Déclaration de M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie, sur l'égalité sociale et professionnelle entre les femmes et les hommes, Paris le 25 février 2000.

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Circonstance : Convention pour la promotion de l'égalité des chances entre les filles et les garçons, les femmes et les hommes dans le système éducatif à Paris le 25 février 2000

Texte intégral

Je suis très heureux d'être avec vous ici aujourd'hui, à l'occasion de la signature de la nouvelle convention pour la promotion de l'égalité des chances entre les filles et les garçons, les femmes et les hommes dans notre système éducatif. Cinq Ministres signent aujourd'hui cette convention et cela seul illustre l'importance que notre gouvernement porte à cette question.
Nous sommes accueillis dans ce lieu prestigieux, le Conservatoire National des Arts et Métiers, particulièrement associé à l'idée de promotion sociale tout au long de la vie , et je remercie l'Administratrice générale, Mme Paye-Jeanneney, première femme a occuper ce poste, de nous avoir permis d'organiser cette manifestation ici.
J'ai tenu à ce que vous tous ici, principaux acteurs et partenaires du système éducatif, soyez réunis. Et vous, personnels plus spécialement en charge de l'orientation des élèves et des étudiants, de la formation initiale et continue des enseignants, afin qu'ensemble nous uvrions pour la réalisation des mesures inscrites dans cette convention.
L'élaboration de cette convention a été l'occasion d'un travail interministériel important et d'une très large concertation. Elle va nous permettre après la signature en 1984 de la première convention de travailler à nouveau avec détermination sur ces problèmes. En effet, c'est la loi sur l'éducation du 10 juillet 1989 qui a donné pour mission au service public de l'éducation, de contribuer à l'égalité entre les hommes et les femmes.
Je remercie tout spécialement madame la Rectrice de Limoges, Mme Belloubet-Frier, d'avoir accepté la Présidence du Comité national de suivi et de pilotage de cette convention. Je la remercie également d'avoir bien voulu, à la demande de mon cabinet, travailler avec toute l'équipe de l'académie de Limoges, à tester la faisabilité des actions préconisées dans celle-ci.
D'une manière générale nous menons, dans le cadre de l'action du gouvernement, une politique volontariste pour faire progresser la parité dans l'encadrement supérieur du système éducatif. J'ai nommé ainsi, des directrices d'administration centrale et des rectrices. Mais nous avons également la volonté d'améliorer la place des femmes dans les Corps d'inspection. Il est par exemple anormal que les femmes qui composent très majoritairement le corps enseignant (62 %) soient si peu nombreuses dans les corps d'inspection (26 %). Nous essayons de comprendre et de lever les obstacles éventuellement statutaires qui handicapent particulièrement les femmes, comme l'impératif de mobilité par exemple.
Mais nous travaillons également à des améliorations statutaires de la filière ouvrière, afin que les ouvrières d'entretien et d'accueil puissent accéder, par voie de concours et de listes d'aptitude, au corps et grades supérieurs - ce qu'une spécialisation trop étroite rend impossible actuellement.
La Directrice de l'enseignement supérieur Francine Demichel a présenté les grandes lignes de la convention. Mes collègues ministres se sont également exprimés :
Je me contenterai donc d'insister sur deux points :
La formation tout au long de la vie
et les filières scientifiques et technologiques
Le concept même de formation tout au long de la vie est à instaurer dans notre pays, où le diplôme initial a un rôle encore trop déterminant pour l'ensemble d'une carrière. Lionel Jospin a initié cette démarche par la loi sur la validation des acquis professionnels en 1992. Nous irons plus loin aujourd'hui dans le cadre de la nouvelle loi sur la modernisation sociale. Notre ministère a d'ores et déjà fortement mobilisé la Direction de l'Enseignement scolaire et la Direction de l'Enseignement supérieur afin de faciliter les validations d'acquis professionnels. De nombreuses universités ont ainsi développé leur accueil et simplifié leurs procédures .
Ces mesures permettent et permettront mieux encore de reconnaître les acquis et l'expérience.
Les nouvelles dispositions législatives bénéficieront particulièrement aux femmes adultes dont la formation initiale était généralement inférieure à celle des hommes et dont les parcours professionnels ont été plus discontinus.
De la même manière, la licence professionnelle qui vient d'être créée devra accueillir un public diversifié, parmi lesquels bien sûr des jeunes femmes, leur offrant ainsi une reprise ou une poursuite d'études vers des filières plus professionnelles, l'acquisition d'une spécialité nouvelle ou une double compétence. Cette fluidité et cette mixité du public offriront un avantage, en premier lieu, pour les jeunes filles dont l'orientation a pu s'avérer insatisfaisante.
L'étude " génération 92 " produite par le CEREQ, démontre en effet qu'elles sont particulièrement nombreuses à certains niveaux, notamment dans les secteurs du secrétariat et du textile, à se retrouver sans perspectives.
Car l'égalité des chances, c'est donner et redonner les mêmes chances à toutes et à tous, tout au long de la vie.
En ce qui concerne les femmes dans les métiers scientifiques et technologiques, la France partage les préoccupations européennes formulées dans la plate-forme d'actions présentée au Conseil des ministres le 23 juin 1999 .Le gouvernement a souhaité améliorer, par la production de statistiques sexuées, la connaissance et la visibilité des situations respectives des hommes et des femmes.
Les premiers résultats sont clairs : Alors que les filles sont un peu plus de 40 % des élèves de terminale scientifique et 43 % des reçus au bac S, alors qu'elles réussissent mieux que les garçons
- en 1998, 82 % des filles ont eu leur bac S contre 76,9 % des garçons -, on n'en retrouve plus qu'un quart, environ, dans les classes préparatoires aux grandes écoles scientifiques (CPGE) et jamais au delà de 13 % dans les écoles d'ingénieurs et à Polytechnique. Dans les universités, les femmes sont majoritaires (56 %) : elles restent 56% des étudiantes en science de la nature et de la vie et 53 % en médecine/odontologie - ce dont nous pouvons nous féliciter. On n'en compte que 22 % en mathématiques, informatique et physique, et sciences de l'ingénieur.
Pourtant, dans les métiers scientifiques, les femmes sont plus nombreuses en France que dans d'autres pays européens (nous sommes dans le peloton de tête, bien avant les anglo-saxons, et les nordiques., pourtant souvent cités en exemple sur ces sujets.) Le pourcentage global de femmes Professeurs d'Université, de 14 %, figure dans les meilleurs d'Europe, et nous avons 34 % de Maîtres de conférence femmes - ce qui constitue un vivier très important pour l'avenir du Corps des professeurs .
En résumé , le système éducatif a largement progressé dans la scolarisation des filles, mais dans les matières scientifiques. Malgré une meilleure réussite scolaire de leur part, des progrès restent à accomplir pour favoriser l'accès des femmes aux filières les plus prestigieuses et aux plus hauts niveaux de diplômes, comme le doctorat par exemple. La réussite scolaire des filles constitue un atout pour le développement de notre pays et pour la place qu'il doit conquérir dans les défis à venir.
Cette convention doit donc aider en amont, à une meilleure orientation des filles comme des garçons vers des filières scientifiques, technologiques et les nouvelles technologies de l'information et de la communication.
Il ne s'agit pas, bien sûr, d'obliger les filles à s'investir dans des filières qu'elles ne souhaiteraient pas suivre, mais de donner une meilleure information aux élèves, aux étudiantes et à leur famille, afin d'éclairer leur choix sans préjugés et de leur faire prendre conscience des carrières qui seraient à leur portée. Et ce, à tous les niveaux de la formation. Un meilleur équilibre est là , comme ailleurs, profitable aux femmes et aux hommes. Nous avons tous à y gagner.
C'est pourquoi de nombreuses actions sont engagées, en particulier dans le cadre de la nouvelle Mission de la culture et de l'information scientifique et technique et des musées créée au sein du MENRT. Depuis un an, une campagne d'information " Femmes et Sciences " est en cours, avec le concours d'instituts de recherche, d'écoles et d'universités:
Deux expositions sur ce thème circulent dans les académies et servent de support à de nombreuses animations organisées localement. Le 8 mars prochain, par exemple, le rectorat de Paris organise avec la Cité des Sciences de La Villette, une journée d'information et de rencontres sur les métiers scientifiques ainsi qu'une présentation d'expositions destinées aux élèves et au personnel éducatif.
Dans le cadre de cette convention un colloque intitulé : "Sciences : pourquoi les filles ?" aura lieu en mai 2000 et lancera, dans un premier temps, une action sur un an. Organisé à l'attention des acteurs et responsables du système éducatif, de la culture scientifique, des services des droits des femmes, il aura pour objectif de créer, dans chaque académie, les conditions d'une action en partenariat et en profondeur inscrite dans la durée.
Les travaux réalisés seront présentés au cours d'un colloque de synthèse en mars 2001. Il donnera lieu à la rédaction d'actes et à leur publication. Le but de la politique à long terme que nous mettons en place, c'est d'aller vers une plus grande justice : de veiller à supprimer les handicaps subtils qui font que les filles ne trouvent pas encore les moyens de s'orienter selon leurs capacités.
Nous signons cette deuxième convention pour l'égalité des chances, c'est un premier pas ; les réflexions qui seront menées pendant un an, dans toute la France, en direction des lycéennes et des étudiantes et qui déboucheront sur un colloque national, nous aideront à avancer. Je vous remercie et vous souhaite bon courage pour votre travail.
(source http://www.education.gouv.fr, le 28 mars 2000)