Texte intégral
Le Télégramme : Vous venez visiter l'énorme chantier de l'adaptation de l'Ile Longue au nouveau missile M 51. Quel est l'enjeu militaire de ce chantier pour la FOST, la Force Océanique Stratégique, et économique pour la région ?
Michèle Alliot-Marie : Le missile balistique stratégique M 51 vise à garantir la crédibilité dans l'avenir de notre stratégie de dissuasion. C'est un programme d'une importance essentielle pour la modernisation de la FOST. Le programme M 51 sera opérationnel en 2010 sur le quatrième sous-marin nucléaire lanceur d'engins (SNLE) Le Terrible, et équipera ensuite les autres SNLE du cycle opérationnel.
L'impact économique de l'arrivée des M 51 à l'Ile Longue est d'ores et déjà visible au niveau régional, voire au-delà. En effet, pour la première fois depuis 30 ans, c'est l'ensemble du site qui fait l'objet de travaux d'adaptation. Il s'agit du plus grand chantier de génie civil de la région, et même de l'Ouest de la France.
Le montant total des opérations s'élève environ à 600 millions d'euros. Aujourd'hui, 50 marchés ont d'ores et déjà été notifiés, 15 autres le seront avant l'été. Les retombées pour les entreprises de la région, notamment le bâtiment et les travaux publics, sont donc considérables.
Q. Selon le dernier rapport de la Cour des Comptes, malgré les efforts consentis depuis votre arrivée au ministère de la défense, l'armée française est encore restreinte dans ses capacités d'action et ne retrouvera pas le taux de disponibilité des matériels de la décennie précédente. Qu'en est-il exactement ?
R. Je partage un certain nombre des constatations de la Cour des Comptes, qui s'est notamment inquiétée de la dégradation du taux de disponibilité opérationnelle des matériels. A mon arrivée au ministère de la défense, j'avais fait le même constat. Le taux de disponibilité de certains de nos matériels était particulièrement bas.
Les raisons en étaient connues : un matériel vieillissant, l'absence ou le retard de programmes nouveaux et des budgets d'entretien des matériels insuffisants. Le vieillissement du matériel a affecté en particulier les avions de transport et les hélicoptères, mais aussi les bâtiments de la marine, notamment de la flotte de surface.
Dès lors, je me suis employée à redresser la situation par un effort budgétaire très important ; il s'agit d'une priorité de mon ministère depuis 2002, et le rapport de la Cour constate et souligne les nombreuses mesures qui ont été prises. Des crédits importants ont été consacrés au maintien en condition des matériels, notamment avec le doublement en 2004 des achats de pièces de rechange par rapport à 2002 pour la Marine. D'autres crédits ont été affectés au renouvellement de nos matériels par le biais du budget d'équipement qui a fortement progressé depuis 2002.
Aujourd'hui, grâce aux efforts consentis, on constate un net redressement du taux de disponibilité avec une progression de 8 points pour la Marine pour 2004. Cela est particulièrement visible pour les bâtiments de surface. Par ailleurs, conformément aux recommandations du rapport, la réorganisation des relations entre le service de soutien de la flotte et DCN a, elle aussi, d'ores et déjà contribué au redressement de la situation.
Nous poursuivons cet effort et la réorganisation des structures intégrées d'entretien afin de mettre en place les procédures les plus efficaces possible.
Q. La Jeanne d'Arc a mis le cap sur Sumatra. Irez-vous la rejoindre ? Dans une zone d'Asie aussi éloignée de notre aire d'influence, la France peut-elle jouer un rôle significatif en matière d'aide internationale aux victimes du Tsunami ?
R. Face à une catastrophe de cette ampleur, notre souci et notre action répondent au seul critère de l'efficacité humanitaire. La France a décidé d'apporter son aide dès les premières heures de la crise. Le ministère de la Défense a tout de suite été sollicité parce c'est souvent vers les armées que se tournent les Etats lorsqu'une très grande réactivité et des moyens importants sont nécessaires.
A la demande du président Chirac, le ministère de la Défense a mis en place un dispositif de réaction immédiate en cas de catastrophe naturelle. Il s'appuie sur l'expérience acquise à la suite des séismes qui avaient frappé l'Algérie et le Maroc. Au cours du drame de ces dernières semaines, nous avons ainsi su immédiatement. Dès le 26 au soir, quelques heures seulement après l'arrivée des tsunamis, nous avons mobilisé et mis en oeuvre des moyens aériens et navals et des personnels militaires de la Sécurité civile, du service de santé des armées et de la gendarmerie.
Depuis, nous avons poursuivi notre effort pratiquement chaque jour, nous avons envoyé sur le terrain des gros porteurs, équipés en version sanitaire, afin de rapatrier des Français, mais aussi des Européens, d'envoyer des tentes réfrigérées pour conserver les corps qui seront rapatriés après identification, et d'acheminer de l'aide humanitaire au profit des populations locales.
Après le départ de la Jeanne d'Arc et du Georges Leygues le 4 janvier, avec 6 hélicoptères, des médicaments et de l'eau potable, j'ai décidé le 6 janvier d'accroître encore les moyens en dépêchant 5 hélicoptères par voie aérienne et le Dupleix. La France disposera ainsi de 12 hélicoptères, de trois navires et d'un avion de surveillance sur les zones sinistrées.
En matière d'organisation et de coordination à l'échelon européen, il reste des progrès à faire. Nous avons proposé de mettre en place une structure de coordination au niveau de l'Union européenne. Il serait souhaitable de disposer d'au moins une cellule permanente, d'un dispositif très léger, permettant, dans le cas d'une catastrophe comme celle-ci, de coordonner de manière immédiate les efforts de tous afin d'être plus rapides et plus efficaces sur le terrain au service des victimes.
Q. Pensez-vous que le référendum sur le traité constitutionnel soit bien engagé ?
R. La campagne sur le référendum sera par définition difficile. Elle demandera une mobilisation de tous les acteurs. Pour ma part, j'entends m'y impliquer fortement. Il nous faudra en effet faire face à deux risques.
Le premier, c'est naturellement celui d'un rejet du traité. Or, la Constitution prévoit des avancées dans tous les domaines, notamment celui de la Défense. Elle est une nouvelle base institutionnelle pour notre Union, sur laquelle nous nous appuierons pour renforcer le développement d'une véritable Europe politique.
Le second, c'est celui d'une forte abstention. La France a toujours joué un rôle d'entraînement envers ses partenaires. Une faible participation française donnerait l'impression que la France se désintéresse de l'Europe et ralentirait considérablement la poursuite de la construction européenne. Ce serait également un signe négatif donné aux nouveaux entrants, qui ont consenti de nombreux efforts pour nous rejoindre.
(Source http://www.défense.gouv.fr, le 12 janvier 2005)
Michèle Alliot-Marie : Le missile balistique stratégique M 51 vise à garantir la crédibilité dans l'avenir de notre stratégie de dissuasion. C'est un programme d'une importance essentielle pour la modernisation de la FOST. Le programme M 51 sera opérationnel en 2010 sur le quatrième sous-marin nucléaire lanceur d'engins (SNLE) Le Terrible, et équipera ensuite les autres SNLE du cycle opérationnel.
L'impact économique de l'arrivée des M 51 à l'Ile Longue est d'ores et déjà visible au niveau régional, voire au-delà. En effet, pour la première fois depuis 30 ans, c'est l'ensemble du site qui fait l'objet de travaux d'adaptation. Il s'agit du plus grand chantier de génie civil de la région, et même de l'Ouest de la France.
Le montant total des opérations s'élève environ à 600 millions d'euros. Aujourd'hui, 50 marchés ont d'ores et déjà été notifiés, 15 autres le seront avant l'été. Les retombées pour les entreprises de la région, notamment le bâtiment et les travaux publics, sont donc considérables.
Q. Selon le dernier rapport de la Cour des Comptes, malgré les efforts consentis depuis votre arrivée au ministère de la défense, l'armée française est encore restreinte dans ses capacités d'action et ne retrouvera pas le taux de disponibilité des matériels de la décennie précédente. Qu'en est-il exactement ?
R. Je partage un certain nombre des constatations de la Cour des Comptes, qui s'est notamment inquiétée de la dégradation du taux de disponibilité opérationnelle des matériels. A mon arrivée au ministère de la défense, j'avais fait le même constat. Le taux de disponibilité de certains de nos matériels était particulièrement bas.
Les raisons en étaient connues : un matériel vieillissant, l'absence ou le retard de programmes nouveaux et des budgets d'entretien des matériels insuffisants. Le vieillissement du matériel a affecté en particulier les avions de transport et les hélicoptères, mais aussi les bâtiments de la marine, notamment de la flotte de surface.
Dès lors, je me suis employée à redresser la situation par un effort budgétaire très important ; il s'agit d'une priorité de mon ministère depuis 2002, et le rapport de la Cour constate et souligne les nombreuses mesures qui ont été prises. Des crédits importants ont été consacrés au maintien en condition des matériels, notamment avec le doublement en 2004 des achats de pièces de rechange par rapport à 2002 pour la Marine. D'autres crédits ont été affectés au renouvellement de nos matériels par le biais du budget d'équipement qui a fortement progressé depuis 2002.
Aujourd'hui, grâce aux efforts consentis, on constate un net redressement du taux de disponibilité avec une progression de 8 points pour la Marine pour 2004. Cela est particulièrement visible pour les bâtiments de surface. Par ailleurs, conformément aux recommandations du rapport, la réorganisation des relations entre le service de soutien de la flotte et DCN a, elle aussi, d'ores et déjà contribué au redressement de la situation.
Nous poursuivons cet effort et la réorganisation des structures intégrées d'entretien afin de mettre en place les procédures les plus efficaces possible.
Q. La Jeanne d'Arc a mis le cap sur Sumatra. Irez-vous la rejoindre ? Dans une zone d'Asie aussi éloignée de notre aire d'influence, la France peut-elle jouer un rôle significatif en matière d'aide internationale aux victimes du Tsunami ?
R. Face à une catastrophe de cette ampleur, notre souci et notre action répondent au seul critère de l'efficacité humanitaire. La France a décidé d'apporter son aide dès les premières heures de la crise. Le ministère de la Défense a tout de suite été sollicité parce c'est souvent vers les armées que se tournent les Etats lorsqu'une très grande réactivité et des moyens importants sont nécessaires.
A la demande du président Chirac, le ministère de la Défense a mis en place un dispositif de réaction immédiate en cas de catastrophe naturelle. Il s'appuie sur l'expérience acquise à la suite des séismes qui avaient frappé l'Algérie et le Maroc. Au cours du drame de ces dernières semaines, nous avons ainsi su immédiatement. Dès le 26 au soir, quelques heures seulement après l'arrivée des tsunamis, nous avons mobilisé et mis en oeuvre des moyens aériens et navals et des personnels militaires de la Sécurité civile, du service de santé des armées et de la gendarmerie.
Depuis, nous avons poursuivi notre effort pratiquement chaque jour, nous avons envoyé sur le terrain des gros porteurs, équipés en version sanitaire, afin de rapatrier des Français, mais aussi des Européens, d'envoyer des tentes réfrigérées pour conserver les corps qui seront rapatriés après identification, et d'acheminer de l'aide humanitaire au profit des populations locales.
Après le départ de la Jeanne d'Arc et du Georges Leygues le 4 janvier, avec 6 hélicoptères, des médicaments et de l'eau potable, j'ai décidé le 6 janvier d'accroître encore les moyens en dépêchant 5 hélicoptères par voie aérienne et le Dupleix. La France disposera ainsi de 12 hélicoptères, de trois navires et d'un avion de surveillance sur les zones sinistrées.
En matière d'organisation et de coordination à l'échelon européen, il reste des progrès à faire. Nous avons proposé de mettre en place une structure de coordination au niveau de l'Union européenne. Il serait souhaitable de disposer d'au moins une cellule permanente, d'un dispositif très léger, permettant, dans le cas d'une catastrophe comme celle-ci, de coordonner de manière immédiate les efforts de tous afin d'être plus rapides et plus efficaces sur le terrain au service des victimes.
Q. Pensez-vous que le référendum sur le traité constitutionnel soit bien engagé ?
R. La campagne sur le référendum sera par définition difficile. Elle demandera une mobilisation de tous les acteurs. Pour ma part, j'entends m'y impliquer fortement. Il nous faudra en effet faire face à deux risques.
Le premier, c'est naturellement celui d'un rejet du traité. Or, la Constitution prévoit des avancées dans tous les domaines, notamment celui de la Défense. Elle est une nouvelle base institutionnelle pour notre Union, sur laquelle nous nous appuierons pour renforcer le développement d'une véritable Europe politique.
Le second, c'est celui d'une forte abstention. La France a toujours joué un rôle d'entraînement envers ses partenaires. Une faible participation française donnerait l'impression que la France se désintéresse de l'Europe et ralentirait considérablement la poursuite de la construction européenne. Ce serait également un signe négatif donné aux nouveaux entrants, qui ont consenti de nombreux efforts pour nous rejoindre.
(Source http://www.défense.gouv.fr, le 12 janvier 2005)