Texte intégral
Jean-Pierre ELKABBACH : Est-ce que vous aviez prévu le réveil du fauve ?
François BAYROU (Réponse) : Vous voulez dire la violence entre le président de la République et monsieur SARKOZY ? Je pense que cela pose un problème institutionnel très important. Je pense que c'est une crise politique vers laquelle on va et dont je n'imagine pas que l'on puisse sortir sans que les choses soient clarifiées.
Jean-Pierre ELKABBACH : Qu'est-ce qui vous choque ? Que le président de la République, à propos d'un de ses ministres, dise "Je décide, il exécute" ? Ils seront d'ailleurs tous les deux au Conseil des ministres aujourd'hui. Qu'il dise que personne n'est obligé d'être ministre ? Ce sont des évidences ! Pourquoi tout le monde est surpris ?
François BAYROU (Réponse) : En tout cas, la première n'est pas une évidence. Je ne partage pas cette conception du pouvoir dans laquelle les rapports entre le président de la République et un ministre seraient ceux de maître à serviteur. Je n'ai jamais pensé cela. La République, pour moi, cela ne fonctionne pas de la sorte. Je suis hostile à une République où tous les pouvoirs sont concentrés au sommet entre les mains du président de la République. A mes yeux, un ministre n'est pas un exécutant. C'est quelqu'un qui prend sa part de la charge du pouvoir, qui propose et qui doit assumer cette responsabilité politique. Et qui dit responsabilité, dit évidemment que ce n'est pas un exécutant.
Jean-Pierre ELKABBACH : Est-ce que le ministre numéro 2 ne l'avait-il pas trop défié ?
François BAYROU (Réponse) : Ce sont les rapports entre les deux hommes. Vous savez que j'ai prévu depuis le début que l'UMP conduirait inéluctablement - cette formule de parti unique - à des conflits de cet ordre. Mais aujourd'hui, il me semble que l'on est devant une crise.
Jean-Pierre ELKABBACH : A la place de Nicolas SARKOZY - d'ailleurs, vous n'êtes pas à sa place -, attendriez-vous des jours meilleurs ou démissionneriez-vous ?
François BAYROU (Réponse) : A sa place - et évidement, c'est lui qui prend la décision -, je n'aurais pas pu rester au Gouvernement.
Jean-Pierre ELKABBACH : Vous partiriez ?
François BAYROU (Réponse) : Oui, parce que lorsque vous êtes avec le président de la République, qui est la clef de voûte des institutions et celui, évidemment, avec lequel il faut avoir une confiance très grande, lorsque vous êtes dans un conflit aussi ouvert, qui prend tous les Français à témoin, comment voulez-vous que cela marche ? Comment voulez-vous que, par exemple, que Nicolas SARKOZY prépare le budget, puis que le président de la République, en direct, a contredit les orientations que le ministre de l'Economie a avancées ? Pour moi, il y a là quelque chose de tout à fait impossible, qui va poser un problème à court terme, voir à très court terme.
Jean-Pierre ELKABBACH : Vous pensez que Nicolas SARKOZY est poussé vers l'UMP, même s'il aurait des difficultés à en prendre la présidence ?
François BAYROU (Réponse) : Les affaires de l'UMP ne sont pas les miennes, parce que l'analyse que j'ai faite, depuis la première minute, est que cela ne pouvait finir que de cette manière.
Jean-Pierre Elkabbach : S'il part, est-ce qu'il n'est pas pulvérisé au bout de quelques temps ?
François BAYROU (Réponse) : C'est son affaire. Je ne m'intéresse, ce matin, avec vous, qu'à la crise politique qui est en train de se nouer en France. C'est tout de même quelque chose qui intéresse tous les citoyens français.
Jean-Pierre Elkabbach : Vous voulez dire que l'on ne peut pas vivre trois ans comme cela ?
François BAYROU (Réponse) : On ne peut pas vivre trois ans comme cela. A mon avis, on ne peut pas vivre trois mois comme cela, et probablement pas trois semaines comme cela.
Jean-Pierre Elkabbach : L'Europe : le président de la République choisit donc de consulter les Français, avec un référendum en 2005 on début 2006 ; votre réponse ?
François BAYROU (Réponse) : Je suis heureux de ce choix, parce que je l'avais demandé depuis longtemps. J'ai soutenu cette idée de constitution. La Constitution, si j'avais eu à l'écrire, on aurait pu l'écrire différemment, mais elle a un avantage majeur, massif, c'est qu'elle fait des Européens des concitoyens. Ils ont désormais la même loi fondamentale, ils vont avoir des règles qui vont pouvoir être transmise, j'espère, plus clairement. Et ces règles sont plus efficaces que le Traité de Nice, hélas, qu'on nous avait imposé.
Jean-Pierre Elkabbach : Vous avez l'intention, d'après ce que j'ai lu, de créer un comité pour les "oui". Avec qui ?
François BAYROU (Réponse) : Avec tous ceux, au-delà des frontières politiques habituelles qui seront pour le "oui", parce que ce référendum, cette consultation va obliger à l'engagement de tous les responsables qui veulent que la France assume un tel choix européen. Cela ne pourra pas se faire dans l'ambiguïté.
Jean-Pierre Elkabbach : Donc, les "oui" de l'UDF, les "oui" de l'UMP, les "oui" du PS, ensemble ?
François BAYROU (Réponse) : L'UDF aura l'avantage d'être le seul parti unanime dans ce choix. Les autres partis ont, à l'intérieur d'eux-mêmes des tendances qui s'opposent ou qui disent "oui". Nous, nous serons unanimes. Et cela aura un grand avantage : cela va effacer des clivages artificiels et faire apparaître des clivages réels dans la vie politique française. Et ceci, à mon sens, risque de changer le paysage politique. En tout cas, je le souhaiterais.
Jean-Pierre Elkabbach : Les propos élogieux et solidaires de Jacques Chirac à l'égard du Premier ministre, est-ce que cela le conforte ?
François BAYROU (Réponse) : C'est du commentaire politique, c'est assez peu important à côté de la crise profonde qui est en train de se nouer.
Jean-Pierre Elkabbach : Sur le départ d'Alain Juppé...
François BAYROU (Réponse) : Comment ne pourrait-on ne pas avoir une pensée pour l'émotion qui doit être la sienne et le sentiment qu'il traverse, en accomplissant cette démission - si c'est aujourd'hui, comme vous le dites -, une passe difficile. Et donc, naturellement, j'ai une pensée amicale pour lui.
(Source : Premier ministre, Service d'information du Gouvernement, le 15 juillet 2004)
François BAYROU (Réponse) : Vous voulez dire la violence entre le président de la République et monsieur SARKOZY ? Je pense que cela pose un problème institutionnel très important. Je pense que c'est une crise politique vers laquelle on va et dont je n'imagine pas que l'on puisse sortir sans que les choses soient clarifiées.
Jean-Pierre ELKABBACH : Qu'est-ce qui vous choque ? Que le président de la République, à propos d'un de ses ministres, dise "Je décide, il exécute" ? Ils seront d'ailleurs tous les deux au Conseil des ministres aujourd'hui. Qu'il dise que personne n'est obligé d'être ministre ? Ce sont des évidences ! Pourquoi tout le monde est surpris ?
François BAYROU (Réponse) : En tout cas, la première n'est pas une évidence. Je ne partage pas cette conception du pouvoir dans laquelle les rapports entre le président de la République et un ministre seraient ceux de maître à serviteur. Je n'ai jamais pensé cela. La République, pour moi, cela ne fonctionne pas de la sorte. Je suis hostile à une République où tous les pouvoirs sont concentrés au sommet entre les mains du président de la République. A mes yeux, un ministre n'est pas un exécutant. C'est quelqu'un qui prend sa part de la charge du pouvoir, qui propose et qui doit assumer cette responsabilité politique. Et qui dit responsabilité, dit évidemment que ce n'est pas un exécutant.
Jean-Pierre ELKABBACH : Est-ce que le ministre numéro 2 ne l'avait-il pas trop défié ?
François BAYROU (Réponse) : Ce sont les rapports entre les deux hommes. Vous savez que j'ai prévu depuis le début que l'UMP conduirait inéluctablement - cette formule de parti unique - à des conflits de cet ordre. Mais aujourd'hui, il me semble que l'on est devant une crise.
Jean-Pierre ELKABBACH : A la place de Nicolas SARKOZY - d'ailleurs, vous n'êtes pas à sa place -, attendriez-vous des jours meilleurs ou démissionneriez-vous ?
François BAYROU (Réponse) : A sa place - et évidement, c'est lui qui prend la décision -, je n'aurais pas pu rester au Gouvernement.
Jean-Pierre ELKABBACH : Vous partiriez ?
François BAYROU (Réponse) : Oui, parce que lorsque vous êtes avec le président de la République, qui est la clef de voûte des institutions et celui, évidemment, avec lequel il faut avoir une confiance très grande, lorsque vous êtes dans un conflit aussi ouvert, qui prend tous les Français à témoin, comment voulez-vous que cela marche ? Comment voulez-vous que, par exemple, que Nicolas SARKOZY prépare le budget, puis que le président de la République, en direct, a contredit les orientations que le ministre de l'Economie a avancées ? Pour moi, il y a là quelque chose de tout à fait impossible, qui va poser un problème à court terme, voir à très court terme.
Jean-Pierre ELKABBACH : Vous pensez que Nicolas SARKOZY est poussé vers l'UMP, même s'il aurait des difficultés à en prendre la présidence ?
François BAYROU (Réponse) : Les affaires de l'UMP ne sont pas les miennes, parce que l'analyse que j'ai faite, depuis la première minute, est que cela ne pouvait finir que de cette manière.
Jean-Pierre Elkabbach : S'il part, est-ce qu'il n'est pas pulvérisé au bout de quelques temps ?
François BAYROU (Réponse) : C'est son affaire. Je ne m'intéresse, ce matin, avec vous, qu'à la crise politique qui est en train de se nouer en France. C'est tout de même quelque chose qui intéresse tous les citoyens français.
Jean-Pierre Elkabbach : Vous voulez dire que l'on ne peut pas vivre trois ans comme cela ?
François BAYROU (Réponse) : On ne peut pas vivre trois ans comme cela. A mon avis, on ne peut pas vivre trois mois comme cela, et probablement pas trois semaines comme cela.
Jean-Pierre Elkabbach : L'Europe : le président de la République choisit donc de consulter les Français, avec un référendum en 2005 on début 2006 ; votre réponse ?
François BAYROU (Réponse) : Je suis heureux de ce choix, parce que je l'avais demandé depuis longtemps. J'ai soutenu cette idée de constitution. La Constitution, si j'avais eu à l'écrire, on aurait pu l'écrire différemment, mais elle a un avantage majeur, massif, c'est qu'elle fait des Européens des concitoyens. Ils ont désormais la même loi fondamentale, ils vont avoir des règles qui vont pouvoir être transmise, j'espère, plus clairement. Et ces règles sont plus efficaces que le Traité de Nice, hélas, qu'on nous avait imposé.
Jean-Pierre Elkabbach : Vous avez l'intention, d'après ce que j'ai lu, de créer un comité pour les "oui". Avec qui ?
François BAYROU (Réponse) : Avec tous ceux, au-delà des frontières politiques habituelles qui seront pour le "oui", parce que ce référendum, cette consultation va obliger à l'engagement de tous les responsables qui veulent que la France assume un tel choix européen. Cela ne pourra pas se faire dans l'ambiguïté.
Jean-Pierre Elkabbach : Donc, les "oui" de l'UDF, les "oui" de l'UMP, les "oui" du PS, ensemble ?
François BAYROU (Réponse) : L'UDF aura l'avantage d'être le seul parti unanime dans ce choix. Les autres partis ont, à l'intérieur d'eux-mêmes des tendances qui s'opposent ou qui disent "oui". Nous, nous serons unanimes. Et cela aura un grand avantage : cela va effacer des clivages artificiels et faire apparaître des clivages réels dans la vie politique française. Et ceci, à mon sens, risque de changer le paysage politique. En tout cas, je le souhaiterais.
Jean-Pierre Elkabbach : Les propos élogieux et solidaires de Jacques Chirac à l'égard du Premier ministre, est-ce que cela le conforte ?
François BAYROU (Réponse) : C'est du commentaire politique, c'est assez peu important à côté de la crise profonde qui est en train de se nouer.
Jean-Pierre Elkabbach : Sur le départ d'Alain Juppé...
François BAYROU (Réponse) : Comment ne pourrait-on ne pas avoir une pensée pour l'émotion qui doit être la sienne et le sentiment qu'il traverse, en accomplissant cette démission - si c'est aujourd'hui, comme vous le dites -, une passe difficile. Et donc, naturellement, j'ai une pensée amicale pour lui.
(Source : Premier ministre, Service d'information du Gouvernement, le 15 juillet 2004)