Interview de M. Pierre-André Wiltzer, ministre délégué à la coopération et à la francophonie, au quotidien ivoirien "Le Temps" du 9 février 2004, sur les relations franco-ivoiriennes et la contribution de la France à la consolidation de la paix et au processus de réconciliation nationale en Côte d'Ivoire.

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Média : Le Temps - Presse étrangère

Texte intégral

Q - Sous quels auspices sont placées les relations franco-ivoiriennes ?
R - Sous les auspices de l'amitié, du respect mutuel et de l'entraide fraternelle.
Nos deux pays ont une longue histoire commune, avec des bons moments et aussi des épreuves. Cela a créé des liens non seulement entre nos deux Etats mais aussi entre nos deux peuples.
Nous devons préserver cet acquis et ne pas laisser les circonstances le remettre en cause.
Après avoir failli sombrer dans la guerre civile, les Ivoiriens veulent aujourd'hui retrouver le chemin de la paix et de la réconciliation. Cette volonté a été fortement exprimée par le président Laurent Gbagbo dans son discours du 4 décembre dernier, où il a appelé à l'application intégrale de l'Accord signé à Marcoussis par les représentants de toutes les forces du pays, sous l'égide de la communauté internationale et en particulier de la CEDEAO.
La France soutient activement cette démarche qui peut seule permettre à la Côte d'Ivoire de sortir de la crise dans la paix et la dignité.
La France ne souhaite qu'une chose : voir la Côte d'Ivoire reprendre toute sa place en Afrique et sur la scène internationale et voir le peuple ivoirien reprendre la route du progrès. C'est cela qui est au cur des relations franco-ivoiriennes et qui doit y demeurer.
Q - Du côté ivoirien, on pense que les relations franco-ivoiriennes doivent être plus adultes. Qu'en pensez-vous ?
R - Depuis que la Côte d'Ivoire est devenue indépendante, nos relations avaient eu le temps de devenir "adultes" ! Depuis le début, à l'époque où le général de Gaulle et le président Houphouët-Boigny dirigeaient nos deux pays, la France a considéré la Côte d'Ivoire comme un Etat souverain. Cela n'a jamais changé depuis.
Mais le monde évolue et nos relations doivent s'adapter aux circonstances.
Après les événements qu'a vécus la Côte d'Ivoire depuis le 19 septembre 2002, la priorité doit être donnée à la consolidation de la paix, au rétablissement du fonctionnement des services publics et à la reconstruction. Cela va nous conduire à redéfinir ensemble notre dispositif de coopération.
Par exemple, fin 2003, d'un commun accord avec les autorités ivoiriennes, nous avons déjà commencé à orienter nos moyens vers l'appui au redéploiement de l'administration, à la préparation du programme de "Désarmement - Démobilisation - Réinsertion" et à un plan de formation des jeunes.
Car tout doit être fait pour favoriser le succès du processus de réconciliation nationale qui doit aboutir à l'organisation en 2005 d'élections libres, transparentes et ouvertes à tous.
En même temps nous devons, dans les prochains mois, rechercher ensemble, en tirant les leçons du passé, comment renouveler et adapter nos relations de coopération. C'est une coopération rénovée que nous devons imaginer. Elle devra s'inspirer du principe du partenariat, tel que les Africains l'ont défini dans le cadre du NEPAD. La France y est prête.
Q - Quelle interprétation avez-vous de la visite du président Gbagbo en France ?
R - Je pourrais me borner à vous dire que cette visite est naturelle entre dirigeants de deux pays comme les nôtres. Mais j'ajoute que son intérêt est renforcé par les circonstances : elle a lieu en effet à un moment charnière. Depuis décembre, le gouvernement de réconciliation nationale est à nouveau au complet et il travaille activement sous la direction du Premier ministre Seydou Diarra. Il a adopté les textes de lois prévus par l'Accord de Marcoussis ; les opérations de cantonnement et la réinstallation de l'administration ont débuté à l'ouest du pays. Bref, une dynamique du retour à la paix civile s'est enclenchée. Tout cela témoigne de la détermination du président Gbagbo et des responsables politiques ivoiriens, quels qu'ils soient, à sortir le pays de la crise et à repartir de l'avant. La France s'en réjouit car cela répond à ses espérances. Elle souhaite que cette visite marque le début d'une nouvelle étape dans nos relations et que notre amitié sorte renforcée des dures épreuves vécues au cours de la période écoulée.
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 9 février 2004)