- Je crois que les troubles résident essentiellement dans l'interprétation qu'on en donne, dans les troncations, les titres abusifs comme ceux de vos confrères du Monde, par exemple. Je suis assez bien placé pour savoir qu'il y a une différence sensible entre ce que l'on dit, et ce que l'on dit que vous avez dit.
Q- Alors, précisément, J.-M. Le Pen à Rivarol dit : "sur le drame d'Oradour-sur-Glane.
R- Non mais vous inviterez J.-M. Le Pen monsieur Aphatie ! Cela fait la septième question que vous me posez là-dessus !
Q- Attendez... attendez : "... il y aurait beaucoup à dire".
R- Oui, il y aurait beaucoup à dire, à commencer...
Q- Quoi ?
R- Par exemple, le fait que les formations politiques qui ont le plus crié contre Le Pen sont les mêmes qui ont voté l'amnistie des responsables de ce drame affreux le lendemain de leur condamnation. Voilà, par exemple, un sujet qui mériterait que vos confrères s'y intéressent. Et vous ayant répondu sur ce point, je voudrais dire quelle est la responsabilité terrible des hommes politiques français d'aujourd'hui, des responsables politiques qui, en pleine paix, sans l'excuse d'une armée victorieuse campant sur leur territoire, s'apprêtent à brader la souveraineté de la France, c'est-à-dire la liberté que les Français aient de se déterminer dans leur destin.
Q- Mais ça...
R- Mais c'est très important !
Q- C'est le libre débat démocratique.
R- On est en train de changer la Constitution pour la dix-huitième fois ; c'est, me semble-t-il, capital.
Q- Qu'avez-vous pensé des cérémonies commémoratives - et des témoignages que l'on a entendus à ce propos - du 60ème anniversaire de la libération du camp d'Auschwitz ?
R- J'ai pensé qu'ils étaient parfois extrêmement émouvants, bien sûr. Je regrette quand même une chose, c'est que l'on ne parle pas - et c'est un négationnisme que je conseille à monsieur Strauss-Kahn d'étudier -, on ne parle jamais des crimes du communisme. Je crois que...
Q- Mais il s'agissait d'Auschwitz.
R- Oui mais... Auschwitz, pourquoi ?
Q- Vous disiez que cette discussion devait être libre sur Auschwitz.
R- Non, non, je n'ai pas dit cela !
Q- Ah bon ? Ah si, vous l'avez dit !
R- Monsieur Aphatie, si vous faites les questions et les réponses, je n'ai pas ma raison d'être ici ! Je crois en particulier que Auschwitz est aussi de la responsabilité de l'Union soviétique, dont je vous rappelle qu'au début de la guerre elle était alliée de l'Allemagne nationale socialiste pour attaquer la Pologne et que Auschwitz se trouve sur le territoire polonais.
Q- B. Gollnisch - c'est fini -, les deux pieds dans l'Histoire, plus dans le passé que dans le présent, était l'invité de RTL ce matin.
R- C'est votre responsabilité monsieur Aphatie, je ne demande pas mieux que de parler du présent !
R- Merci monsieur Gollnisch.
(Source : premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 31 janvier 2005)