Texte intégral
Mesdames et Messieurs les Ministres,
Mesdames et Messieurs,
La lutte contre la corruption est au coeur de l'action de mon ministère. Mais, de manière plus personnelle, je voudrais dire qu'elle est également pour moi un enjeu essentiel pour combattre la pauvreté dans le monde.
Je suis ministre de la Coopération, du Développement et de la Francophonie depuis sept mois, et j'ai pu au cours de mes nombreux déplacements et rencontres constater à quel point ce sujet imprégnait l'ensemble de la communauté internationale. On le place souvent sous le vocable plus large de bonne gouvernance ou de transparence, mais on a trop peu souvent le courage d'être aussi direct que l'est le titre de ce forum organisé par le comité de l'aide au développement de l'OCDE.
Une telle franchise est en elle-même un facteur positif, qui m'a incité à participer à ce forum. Je remercie particulièrement le CAD de l'avoir organisé. Il ne fait aucun doute que l'OCDE est l'organisation qui a le plus contribué à la lutte contre la corruption au niveau international, et il est important que chacun de ses départements s'y implique.
Bien entendu, je n'aurai pas la naïveté de croire qu'il existe un lien automatique entre corruption et sous-développement, ni que les pays en développement en auraient le monopole, mais il faut bien reconnaître que c'est un facteur important de mauvaise gestion. Or on ne peut concevoir le développement sans une bonne gestion des ressources, celles des États comme celles des personnes ou des entreprises.
Je sais que certains pourraient le contester. En ce qui me concerne, je n'ai aucun doute : la corruption est une mauvaise gestion des ressources. C'est le cas au niveau micro-économique, en générant des inefficacités quotidiennes, des pertes souvent au détriment des plus pauvres ou en orientant les fonds publics vers des projets non pertinents. C'est également le cas au niveau macro-économique lorsque les États se voient privés des ressources nécessaires à la réduction de la pauvreté ou que les pays voient fuir d'importants capitaux dans des comptes à l'étranger. Ce n'est pas Mme Iwalea-Okongo, dont on connaît le rôle dans son pays sur ce sujet, qui me contestera sur ce dernier point.
Au-delà des pertes économiques que représente la corruption, c'est également un facteur important pour l'image des pays, et par conséquent pour le niveau d'investissement que sont prêts à y consacrer donneurs d'aide et entreprises privées. De ce point de vue, je trouve très positive l'action de Transparency International visant à mettre clairement sur la place publique ce que ressent chacun des opérateurs économiques.
Mais ne nous leurrons pas, la corruption est par nature un facteur difficile à appréhender, et la fiabilité statistique de telles données est nécessairement limitée. On peut notamment craindre un fort effet d'inertie : lorsqu'un pays est mal classé, il est perçu comme mal géré, et son indice de perception de la corruption peut difficilement s'améliorer, quelle que soit l'action de ses pouvoirs publics.
La corruption est aussi un enjeu de développement dans la mesure où elle frappe les pays d'autant plus fortement qu'ils sont pauvres. De ce point de vue, je voudrais dire avec force qu'il ne faut pas stigmatiser l'Afrique, comme le font beaucoup de commentateurs peu informés.
Certes, lorsqu'un pays est peu développé, que ses institutions sont faibles, que ses hommes politiques et fonctionnaires sont mal payés, il y a un terreau plus fertile pour que la corruption les gangrène. Mais la corruption existe à un niveau critique dans toutes les régions du monde. En Asie, en Amérique, elle est également très présente. La seule différence est que, pour certains pays africains qui ont peu d'attraits naturels, elle peut suffire à faire fuir certains investisseurs.
Voilà pourquoi je voudrais évoquer brièvement les actions soutenues par la France pour renforcer la lutte contre la corruption.
Tout d'abord, comme j'ai eu l'occasion d'en parler lors de la réunion des ministres des Finances de la zone franc en septembre dernier ici-même, nous soutenons les grandes initiatives internationales en ce domaine. J'en citerai deux :
- l'initiative, reconnue par le G8, sur la transparence des industries extractives (EITI)
Elle est essentielle, pour mettre fin à cet étonnant paradoxe qui veut que le pétrole et les richesses minérales dans leur ensemble soient généralement perçus comme un facteur de pauvreté des populations des pays producteurs, d'instabilité politique et même de conflits armés. La transparence accrue permet de repousser les convoitises et, de ce fait, de diminuer les sources d'instabilité potentielle.
J'ai reçu en septembre dernier une réaction très favorable de mes collègues des pays africains de la Zone franc sur cette initiative, bien au-delà de ceux qui, comme le Gabon et le Congo-Brazzaville, y avaient déjà adhéré.
A cette occasion, le ministre des Finances congolais nous a fait part des progrès considérables de la transparence dans son pays, où l'ensemble des expéditions de pétrole sont désormais diffusées sur Internet, ce qui va bien au-delà des exigences de l'initiative EITI.
- La deuxième initiative internationale importante est le NEPAD.
Il est prévu la mise en place d'un mécanisme novateur de revue par les pairs, qui permettra d'examiner la qualité de la gestion des pays. Au sein de l'OCDE, nous sommes familiers de ces revues par les pairs, y compris dans le domaine de la lutte contre la corruption. Mais en Afrique, c'est un élément particulièrement novateur. Je me suis rendu au Ghana en juillet dernier, et j'ai pu constater que le travail de préparation de ce pays à la revue par les pairs est remarquable. Bien entendu, il ne s'agit pas de créer de nouvelles institutions qui pourraient se révéler coûteuses, mais bien de mettre l'ensemble de l'administration en ordre de bataille pour préparer la revue par les pairs.
Au-delà de ces initiatives internationales, je voudrais pour conclure vous donner quelques exemples de l'action quotidienne de mon ministère.
Tout d'abord, à mon arrivée, j'ai lancé une initiative en faveur des petites entreprises, qui vise en grande partie à les aider à intégrer le secteur formel. Car ne nous le cachons pas, si certaines entreprises, souvent de taille importante, ne sont pas fiscalisées ou ne respectent par les législations sociales ou environnementales, ce n'est généralement pas parce que l'administration ne les a pas identifiées.
Cette initiative est devenue aujourd'hui l'une des sept stratégies sectorielles prioritaires pour le gouvernement français, et sa mise en oeuvre se fera en lien étroit avec une autre initiative française, saluée par le FMI, qui vise à augmenter les ressources fiscales des pays en développement, pour leur donner les moyens de lutter contre la pauvreté et de réduire leur dépendance à l'égard des bailleurs de fonds.
Ces actions ne sont pas idéalistes, l'objectif n'est pas de faire disparaître du jour au lendemain le secteur informel, mais plutôt de cibler ces entreprises qui, loin d'être des micro-entreprises d'un ou de quelques salariés, sont organisées de manière structurée et néanmoins en marge de la légalité.
Deuxième exemple, l'implication de la société civile. C'est un des axes forts de notre coopération. Nous comptons par exemple doter nos ambassades de ressources supplémentaires pour leur permettre d'appuyer davantage des projets d'ONG locales. Nous avons également de nombreuses actions de renforcement de la gouvernance, au niveau des pays bien sûr, mais aussi dans le cadre de la décentralisation. C'est également le cas des contrats de désendettement et développement, qui constituent le dernier instrument d'aide créé en France depuis quelques années : nous veillons à associer la société civile à leur mise en oeuvre.
Vous le voyez, Mesdames et Messieurs, c'est bien d'un sujet majeur, d'une transversalité parfaite, que vous débattez lors de ce forum. Croyez bien que je porterai la plus grande attention aux idées et aux propositions qui y auront été exprimées.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 13 décembre 2004)
Mesdames et Messieurs,
La lutte contre la corruption est au coeur de l'action de mon ministère. Mais, de manière plus personnelle, je voudrais dire qu'elle est également pour moi un enjeu essentiel pour combattre la pauvreté dans le monde.
Je suis ministre de la Coopération, du Développement et de la Francophonie depuis sept mois, et j'ai pu au cours de mes nombreux déplacements et rencontres constater à quel point ce sujet imprégnait l'ensemble de la communauté internationale. On le place souvent sous le vocable plus large de bonne gouvernance ou de transparence, mais on a trop peu souvent le courage d'être aussi direct que l'est le titre de ce forum organisé par le comité de l'aide au développement de l'OCDE.
Une telle franchise est en elle-même un facteur positif, qui m'a incité à participer à ce forum. Je remercie particulièrement le CAD de l'avoir organisé. Il ne fait aucun doute que l'OCDE est l'organisation qui a le plus contribué à la lutte contre la corruption au niveau international, et il est important que chacun de ses départements s'y implique.
Bien entendu, je n'aurai pas la naïveté de croire qu'il existe un lien automatique entre corruption et sous-développement, ni que les pays en développement en auraient le monopole, mais il faut bien reconnaître que c'est un facteur important de mauvaise gestion. Or on ne peut concevoir le développement sans une bonne gestion des ressources, celles des États comme celles des personnes ou des entreprises.
Je sais que certains pourraient le contester. En ce qui me concerne, je n'ai aucun doute : la corruption est une mauvaise gestion des ressources. C'est le cas au niveau micro-économique, en générant des inefficacités quotidiennes, des pertes souvent au détriment des plus pauvres ou en orientant les fonds publics vers des projets non pertinents. C'est également le cas au niveau macro-économique lorsque les États se voient privés des ressources nécessaires à la réduction de la pauvreté ou que les pays voient fuir d'importants capitaux dans des comptes à l'étranger. Ce n'est pas Mme Iwalea-Okongo, dont on connaît le rôle dans son pays sur ce sujet, qui me contestera sur ce dernier point.
Au-delà des pertes économiques que représente la corruption, c'est également un facteur important pour l'image des pays, et par conséquent pour le niveau d'investissement que sont prêts à y consacrer donneurs d'aide et entreprises privées. De ce point de vue, je trouve très positive l'action de Transparency International visant à mettre clairement sur la place publique ce que ressent chacun des opérateurs économiques.
Mais ne nous leurrons pas, la corruption est par nature un facteur difficile à appréhender, et la fiabilité statistique de telles données est nécessairement limitée. On peut notamment craindre un fort effet d'inertie : lorsqu'un pays est mal classé, il est perçu comme mal géré, et son indice de perception de la corruption peut difficilement s'améliorer, quelle que soit l'action de ses pouvoirs publics.
La corruption est aussi un enjeu de développement dans la mesure où elle frappe les pays d'autant plus fortement qu'ils sont pauvres. De ce point de vue, je voudrais dire avec force qu'il ne faut pas stigmatiser l'Afrique, comme le font beaucoup de commentateurs peu informés.
Certes, lorsqu'un pays est peu développé, que ses institutions sont faibles, que ses hommes politiques et fonctionnaires sont mal payés, il y a un terreau plus fertile pour que la corruption les gangrène. Mais la corruption existe à un niveau critique dans toutes les régions du monde. En Asie, en Amérique, elle est également très présente. La seule différence est que, pour certains pays africains qui ont peu d'attraits naturels, elle peut suffire à faire fuir certains investisseurs.
Voilà pourquoi je voudrais évoquer brièvement les actions soutenues par la France pour renforcer la lutte contre la corruption.
Tout d'abord, comme j'ai eu l'occasion d'en parler lors de la réunion des ministres des Finances de la zone franc en septembre dernier ici-même, nous soutenons les grandes initiatives internationales en ce domaine. J'en citerai deux :
- l'initiative, reconnue par le G8, sur la transparence des industries extractives (EITI)
Elle est essentielle, pour mettre fin à cet étonnant paradoxe qui veut que le pétrole et les richesses minérales dans leur ensemble soient généralement perçus comme un facteur de pauvreté des populations des pays producteurs, d'instabilité politique et même de conflits armés. La transparence accrue permet de repousser les convoitises et, de ce fait, de diminuer les sources d'instabilité potentielle.
J'ai reçu en septembre dernier une réaction très favorable de mes collègues des pays africains de la Zone franc sur cette initiative, bien au-delà de ceux qui, comme le Gabon et le Congo-Brazzaville, y avaient déjà adhéré.
A cette occasion, le ministre des Finances congolais nous a fait part des progrès considérables de la transparence dans son pays, où l'ensemble des expéditions de pétrole sont désormais diffusées sur Internet, ce qui va bien au-delà des exigences de l'initiative EITI.
- La deuxième initiative internationale importante est le NEPAD.
Il est prévu la mise en place d'un mécanisme novateur de revue par les pairs, qui permettra d'examiner la qualité de la gestion des pays. Au sein de l'OCDE, nous sommes familiers de ces revues par les pairs, y compris dans le domaine de la lutte contre la corruption. Mais en Afrique, c'est un élément particulièrement novateur. Je me suis rendu au Ghana en juillet dernier, et j'ai pu constater que le travail de préparation de ce pays à la revue par les pairs est remarquable. Bien entendu, il ne s'agit pas de créer de nouvelles institutions qui pourraient se révéler coûteuses, mais bien de mettre l'ensemble de l'administration en ordre de bataille pour préparer la revue par les pairs.
Au-delà de ces initiatives internationales, je voudrais pour conclure vous donner quelques exemples de l'action quotidienne de mon ministère.
Tout d'abord, à mon arrivée, j'ai lancé une initiative en faveur des petites entreprises, qui vise en grande partie à les aider à intégrer le secteur formel. Car ne nous le cachons pas, si certaines entreprises, souvent de taille importante, ne sont pas fiscalisées ou ne respectent par les législations sociales ou environnementales, ce n'est généralement pas parce que l'administration ne les a pas identifiées.
Cette initiative est devenue aujourd'hui l'une des sept stratégies sectorielles prioritaires pour le gouvernement français, et sa mise en oeuvre se fera en lien étroit avec une autre initiative française, saluée par le FMI, qui vise à augmenter les ressources fiscales des pays en développement, pour leur donner les moyens de lutter contre la pauvreté et de réduire leur dépendance à l'égard des bailleurs de fonds.
Ces actions ne sont pas idéalistes, l'objectif n'est pas de faire disparaître du jour au lendemain le secteur informel, mais plutôt de cibler ces entreprises qui, loin d'être des micro-entreprises d'un ou de quelques salariés, sont organisées de manière structurée et néanmoins en marge de la légalité.
Deuxième exemple, l'implication de la société civile. C'est un des axes forts de notre coopération. Nous comptons par exemple doter nos ambassades de ressources supplémentaires pour leur permettre d'appuyer davantage des projets d'ONG locales. Nous avons également de nombreuses actions de renforcement de la gouvernance, au niveau des pays bien sûr, mais aussi dans le cadre de la décentralisation. C'est également le cas des contrats de désendettement et développement, qui constituent le dernier instrument d'aide créé en France depuis quelques années : nous veillons à associer la société civile à leur mise en oeuvre.
Vous le voyez, Mesdames et Messieurs, c'est bien d'un sujet majeur, d'une transversalité parfaite, que vous débattez lors de ce forum. Croyez bien que je porterai la plus grande attention aux idées et aux propositions qui y auront été exprimées.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 13 décembre 2004)