Interview de M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre, dans "Sport" du 17 décembre 2004, sur le soutien à la candidature de la ville de Paris pour l'accueil des Jeux olympiques de 2012.

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Média : jeunesse-sports.gouv.fr - Sport

Texte intégral

QUESTION : Monsieur le Premier ministre, la candidature de Paris 2012 est soutenu par près de 80% des Français. Qu'en pensez-vous ?
Jean-Pierre RAFFARIN (Réponse) : Les Français sont ambitieux pour leur pays. Ils aiment être en charge de grands événements, être rassemblés, sans clivage politique ni classe sociale, quelle que soit la couleur de la peau. C'est un sentiment très fort dans notre pays.
QUESTION : Redoutez-vous que la candidature provoque une fracture entre Paris et les régions ?
Jean-Pierre RAFFARIN (Réponse) : Non. Ces JO ne sont pas les Jeux de Paris, mais les Jeux planétaires, organisés par la France à Paris.Les Marseillais ou les Bordelais notamment, se sentent aussi concernés par cette candidature. Et puis les Français ont une relation d'amour avec Paris. Cette ville leur appartient.
QUESTION : Quels sont, à vos yeux, les atouts de la candidature de Paris 2012 ?
La ferveur populaire : regardez l'exemple de la Coupe du monde en 1998 ! Les valeurs de l'olympisme : On peut faire des Jeux qui seront à la hauteur de ces valeurs. Ce mot a une signification au pays des droits de l'homme, attaché au protocole de Kyoto, engagé pour la paix... Toutes ces notions sont très importantes pour l'olympisme.
QUESTION : Quels sont les autres atouts ?
Jean-Pierre RAFFARIN (Réponse) : Tous les acteurs sont rassemblés : mouvement sportif, monde politique, l'ensemble des institutions. Les options prises pour le village olympique, aux Batignolles, où le principe " d'humanité " est réaffirmé, donne du sens et sert le mouvement olympique. Et puis la France est un pays qui a le souci de l'ouverture, très engagé sur le plan diplomatique, mais sans agressivité. Nous respectons la candidature de Londres, de Madrid, celles des autres villes. J'étais avec Tony Blair il y a quelques jours, avec José Luis Zapatero , le Premier ministre espagnol : nous parlons des candidatures, mais de manière détendue, sans dénigrement. Notre candidature est sereine.
QUESTION : Quel est votre rôle précis dans ce projet ?
Jean-Pierre RAFFARIN (Réponse) : J'ai un ministre en première ligne, Jean-François Lamour. Pour ma part je fais en sorte que tous les départements ministériels s'engagent. Les Jeux concernent aussi bien le ministre de la Jeunesse et des Sports, que celui des Transports, de la Santé, de l'Intérieur, etc. En fait, je suis le demi d'ouverture, je distribue le jeu.
QUESTION : Les Jeux ne sont-ils qu'un moment hors norme dans la vie d'un pays ?
Jean-Pierre RAFFARIN (Réponse) : Bien sûr que non. Les sociétés modernes ont besoin de grands projets. Un projet de société comme les JO, c'est rassembleur, mais cela doit aussi être structurant pour la société. Pas seulement en terme d'équipements. Il faut y associer des objectifs sur le plan scolaire, social, etc. Je vais demander à chaque ministre d'exploiter au mieux ces Jeux, pour le profit des Français. Certains ont déjà commencé, spontanément.
QUESTION : Donnez-nous un exemple de structuration sociale...
Jean-Pierre RAFFARIN (Réponse) : Au début de la Coupe du monde, beaucoup ont souri en voyant les Parisiens unis sur les Champs-Elysées. Mais je crois que les questions d'intégration et le métissage de la société française sont vraiment apparus aux yeux des Français à cet instant. Le mondial a donc été structurant pour la société française.
QUESTION : Revenons au dossier. Qu'est ce qui vous parait le plus symbolique dans la candidature de Paris ?
Jean-Pierre RAFFARIN (Réponse) : L'espace d'humanisme des Batignolles. Le village sera au plein cur de la capitale, dans un espace vert. Le souci de la convivialité sera omniprésent. Ce sera une sorte de cité idéale, d' " Utopia ". Là, on va réunir de grandes stars, que tout invite à l'égoïsme, à l'individualisme, on va les placer dans un environnement protégé, humain et métissé extraordinaire. Vous vous rendez compte de la fenêtre sur le monde que cela représente ? Vous imaginez la somme d'humanité rassemblée ? Pour tous les athlètes, ces leaders du XXIe siècle, nous pouvons faire du passage aux Batignolles, ce que fut la fréquentation du quartier Latin à un moment de l'histoire intellectuelle. L'olympisme dépasse nos intérêts nationaux. C'est pour cela qu'il ne faudra pas sombrer dans le désespoir si nous ne sommes pas élus. Il n'empêche que nous n'avons pas laissé un millimètre au hasard dans le dossier de candidature.
QUESTION : Justement, vous avez un sentiment ou un pronostic sur l'issue de la bataille entre les villes ?
Jean-Pierre RAFFARIN (Réponse) : Dans toutes les compétitions, le grand champion ce n'est pas celui qui s'interroge sur la victoire ou la défaite. C'est celui qui prépare sa course, son combat et qui...
QUESTION :... oui mais là on ne se prépare plus, on est en déjà en course !
Jean-Pierre RAFFARIN (Réponse) : Bien sûr, nous vivons une étape, dans laquelle nous sommes mobilisés. Mais quand vous partez, champion ou homme politique, vous ne vous interrogez pas tous les matins si vous allez gagner ou perdre. Sinon, c'est invivable ! Vous y allez, vous avez fait votre travail, vous êtes tendu vers l'objectif. Nous sommes candidats pour servir l'olympisme. Sans arrogance. Et puis le bonheur de la victoire vaut le risque de la défaite.
(Source http://www.premier-ministre.gouv.f le 20 décembre 2004)