Déclaration de M. Philippe Douste-Blazy, ministre de la santé et de la protection sociale, sur les conditions de transposition de l'accord OMC-médicament du 30 aout 2003, Dakar le 21 novembre 2004

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Circonstance : Déplacement officiel au Sénégal, de M. Philippe Douste-Blazy, Ministre de la santé et de la protecion sociale, Dakar 21-23 novembre 2004

Texte intégral

Les Sénégalais dépensent cent fois moins pour leur santé que les Français et ont 50 fois moins de médecins par habitant.
Pourtant, alors même qu'ils ont une richesse par habitant d'à peine 490 $, ils jouissent d'un des meilleurs niveaux de santé de l'Afrique en général, et de l'Afrique de l'Ouest, en particulier.
En particulier pour le VIH/SIDA :
- prévalence stabilisée à 1,5 - 2 % (10 % en Côte d'Ivoire, 8 % Burkina Faso),
- séropositifs " connus " : 6000 personnes.
Pour comprendre ces résultats, il faut saluer :
- la culture sénégalaise : grande pratique religieuse (95 % de musulmans) et bonne culture de prévention/dépistage,
- la volonté politique du gouvernement : surtout sur le SIDA :
* 1986 : 1er programme dépistage des MST,
* 1998 : 1er programme africain de prise en charge des ARV,
* décembre 2003 : Président Wade rend des ARV gratuits
2700 personnes sous traitement en 2004
3000 en 2005 soit 50 % (3x5)
- la qualité des personnels soignants : Hôpital Principal qui a un vrai service d'urgences où personne n'est refusé (soins gratuits pour 30 % des malades, les autres, fonctionnaires ou salariés déclarés étant pris en charge par une mutuelle) + innovations de l'Institut Pasteur, dépistage gratuit au centre d'hygiène social...
J'ai donc choisi Dakar pour annoncer les conditions de la transposition de l'accord médicament
Malgré ces succès, l'épidémie de VIH/SIDA court toujours :
- dans le monde : 4,8 M de personnes infectées en 2003, 37,8 M de séropositifs, 20 M de tués (au moins...) depuis 1981, 3 M de tués en 2003.
- et demain, si l'on ne fait rien, dans les pays en développement : 68 M de personnes mourront du SIDA dans les 20 prochaines années, selon ONUSIDA, soit 8 M de plus que la population française !
Alors que faire ? Il faut augmenter l'aide publique au développement pour améliorer l'hygiène, l'éducation, les infrastructures de santé. Il faut donc changer d'échelle dans notre coopération et arrêter les saupoudrages.
En attendant, il faut des médicaments pour le SUD. Des médicaments adaptés, de qualité bien distribués et bon marché.
Pour cela, mon action suit 3 axes :
- la transposition de l'accord médicament de l'OMC pour des brevets gratuits
- l'appui aux ONG pour leur distribution
- l'appui financier à la prise en charge totale des malades (GIP Esther).
1) L'accord médicament :
- j'ai annoncé au président Lula il y a un mois que la France serait un des premiers pays au monde après le Canada, à transposer l'accord OMC sur les licences obligatoires spéciales.
- Aujourd'hui, après 2 mois de consultations en France, j'ai pu m'entretenir avec le Président Wade des conditions de cette transposition que nous souhaitons RAPIDE, EFFICACE et GENEREUSE.
RAPIDE :
- le texte du projet de loi français, préparé par l'INPI (institut national de la propreté intellectuelle) est prêt. Nous pourrons le soumettre au parlement français dès janvier.
- notre avance a poussé la commission européenne à présenter un projet de règlement il y a quinze jours. Tant mieux.
- notre stratégie consiste à convaincre les 25 d'adopter ce règlement le plus vite possible. Si nous échouons, alors, nous transposerons seuls en attendant.
TRANSPOSER A 25, C'EST MIEUX MAIS NOUS NE LAISSERONS PAS ATTENDRE LES PAYS DU SUD A CAUSE D'UNE PROCEDURE. C'EST CA, L'EXPRESSION DE NOTRE VOLONTE POLITIQUE.
EFFICACE :
- la transposition du texte, qu'elle soit française ou européenne doit garantir son efficacité.
- les ONG dénoncent la complexité de la procédure. Elles ont raison. J'ai donc personnellement veillé à :
* autoriser une demande groupée de licence obligatoire pour plusieurs molécules pour garantir la souplesse du dispositif pour les combinaisons (trithérapies en 1 comprimé). CAR c'est cela dont a besoin le SUD,
* autoriser les matières premières pharmaceutiques à bénéficier de l'accord (TRES IMPORTANT pour la CHINE) et donc pour les génériqueurs brésiliens
autoriser des procédures raccourcies dans les cas d'URGENCE SANITAIRE.
GENEREUSE :
- pas de liste de pathologie ou de médicaments arrêtée. Aucune maladie n'est donc exclue de l'accord,
- pas de liste de pays arrêtée = les pays pauvres NON membres de l'OMC pourront en bénéficier,
- les ONG pourront soumettre des demandes de licences aux côtés des pays bénéficiaires pour les aider
MAIS L'ACCORD MEDICAMENT, AUSSI PROMETTEUR SOIT-IL, NE RESOUDRA PAS TOUT. IL DOIT ETRE LE PILIER D'UNE STRATEGIE GLOBALE.
2) Une stratégie de distribution
- La difficulté des traitements en Afrique vient autant du prix des médicaments que de leur distribution.
- C'est pourquoi je souhaite lancer une réflexion avec les ONG sur la façon dont elles vont pouvoir aider à la distribution des " médicaments DOHA ".
- D'ores et déjà, je peux vous dire que la France militera pour que ces médicaments ne créent pas un réseau parallèle, mais confortent les réseaux des pays bénéficiaires dans le cadre des accords avec le fonds mondial.
- Je veillerai personnellement à ce que le fonds mondial, dont la France est 2ème contributeur, utilise la baisse du prix des médicaments pour augmenter son soutien aux réseaux de distribution.
- Pour être sûrs que les médicaments (et les bons !) arrivent à ceux qui en ont besoin, la France vient de débloquer la semaine dernière un fonds de coopération pour l'Afrique de 3,5 M d'euros qui permettra en 3 ans de :
former 60 agents ministériels sur le contrôle médicament
former 45 pharmaciens inspecteurs
créer 15 agences de contrôle du médicament
améliorer la gestion de 16 centrales d'achat.
3) Une stratégie de prise en charge totale
- Grâce au fonds mondial (contribution française x 3 : 150 M ),
- Grâce au GIP Esther (1 personne sous traitement sur 2 au Sénégal l'est grâce à eux)
Jean-Pierre Raffarin vient d'ajouter 5 M au budget initial du GIP de 15 M.


(Source http://www.sante.gouv.fr, le 25 novembre 2004)