Déclaration de M. Patrick Devedjian, ministre délégué à l'industrie, sur la politique énergétique de la France notamment, la relance de la politique des économies d'énergie, l'accroissement de la place des énergies renouvelables parmi des énergies diversifiées, le renforcement de la recherche sur les nouvelles technologies de l'énergie, Paris le 10 février 2005.

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Circonstance : 2 èmes rencontres parlementaires pour la maîtrise de l'énergie à Paris le 10 février 2005

Texte intégral

Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs les députés et sénateurs,
Mesdames et Messieurs,
Permettez-moi, en premier lieu, Monsieur le député Gatignol, de vous remercier chaleureusement de m'avoir invité à conclure cette matinée de travail. La diversité et la richesse des sujets qui ont été abordés ce matin et qui seront abordés cet après-midi illustrent les enjeux que recouvre la politique énergétique : satisfaire les besoins énergétiques croissants de la planète tout en préservant l'environnement et en luttant contre l'effet de serre est un sujet politique majeur pour le 21ème siècle.
La politique énergétique française vise ainsi à :
- garantir l'indépendance énergétique et la sécurité d'approvisionnement ;
- préserver l'environnement et renforcer la lutte contre l'effet de serre ;
- garantir un prix compétitif de l'énergie ;
- garantir la cohésion sociale et territoriale en assurant l'accès à tous de l'énergie.
Pour atteindre ces objectifs, dans le cadre du projet de loi d'orientation sur les énergies, qui a été adopté en 1ère lecture le 10 juin 2004 et que je souhaite voir adopté définitivement prochainement, j'ai présenté 3 axes pour un développement durable de l'énergie :
- relancer la politique des économies d'énergie,
- accroître la place des énergies renouvelables dans un bouquet énergétique diversifié,
- renforcer la recherche sur les nouvelles technologies de l'énergie.
Les économies d'énergie
Parce que l'énergie la moins coûteuse c'est encore celle qu'on ne consomme pas, le projet de loi introduit tout d'abord de nouvelles dispositions visant à maîtriser la demande énergétique dans les différents secteurs concernés et en particulier dans les secteurs du transport et du bâtiment, qui ont été l'objet de vos deux premières tables rondes.
Le transport
Le secteur des transports constitue la principale source de pollution de l'air et d'émissions de gaz à effet de serre. L'Etat doit donc veiller à réduire, autant que possible, toutes les émissions polluantes des véhicules et à favoriser une organisation urbaine limitant les déplacements.
A cette fin, il encourage, au niveau international et européen, la négociation d'accords en vue de réduire les émissions de dioxyde de carbone des automobiles neuves, les consommations liées à l'usage de la climatisation et des autres équipements auxiliaires des véhicules ou encore les émissions de gaz à effet de serre des avions.
Au niveau national, il soutient le développement et l'achat de véhicules moins consommateurs d'énergie, notamment par une meilleure information des consommateurs et les crédits d'impôt pour l'achat des véhicules propres : véhicules électriques ou véhicules fonctionnant au gaz de pétrole liquéfié (GPL) ou au gaz naturel véhicules (GNV).
Par ailleurs, l'Etat doit sensibiliser les collectivités territoriales compétentes afin qu'elles définissent des politiques d'urbanisme permettant d'éviter un étalement urbain non maîtrisé et facilitant le recours aux transports en commun.
Le bâtiment
S'agissant du secteur des bâtiments, le projet de loi prévoit une révision de la réglementation thermique pour les bâtiments neufs et introduit le principe d'une performance énergétique minimale des bâtiments anciens lorsqu'ils font l'objet de travaux significatifs. Cette disposition revêt une grande importance eu égard aux gisements que recèle ce secteur.
Le projet de loi prévoit en outre :
- des études de faisabilité technico-économiques préalables à la construction ou à la rénovation d'un bâtiment ;
- des inspections régulières des appareils de chauffage et des systèmes de climatisation ;
- des diagnostics de performance énergétique qui seront demandés lors de la vente ou de la location d'un bien immobilier.
En complément de ces outils réglementaires, le projet de loi introduit des outils économiques : crédits d'impôts et certificats d'économie d'énergie.
Le projet de loi avait prévu une augmentation du crédit d'impôt pour inciter des particuliers à investir dans des équipements de production d'énergie utilisant des énergies renouvelables ou permettant des économies d'énergie. La loi de finances pour 2005 a concrétisé cette démarche en doublant les plafonds des dépenses prises en compte et en appliquant des taux différenciés de 25 % pour les économies d'énergie et de 40 % en faveur des énergies renouvelables. Ces dispositions sont entrées en vigueur à compter du 1er janvier 2005.
Par ailleurs, le projet de loi crée un dispositif nouveau : les certificats d'économies d'énergie. Ce dispositif est un moyen efficace pour mobiliser les acteurs du secteur énergétique et responsabiliser la société civile, tout en limitant les dépenses publiques. Ce mécanisme des certificats d'économies d'énergie prend la forme d'un marché et s'appuiera donc sur la création :
- d'une offre : les actions engagées au-delà d'une activité habituelle permettant de nouvelles économies d'énergie donneront lieu à l'attribution de certificats, y compris aux collectivités territoriales ;
- d'une demande : des obligations d'économies d'énergie seront imposées aux vendeurs d'énergie présents sur le marché de l'habitat et du tertiaire qui s'en acquitteront en restituant un nombre équivalent de certificats.
L'émulation réciproque des acteurs servira donc l'intérêt général par l'exploitation des gisements d'économie d'énergie les plus accessibles économiquement.
Un bouquet énergétique diversifié
L'horizon énergétique mondial est marqué par plusieurs incertitudes : incertitudes sur le prix et les ressources en énergies fossiles, interrogations sur le rythme, l'ampleur et les effets du réchauffement climatique, recherches encore en cours sur la gestion à long terme des déchets radioactifs. Dans ce contexte, la prudence plaide pour un bouquet énergétique diversifié et c'est le second axe du projet de loi.
Un bouquet énergétique diversifié c'est d'abord le maintien de l'option nucléaire ouverte à l'horizon 2020, essentielle tant pour notre compétitivité que pour notre contribution à la lutte contre l'effet de serre. La loi prévoit la mise en service d'un réacteur nucléaire de conception récente à l'occasion de la prochaine programmation pluriannuelle des investissements, aux environs de 2012. Je salue à cette occasion l'engagement du député Gatignol, qui a plaidé pour la construction d'un EPR à Flamanville. Au-delà de 2012, le nucléaire constituera une source d'énergie durable à condition qu'un haut niveau de sûreté continue d'être maintenu, que des solutions sûres et pérennes soient définies et mises en uvre pour tous les déchets radioactifs et enfin que l'information du public et la transparence soient assurées.
Les énergies renouvelables doivent être les autres " fleurs " du bouquet énergétique français. Le développement des énergies renouvelables, notamment électriques, permettra de renforcer notre sécurité d'approvisionnement tout en luttant contre l'effet de serre.
La France souscrit à l'objectif européen qui consiste à porter à 21 % la part des énergies renouvelables dans la production d'électricité à l'horizon 2010. Je souhaite que cet objectif soit poursuivi en veillant à la fois à l'acceptation des nouvelles unités de production, je pense notamment aux éoliennes, et à la maîtrise des coûts de l'électricité ainsi produite.
Pour ce faire, il est indispensable de préserver et d'optimiser notre potentiel hydraulique, en favorisant le turbinage des débits minimaux laissés à l'aval des barrages, en améliorant la productivité des ouvrages actuels et en favorisant la création de nouvelles installations. Les 60 TWh (terawattheure) hydroélectriques actuels représentent l'essentiel de notre production d'énergies renouvelables et constituent un atout important pour le respect de nos engagements européens : tout en respectant les autres usages, il faut préserver ce capital et le développer.
Il importe également de développer de nouvelles sources d'énergie, notamment l'éolien et la biomasse. Le double mécanisme, d'une part des tarifs et de l'obligation d'achat, d'autre part des appels d'offres, doit permettre de créer la dynamique nécessaire au développement de ces filières, qui pourraient être compétitives dès 2015.
Ainsi, conformément aux dispositions de l'arrêté relatif à la Programmation Pluriannuelle des Investissements de production d'électricité (PPI), trois appels d'offres ont été lancés en 2004. S'agissant de l'appel d'offres portant sur la biomasse et le biogaz, 15 projets ont été retenus pour un total de 232 MW (mégawatts). Les projets déposés au titre de l'appel d'offres éolien terrestre et éolien off-shore sont en cours d'examen. En fonction des résultats, de nouveaux appels d'offres pourront être lancés.
La diversification de notre bouquet énergétique nécessite aussi de développer la production de chaleur renouvelable ou encore les biocarburants. L'Etat se fixe à l'horizon 2010 une augmentation de 50 % de la production de chaleur d'origine renouvelable grâce à la valorisation énergétique du bois et de la biomasse, des déchets et du biogaz, du solaire thermique et de la géothermie, en particulier de la géothermie basse énergie, à travers le développement des pompes à chaleur. Il se fixe aussi un objectif de 5,75 % pour la part des biocarburants dans la teneur énergétique totale d'essence et de gazole.
En complément de ces dispositions, le projet de loi d'orientation encourage les collectivités territoriales à recourir aux sources d'énergies renouvelables, soit par des autorisations de dépassement du coefficient d'occupation des sols (COS), soit en recommandant l'utilisation de celles-ci dans certaines zones.
L'importance des nouvelles technologies de l'énergie (NTE)
Les mesures que je viens de présenter sont indispensables. Elles nous permettront d'assurer notre sécurité d'approvisionnement tout en gardant un prix compétitif de l'énergie et en luttant contre l'effet de serre. Mais, à elles seules, elles ne permettront pas d'atteindre l'objectif de réduction par 4 des émissions de gaz à effet de serre à l'horizon 2050 que s'est fixé le Gouvernement ; pour cela, il faudra des ruptures ou des percées technologiques : c'est le troisième axe du projet de loi.
Le Gouvernement entend renforcer l'effort de recherche public et privé dans le domaine des nouvelles technologies de l'énergie : les bio-énergies, et les piles à combustible dans les transports, le solaire, et les bâtiments à énergie positive, la séquestration du CO2 dans l'industrie, les réacteurs nucléaires de quatrième générationAutant de pistes pour mettre en place un développement durable de l'énergie, à la fois économique et écologique, et qui représentent des opportunités formidables pour les industriels français.
L'Agence de l'innovation industrielle et l'Agence nationale de la recherche sont les deux piliers de la nouvelle politique de recherche, de développement et d'innovation voulue par le président de la République et par le Gouvernement. Elles auront un rôle important dans le développement des nouvelles technologies de l'énergie.
Comme vous le savez, le Président de la République a indiqué dans son premier discours de l'année 2005, son souhait de relancer une politique ambitieuse de grands programmes industriels dans des filières technologiques dynamiques susceptibles de contribuer de façon significative à la croissance de l'économie et à la création de nouveaux emplois. M. BEFFA, Président de Saint-Gobain lui a remis des propositions pour concrétiser cette politique qui constitue une priorité forte pour le Gouvernement.
Il s'agit, en premier lieu, de mettre en place une bonne coordination entre la recherche publique et les entreprises et d'aider celles-ci à assurer les risques importants auxquels elles doivent faire face. Le volontarisme public des États-Unis et du Japon illustre une politique efficace de soutien aux industries de haute technologie, qui doit nous inspirer.
L'Agence de l'Innovation Industrielle sera opérationnelle dès juin prochain pour lancer et financer des programmes mobilisateurs sélectionnés en étroite coordination avec les acteurs privés.
Placée sous l'autorité du Premier Ministre, elle sera dotée, entre 2005 et 2007, d'au moins 2 milliards d'euros de crédits et s'articulera avec les autres structures publiques intervenant en matière de recherche, d'aide à l'innovation, d'aide aux entreprises et au développement des territoires. Les nouvelles technologies de l'énergie seront assurément l'une des priorités de cette agence.
L'ensemble de ces mesures de politique énergétique - maîtrise des consommations d'énergie, développement des énergies renouvelables, maintien de l'option nucléaire ouverte - s'inscrit dans un développement économique durable de notre pays, poursuivant tant des objectifs de croissance et de compétitivité, que des objectifs de protection de l'environnement ou sociaux.
Il est primordial que l'action du Gouvernement, puisse être relayée par des démarches collectives, que ce soit par des syndicats professionnels, par des collectivités locales pour la maîtrise de l'énergie, par des grandes entreprises.
Je ne verrais que des avantages à ce que les acteurs économiques se rassemblent pour promouvoir les économies d'énergie comme ils ont su se structurer pour promouvoir les énergies renouvelables.
L'implication de chacun, de l'Etat jusqu'au consommateur, en passant par les collectivités territoriales et les entreprises, est une condition essentielle du succès de cette politique énergétique. C'est aussi le grand mérite d'événements comme celui qui est organisé aujourd'hui de contribuer à l'information sur ce sujet, ô combien important, de fournir une occasion d'expliciter nos choix politiques, et je l'espère, d'en permettre la compréhension et l'appropriation par le plus grand nombre.
Je vous remercie de votre attention.

(Source http://www.industrie.gouv.fr, le 17 février 2005)